Déclaration de M. Alain Madelin, ministre des entreprises et du développement économique chargé des PME et du commerce et de l'artisanat, sur son action en faveur des PME et entreprises individuelles, Paris le 9 février 1995, publiée dans "PMI France" de janvier février 1995.

Prononcé le 1er janvier 1995

Intervenant(s) : 
  • Alain Madelin - ministre des entreprises et du développement économique chargé des PME et du commerce et de l'artisanat

Circonstance : Commémoration du 50ème anniversaire de la CGPME à la Sorbonne, Paris le 9 février 1995

Média : PMI France

Texte intégral

Le ministre des Entreprises connaît bien les petits et moyens patrons : il sait leur parler. Le cap qu'il s'est fixé : miser sur les petits d'une part, sur l'entrepreneur plutôt que l'entreprise elle-même, car « 2 400 000 entrepreneurs qui font, chaque mois, la feuille de paie de leurs salariés et qui, par leur feuille d'impôt, font aussi la feuille de paie des fonctionnaires, et qui, par les charges qu'ils paient, assurent une large part de la solidarité nationale ». 2 400 000 entrepreneurs dont l'initiative est le seul vrai moteur de la croissance et de l'emploi.

Au slogan de la CGPME : « Il faut faire sortir définitivement l'État de l'entreprise »…, le ministre répond à la surprise générale : « Oui, l'État se mêle trop de la vie des entreprises.

Pendant plusieurs décennies, on a demandé toujours plus à l'État, toujours plus de subventions, toujours plus de réglementations.

Le résultat est là : trop d'impôts, trop de charges, trop de contraintes, trop de formulaires. C'est ce "toujours plusʺ que je combats avec vous. »

Ce que l'État doit cesser de faire ? Faisant les questions et les réponses, Alain Madelin ajoute : « Je pense comme vous que le rôle de l'État, c'est de faciliter la vie économique et non pas de la compliquer.

C'est pour cela que j'ai tenu à ce que la loi sur l'initiative contienne tout une série de dispositions sur la simplification administrative.

- Plus de la moitié de cette loi est consacrée à l'allégement des contraintes issues de la réglementation.
- Pour la première fois, le Parlement a légiféré sur la simplification administrative en reconnaissant des droits aux entreprises face aux administrations.

Nous avons ouvert de plein droit la transmission informatique des formalités administratives, c'est-à-dire ouvert la voie du "zéro papier" et de la pleine utilisation des immenses possibilités de l'informatique pour simplifier la vie des entreprises.

Et le 1er janvier 1996 au plus tard – dit la loi –, toutes les déclarations relatives aux salariés seront faites en un seul endroit, une seule fois. Mais je crois comme vous qu'il faut attaquer le mal par la racine : gouverner, réglementer, légiférer autrement.

Sortir l'État de l'entreprise, c'est bien. Gérer l'État comme une entreprise, c'est encore mieux. »

Répondant au président Rebuffel, le ministre précise qu'il faut « adapter le droit aux PME » : « Vous dites qu'il est coupable de traiter une multinationale à l'égal d'une PME de quartier. Oui, encore oui.

C'est d'ailleurs cette adaptation que nous avons engagée, en commençant par les plus petits ; en créant, à votre demande et avec vous, le statut tant attendu de l'entreprise individuelle, celui qui ouvre des droits nouveaux à 170 000 entrepreneurs.

"Avec vous, ai-je dit !" Merci au président Rebuffel, merci à la CGPME. Notre collaboration a été efficace.

Mais vous avez raison. Il faut poursuivre cette adaptation de notre législation et de notre fiscalité à la situation et aux particularités de nos petites et moyennes entreprises. Il faut adapter la fiscalité à la taille des entreprises. Parce que les PME payent l'argent qu'elles empruntent beaucoup plus cher que les grandes entreprises qui ont un accès direct aux marchés de capitaux et de fonds propres.

Il faut mieux adapter le statut social à la spécificité des PME car, à l'évidence, les relations sociales ne sont pas les mêmes dans une grande entreprise et dans une entreprise à taille humaine. Et pourtant on leur impose les mêmes contraintes.

Il faut faire évoluer les règles de la concurrence, parce que celle-ci n'est pas toujours loyale. Elle est encore trop souvent le combat du pot de terre contre le pot de fer. Votre confédération s'est toujours battue pour les libertés économiques et l'économie de marché. Mais, à juste titre, dans le cadre d'un "libéralisme tempéré", c'est-à-dire de règles du jeu équitables et d'un arbitre pour les faire respecter.

Tel est aussi le sens des nouvelles dispositions sur le droit de la concurrence que j'ai préparées et que je résumerais ainsi :

- Nul ne doit abuser de la situation de dépendance dans laquelle se trouvent son fournisseur, son client, son concurrent pour obtenir de lui des délais de paiement, des remises, des conditions de vente anormales.

- Nul ne doit exercer le même métier qu'un autre s'il ne porte pas les mêmes contraintes réglementaires. »

Le ministre fait aussi sien l'un des constats soulignés par Lucien Rebuffel :

« Il nous faut davantage d'entreprises moyennes dans notre pays. On le dit souvent : il y a en France presque deux fois moins d'entreprises moyennes qu'en Allemagne.

Parmi les causes qui expliquent ce sous-développement, il en est une forte – vous le dites vous-même : nous sommes l'un des derniers pays au monde qui pénalise fortement la transmission des entreprises d'une génération à une autre.

J'ai un sentiment de colère quand je lis dans un très officiel rapport de la commission du Plan sur la France de l'an 2000 qu'il s'agirait d'un faux problème, d'un problème économique marginal qui curieusement, par rapport au reste de l'Europe, n'appellerait pas de solutions particulières en France.

Je dis et je répète que le système est absurde. Ce système est anti-économique. Ce système est injuste. Il faut le changer !

Quand 80 000 emplois par an sont détruits à la suite de transmissions mal conduites, la solution de ce problème est probablement celle qui a le meilleur rapport qualité-prix dans notre lutte contre le chômage.

On dit souvent qu'il existe un fossé entre les entreprises, la politique et les administrations. En voilà un bel exemple.

Mais les propos que je tiens devant vous, ceux que vous allez sans doute tenir, cher président Rebuffel, montrent en tout cas que nous avons, nous, la même vision des choses.

Au point de nous rendre probablement interchangeables. La vigueur de mes propos pourrait laisser supposer parfois que je suis le président de la CGPME comme vous pourriez tout aussi bien être le ministre des PME par le réalisme et le sérieux de vos propositions.

Cette vision commune, elle se résume en quelques mots : ce sont les entreprises et les entrepreneurs qui sont les seules vraies sources de création de richesse et d'emplois. »