Texte intégral
Q. – Sans avoir l'air d'y toucher et sans qu'aucune décision n'ait été adoptée, l'Europe a peut-être changé de visage ou de stratégie économique au cours de ce week-end passé en Autriche par les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne. Le volontarisme pour entretenir la croissance et lutter contre le chômage, le désir de faire entendre un discours politique en face des gardiens du temple monétaire que seront demain les membres de la Banque centrale européenne, ont dominé cette rencontre. Gerhard Schröder, le nouveau chancelier allemand et Massimo d'Alema, le nouveau Premier ministre italien, ont fait une entrée remarquée, Gerhard Schröder surtout, qui a parlé d'un pacte pour l'emploi au niveau européen alors que Helmut Kohl affirmait que le traitement du chômage relevait exclusivement des politiques nationales. Autre nouveauté, l'engagement de la Grande-Bretagne à envisager des actions de défense commune alors qu'il y a quelques mois, Tony Blair ne voulait pas en entendre parler. Bref, l'Europe ressemble-t-elle davantage aujourd'hui à ce que souhaitait la France ? Une nouvelle dynamique s'est-elle instaurée ? Nous allons en parler avec vous au cours de ce Grand Jury auquel participent également Anita Hausser et Patrick Jarreau, ce Grand Jury étant retransmis en direct à la radio sur RTL, à la télévision sur LCI et l'essentiel de vos déclarations sera publié demain dans l'édition du « Monde ». M. Moscovici, ce sommet était-il un tournant dans la vie européenne ?
R. – Je n'y étais pas parce que vous savez que c'est une réunion de chefs d'État et de gouvernement…
Q. – Vous avez eu Lionel Jospin au téléphone.
R. – En effet, j'ai recueilli quelques impressions. Je n'y étais pas parce que c'est important que les chefs d'État et de gouvernement puissent se voir seuls. Je crois que l'aspect informel justement de cette rencontre était fondamental. Il faut qu'ils puissent se parler, qu'ils puissent avoir des échanges directs. Je crois que c'est ce qui a fait de ce sommet un sommet très important, un sommet d'évolution, un sommet pragmatique, un sommet progressiste effectivement qui d'une part a servi à souhaiter la bienvenue à Massimo d'Alema et à Gerhard Schröder – c'est important qu'il y ait de nouveaux membres dans la famille européenne –, et qui a été dans le sens du rééquilibrage de la construction européenne, un sens que le Gouvernement français effectivement souhaite depuis qu'il est aux affaires : le sens d'un rééquilibrage en faveur de la croissance et de l'emploi, le sens aussi d'une Europe qui soit plus proche des gens, qui tienne plus compte de leurs besoins, d'une Europe aussi qui essaie de se restructurer sur le plan institutionnel, sur le plan politique. Bref, une Europe plus politique et plus sociale effectivement. Est-ce un nouveau départ, je n'en suis pas sûr, mais en tout cas c'est peut-être le début d'un processus de réflexion qui ensuite doit trouver sa concrétisation dans les moments où on fait les décisions, c'est-à-dire dans les sommets formels. Le prochain est à Vienne en décembre.
Q. – Sommet progressiste, cela veut dire sommet de gauche ?
R. – C'est vrai qu'il y a aujourd'hui onze gouvernements qui sont dirigés par des socialistes ou des sociaux-démocrates avec des coalitions de gauche, de centre-gauche, diverses. Il y a deux autres gouvernements où les socialistes et les sociaux-démocrates participent à des coalitions. Il y en a deux qui sont dirigés par des gouvernements conservateurs. Mais pour autant, l'Europe ne se transforme pas en Internationale socialiste. Cela dit, j'observe que les thèmes qui sont choisis, les thèmes qui progressent, les thèmes dont on parle de plus en plus, la croissance, l'emploi, l'harmonisation fiscale, la cohésion sociale, peuvent peut-être emprunter à cela et ne sont pas sans rapport avec la nouvelle configuration politique de l'Europe.
Q. – Dans un sommet comme celui-ci, le président de la République, qui a été décrit par Gerhard Schröder comme étant un social-démocrate modéré, peut-il parfaitement se retrouver ?
R. – Vous savez, ne jouons pas sur les mots. La France à l'étranger et en Europe parle d'une seule voix. D'ailleurs, toutes ces réunions sont préparées par des rencontres autour du président de la République à l'Élysée. Cela a été le cas cette semaine et donc, il n'y a pas là-dessus la moindre divergence entre le Premier ministre et le président puisqu'ils représentaient tous les deux la France.
Q. – En somme vous lui savez gré d'avoir déposé le premier mémorandum social en 1996.
R. – De même, il peut aussi peut-être nous savoir gré d'avoir à Amsterdam, où on ne devait parler que du pacte de stabilité, que du Traité d'Amsterdam, d'avoir obtenu une résolution sur la croissance et l'emploi, d'avoir aussi poussé pour qu'il y ait à Luxembourg un sommet sur l'emploi. Honnêtement, je crois qu'en la matière, les mérites sont amplement partagés.
Q. – Mais ce qui est un peu surprenant, M. Moscovici, c'est que dans vos propos à l'instant comme dans ceux de Lionel Jospin il y a une quinzaine de jours je crois, lors d'une réunion du Parti socialiste européen, on sent plus que de la prudence, une certaine réticence à dire : oui, aujourd'hui, voilà, les principaux gouvernements européens sont des gouvernements de gauche. Avant chaque sommet européen, il y a une réunion du Parti socialiste européen. Là, les gens qui vont à la réunion du Parti socialiste européen, sont les mêmes ou presque que ceux que l'on retrouve aux sommets européens ensuite. Cette responsabilité de la gauche européenne qui aujourd'hui est en charge de l'Europe, en charge du passage à l'euro et de la suite, vous fait-elle peur ?
R. – Pas du tout, mais si vous voulez, il y a des faits. Il y a, je vous le répète, treize gouvernements en Europe ou les socialistes, les sociaux-démocrates, avec les Verts, avec les communistes, bref avec la gauche, sont soit aux responsabilités, soit partagent les responsabilités. C'est un fait. Ce n'est pas la peine de répéter tous les jours qu'il y a une Internationale sociale-démocrate, qu'il y a un Parti socialiste européen. On le voit bien. Mais je crois que s'il y a prudence là-dessus, c'est d'abord parce qu'il faut dire que ces partis sont différents, que les politiques demeurent nationales et la politique de la France est fixée en France. Lionel Jospin insiste toujours sur le fait qu'on doit agir à trois niveaux : au niveau mondial, international, – par exemple sur les mouvements de capitaux –, au niveau européen et au niveau national. Mais nous sommes très attachés à la Nation et nous ne nous confondons pas avec tel ou tel autres. Il y a des divergences, des différences entre Lionel Jospin, Tony Blair, Gerhard Schröder, Massimo d'Alema, quatre pays qui sont quatre pays européens qui sont dans le G7, qui sont dirigés par des socialistes ou des sociaux-démocrates, mais pas exactement les mêmes. Et donc, je crois que plutôt que de rappeler qu'il y a cette configuration politique, il est plus important que cela se manifeste dans les faits, qu'il y ait une thématique progressiste pour l'Europe, que l'Europe devienne non pas uniquement une construction technique, ou une construction monétariste, ou une construction monétaire, même si l'euro est quelque chose d'absolument fondamental. La pierre sur laquelle se bâtit et se développe l'Europe est importante mais il faut qu'elle ait aussi des compléments sociaux, des compléments politiques, bref que l'on marche bien sur tous les pieds, qu'on ait l'aspect économique et monétaire mais en insistant sur la croissance, qu'on ait l'aspect politique, qu'on ait l'aspect social. C'est plus que l'étiquette ; ce qui compte, c'est ce qu'il y a dans le flacon.
Q. – Justement, essayons peut-être de définir ce que pourraient être les priorités. L'an dernier, lorsque vous étiez allés à Amsterdam aussitôt après avoir gagné les élections législatives, vous vous étiez trouvé en face d'un projet de pacte de stabilité sur lequel les socialistes français avaient fait beaucoup de critiques et qu'ils ont finalement accepté en disant : ma foi, voilà, c'était parti, on ne pouvait pas faire autrement. Est-ce qu'à l'avenir, ce pacte de stabilité, dans la nouvelle configuration politique européenne, est toujours à vos yeux aussi contraignants ?
R. – C'est vrai que les majorités changent, comme le dit le président de la République. Mais, par-delà les gouvernements, il y a une continuité de l'État et il y a des engagements internationaux. Le pacte de stabilité était un engagement international de la France qui avait été pris déjà à Dublin avant que nous arrivions aux responsabilités et qui – devait être confirmé à Amsterdam. Il l'a été. Nous n'avons pas voulu, à ce moment-là, provoquer une crise européenne et je crois que nous avons eu entièrement raison. Donc, il ne s'agit pas de remettre en cause ce pacte de stabilité.
Q. – Donc les 3 % restent une règle à appliquer.
R. – Bien sûr, les 3 % d'ailleurs sont une règle à appliquer non pas tant parce qu'il y a les critères de Maastricht, mais parce que c'est une règle de bonne gestion. Je ne vois pas l'intérêt pour une économie comme la nôtre de s'endetter, de créer des déficits alors que justement nous sommes dans une situation où l'inflation est au plus bas, inférieure à 1 % en France.
Q. – Justement, justement.
R. – Nous devons être à même de maîtriser notre économie parce que cette stabilité est aussi un élément de croissance. On le voit avec l'euro. Aujourd'hui le fait d'avoir l'euro, le fait d'avoir cette stabilité, le fait de maîtriser les déficits budgétaires nous permet de résister à des tempêtes internationales et de rester capables de conduire une croissance forte. Mais j'en viens quand même au fond de la réponse : il n'est pas question de remettre en cause les engagements internationaux de la France, donc le pacte de stabilité existe mais on peut, on doit infléchir les priorités de politique économique et faire en sorte que la croissance, que l'emploi, que la lutte contre le chômage deviennent au même titre que la lutte contre l'inflation ou la réduction des déficits, des priorités pour l'Europe.
Q. – Mais quels sont les instruments de soutien à la croissance dont les gouvernements européens disposent aujourd'hui ?
R. – D'abord, il y a ces plans nationaux d'action pour l'emploi qui ont été décidés à Luxembourg, qui sont, comme leur nom l'indique, nationaux. Donc, chaque État mène la politique de l'emploi qu'il entend mener, la nôtre, on la connaît, elle repose sur un certain nombre d'outils. Il y a la loi contre l'exclusion, les emplois jeunes, les trente-cinq heures. Nous ne voulons pas imposer cela aux autres mais nous ne voulons pas non plus qu'on nous impose autre chose. Mais s'il y a liberté de moyens, il y a aussi convergence sur les objectifs. Les objectifs sont des objectifs chiffrés, quantifiés, la lutte contre le chômage des jeunes, la lutte contre le chômage de longue durée, le développement de l'effort de formation pour les demandeurs d'emploi et je note effectivement avec beaucoup d'intérêt que l'attitude de Gerhard Schröder n'est pas celle de Helmut Kohl : alors qu'on était tout à fait dans la subsidiarité, c'est-à-dire dans l'idée que la politique de l'emploi était seulement une compétence nationale, elle devient aussi une priorité pour l'Union. Cela veut dire par exemple qu'on doit pouvoir renforcer le caractère je ne dirais pas contraignant mais fort, puissant, de ces objectifs chiffrés, qu'on doit aller plus loin en la matière.
Q. – La politique de grands travaux que souhaite Lionel Jospin a-t-elle maintenant une chance réelle d'être mise en oeuvre ?
R. – Je crois que cette politique est nécessaire, car nous avons la stabilité, c'est vrai, et nous avons l'euro qui nous garantit d'une certaine façon contre les tempêtes spéculatives. Nous avons une croissance qui est assurée. D'ailleurs, j'observe avec intérêt qu'aujourd'hui il n'y a plus de polémique sur les prévisions de croissance qui sont faites pour l'an prochain. Je crois que c'est juste. En même temps, nous avons besoin de garantir cette croissance. Et c'est vrai qu'il y a un contexte plus favorable peut-être à une politique de grands travaux, à un grand emprunt. À Pörtschach, il y a eu une demande qui a été faite aux ministères de l'économie et des finances des Quinze d'expertiser cela. Nous verrons bien ce que cela donne.
Q. – Pourrait-on utiliser les réserves d'or comme le propose le ministre italien Ciampi, pour dégager un emprunt ?
R. – Je crois qu'il ne s'agit pas de créer de la monnaie et surtout il y a quelque chose de très important, c'est de ne rien faire qui puisse encore affaiblir le dollar par rapport à l'euro. Donc, il y a une modalité qui est proposé par Ciampi ou qui était plutôt proposée par Prodi. C'est une modalité parmi d'autres. En attendant, je crois qu'il est important de réfléchir sereinement, sérieusement à cette hypothèse d'un grand emprunt pour la croissance. Nous verrons bien.
Q. – Mais y croyez-vous ? Gerhard Schröder, lui, avait un peu souri la première fois qu'on lui a parlé de cela. Il n'est pas vraiment hostile aux grands travaux mais il semblerait que le gouvernement allemand, plutôt que de voir un grand emprunt être lancé, préférerait une sorte de redéploiement du budget européen pour en effet financer les grands travaux.
R. – C'est pour cela que je suis prudent là-dessus. Je crois que l'idée est là. Je crois que l'idée d'une stratégie de croissance pour toute l'Europe, l'idée d'une politique qui soit à la fois macro-économique et en même temps micro-économique, centrée sur l'emploi pour toute l'Europe, est une idée juste mais nous avons affaire à un gouvernement allemand ou plutôt à un futur gouvernement allemand. J'insiste quand même : le statut de Gerhard Schröder était particulier à Pörtschach puisqu'il ne sera investi que dans un ou deux jours. Il y a une plate-forme qui vient d'être décidée par le SPD et les Verts qui sont la coalition en Allemagne…
Q. – Enfin, il a bien des orientations !
R. – Oui, c'est vrai laissez-leur un peu le temps de prendre connaissance de tous les dossiers et la commande de tous les leviers de pouvoir, même si en même temps, on voit bien où ils veulent aller.
Q. – Gerhard Schröder, a dit une chose très importante, qui rejoint ce que la France demandait, à savoir que l'euro puisse s'exprimer dans les réunions monétaires internationales par la voix du président du Conseil de l'euro qui sera donc un ministre. Cela veut-il dire que désormais, il y aura une intervention du politique sur la conduite des affaires européennes ?
R. – Nous avons fait le Conseil de l'euro. C'est une décision fondamentale prise à Bruxelles en mai dernier. Nous avons obtenu d'assez haute lutte, – on s'en souvient, c'était à Luxembourg il y a un an –, la création d'un Conseil de l'euro. Et ce Conseil de l'euro est justement là pour que les gouvernements, pour que les ministres de l'Économie et des Finances discutent de tous les sujets qui peuvent concerner la zone euro, qui concernent aussi bien la politique budgétaire, la politique fiscale. Donc, il y a bien sur une responsabilité imminente des gouvernements et cette question que vous évoquiez de la représentation extérieure de l'euro, est une question posée. M. Schröder offre une solution : que ce soit le président du Conseil de l'euro. Il peut y en avoir d'autres. En toute hypothèse…
Q. – Mais comment cela va-t-il se passer avec le président de la Banque centrale européenne ? Il va dire : la monnaie, c'est mon domaine. De quoi vous mêlez-vous Monsieur le Ministre !
R. – Ne confondons pas tout. D'abord, je ne veux pas entrer trop dans ces détails-là mais il y a des gouverneurs de Banques centrales. Ils ont des responsabilités. Ce sont des Banques centrales indépendantes et il y a une Banque centrale européenne qui est également indépendante. Leurs responsabilités, c'est ce qu'on appelle la politique monétaire et donc, c'est la politique des taux d'intérêt. C'est une compétence entière et pleine. Et puis, il y a à côté de cela des gouvernements qui ont également des compétences…
Q. – Qui ont la responsabilité des taux de change en principe…
R. – Absolument, qui ont la responsabilité à la fois de la politique économique et de la politique de change.
Q. – Mais alors qui va l'exercer ?
R. – Je crois que je viens de dire comment les choses devaient fonctionner. La répartition des compétences est claire ; ensuite, il revient à chacun de prendre ses responsabilités.
Q. – On a tout de même l'impression que cela ne va plus se passer de la même façon que jusqu'à présent. Jusqu'à présent, il y avait M. Tietmeyer, président de la Bundesbank qui disait quelque chose, et puis l'Europe entière politique et monétaire, disait : Hans Tietmeyer a parlé, on obéit.
R. – C'est justement pour cela que nous avons voulu l'euro : pour que, justement, on n'ait plus une Banque centrale nationale qui domine les autres et qu'ensuite on s'accroche à elle, mais pour partager le pouvoir monétaire. C'est justement pour cela que nous avons un gouverneur ou plutôt un président du directoire de la Banque centrale européenne qui ne s'appelle pas Tietmeyer mais qui s'appelle Duisenberg.
Q. – Mais il ne veut pas s'en laisser conter non plus, lui !
II voulait agir comme M. Tietmeyer, c'est-à-dire que dans son esprit et dans l'esprit de beaucoup, lorsque M. Duisenberg aura parlé, tous les gouvernements européens devaient s'abstenir de faire un commentaire.
R. – La Banque centrale est indépendante et elle exercera ses responsabilités.
Q. – Mais est-ce que l'idée du gouvernement économique redevient ou peut redevenir d'actualité ?
R. – Écoutez, vous demanderez tout à cela à M. Dominique Strauss-Kahn quand il viendra devant vous, c'est le ministre de l'Économie et des Finances.
Q. – Oui, mais vous êtes le ministre chargé des Affaires européennes.
Pourquoi M. Jospin, pourquoi M. Blair, pourquoi M. Schröder, pourquoi M. d'Alema et tous les autres ont-ils parlé de baisse des taux d'intérêt en Autriche ?
R. – Ils ont parlé de politique de croissance. Je n'étais pas à Pörtschach et je ne veux pas faire de commentaires supplémentaires sur ce sujet.
Q. – Oui, mais vous avez dit tout à l'heure qu'il ne fallait pas laisser le dollar trop descendre par rapport à l'euro. Que faut-il faire pour éviter cela ?
R. – J'ai dit, – ce qui est je crois, juste –, que nous sommes dans une situation où le thème du rapport de change entre la zone euro et la zone dollar était un thème important. Là encore, ce sera aux responsables de prendre leurs responsabilités.
Q. – Des choses concrètes ont été dites par M. Lafontaine et M. Strauss-Kahn qui se sont rencontrés vendredi…
R. – M. Lafontaine et M. Strauss-Kahn sont assez grands pour faire le commentaire de leurs propres déclarations.
Q. – Oui, mais ils ont annoncé qu'il fallait stabiliser le taux de change entre le dollar et l'euro et qu'ils vont présenter un mémorandum franco-allemand qui parlera notamment de ce thème. Cela veut dire quoi ? Que l'on va faire un taux pivot entre l'euro et le dollar ?
R. – Il y aura un nouveau gouvernement en Allemagne demain. Cela veut dire deux choses : que les Français et les Allemands sont volontaires et disponibles pour qu'il y ait une relance franco-allemande – c'est très important parce que cela faisait quand même une bonne année que les choses étaient un peu immobilisées dans la perspective des élections allemandes et que l'on était un peu sur le stand-by ; la deuxième chose, que la France et l'Allemagne sont prêtes à envisager ensemble comment avancer vers une relance de l'Europe. On sait que le couple franco-allemand ou le moteur franco-allemand n'est pas une condition suffisante aujourd'hui pour que l'Europe avance mais c'est une condition qui est toujours absolument nécessaire. La rencontre entre Dominique Strauss-Kahn et Oskar Lafontaine s'inscrit dans ce cadre-là et qu'il y a effectivement un accord sur la perspective d'une politique plus volontariste pour la croissance, pour l'emploi et des idées que nous avons déjà exprimées, nous, Français. Donc, ne faisons pas comme si nous découvrions la lune, pour la stabilisation, pour la lutte contre la spéculation, pour un meilleur système monétaire et financier international qui permette justement d'éviter les crises : crise russe, crise du sud-est asiatique, crise brésilienne ou sud-américaine qui ont pu à un moment donné sembler devoir menacer la croissance du monde.
Q. – Et là vous croyez savoir qu'on a remporté un écho à Pörtschach sur cette question ?
R. – Bien sûr. Ne faisons pas comme s'ils n'avaient parlé de rien.
Q. – Pourquoi dites-le vous aussi timidement ? C'est une excellente nouvelle, non, c'est formidable ! Vous dites « bien sûr » comme si c'était une toute petite nouvelle.
R. – Mais honnêtement, vous êtes en train d'essayer de me faire dire des choses qui ont été dites dans un dîner auquel je n'étais pas…
Q. – Mais dont vous êtes parfaitement informé.
R. – Non, pas du tout, ne croyez pas cela. L'intérêt de ce sommet est justement qu'il soit, je le répète, informel et que les chefs d'État et de gouvernement puissent se parler librement et qu'ils puissent garder entre eux un certain nombre de directions qu'ils souhaitent voir emprunter à l'Europe plus tard.
Q. – Là, nous avons évoqué les problèmes de concurrence qui peuvent exister entre l'euro et d'autres monnaies mais à l'intérieur de l'Europe, il y a aussi des problèmes de concurrence, il y a des inégalités en termes de fiscalité notamment. La situation politique nouvelle peut-elle permettre d'avancer vers une harmonisation fiscale, entrevoyez-vous cela et à quelle échéance ?
R. – Je le crois. C'est un des thèmes dont on doit aujourd'hui parler de façon prioritaire parce que l'Europe représente pour beaucoup un certain nombre de sacrifices, y compris pour nous. Nous avons fait des avancées. Nous avons consenti à toute une série de directives qui peuvent toucher des services publics importants, je pense à l'électricité, je pense au gaz, je pense aux transports et là-dessus, nous avons été contre nos traditions nationales et nous n'avons pas hésité à toucher à certains intérêts français ou à certaines traditions françaises.
Mais toutes ces concessions que nous faisons ne doivent pas être unilatérales. Si dans le même temps, l'Europe n'est qu'un grand marché sur lequel peut s'exercer une concurrence entre les fiscalités, le compte n'y est pas et donc, il faut rééquilibrer cela encore et faire en sorte que la justice fiscale devienne un complément du marché intérieur. Le marché intérieur ne doit pas être uniquement une libéralisation mais aussi une régulation. C'est pour cela que ce dossier a commencé à évoluer l'année derrière : nous avons conclu à un code de bonne conduite fiscale. Il va falloir aller plus loin dans l'harmonisation fiscale, par exemple sur l'épargne ou sur les produits de l'épargne. Je crois que c'est un chantier qu'il va falloir ouvrir maintenant.
Mais je reviens une seconde sur Pörtschach : vous savez, peut-être les auditeurs ne le savent-ils pas, ce sont quinze chefs d'État et de gouvernement qui se rencontrent, seize puisque la France en a deux. Et ils parlent de tout, librement : ils ont parlé de la croissance, de la sécurité, de la défense, des institutions, tout cela à quinze. Donc, n'imaginez pas qu'ils ont pris des décisions. Encore une fois, c'était plutôt un sommet qui lançait une réflexion qu'un sommet de décisions mais ce que j'ai voulu dire et rien de plus, c'est que la priorité, la thématique avait été clairement marquée : la croissance, l'emploi, la cohésion sociale et l'harmonisation fiscale. Voilà quelques thèmes forts qui surgissent de ce sommet. Et j'en ajoute un autre qui est peut-être moins grand public mais tout aussi important : l'Europe a besoin de fonctionner mieux. Nous n'avons pas parlé des réformes institutionnelles de l'Europe. Il faudra qu'on y vienne, mais on a évoqué toute une série de modalités qui permettront à l'Europe de mieux fonctionner, être plus efficace, plus pratique et encore une fois plus démocratique parce que c'est un sujet qui préoccupe les Français et les Européens.
Q. – Avez-vous une idée de l'échéance ?
R. – Sur ce dernier sujet, par exemple, je crois qu'il y a trois périodes. Il y a des réformes qu'on peut faire tout de suite, faire en sorte que les mécanismes de décisions ministérielles, – par exemple je vais aller demain avec Hubert Védrine au Conseil affaires générales qui est celui des affaires étrangères à Luxembourg –, fonctionnent mieux, que ce soit une véritable fonction de coordination qui soit exercée par ces ministres-là, les ministres des Affaires étrangères et les ministres des Affaires européennes qui doivent travailler ensemble toujours systématiquement. Nous pouvons le commencer tout de suite. Il y a d'autres réformes institutionnelles qui sont à plus long terme, je pense à la réforme de la Commission qui doit redevenir un collège. Il faudrait que cela puisse être lancé au moment où nous changeons de Commission. De même, l'extension du vote à la majorité qualifiée… sur toutes ces questions, par exemple sur les questions fiscales, on doit pouvoir aller plus loin. C'est un peu du moyen terme. Et il y a le très long terme. N'oublions pas que l'Europe est à quinze aujourd'hui et qu'elle se prépare à être à vingt, vingt-cinq, dans la dizaine d'années qui vient.
Q. – Revenons-en à la fiscalité justement. En quoi l'harmonisation fiscale pourrait-elle peser sur les choix fiscaux du gouvernement français ? Le gouvernement français de Lionel Jospin axe plutôt ses efforts sur la TVA et sur d'autres taxes que sur l'impôt sur le revenu. Les Allemands, eux, au contraire font un gros effort pour la diminution de l'impôt sur le revenu, ce qui est d'ailleurs plutôt couramment appliqué dans d'autres pays européens. Alors y a-t-il en préfiguration de l'harmonisation fiscale, une modification de la fiscalité française, des orientations ?
R. – N'oublions pas que l'harmonisation fiscale a déjà largement eu lieu dans les années 88, 90 à 92 quand justement nous avons décidé l'Acte unique, donc le lancement d'un marché intérieur. C'est à ce moment-là, par exemple, que nous avons harmonisé entre les États de l'Union européenne les taux de TVA. Vous vous souvenez qu'à l'époque il y avait plus de taux avec des écarts plus grands. Il y a eu un rapprochement. De ce point de vue-là, l'essentiel a été fait. Deuxième point, il ne s'agit pas quand on parle d'harmonisation fiscale, de mener une politique fiscale unique. Il n'y a pas de modèle. Nous avons effectivement une politique qui est plus axée sur la TVA et sur la recherche à travers cela d'une certaine justice sociale et Dominique Strauss-Kahn a annoncé qu'on avancerait là-dessus, sur la législature, davantage, puisque comme vous le savez, il y a eu une erreur de pilotage macro-économique qui a abouti à un alourdissement de cet impôt par Alain Juppé de 18,6 à 20,6 sur son taux normal en 1995. Mais encore une fois, ce sont des politiques nationales. Et donc il s'agit de faire en sorte qu'il y ait un certain nombre de protections, de garde-fous, de filets.
Q. – Alors qu'entend-on par harmonisation ?
On vous a quand même, entendu, vous ou Dominique Strauss-Kahn, invoquer l'Europe pour justifier le fait de ne pas réduire la TVA, d'autant qu'Alain Juppé l'avait augmentée.
R. – L'harmonisation fiscale, c'est mettre en place un certain nombre de règles, de protections, de garde-fous, encore une fois, qui permettent d'éviter un certain nombre de déséquilibres ou de concurrence excessive, je pense notamment aux paradis fiscaux. Il ne doit pas pouvoir exister de paradis fiscaux dans l'Europe, ou que ce soit. Et là, il y a tout un champ de réflexion qui est ouvert, qui porte sur la fiscalité de l'épargne, la fiscalité du capital, etc. Mais il s'agit chaque fois que l'on parle d'harmonisation ou d'Europe, de donner encore une fois des règles communes, des seuils, des règles minimales, des codes de conduite et aucun cas, de dicter aux États et notamment pas aux nôtres, leur politique au point par point. J'ajoute que sur ce point fiscal, nous sommes dans une situation où nous n'avons qu'à y gagner.
Q. – Qu'est-ce qui empêche aujourd'hui de baisser la TVA d'autant qu'Alain Juppé l'avait augmenté en 95 ? Est-ce l'Europe ou est-ce les choix budgétaires de la France ?
R. – Il y a deux choses : d'une part, effectivement, un certain nombre de règles sur la TVA, des directives TVA. Donc, on ne peut pas faire n'importe quoi et sur un certain nombre de produits, nous devons demander l'autorisation de Bruxelles qui n'est pas toujours facile à obtenir ; et puis, il y a un deuxième point : cela coûte quand même horriblement cher. Quand Alain Juppé a augmenté le taux de TVA de deux points, cela a représenté – on l'a assez dénoncé à l'époque – et cela a d'ailleurs cassé la consommation, la croissance, cela représentait une ponction probablement de 80 milliards de francs. Si on baisse la TVA de deux points, cela veut dire qu'on doit trouver 80 milliards de plus, – ce n'est pas facile –, parce que la politique de réduction des déficits que vous évoquiez tout à l'heure, nous voulons la suivre de façon tout à fait volontariste.
Q. – Il y a un autre point qui compte pour l'Europe : c'est cette espèce d'affrontement commercial avec les États-Unis. Lionel Jospin, sur les investissements, a dit que la France ne reprendrait pas les négociations. Mais il y a du côté américain, une volonté de continuer cette discussion. Il y a aussi du côté américain des demandes qui sont faites à l'Europe de participer davantage à la relance de l'économie mondiale en ouvrant davantage nos frontières aux voitures japonaises et à d'autres produits de cette nature. La solidité européenne est-elle flagrante sur ces dossiers ?
R. – L'Europe est inscrite dans un mouvement mondial qui est le mouvement du libre-échange et il y a d'ailleurs pour cela une organisation qui existe, l'Organisation mondiale du commerce, qui est chargée de s'assurer qu'il y a des règles là encore qui s'appliquent, règles qui permettent que le libre-échange s'applique sans distorsion de concurrence. C'est dans ce cadre-là, dans le cadre de cette Organisation mondiale du commerce, celle qu'on appelait le GATT jadis, que va commencer ce qu'on appelle aussi un nouveau round de négociations en l'an 2000, que nous entendons inscrire notre action. Nous ne sommes pas protectionnistes mais quand il y a des actes qui justement au nom du libre-échange, nuisent à nos intérêts, nuisent à la politique agricole commune, nuisent à la défense de notre culture, impliquent du dumping social, risquent d'entraîner des dégâts environnementaux, – c'était cela l'AMI – là nous disons non. Lionel Jospin a eu raison de dire non à deux choses : d'abord non au fond de l'AMI parce que c'était toute une série d'entorses sur les points que je viens d'évoquer et non aussi à la forme. Je crois que ce n'est pas normal qu'on discute de ce sujet-là dans un forum qui regroupe 35 pays qui sont les pays les plus riches de la planète, l'OCDE, sans tenir compte justement de ce qui peut arriver sur les investissements des autres pays, des pays moins favorisés. Le cadre normal pour en discuter, c'est, là aussi, l'OMC. Nous n'avons pas dit non à l'Union mais nous avons dit non à un accord qui encore une fois pénalisait nos intérêts et qui ne permettait pas aux Européens de se défendre convenablement. C'est un peu cette problématique-là qu'il faut défendre…
Q. – Ce n'est pas un non définitif alors ?
R. – Honnêtement il n'est pas définitif mais il est assez vigoureux. Quand on reprendra cette négociation, il faudra trouver un nouveau théâtre et aussi de nouvelles modalités de discussions sur l'AMI. Par ailleurs, il existe un partenariat transatlantique. Nous sommes alliés aux États-Unis, nous avons des discussions avec eux mais à chaque fois, nous comprenons leurs intérêts, et ils doivent comprendre les nôtres. Il faut que cela se passe sur une base équitable. Donc pas de rupture avec les Américains mais faisons entendre nos intérêts. C'est cela l'attitude du gouvernement dans toutes ses négociations commerciales. Et puis aussi, privilégions l'Organisation mondiale du commerce.
Q. – Gerhard Schröder est chancelier. Vous étiez un chaud partisan de son arrivée au pouvoir. Vous avez même frôlé la ligne jaune à un certain moment en tant que membre du gouvernement. Vous étiez tellement pour Gerhard Schröder qu'à un moment les oreilles d'Helmut Kohl ont sifflé. Êtes-vous très content de tout ce que dit Gerhard Schröder ?
R. – Je suis assez content. Je trouve que la France et l'Allemagne retrouvent de nombreux terrains de discussions communs. On a parlé beaucoup de la croissance et l'emploi, mais je pense aussi à l'élargissement, je pense aux institutions. Je crois qu'on a une vision qui se rapproche. Il y a eu, cette semaine, la réunion d'un groupe de travail franco-allemand et le départ est encourageant. Encore une fois, on peut attendre un rapprochement franco-allemand pour le bien de l'Europe.
Q. – Sur l'élargissement, Gerhard Schröder a un peu refroidi l'enthousiasme d'un certain nombre de pays candidats, dont plusieurs d'ailleurs avaient reçu des assurances du président de la République, Jacques Chirac, en disant que cela ne serait pas pour tout de suite, ni même pour après-demain.
R. – Je crois que c'est effectivement un des points sur lesquels nous sommes beaucoup plus proches qu'avec le précédent gouvernement allemand, qui était très généreux par rapport à l'élargissement, sans forcément se rendre compte que ce processus était très délicat. Et, aujourd'hui, nous avons une position qui me paraît assez proche, qui est la suivante : oui, nous sommes très favorables à l'élargissement, c'est une nécessité politique, c'est une nécessité historique et, en même temps, c'est un processus qui peut être dangereux s'il n'est pas maîtrisé à la fois pour les pays candidats et pour l'Union européenne. Prenons par exemple le cas de la politique agricole commune, je sais que c'est un sujet qui tient à coeur à M. Schröder, avec l'exemple polonais, puisqu'il y a autant d'agriculteurs en Pologne que pratiquement dans le reste de l'Europe des Quinze. Donc, il faut qu'il y ait des transitions et que ce processus soit contrôlé qu'il soit maîtrisé et qu'on s'en donne aussi le temps.
Q. – Donc, cela sera bon pour l'an 2000.
R. – On sait que ce ne sera pas pour l'an 2000 de toute façon. Les dates qui ont été données, les plus proches, sont 2002-2003. Les négociations commencent. Il ne s'agit pas du tout de les interrompre, il ne s'agit pas de les ralentir. Il s'agit encore une fois de les approfondir et de faire en sorte que ces pays qui sont en Europe centrale, orientale, quand ils rentrent dans l'Union européenne, soient à même d'observer tout l'acquis communautaire ; l'acquis communautaire, c'est-à-dire les règles de concurrence et les règles aussi de sécurité et de liberté. Dans ces pays, il faut que tout ce qui concerne l'immigration par exemple, soit très contrôlé, qu'on ait des frontières sûres.
Q. – Quand ces pays arriveront, la politique agricole commune fera-t-elle encore partie de l'acquis communautaire ? On a l'impression que les Allemands, notamment, souhaitent la reformer sérieusement.
R. – Mais nous souhaitons aussi reformer la politique agricole commune et nous n'avons jamais refusé la réforme, mais en même temps, nous ne souhaitons pas que cette réforme soit un démantèlement.
Q. – Il y a quand même un problème global : les Allemands disent qu'ils contribuent trop au budget de l'Europe et la politique agricole commune est, en grande partie, responsable de cette dépense allemande. M. Schröder va régler cela dans les six mois !
R. – Vous évoquez un sujet qui est très compliqué, qui s'appelle l'Agenda 2000, c'est-à-dire la réforme du financement de l'Union européenne qui, comme son nom l'indique, doit être faite avant l'an 2000 pour la prochaine période 2000-2006. C'est ce qu'on appelle la programmation financière de l'Union. Et cela comporte aussi la réforme des politiques communes, la réforme de la politique agricole commune et la réforme des fonds structurels qui ne doivent pas être négligés parce que l'agriculture, c'est très important, mais il y a aussi les villes.
Q. – L'agriculture, c'est quasiment 60 % du budget européen.
R. – Les Allemands nous disent qu'ils paient trop pour l'Europe. C'est une notion que nous avons jadis refusée avec les Anglais, à l'époque où Mme Thatcher demandait un chèque qu'elle a eu finalement, mais qui n'est plus aujourd'hui une approche légitime… L'Union européenne, contrairement à ce qu'on pense, ce ne sont pas des contributions nationales à l'Europe ; c'est bel et bien un certain nombre de ressources qui sont mises en commun pour l'Europe. C'est ce qu'on appelle les ressources propres. Donc, il n'est pas question de renationaliser ce système financier, donc pas de contribution nette, pas de solde net, pas de nouveau chèque et pas non plus de renationalisation de la politique agricole commune.
Q. – Donc vous rassurez Jacques Chirac, qui a exprimé ses craintes d'une renationalisation, ce qui fait que les aides dépendraient de…
R. – Je crois que Lionel Jospin – j'étais avec lui quand il s'est rendu à la Commission, il y a une dizaine de jours – a dit exactement la même chose. Encore une fois, nous n'imaginons pas sur ces sujets-là, la délégation française composée de membres de gouvernement, autour du Président et du Premier ministre, puisse dire des choses, qui soient différentes en quoi que ce soit. Et donc, pas de renationalisation du financement, pas non plus de renationalisation de la politique agricole commune. Cela veut dire que, pour nous, on doit effectivement rechercher un rééquilibrage du financement de l'Union européenne, mais en maîtrisant les dépenses de l'Union européenne. C'est à travers l'examen de la dépense communautaire, en faisant en sorte qu'elle soit rendue plus efficace, je pense également à ce qui concerne les fonds structurels, sur lesquels les propositions de la Commission, qu'ils ont faites, sont beaucoup trop généreuses qu'à notre avis, on doit parvenir à quelque chose qui soit plus économique, plus efficace et qui permette de résoudre le problème allemand. Mais nous ne partons pas de l'idée que cet Agenda 2000, que c'est uniquement ou d'abord le problème allemand. M. Schröder dit ensuite qu'il veut le résoudre dans les six mois. C'est une décision qui a été prise au dernier Conseil européen, à Cardiff, de tâcher de trouver une solution d'ici mars, si elle est possible, nous y sommes tout à fait favorables et nous y travaillerons avec le nouveau chancelier.
Q. – Autre sujet très chaud : les Allemands veulent abandonner progressivement les centrales nucléaires. Mme Voynet dit en France que nous allons y venir tranquillement, puisque la France, dit-elle est en train de virer de bord. Il paraît qu'elle s'est fait taper sur les doigts, qu'elle n'a pas le droit de dire cela et qu'en fait on ne va pas virer de bord. Qu'en est-il ?
R. – Je ne sais pas si l'expression « virer de bord » est juste. Effectivement, la France a une politique énergétique dont le nucléaire n'est pas la seule composante mais dont il est une composante tout à fait importante, puisque 80 % de notre électricité nationale est d'origine nucléaire ou 80 % de notre énergie nationale plutôt est d'origine nucléaire. Nous ne sommes pas du tout dans la même situation que l'Allemagne et c'est probablement ce qui explique qu'on a, à la fois une politique différente et aussi, peut-être des sensibilités politiques différentes. Nous, c'est 80 % pour le nucléaire, les Allemands c'est 35 %. Et ils disposent aussi de choses que nous n'avons pas, c'est-à-dire des réserves absolument considérables de charbon, ce qui n'est plus du tout notre cas. Et donc, je crois qu'il n'est pas question, dans le cas de la France, qu'il y ait un abandon du nucléaire. On peut envisager une diversification des sources d'énergie. Ce sont avant tout des différences objectives entre la France et l'Allemagne.
Q. – Oui, mais enfin, il y a des différences au sein de la majorité plurielle parce que là les Verts poussent pour l'abandon de la filière nucléaire.
R. – Non.
Q. – Si, ils le disent.
R. – De toute façon, il est clair que la participation, me semble-t-il, des Verts, des Grünen au gouvernement allemand les pousse globalement.
Q. – Donne des ailes à Mme Voynet, oui.
R. – Mais pour autant, j'ai bien lu les deux interviews de Dominique Voynet au « Nouvel Observateur » et à « Libération », c'est vrai que c'est volontaire, c'est vrai aussi que ce n'est pas forcément tout à fait l'attitude qu'aura l'ensemble du gouvernement ou ce n'est pas l'attitude du Parti socialiste. Le Parti socialiste peut s'exprimer pour lui-même. En même temps, cela me paraît tout à fait prudent et pragmatique. Elle ne dit pas qu'on doit abandonner le nucléaire.
Q. – Vous croyez qu'elle va survivre, Dominique Voynet, parce que quand même ses amis lui disent « il faut réclamer l'abandon de la filière » et Lionel Jospin lui dit « il n'en est pas question ».
R. – Les choses sont beaucoup plus subtiles que cela et vous le savez très bien. Non, je crois qu'on va tout à fait survivre, survivre ensemble et même avancer ensemble avec nos amis Verts.
Q. – Mais est-ce qu'il n'y a pas déjà un premier problème posé par la décision allemande, et là encore, je crois que Jacques Chirac l'a relevé à l'occasion de la conférence de presse de conclusion de ce sommet informel, c'est qu'à partir du moment où les Allemands abandonnent petit à petit le nucléaire, évidemment, ils n'envoient plus de déchets en retraitement dans les usines françaises et donc, pour la filière française de retraitement c'est un gros problème économique ?
R. – C'est un autre sujet. Je répète qu'à mon avis, sur le nucléaire, ce n'est pas notre intérêt d'abandonner le nucléaire qui d'ailleurs présente toute une série d'avantages et paradoxalement aussi des avantages écologiques. Donc, il peut y avoir diversification, mais il n'y aura pas abandon du nucléaire qui va rester une composante extrêmement forte de notre politique énergétique, j'en suis sûr. Mais, sur le reste, il y a des contrats internationaux notamment avec les Allemands, il y a des engagements internationaux. Nous allons les examiner avec eux. On ne peut pas imaginer que les engagements internationaux soient balayés d'un revers de main et ce n'est sûrement pas ce qu'envisagent nos amis allemands. Je cite le Premier ministre à la conférence de presse de Pörtschach, il a dit « nous prenons cela tranquillement, nous examinerons avec nos amis allemands, avec la nouvelle équipe, progressivement, quelles conclusions nous aurons à en tirer… ».
Q. – Le président de la République, lui, était moins tranquille. Il a dit « la sortie allemande du nucléaire pourrait nuire aux intérêts français ».
R. – Le président et le Premier ministre sont complémentaires.
Q. – Oui, il y en a un qui est plus nuancé.
R. – Apparemment. Mais je crois qu'ils voulaient dire exactement la même chose, c'est-à-dire que les engagements franco-allemands existaient, qu'ils ont été passés, qu'on ne peut pas imaginer qu'une nouvelle équipe change tout. Et je suis sûr d'ailleurs qu'en Allemagne, ils ne l'envisagent pas du tout. Donc nous allons voir cela tranquillement avec nos amis allemands en respectant les intérêts français.
Q. – Le président de la République et le Premier ministre sont complémentaires aussi pour tirer les conséquences du Traité qui a été signé à Amsterdam l'an dernier, et donc le faire ratifier par les Français. Le Conseil constitutionnel estime qu'il faut d'abord modifier la Constitution. Quelle proposition le Gouvernement va faire au président de la République pour modifier cette Constitution ?
R. – Nous n'en sommes plus là. Je rappelle qu'à Amsterdam, effectivement un traité a été conclu, qui comporte un certain nombre d'avantages. On pourra peut-être en reparler. Il comporte notamment d'un chapitre emploi, d'un chapitre social, la reconnaissance des services publics, toute une série de droits nouveaux notamment le principe de non-discrimination appliquée à l'Europe entière. Une politique qui soit justement plus vigoureuse en matière d'immigration, en matière d'asile, en matière de sécurité. Le renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune. La politique, qui doit un jour donner lieu à une défense européenne avec notamment, la nomination d'un « Monsieur Politique étrangère et de sécurité commune » qu'on va envisager dans les mois qui viennent. Tout cela fait que ce traité, qui n'est pas la panacée, auquel il manque l'essentiel de la réforme des institutions européennes, n'est pas un mauvais traité. Donc, on doit effectivement le ratifier, à la fois parce que la France s'est engagée et parce qu'il apporte un certain nombre de bénéfices. Mais le Conseil constitutionnel a noté qu'il y avait, effectivement, une contradiction entre ce Traité et la Constitution qui porte sur, justement, ces questions qui touchent à l'asile, au visa, à l'immigration. Le Gouvernement avec le président de la République – c'est pour cela que je dis que nous n'étions plus là le 29 juillet – en a tiré les conséquences en proposant une réforme très limitée de la Constitution, limitée à cela, à ce transfert de souveraineté dans ce domaine-là – c'est ce qu'on appelle l'article 88-2 de la Constitution. Excusez-moi d'être technique. Il faut d'abord réviser la Constitution et cela passe là probablement par un vote du Congrès au 3/5e, le Congrès étant la réunion de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Q. – Au mois de janvier probablement ?
R. – Probablement, je l'espère.
Q. – Peut-être un peu plus tard ?
R. – Je l'espère franchement avant la fin janvier parce qu'il ne faut pas non plus que cela prenne trop de temps. Nous avons des élections européennes, et je crois aussi que la France ne doit pas être en retard, par rapport aux autres pays de l'Union et donc il faut aller aussi vite que possible tout en menant les vrais débats. Ensuite ratification. Voilà où nous en sommes.
Q. – Et ensuite ratification et alors ?
R. – L'étape difficile, évidemment, est la révision puisqu'il faut la majorité des 3/5.
Q. – Cela grince au Parti socialiste, au RPR…
R. – On va parler du Parti socialiste si vous voulez.
Q. – La gauche socialiste a réuni plus de 5 000 signatures sur sa proposition d'organiser un referendum au sein du PS ?
R. – C'est au Parti socialiste de répondre là-dessus. Je crois savoir que François Hollande a réuni une commission qui va se réunir la semaine prochaine, pour examiner la validité de ces 5 000 signatures. Et si c'est « oui », ce sera examiné par un Conseil national extraordinaire du Parti socialiste qui débattra de cela. Mais, il y a bien évidemment, du côté du Gouvernement et du principal parti de la majorité, pas de difficulté importante.
Q. – En revanche, les partenaires, c'est moins évident. Le Parti communiste, le Mouvement des Citoyens, les Verts sont hostiles au Traité d'Amsterdam…
R. – J'y viens. Il n'y a pas de mystère sur tout cela. Nous savions cela avant les élections. N'oublions pas non plus ce que sont les rapports de forces parlementaires et ce n'est pas un sujet encore une fois qui met à mal en quoi que ce soit la gauche plurielle. La vraie difficulté, elle vient du côté du RPR. C'est au RPR de se déterminer. Philippe Séguin a évolué de ce point de vue. Et il y a une autre question qui va se poser et je crois que c'est l'important : vous demandiez quelles initiatives nous allions prendre ? Ce n'est pas forcément à nous de prendre des initiatives. Mais il semble que ce débat, la révision et la ratification, peut être l'occasion pour le Parlement d'obtenir deux choses en plus du 88-2 : d'abord, d'obtenir qu'il y ait une extension du contrôle parlementaire sur les actes européens. Je crois qu'on peut y être ouvert, mais à une condition bien sûr que ce pouvoir du Parlement français ne prive pas le Gouvernement, quand je parle du Gouvernement, je ne parle pas de ce Gouvernement, je parle du gouvernement de la République, dans le cadre de nos institutions, de sa capacité de négociations à Bruxelles. Il ne faut pas que le législatif empiète sur l'exécutif. Il y a deux articles dans la Constitution qui fixent cela. Ce sont les articles 34 et 38 qui fixent ce qui ressort du législatif donc du domaine de la loi, et ce qui ressort du réglementaire donc de la capacité de l'administration pilotée par le Gouvernement. Il ne faut pas remettre cela en question. Je pense qu'aucun gaulliste n'aura à coeur de remettre en question cet élément fondamental de la Constitution.
Q. – La réserve parlementaire, c'est précisément la possibilité au Parlement de dire « non » ?
R. – Je vous donne mon avis. Je pense que c'est autour de cela que gravitera le débat.
Q. – Et vous seriez prêt à aller jusqu'où dans cette extension de cette réserve ?
R. – Nous verrons, encore une fois, mais je donne les principes. La deuxième chose sur laquelle on pourra peut-être avancer, c'est sur les institutions. J'ai dit tout à l'heure à propos d'Amsterdam qu'il y avait une très grande lacune. Cette lacune c'est que nous n'avons pas réformé les institutions à Amsterdam. Il y a eu un échec franco-allemand, à cette époque-là. D'ailleurs, en bonne partie due au chancelier Kohl et il faut aller plus loin. C'est pour cela que la France, l'Italie et la Belgique ont signé après le Traité d'Amsterdam, un accord entre eux trois, qui a été annexé au Traité d'Amsterdam et qui dit qu'il faut aller plus loin dans la réforme des institutions, sur la Commission, sur l'extension du vote à la majorité qualifiée qui doit permettre de limiter des décisions à l'unanimité qui sont parfois paralysantes, qui le seront peut-être plus encore dans une Europe élargie. Et troisièmement, on pouvait avancer sur ce qu'on appelle la pondération des voix au sein du Conseil, c'est-à-dire la part des grands et des petits pays, de telle sorte que les grands pays continuent d'exercer un pouvoir important qui ne soit pas renié par les élargissements encore une fois. Le Parlement pourrait d'une façon ou d'une autre approuver cette initiative.
Q. – Cette orientation ?
R. – Oui, c'est une idée que plusieurs ont développée. C'est l'idée de mettre dans la ratification un article 2, qui insisterait sur la volonté du Parlement d'avoir une amélioration des institutions.
Q. – C'est purement déclaratif, cela n'a aucune conséquence ?
R. – Sauf que cela fait aussi sentir à l'étranger que bien sûr, il n'y a pas de ratification sous condition de traité. Cela n'existe pas. On ne peut pas différer l'application d'un traité et donc il faut que ce soit une ratification positive mais, en même temps, cela marque que le Parlement, dans sa grande majorité, pourquoi dans son unanimité soit attaché à cela. Voilà j'ai donné deux pistes mais en même temps, il faut que ce débat soit maîtrisé. Il faut qu'il soit maîtrisé pour tout le monde. Il sera maîtrisé au niveau de la majorité, au niveau du Parti socialiste. Il faut qu'il le soit au niveau du RPR.
Q. – Mais pourquoi cette méfiance dans le rôle des parlements ? Finalement, on pense que les parlements seraient hostiles à une progression européenne ?
R. – Non, vous inversez les deux choses.
Q. – Pourquoi ne pas leur donner la possibilité, en effet, de dire : dans tel cas, franchement cela relève de la nation et, par conséquent, la souveraineté nationale doit continuer à s'exercer.
R. – Il ne doit pas y avoir de confusion. Il ne s'agit pas de limiter la souveraineté nationale. La souveraineté nationale s'exerce à deux niveaux. Il y a d'une part, le rôle des parlements et le rôle des gouvernements et il s'agit de ne pas modifier cela. C'est pour cela que j'ai parlé des articles 34 et 38 de la Constitution. Il s'agit de ne pas modifier l'équilibre sur lequel repose la Ve République, qui veut que le Gouvernement ait des prérogatives.
Q. – On a quand même souvent l'impression que la construction de l'Europe fonctionne dès lors qu'on n'en parle pas trop, quoique le Parlement ne s'en préoccupe pas trop, que la population ne s'en préoccupe pas trop. La ratification de Maastricht a été, à cet égard, l'exception qui confirme la règle.
R. – Vous savez, je suis favorable à ce qu'on parle de l'Europe à tous les niveaux. J'ai demandé un rapport à M. Philippe Herzog sur le dialogue social européen. Je souhaite qu'on puisse en parler dans les syndicats de l'Europe, qu'on puisse en parler dans la société dite civile, qu'il puisse y avoir des champs de prospectives qui permettent d'aller plus loin dans ce que doit être la vision de l'Europe, à long terme. J'ai parlé tout à l'heure d'Europe plus proche des gens, d'une Europe populaire, c'est vraiment mon souhait. Et puis je suis partisan qu'il y ait davantage de débats au Parlement sur l'Europe. Bien sûr, c'est très important, mais ce n'est pas cela dont il est question. Je sais que c'est un sujet un peu technique mais c'est vrai que la Ve République, c'est un Gouvernement dit « parlementariste rationalisé ». Donc, il est parlementaire et, en même temps, il est rationalisé par un certain nombre de règles notamment cette règle qui sépare le législatif de l'exécutif. Et ce que je ne souhaite pas, c'est qu'à l'occasion du débat sur le Traité d'Amsterdam, on déplace cela et qu'on retourne vers un régime qui serait intégralement parlementaire, où tous les actes du Gouvernement y compris ceux qui sont pris en application de normes européennes, seraient soumis au Parlement et c'est plus un problème si vous voulez d'équilibre entre les pouvoirs en France, que d'équilibre entre la Nation et l'Europe.
Q. – Vous comptez sur Jacques Chirac pour l'éviter, parce qu'au fond avec les voix qui vous manquent dans votre majorité, quand même je rappelle le Parti communiste, Jean-Pierre Chevènement et ses amis, les Verts, vous avez forcément besoin pour atteindre les fameux 3/5e du Parlement, vous avez besoin de voix de droite.
R. – Je vous rappelle qu'au Sénat, la droite est majoritaire aux deux tiers et qu'à l'Assemblée, nous avons une majorité confortable, finalement pas si importante. 3/5e passe évidemment par le fait qu'une partie de la droite une bonne partie de la droite vote.
Q. – Donc, il faut que Jacques Chirac convainque ses amis ?
R. – Je dois rappeler une réalité qu'on ne doit pas oublier : ce traité n'est pas le nôtre, n'est pas celui du Parti.
Q. – Vous avez repris le bébé autrement dit ? C'est vous qui le faites ratifier ?
R. – Non, je ne renie pas le bébé. Je veux dire simplement que la naissance du bébé, ce qui est d'ailleurs assez logique pour un bébé, je ne vais pas utiliser des formules à la Pasqua, mais il y a un papa et une maman et donc chacun à sa part de responsabilité dans cette affaire.
Q. – Qui est la maman ?
R. – Je ne veux pas aller plus loin. Je n'ai pas encore tout à fait cette façon de méditerranéenne. Mais enfin l'image veut bien dire ce qu'elle veut dire, c'est-à-dire que c'est une responsabilité totalement partagée et que ce bébé a deux parents. Donc, chacun doit assumer ses responsabilités, à la limite, nous ne souhaitons pas ce Traité.
Q. – Chacun se charge de son camp ?
R. – Nous ne l'avons pas demandé. Nous l'acceptions parce que je l'ai dit tout à l'heure, il permet un certain nombre d'avancées qui sont intéressantes et qu'on ne doit pas refuser dont on ne doit pas se priver. Je pense encore une fois au chapitre de l'emploi, au chapitre social, mais Jacques Chirac et le RPR peuvent aussi prendre leurs responsabilités bien sûr.
Q. – Quand Philippe Séguin propose en fait que soit les députés, soit la population, par voie de référendum, soient consultés dans cinq ans, c'est-à-dire au moment où précisément on devra passer de la loi de l'unanimité à celle de la majorité pour tout ce qui concerne les délivrances de visas, enfin toute la politique de l'immigration, cela vous paraît être une bonne idée ou pas ?
R. – Je vais répondre à titre tout à fait personnel, là-dessus. Cela ne me paraît pas une idée à laquelle je souhaiterais être favorable. Je pense si vous voulez qu'il y a une espèce de petite astuce : il y a au RPR un problème, on le sait, il y a une fraction au RPR autour de Charles Pasqua, justement qui demande un référendum. Comme on sait qu'on ne peut pas l'imposer tout de suite, on veut l'imposer dans cinq ans. Cela ne change pas le fond du problème. Ce sera un peu une ratification sous conditions.
Q. – Est-ce bien raisonnable que la France soit la dernière à ratifier ?
R. – Nous avons donné aussi des réponses. Nous nous sommes exprimés à plusieurs reprises.
Q. – Mais les Allemands avaient-ils fait cela pour l'euro ? Y a-t-il eu un vote au Bundestag pour confirmer l'entrée de l'Allemagne dans l'euro ?
R. – Et alors ?
Q. – Nous nous sommes contentés d'une résolution ? Pourquoi nous, nous ne pourrions pas le faire dans cinq ans sur l'immigration ?
R. – Je pense simplement qu'on le fera peut-être dans cinq ans. Je crois qu'il ne faut pas lier les mains du Gouvernement durant cinq ans et, surtout, que l'arrière-pensée, dans celle-là n'est pas d'avoir un vote parlementaire, mais bien d'avoir un référendum. Honnêtement, le référendum, il y a eu un début là-dessus. Le président de la République s'est exprimé. Je vous ai donné mon sentiment personnel. Je n'y suis pas favorable.