Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
C'est bien volontiers que je vais rebondir sur votre proposition, votre « offre de service », car, pour moi, les propriétaires immobiliers, et leurs instances représentatives, sont des partenaires indispensables de l'action publique en matière de logement.
Mais, permettez-moi d'abord de vous dire le plaisir que j'ai à me retrouver parmi vous, pour ce 88ème congrès de l'Union Nationale de la Propriété Immobilière, après une année qui a été riche en réformes et en perspectives nouvelles pour le parc immobilier privé.
Lorsque nous nous étions rencontrés, il y a un an, cela avait été pour moi l'occasion de vous présenter les orientations de la politique du logement qu'entendait mener le Gouvernement, et les projets majeurs que nous avions pour traduire ces orientations : assurer le droit au logement pour tous, mais à un logement choisi, et pour cela développer une offre diversifiée, s'appuyant, de manière équilibrée, sur le parc public, sur l'accession à la propriété, et bien sûr sur le parc locatif privé, qui est un segment essentiel de cette offre.
Et le soutien légitime à la construction de nouveaux logements devait s'accompagner dans notre esprit d'un effort sur le parc de logements anciens, sur le « stock » qui constitue l'essentiel de l'offre, et qu'il faut réhabiliter, entretenir, améliorer, voire aider à remettre sur le marché.
Depuis un an, nous avons je crois très largement engagé ce programme et, nous l'avons fait dans un esprit de concertation avec nos partenaires.
Je voudrais au passage, Monsieur le Président, saluer la qualité du travail que vous avez mené, avec votre équipe, avec vos priorités bien sûr, mais en toute loyauté. Et si nous n'avons pas été d'accord sur tout, votre action constructive a contribué à faire aboutir un certain nombre d'avancées.
Les mesures pour le parc privé, et notamment le parc privé ancien, ont été nombreuses depuis un peu plus d'un an, tous s'accordent à le reconnaître.
En matière budgétaire et fiscale, d'abord : l'attente bien naturelle des propriétaires immobiliers et de leur Union Nationale est que les moyens budgétaires s'accroissent et que la fiscalité s'allège, comme l'a préconisé d'ailleurs le rapport du Conseil National des Impôts. Il me semble que des pas importants ont été faits dans ces deux sens.
Je rappellerai d'abord l'augmentation des moyens de l'ANAH en 1998, consolidée dans le projet de budget pour 1999. En écho à vos propos, Monsieur le Président, et j'en profite au passage pour saluer le nouveau président de l'ANAH, Philippe PELLETIER, je suis bien évidemment favorable aux évolutions des règles de l'ANAH qui pourraient améliorer son efficacité tout en respectant sa vocation.
Pour 1998, les crédits de l'ANAH sont semble-t-il bien consommés à ce jour, d'après les informations dont je dispose, mais vous pouvez bien sûr compter sur ma vigilance constante sur ce point.
En matière fiscale, un autre pas est fait, avec l'application de la TVA à taux réduit (5,5 %), pour les travaux aidés par l'ANAH lorsque le logement est éligible à l'APL. C'est une reconnaissance de la fonction sociale du bailleur privé; cette TVA à taux réduit existe en effet depuis un an pour le parc public social, il était légitime de l'étendre au parc privé. Je suis d'accord avec vous, M. le Président, il faudrait aller plus loin et, dès lors que nous aurons pu éclaircir les questions de compatibilité avec les directives européennes en la matière, nous efforcer de rendre éligible l'ensemble du nouveau parc conventionné que nous allons développer.
De même, des mesures concernant les successions portant sur le patrimoine locatif ne seraient pas illégitimes. Mais vous avez pu voir qu'un autre pas important a été franchi avec l'abaissement de l'ordre de 20 %, des droits de mutation ? improprement appelés frais de notaire – sur les ventes de logements. C'est une mesure qui représente un effort de 3,7 milliards de francs en année pleine, et qui va améliorer la fluidité des marchés immobiliers en facilitant les transactions. C'est une mesure pérenne, contrairement à celle qui avait été prise il y a deux ans, et qui avait essentiellement créé un à coup dans l'activité immobilière.
Enfin, vous savez que le crédit d'impôt pour les travaux à domicile, instauré en 1998, et qui intéresse tous les logements privés et, annuellement plus d'un million d'entre eux, va être plus que doublé suite à un amendement parlementaire. Tout cela va dans le sens d'un allègement de la fiscalité (2,4 milliards en année pleine).
Le deuxième grand dossier sur lequel nous avons travaillé, et que vous avez évoqué, M. le Président, est celui du volet logement de la loi d'orientation pour la lutte contre les exclusions.
La taxe sur les logements vacants est effectivement la mesure de cette loi qui a été la plus commentée, et parfois contestée, au point d'occulter quelque peu la cinquantaine d'autres mesures que comporte ce texte pour le seul logement. Je voudrais en premier lieu vous assurer que, dans notre esprit, il n'a jamais été question d'opposer droit de propriété et droit au logement ; l'un ne va pas sans l'autre.
Je vous confierai d'ailleurs que les restrictions du Conseil Constitutionnel sur le champ d'application de cette taxe, le Conseil Constitutionnel qui n'a pas remis en cause la taxe elle-même, ces restrictions reprennent, presque mot à mot, des indications que j'avais données en présentant le texte au Parlement. Les propriétaires de bonne foi, pour qui la vacance est subie, parce que le marché local n'est pas demandeur, ou parce que le bien est inadapté, ou parce que le logement est en attente d'une occupation familiale, etc. … ces propriétaires-là qui sont nous le savons la grande majorité, n'ont effectivement rien à craindre. Mais là où il y a des tensions, là où il y a des personnes sans toit en grand nombre, et des toits en grand nombre qui n'abritent personne, il serait heureux que le signal que donne cette loi puisse inciter à la remise sur le marché de logements vacants, en mobilisant les outils, les aides aux travaux, à la gestion locative, et les dispositifs de garantie et de médiation que la loi a mis en place.
Notre souhait est bien que cette taxe rapporte le moins possible et que son rôle incitatif joue à plein !
Parmi les autres mesures de la loi contre les exclusions, je voudrais appeler votre attention sur une disposition particulièrement intéressante, et attendue de vous : c'est la clarification fiscale du bail à réhabilitation, exonérant d'impôt la part de revenu représentée par la valeur des travaux réalisés par le preneur.
Vous avez enfin abordé, M. le Président, l'article concernant la prévention des expulsions. Je vous confirme que les préoccupations que vous avez exprimées seront bien prises en compte dans la circulaire que nous préparons à l'attention des Préfets. Je dis nous, car cette circulaire est interministérielle ce qui explique son délai de mise au point. Mais je voudrais surtout vous confirmer devant votre assemblée, l'esprit et les objectifs de cette nouvelle mesure : jusqu'à présent chacun pouvait constater, et déplorer, que les procédures, aboutissant ou non à l'expulsion, étaient très longues, parce que ce n'était qu'une fois le jugement rendu et le concours de la force publique demandé, que le Préfet et les services sociaux étaient saisis, et qu'à ce moment-là, en fonction des résultats de l'enquête sociale, de nouvelles difficultés apparaissaient souvent. Et à la sortie, nous avions des délais qui s'allongeaient encore, des situations de précarité et d'endettement qui devenaient irrécupérables, et des propriétaires qui désespéraient d'obtenir la légitime rémunération de leurs biens. La loi permet d'inverser cette logique : l'examen de chaque situation interviendra désormais dès l'amont, de manière à distinguer les ménages en réelle difficulté financière, et pour lesquels l'aide de la collectivité doit être rapide et intervenir, de manière temporaire, ou de manière définitive pour trouver un logement plus adapté, et d'autre part les ménages de mauvaise foi, pour lesquels cette aide n'est pas légitime et donc pour lesquels la procédure ? sanction ? doit se poursuivre sans retard. Dans les deux cas, les choses iront à leur terme plus vite, et nous éviterons de laisser empirer des drames humains mais aussi de laisser désespérer des propriétaires pour qui souvent la perception d'un loyer représente un complément de revenu indispensable.
L'autre grand dossier de l'année écoulée est, vous le savez, la réforme dite du statut du bailleur privé, qui vise à susciter un large parc locatif conventionné allant jusqu'au niveau dit intermédiaire, ouvert aux classes moyennes. A la base de cette réforme il y a l'idée, pour laquelle vous avez beaucoup milité, M. le Président, et qui est encore au coeur des débats de votre présent congrès, que le bailleur privé doit voir sa fonction économique et sociale reconnue.
C'est pour cela que nous mettons en place, pour la première fois, à côté d'un dispositif conventionné pour le secteur neuf, un régime adapté pour le parc existant. Dans ce régime, je rappelle que l'engagement du bailleur porte sur une modération du loyer et le respect d'un plafond de revenu pour le locataire à l'entrée dans les lieux ; il est d'une durée de 6 ans, éventuellement renouvelable. En contrepartie, le bailleur bénéficie d'une fiscalité améliorée : une déduction forfaitaire majorée à 25 %, et une sécurité accrue sur les loyers, sous la double forme d'un versement en tiers payant de l'allocation logement, et d'une garantie de loyer que nous allons mettre en place et financer grâce à l'accord que nous avons passé avec les responsables du 1 % logement.
Je vous indique, de la manière la plus solennelle, qu'il s'agit d'un régime totalement optionnel, que le secteur libre existe toujours, que le propriétaire conventionné garde l'entière responsabilité du choix de son locataire dans le respect du plafond de ressources, que le bail sera un bail de droit commun, avec évolution du loyer selon les indices habituels, et enfin qu'à l'issue de la période d'engagement de 6 ans, le propriétaire aura bien sûr l'entière liberté soit de revenir au régime libre, avec remise à niveau progressive des loyers, soit de conventionner à nouveau s'il le souhaite.
C'est un régime totalement libre et simple, puisque fondé sur le seul choix du propriétaire, ce n'est pas une nouvelle loi de 1948 !
Je vous devais cette déclaration un peu solennelle, M. le Président, car vous avez été l'un des premiers à saluer cette réforme et à apporter votre soutien à ses principes. D'après les études que nous avons faites, nous pensons que ce dispositif pourrait réellement intéresser nombre de propriétaires compte tenu du calibrage, ? loyer, niveau de revenu ?, que nous avons prévu. C'est un calibrage qui a le mérite de la simplicité, même si, pour l'instant, il ne traduit sans doute pas toute la diversité des marchés immobiliers et micro marchés qu'on observe sur le territoire national. Mais si ce nouveau régime prend bien son essor, nous pourrons j'en suis sûr l'améliorer avec votre concours.
Voilà très brièvement, le bilan que je voulais faire de l'année écoulée. Nous avons encore bien sûr des projets, avec notamment une loi habitat et urbanisme en préparation, qui sera l'occasion d'intégrer les politiques de l'habitat dans des politiques urbaines favorisant la mixité urbaine et sociale : il faut développer le parc privé là où il est trop peu présent, car les concentrations excessives sont néfastes au bon fonctionnement de nos villes ; de même il faut en bien des lieux, restructurer le parc public trop souvent concentré sans souci de bonne insertion dans le tissu urbain.
Nous aurons aussi, pour ce qui est du logement, matière à améliorer certaines choses, à aller plus loin en matière fiscale, à bien articuler entre elles les réformes que nous avons engagées : il y a en particulier à clarifier et simplifier les différentes notions de conventionnement.
Mais il y a aussi à réfléchir à des points plus structurels, que vous avez évoqués.
La loi de 1948 est une de ces lois répondant à une situation de crise, mais qui génère en retour d'autres situations de crise. En l'état, et malgré son extinction programmée, il y aura encore, pendant des années des logements en relevant ! Aussi je comprends bien votre souhait. Je suis favorable à son examen, mais bien évidemment, avant de prendre une décision sur ce texte, il sera indispensable d'en analyser toutes les conséquences, et, fidèle à notre méthode, de mener une large concertation avec tous les partenaires concernés, dans la perspective de la loi sur l'habitat et l'urbanisme prévue en 1999.
La conjoncture de l'immobilier a aujourd'hui retrouvé quelques couleurs, qu'il s'agisse de la construction, des travaux d'entretien et d'amélioration, de l'activité des transactions immobilières, et, par-delà, de l'emploi dans ce secteur. Les différentes mesures prises depuis un an devraient conforter cette embellie, nous y veillons, et nous souhaitons que cette reprise soit saine, sans les flambées spéculatives que nous avons connues il y a quelques années. Le prix du logement ne peut évoluer durablement plus vite que la richesse globale de la société, ou que le revenu des ménages.
C'est ainsi, j'en suis convaincu, que nous aurons un secteur de la propriété immobilière en bonne santé, tourné vers l'avenir, prenant toute sa part dans le développement de la cité, et ayant en retour la reconnaissance légitime de la collectivité. C'est en ce sens, M. le Président, que j'interprète le thème de votre congrès, une démarche citoyenne, constructive, dont vous avez été vous-même, auprès des pouvoirs publics, un artisan écouté et efficace, puisque, je le redis, l'UNPI a inspiré directement certaines mesures qui sont unanimement approuvées. C'est pour cela que je souhaite, en écho à vos propos, que nous approfondissions encore cette démarche dans des formes et selon des modalités que nous aurons à définir.
Et déjà, nous pourrions travailler ensemble, avec l'ANAH, avec d'autres partenaires, à une vaste campagne visant à faire connaître sur le terrain, le nouveau régime conventionné, et toutes les nouvelles aides aux travaux et à la location, pour que la propriété immobilière, et la fonction de bailleur privé puissent plus pleinement jouer leur rôle dans la cité, un rôle qui, aux yeux du Gouvernement, est bien d'intérêt général.
Merci de votre attention.