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L’Est Républicain : Vous souhaitez élargie le champ de la consultation des usagers à un plus grand nombre d’opérations de construction d’ouvrages publics ? Lesquels par exemple et comment faire pour que cette consultation ne soit pas purement formelle ?
Émile Zuccarelli : Plusieurs textes rendent déjà obligatoire la consultation des usagers préalablement à la construction de certains ouvrages publics. Par exemple, à chaque fois qu’il y a expropriation pour cause d’utilité publique, ou encore lorsque le projet est d’une ampleur telle qu’il a une incidence sur le milieu naturel.
Mais les projets moins importants, et qui ne concernent que le domaine public, ne donnent pas lieu à consultation, alors même qu’ils peuvent avoir des conséquences pour les usagers. Je pense à la construction d’un ensemble immobilier conséquent pour accueillir des services publics sur un terrain appartenant déjà à la commune. Ainsi, le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations comporte une disposition qui comble cette lacune.
L’Est Républicain : Actuellement, l’administration dispose de quatre mois pour statuer sur une demande d’un particulier. Vous souhaitez réduire ce délai à deux mois. C’est bien, mais ne pensez-vous pas que c’est encore trop long pour des petits litiges qui empoisonnent la vie des gens ?
Émile Zuccarelli : Ces délais de réponse ont trait à des demandes émanant des usagers et non à des « litiges ». Le fait d’avoir besoin d’un permis de construire, ou de faire valoir ses droits à une prestation donnée auprès du service compétent pour l’obtenir, ne constitue en aucun cas un litige. J’espère que les débats parlementaires sur le projet de loi auront pour effet de souligner cette différence.
Ils exigent qu’un dossier de demande soit traité par un service administratif, c’est pour des motifs d’intérêt général, ou pour que les droits de tiers soient respectés. Ainsi, il est logique de demander l’autorisation pour installer un élevage polluant.
Si l’administration délivre des autorisations pour des projets insuffisamment étudiés, c’est la collectivité tout entière qui sera lésée. En revanche, sur des questions plus simples, les services doivent aller bien plus vite que les deux mois réglementaires. Par exemple, pour les demandes de titres d’identité, le ministère de l’intérieur étend son expérience des « titres-express » et arrive ainsi à réduire le délai de délivrance du document à quelques heures.
L’Est Républicain : Comment mettre l’administration au diapason des techniques modernes de communication pour permettre un meilleur accès du citoyen au document et à l’information administrative ?
Émile Zuccarelli : Trop souvent, l’administration a pris du retard. Par exemple, je trouve très regrettable que l’on ne puisse pas encore payer par carte bancaire à tous les guichets administratifs, mais cette technique sera généralisée en technologies de l’information, nous sommes résolus à ne pas rester en arrière et même à montrer l’exemple. D’ores et déjà, le réseau Internet est utilisé largement par les administrations, non seulement pour améliorer le travail des services, mais aussi pour créer de nouveaux modes de communication avec le public.
Ainsi, le site Admifrance diffuse les Journaux officiels, les principaux éléments de droit utiles à l’usager, et certains rapports produits par les services publics. Sur le même site, vous pouvez trouver les renseignements essentiels sur tous les formulaires nécessaires pour les diverses demandes qu’on peut avoir à adresser à l’administration, et dans quelques mois le site donnera directement accès aux formulaires eux-mêmes.
L’Est Républicain : Vous voulez supprimer l’anonymat administratif afin que chaque usager connaisse le nom de l’agent qui traite son dossier. Comment les fonctionnaires vivent-ils cette petite révolution ?
Émile Zuccarelli : La grande nouveauté, c’est l’élargissement de cette mesure à tous les services publics. Pour les agents de l’État, la levée de l’anonymat était prescrite depuis une circulaire du Premier ministre de janvier 1985. Ils ont eu le temps de s’y habituer. Dans les collectivités locales, l’exemple avait été suivi. Désormais, l’obligation est prévue par la loi.
Cette expérience déjà longue a montré que les fonctionnaires s’habituent très bien à cette « exposition au public », même si dans un premier temps des réticences avaient pu se manifester. Finalement, ils en retirent une plus grande conscience de leur place dans le fonctionnement de l’État.