Texte intégral
LE FIGARO.
– Faut-il procéder à de nouveaux aménagements de la procédure parlementaire ?
Michel Crépeau
- « Il y a un drôle de paradoxe. Lorsqu’il souhaite s’exprimer sur des sujets de fond, tels que la loi d’orientation agricole ou le projet de budget, un député disposera d’un temps de parole limité à cinq ou dix minutes maximum. Dans le même temps, un orateur qui défend une motion de procédure est autorisé à parler plus de cinq heures. C’est ainsi que Mme Boulin a pu mobiliser mardi 575 députés jusqu’à 4 heures du matin ! Ce qui est absurde. En effet, tout le monde sait qu’une motion de censure finira fatalement par être repoussée. Parler pendant si longtemps ne veut rien dire. Ce n’est plus de la liberté d’expression : c’est de la fausse démocratie. »
LE FIGARO.
Que suggérez-vous pour améliorer la qualité des débats parlementaires ?
Michel Crépeau
- « Il est impensable d’accepter le dépôt de plus de 1 000 amendements sur un texte de loi. Pour ma part, je serais favorable à ce qu’on limite à trois ou cinq le nombre d’amendements par article. Cela faciliterait la discussion et n’empêcherait pas un député de voter contre l’adoption de l’article en question. Le droit cesse là où l’abus commence. Et cela vaut pour la droite comme pour la gauche, qui a également pratiqué l’obstruction parlementaire lorsqu’elle était dans l’opposition. »
LE FIGARO.
La réforme Séguin sur la session unique n’était-elle pas censée remettre de l’ordre dans tout cela ?
Michel Crépeau
- « Encore faudrait-il qu’elle soit appliquée ! Il n’est pas sérieux d’exiger des députés qu’ils siègent du lundi au dimanche ; comme c’est le cas depuis quelques semaines. Nous devons montrer l’exemple et nous appliquer les 35 heures que nous avons votées ; Car le travail d’un parlementaire ne consiste pas seulement à légiférer : il doit également garder le contact avec les citoyens sur le terrain. Si les députés ne se rendent plus dans leurs circonscriptions pour prendre le pouls du pays, les technocrates continueront à gouverner. Dans le même ordre d’idée, je tiens à préciser que je suis farouchement contre les séances de nuit. J’ai l’habitude de dire qu’un radical ne légifère pas après minuit parce qu’il a autre chose à faire. Comment voulez-vous légiférer efficacement la nuit lorsque vous travaillez depuis neuf heures du matin ? »
LE FIGARO.
Votre conclusion ?
Michel Crépeau
- « On légifère trop. Au point que l’adage « Nul n’est censé ignorer la loi » est battu en brèche. Il faut songer très sérieusement à une nouvelle définition des domaines législatif et réglementaire. On doit faire preuve d’audace. Ce qui s’est passé avec Mme Boulin est l’occasion d’appuyer sur l’accélérateur. »