Interview de M. Jean-Marc Ayrault, président du groupe parlementaire socialiste à l'Assemblée nationale, dans "La Nouvelle République du Centre-Ouest" le 29 septembre 1998, sur le bilan de la session parlementaire, les relations du gouvernement et de la majorité plurielle, le lien entre réforme du cumul des mandats et décentralisation, la réforme du mode d'élection des sénateurs.

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Média : La Nouvelle République du Centre Ouest

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« NR » : Quel bilan faites-vous des relations entre le Gouvernement et les parlementaires ?

« Un bilan très positif, même si, de-ci, de-là, on peut émettre quelques réserves. Je note que les ministres ont non seulement le souci de la concertation entre eux, mais qu'ils l'ont aussi avec les députés. Et que les parlementaires socialistes l'ont avec leurs électeurs.
« Nous avons tiré les leçons de l'expérience du pouvoir, pris la mesure des faiblesses et des dérives des années passées. Notre volonté est d'aider le Gouvernement à gérer au plus près des citoyens, tout en modernisant la France. »

« NR » Une partie de la majorité plurielle n'a pas voté certains textes. Que se passera-t-il pour la ratification du traité d'Amsterdam ?

« Les députés MDC et PCF ne voteront pas Amsterdam, comme ils n'avaient pas voté la résolution sur l'euro. Avant d'accéder au pouvoir, nous avions cette divergence, elle continue. Ne dramatisons pas ce moment, cette étape de la construction européenne. Nous devons accepter la diversité de la majorité plurielle. Car l'envie de travailler ensemble sur la durée est réelle.
« Le débat sur l'Europe, nous l'aurons aux élections européennes. Je note que les choses évoluent, y compris au sein du PCF, qui est devenu lui-même pluriel et qui débat. Il y a quelques années, le PCF était, comme le MDC d'ailleurs, beaucoup plus hostile à l'Europe. Aujourd'hui, ils divergent avec nous sur les méthodes, mais ils admettent le fait historique, l'étape nouvelle qui est franchie.
« La grande majorité des Français sait que l'euro se fera et veut que ça marche. C'est notre travail d'y contribuer. A nous aussi de répondre à l'aspiration à une Europe sociale qui ne serait pas soumise aux aléas boursiers, à une Europe qui prendrait à bras-le-corps le problème de l'emploi. »

« NR » : Toutes les grandes démocraties interdisent le cumul des mandats électifs. La France est en retard...

« Sur cette question, la droite et la gauche sont divisées. Un texte qui ne va pas aussi loin a été voté en première lecture à l'Assemblée. Le Sénat est très réservé, et on dit qu'il rejettera tout en bloc. Qu'il prenne ses responsabilités. En tout cas, le Gouvernement n'a pas l'intention d'ouvrir avec le Sénat une négociation politicienne qui aboutirait à un texte qui ne serait pas compréhensible pour les Français. »
« C'est vrai que la France a pris du retard. Mais je note que les pays qui pratiquent la règle « un homme-un mandat » sont aussi ceux qui ont une forme fédérale ou sont très décentralisés. Reprenons ce chantier, corrigeons ce qui doit l'être, et surtout approfondissons la décentralisation, en simplifiant et en clarifiant. Cumul des mandats et décentralisation sont deux questions intimement liées. »

« NR » : L'état de l'opposition vous inquiète ?

« Oui, parce qu'au-delà des intérêts politiques, mon souci est que la démocratie fonctionne. Et pour cela, il faut une opposition. Aujourd'hui, la droite est dans la panade idéologique. Par-delà les querelles d'hommes, elle est traversée par trois grands courants.
« A mon sens, elle n'en sortira, elle ne retrouvera une crédibilité que si elle traite bien le problème de l'extrême-droite et renonce, par un comportement républicain, à toutes les tentations. »

« NR » : On vient de renouveler un tiers du Sénat. Faut-il réformer la Haute Assemblée ?

« Je suis attaché au bicamérisme. Mais à l'évidence, il faut que le Sénat offre une représentation politique plus exacte de la France d'aujourd'hui. Pour cela, il faut changer le mode d'élection : élargir le champ d'application de la proportionnelle et élargir le corps électoral qui désigne les sénateurs afin qu'il soit plus urbain, à l'image de notre pays. »