Texte intégral
Le Parisien, 18 novembre 1998
Question
- Etes-de vous préoccupée par la trentaine d'amendements déposés par les parlementaires ?
Marie-George Buffet - Des amendements veulent renforcer la protection de la santé et le rôle des médecins. On va les examiner un par un. C'est le débat démocratique. Certains autres me posent problème. Je trouve qu'ils mettent trop le mouvement sportif au banc des accusés, alors qu'on a besoin de lui pour mener la lutte contre le dopage. Ils donnent par exemple au conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), qui va être mis en place, des pouvoirs sur le plan policier et judiciaire. Ne confondons pas les rôles.
Question
- Croyez-vous que le projet puisse passer comme une lettre à la poste ?
Marie-George Buffet. - Non, ce serait même inquiétant, car c'est un sujet important. En revanche, ceux qui se rendraient coupables d’atermoiements pour repousser ce projet très loin dans le calendrier législatif porteraient une lourde responsabilité par rapport à l'enjeu du dossier. J'espère que chacun va avoir cela en tête. En fait, le seul danger, c'est qu'on ne puisse pas aller au bout de l'examen de la loi demain soir (ce soir). Si on ne pouvait pas aboutir, le projet pourrait être remis à 1999. Or, il faut faire vite.
Sur ce sujet, je crois qu'il y a un consensus très large
Question
- La lutte contre le dopage, c'est un sujet consensuel…
Marie-George Buffet. - Sur le fond, je le crois. On fait du sport pour son épanouissement individuel, pour rencontrer d'autres gens, pour se dépasser. Pas pour se ruiner la santé et battre l'autre en prenant des produits. A partir du moment où le gouvernement a montré sa volonté de garder au sport ces fondements, je crois qu'il y a un consensus très large. Après, il peut y avoir débat sur les meilleures mesures à prendre pour mener cette lutte. Mais c'est normal.
Question
- Les décrets d'application de la loi Bambuck, adopté en 1989, ont été pris en 1993. Aurez-vous les moyens d'aller plus vite ?
Marie-George Buffet. - Je souhaite d'abord qu'on puisse se faire très rapidement les navettes entre les deux Assemblées afin qu'elles se mettent d’accord. Ensuite, il faudra faire un travail très rapide sur les décrets d’application, par exemple concernant la nomination du CPLD. Je souhaite que tout soit en place en 1999. Il y aura aussi les moyens financiers à dégager. Par exemple, pour le suivi médical des sportifs de haut niveau et des espoirs, soit plusieurs milliers de personnes. La somme que j'ai inscrite au budget 99 ne me permet de suivre que 600 sportifs. Il faudra bien qu'au budget 2000 nous puissions nous donner les moyens d'atteindre nos objectifs.
Question
- On parle, à terme, de 3 000 sportifs ?
Marie-George Buffet. - Ça, c'est le haut niveau. Il y a aussi très de 3 000 jeunes et de tout jeunes. Pour ceux-là aussi, il y a un énorme travail de prévention à faire. Beaucoup de choses se jouent à ce niveau-là. On assiste à un élargissement de la pratique du dopage, avec de jeunes sportifs touchés, des cas à 15 ans et demi. Il y a eu une sorte de banalisation du dopage.
Question
- Vous allez compter davantage sur l'action des médecins du sport…
Marie-George Buffet. - On voit de plus en plus un dopage à deux vitesses. Il y a des amateurs avec des produits assez facilement détectables, et un dopage beaucoup plus sophistiqué pour lequel le contrôle d'urine ne suffit plus. C'est pourquoi on va améliorer la détection par le suivi médical. Il ne s'agit pas qu'un médecin fasse de la dénonciation mais qu'il puisse alerter une cellule médicale placée auprès du CPLD. Qu'il puisse faire un bilan de santé complet plusieurs fois dans l’année. Pas simplement pour détecter le dopage, mais aussi pour détecter les périodes de méforme, pour l’aider. Si c'est un médecin qui est concerné, cette cellule médicale pourra se retourner vers le Conseil de l’ordre. Ce n'est pas un système répressif mais un système d'accentuation du suivi médical et de la prévention.
Question
- Comment va fonctionner le CPLD ?
Marie-George Buffet. - S'il y a des cas de dopage avérés et qu'une fédération ne met pas en place les procédures prévues, le fait hors délais ou ne prend aucune décision, le conseil s'y substituera. Son appel sera définitif. C'est pourquoi il est extrêmement important qu'il soit placé dans un état réel d’indépendance.
Question
- Le livret médico-sportif que prévoit la loi est-il réservé seulement aux sportifs de haut niveau ?
Marie-George Buffet. - Il y a débat. La loi sur le sport de 1984 prévoyait déjà un livret pour tous les sportifs. Mais ce n'est pas du tout entré en application. Ne recommençons pas à prendre des décisions qui ne pourront être appliquées. Je préférerais que, demain soir (ce soir), on adopte une mesure qui instaure déjà ce livret pour les sportifs déjà inscrits dans la filière de haut niveau. Après, on verra.
Il est indispensable qu'on ait une action commune au plan européen
Question
- Avec ce projet de loi, la France est en pointe dans la lutte contre le dopage. Va-t-elle continuer seule ?
Marie-George Buffet. - Il n'y a pas de désarmement unilatéral. Il est indispensable qu'on ait une action commune au plan européen. J'espère que la conférence de Lausanne, organisée par le Comité international olympique en février prochain, permettra d'avancer dans le sens de cette coopération. Qu'on parle de la mise en cohérence des sanctions, de la liste des produits, mais aussi des causes fondamentales du dopage, de la surcompétition, et des rapports entre sponsoring et sportifs.
L’Humanité, 18 novembre 1998
Question- Les affaires récentes montrent l'étendue du dopage. Le terreau sur lequel il prospère est connu (surcharge des calendriers sportifs sous la pression des sponsors et des médias…) et demeure. A partir de quels résultats concrets apprécierez-vous l'efficacité de votre loi ?
Marie-George Buffet. - L’existence du dopage n'est pas une découverte. Pas plus que la nécessité de se doter d'une loi. Mais ce qui est tout à fait nouveau, c'est l'ampleur du fléau, son extension à des dizaines de disciplines, sa pratique chez les sportifs de plus en plus jeunes, l'arrivée de produits particulièrement dangereux et l'existence d'un trafic lucratif.
La loi que je présente au nom du gouvernement veut donner à la France des moyens étendus et mieux adaptés à ces évolutions. Nous mettons particulièrement l'accent sur ce qui doit devenir une véritable culture de la prévention. Nous nous attaquons beaucoup plus durement aux pourvoyeurs. Nous clarifions les responsabilités des médecins sportifs, et nous créons une autorité de prévention et de lutte réellement indépendante, dotée d'un budget, composée de personnes qualifiées issues du Conseil d’État, de la Cour de cassation, de l'Académie des sciences, du Conseil consultatif national éthique, du Comité national olympique et sportif français.
A partir de cette démarche, et avec l'engagement indispensable de tout le mouvement sportif, le premier grand résultat que nous pouvons espérer obtenir est de créer un interdit sur le dopage dans les consciences comme dans les comportements.
Question- Le sport est devenu une activité de plus en plus contrôlée par des intérêts privés. Quelle est la marge d'intervention des États et des pouvoirs publics quand ceux-ci veulent bien s’engager dans la lutte antidopage ?
Marie-George Buffet. - Se doter d'une loi efficace est très important. Mais ça ne suffit pas. Les causes profondes du dopage résident, pour l’essentiel, dans le fait de considérer que des intérêts commerciaux passent avant la santé publique et l'éthique sportive. A l’encontre de cette analyse, qui est d'ailleurs largement partagée dans l’opinion, on m'objecte parfois l'existence du dopage dans le sport amateur, pour dire que l'argent n'expliquerait pas tout. Ces deux réalités ne s'opposent pas. C'est simplement le résultat de la banalisation d'une demande du résultat à tout prix.
C'est à cette dérive que doivent résister les dirigeants du mouvement sportif national et international. Beaucoup y sont prêts et déjà agissent. Je souhaite qu'ils se fassent encore plus entendre.
En même temps, il faut se garder de toute schématisation. Je ne dis absolument pas que la présence d'investisseurs privés dans le sport est, en soi, une cause de dopage. Cela ne ferait que renforcer le fantasme dangereux du « tous dopés », et ça aboutirait à l'idée que, finalement, on ne peut rien faire. On sait à qui profiterait cette vision fataliste. Ce n'est pas la mienne. Je dis seulement qu'il ne faut pas que l'argent qui rentre dans le sport lui dicte des règles qui n'ont rien à voir avec les objectifs du sport. Et si j'ai décidé de mener ce combat avec détermination, c'est bien parce que je crois que l'action de l’État, conjuguée à celle du mouvement sportif, peut mettre le dopage hors jeu.
Question- Dans un univers sportif mondialisé, une loi qui n'a pas prise hors des frontières françaises est-elle vraiment efficace ?
Marie-George Buffet. - C'est vrai, le dopage n'a pas de frontières. Mais il y a deux manières d'aborder cette réalité : soit estimer que rien n'est possible sans solution mondiale, ce qui revient à déclarer forfait, soit, au contraire, rechercher des points d'appui et, à partir des réalités nationales et de certaines convergences, construire des coopérations internationales.
C’est ma démarche au niveau de l'Union européenne, l'Europe peut mener un rôle majeur dans la lutte contre le dopage, et je constate qu'avec des collègues européens nous cherchons ensemble à mettre en place les coopérations nécessaires pour agir contre ce fléau.
En mai dernier, au moment où je présentais le projet de loi au Sénat, certains craignaient un effet d'isolement de la France. C'est exactement l'inverse qui s’est produit. Une prise de conscience s'est opérée dans plusieurs pays voisins. Cela m'a d'ailleurs incitée à approfondir la réflexion sur la dimension internationale de cette lutte et à formuler plusieurs propositions précises, tant au niveau de l'Union européenne, qu’auprès du Comité international olympique. J'ai bon espoir que les choses avancent.
Question- Les contrôles restent la base de l'action contre le dopage. Mais ce point de départ est-il fiable si les tests ne permettent pas de détecter certaines substances, notamment l’EPO ou les hormones de croissance ?
Marie-George Buffet. - La base, c'est la prévention. J'insiste car, dans ce domaine, il y a vraiment énormément à faire. Il ne s'agit pas seulement de délivrer des messages de sensibilisation. C'est le rapport du sport à la santé qui doit se modifier. Le dopage commence à partir du moment où l'on accepte d'utiliser des médicaments à d'autres fins que de se soigner. Pour ce qui est des contrôles, il est faux de dire qu'ils ne servent à rien. Par contre, d'importants moyens doivent être consacrés à la recherche médicale pour rendre ces contrôles beaucoup plus performants et, surtout, il faut généraliser le suivi médical.
Question- Les crédits consacrés à la lutte antidopage, en nette augmentation, suffisent-ils devant l'ampleur de la tâche ? D'autres ministères vont-ils venir à la rescousse ?
Marie-George Buffet. - Sur ce plan, le retard à rattraper était considérable. Je dois quand même me rappeler que l’une des dernières décisions de mon prédécesseur a été de réduire les crédits du Laboratoire national de recherche. Dès mon arrivée, je les ai rétablis et augmentés. L'ensemble des moyens consacrés à cette lutte a été doublé en 1998, et ils progressent encore de 58 % dans le budget 99. Et pourtant, c'est vrai, cela reste insuffisant au regard de l'ampleur des besoins.
France Inter - mercredi 18 novembre 1998
- « Ce qui m'apparaît essentiel, c'est la création d'une structure administrative indépendante, composée de magistrats, de scientifiques, de médecins, désignés non pas par des ministères, mais désigné par leur propre structure - faculté des sciences, comité d’éthique, Cour de cassation - dotée d'un budget propre parce que mon souci est de libérer la lutte contre le dopage de toute forme de pression. Et donc, ce Conseil indépendant de prévention et de lutte contre le dopage pourra par exemple faire appel, s'il estime qu'une fédération sportive n’a pas mis en œuvre les procédures nécessaires. Son appel sera définitif. Il jouera un rôle de conseil extrêmement important auprès du mouvement sportif avec sa cellule scientifique tu pourras valider les analyses. Et je pense qu'un des amendements proposés va mettre en place une cellule médicale. Cette cellule médicale pour aider les médecins du sport à jouer leur rôle de prévention et d’alerte. »
Europe 1 - mercredi 18 novembre 1998
J.-P. Elkabbach - La France monte sur le podium de la lutte contre le dopage. La loi Buffet est présentée cet après-midi à l’Assemblée, elle s'annonce très répressive et dissuasive. Combien de sports sont aujourd'hui contaminés ou menacés par le dopage ?
- « Depuis 1993, on peut considérer qu'il y a 57 pratiques sportives qui ont été touchées par le dopage. »
J.-P. Elkabbach - En plus de l'haltérophilie et du cyclisme ?
- « Oui, mais on ne peut pas rester aux sports qui avaient la réputation de sport où il y avait beaucoup de dopage comme l'haltérophilie ou le cyclisme. Maintenant, le dopage s’étend parmi le haut niveau mais aussi parmi les jeunes amateurs. »
J.-P. Elkabbach - Il y a 13 millions de licenciés, ça veut dire qu'il y en a beaucoup dans toutes les villes, les petites communes qui peuvent être touchées ?
- « Oui, on a maintenant des contrôles positifs dans des courses ou des championnats départementaux ou régionaux. Parfois avec des mélanges de produits qui sont extrêmement dangereux. On assiste maintenant à un dopage de luxe sophistiqué et puis un dopage du pauvre avec encore plus de dangers pour la santé. »
J.-P. Elkabbach - Et êtes-vous sûre que le football français n'est pas atteint comme l’italien ?
- « Les dirigeants de la Fédération française de foot l’ont dit, il faut prendre au sérieux cette question de dopage dans le foot comme dans les autres pratiques. »
J.-P. Elkabbach - Dans la voile aussi ?
- « Je crois que tous les sports doivent se mobiliser. »
J.-P. Elkabbach - Ce n'est pas une réponse, dans la voile aussi ?
- « Partout, oui. »
J.-P. Elkabbach - Vous souhaitez que la loi soit appliquée à partir de quand ?
- « Je souhaite qu'elle soit appliquée en 1999. On peut aller très vite, je crois que c'est nécessaire. »
J.-P. Elkabbach - Et à votre avis, combien de temps sera nécessaire pour réduire sinon éliminer les drogues des stades, des pistes ?
- « Ça sera une bataille assez longue parce qu'on a besoin de travailler beaucoup sur la prévention. Vous avez parlé d'une loi répressive, c'est avant tout une loi de prévention et de suivi médical des sportifs. Ça va demander une bataille, je dirais, presque au jour le jour pour faire reculer ce fléau. Je crois qu'il ne faut pas considérer qu’une fois que la loi sera votée et appliquée, on aura réglé le problème. Il faut des moyens financiers ; il faut travailler beaucoup avec le mouvement sportif ; il faut travailler sur les calendriers sportifs, sur le niveau des compétitions. »
J.-P. Elkabbach - Et qui faut-il en priorité surveiller et éventuellement sanctionner ?
- « Je crois qu'il faut un suivi médical au niveau des sportifs. C’est, je crois, ce qui va encore être amélioré ce soir au niveau de la loi. Et puis il faut durcir - là j'emploie cette expression volontairement - la lutte contre les pourvoyeurs. Jusqu'à présent, seuls les sportifs étaient inquiétés et on n’inquiétait pas ceux qui fournissent… »
J.-P. Elkabbach - C'est qui ? Est-ce que ça commence par les laboratoires, par ceux qui cherchent les drogues ?
- « Oui, il y a de véritables filières. Quand vous apprenez que des produits qui ne sont pas encore mis en situation, des médicaments etc., arrivent auprès de certains sportifs, c'est donc bien qu'il y a des filières qui se procurent ces produits, les font circuler, les mettent à la disposition, en vente, au niveau des sportifs. On l'a vu avec les événements de cet été. Oui, il y a des filières. »
J.-P. Elkabbach - Alors ceux-là, c'est le tribunal.
- « Oui, ce sont les poursuites judiciaires. »
J.-P. Elkabbach - Et pour les autres, pour les sportifs, vous êtes plus indulgente ?
- « C'est la sanction sportive. Je considère que les sportifs sont avant tout victimes ou instruments d'un système. Ils sont parfois mis en état de dépendance et donc je pense qu'il faut en rester à la sanction sportive. »
J.-P. Elkabbach - Qu'attendez-vous des médecins et des médecins du sport ?
- « Je pense qu'il faut aider les médecins du sport à être plus en responsabilité. On a besoin que ces médecins assurent un véritable suivi. Parce qu'il y'a les contrôles mais on sait bien aujourd'hui avec l'évolution que ces contrôles ne pourront pas être complètement efficaces. »
J.-P. Elkabbach - C'est-à-dire qu'ils vont plus vite que les lois ?
- « Oui, tout à fait. »
J.-P. Elkabbach - Ou ça veut dire que les lois doivent s’adapter ?
- « Je crois surtout qu'il faut mettre des moyens à la recherche pour que ces contrôles soient plus efficaces. Mais parallèlement à ces contrôles, je pense qu'un suivi médical sérieux peut justement, si un athlète a des difficultés etc., empêcher qu'il soit tenté d'utiliser des produits dopants. Et un médecin peut voir qu'un athlète se dope et à ce moment-là, la loi va lui donner un droit d'alerte auprès d'une cellule médicale qui va permettre qu'on puisse tout de suite intervenir auprès du sportif. »
J.-P. Elkabbach - Il passe par le conseil de la prévention vous allez créer ?
- « Oui. Il alerte. »
J.-P. Elkabbach - Et ce conseil, il fait la police, il juge ?
- « Il aide le mouvement sportif à prendre des décisions. Il sera entouré d'une cellule scientifique et d'une cellule médicale. Et deuxièmement, il a un pouvoir d’appel. Si une fédération ne prend pas les sanctions nécessaires, ils peut immédiatement faire appel lui-même et prendre une sanction. »
J.-P. Elkabbach - Donc il est indépendant et il a des moyens ?
- « Oui il est indépendant. C'est pour ça que nous souhaitions que les personnes qui le composent ne soit pas nommées par le ministère mais par la Cour de cassation, la faculté des sciences, etc. Et il aura des moyens, il aura un budget. »
J.-P. Elkabbach - Et si un médecin généraliste qui sait, qui l'autorise à lever ou à casser le secret médical ?
- « On ne lève pas le secret médical, il s'adresse à la cellule médicale, à d'autres médecins qui ensuite vont intervenir auprès de la fédération. »
J.-P. Elkabbach - Est-ce que vous ne donnez pas trop de pouvoir encore aux fédérations parce que jusqu'à présent elles ont été sourdes, muettes et aveugles et d'une certaine façon complices de ce qui se passait ?
- « Il ne faut pas généraliser. Il y a des fédérations… »
J.-P. Elkabbach - Mais il faut reconnaître des faits.
- « Je crois que ce serait tout à fait dangereux, je dis même que ça voudrait dire qu'on ne peut pas se battre contre le dopage, si on déresponsabilisait le mouvement sportif. D'un côté, on aurait le mouvement sportif qui organiserait les compétitions et de l’autre, on aurait l'État qui prendrait des sanctions, non. Je pense que le mouvement sportif, et il le souhaite, est en capacité d'assumer ses responsabilités pour la santé des sportifs. »
J.-P. Elkabbach - Votre loi, elle sera unique au monde quand elle sera votée. C'est bien. Et je pense qu'elle sera largement votée. Il y a combien d’amendements ?
- « Oh, une vingtaine certainement ou 60 amendements. »
J.-P. Elkabbach - Et qui amélioreront la loi.
- « La plupart oui. »
J.-P. Elkabbach - Mais est-ce que ça veut dire que les sportifs français seront pénalisés dans les compétitions sportives ?
- « Vous savez, la France était le premier pays en 1965, sous l’impulsion de M. Herzog, à voter une loi contre le dopage et ça n'a pas pénalisé les résultats de nos champions. Et puis je pense qu'il faut mener un travail international. J'interviendrai à la réunion internationale de Lausanne, organisée par le CIO qui se mobilise sur cette question. Je rencontre énormément de ministres européens. J'ai rencontré le commissaire chargé des sports au plan de l'Union européenne parce que je souhaite qu'on puisse avancer des objectifs cohérents. »
J.-P. Elkabbach - Là, on est pionnier ou ils vous laissent avancer en se disant : qu’elle y aille, nous, on ne fera pas la même chose ? Parce que, par exemple, les sportifs étrangers, quand il y aura des compétitions internationales en France, qui n'auront pas envie d'être livrés à des contrôles antidopage, ils ne viendront pas courir, nager.
- « Mais il faut préciser que les contrôles existent dans tous les pays. Ce n'est pas qu'en France qu'il y a des contrôles antidopage. »
J.-P. Elkabbach - Mais s'ils deviennent encore plus sévères ici ?
- « On l'a bien vu pendant la Coupe du monde, il y a d'autres événements sportifs depuis, et les contrôles n'ont pas empêché les équipes étrangères de venir en France. »
J.-P. Elkabbach - Il n'y a pas de risque que de grandes compétitions aillent se faire ailleurs comme dit G. Drut qui reconnaît d’ailleurs du mérite à ce que vous faites ?
- « Non, il n'y a pas de risque. N'importe comment, est-ce qu'on peut raisonner en disant qu'il y a un risque que certains sportifs étrangers ne viennent plus en France et au nom de ce risque, laisser faire le dopage qui coûte si cher à la santé des sportifs ? »
J.-P. Elkabbach - Vous pensez que le prochain Tour de France sera plus surveillé ?
- « Oui, il y a même eu des décisions très forte prises par la direction du Tour et puis par la Fédération française de cyclisme. »
J.-P. Elkabbach - Les JO, les compétitions, les Coupes du monde, tout cela sera plus sous contrôle ?
- « Si on veut que ces événements soient vraiment des événements de rêve, je crois qu'il faut éradiquer toutes les dérives qu’on connait. Il y a le dopage mais il n'y a pas que le dopage. Quand vous voyez des articles sur - excusez-moi l’expression - l'achat de jeunes footballeurs dans certains continents qu’on fait venir ensuite en Europe, je trouve que ce sont des dérives qu'il faut combattre. »
J.-P. Elkabbach - La chair à stades ou à pistes. Vous êtes proche de R. Hue, permettez-moi de vous interroger sur un ou deux faits. L. Jospin a rappelé à l’ordre, hier, d'une manière spectaculaire, ses alliés Verts et surtout Madame Voynet, sans citer son nom, pour leurs prises de position qu'il juge non nécessaires et irresponsables. Est-ce que vous donner tort à M. Jospin ?
- « Je crois que nous avons fait le choix d'une majorité plurielle, d'un gouvernement pluriel. Lorsqu'il y a eu ce projet de loi concernant l’immigration, la régularisation, il y a eu débat au sein de la majorité plurielle, que ce débat continue à s’exprimer. La loi a été voté, les sensibilités continuent à s’exprimer. Mon souci simplement, c'est qu'elles ne s'expriment pas dans un but, je dirais, politicien. »
J.-P. Elkabbach - Donc vous comprenez D. Voynet ?
- « Poursuivons un débat de fond, si nécessaire, sur cette question mais sans arrière-pensées politiciennes. Contentons-nous d’avoir un caractère humain parce qu’entre l'application de la loi et la régularisation de tous les sans-papiers - qui n'est pas la position d'ailleurs du PC -, on peut avoir une démarche humaine, au cas par cas. »
J.-P. Elkabbach - Mais d'une manière plus générale, peut-on s'exprimer ou donnez-vous là aussi à tel ou tel ? Vous dites la gauche plurielle, mais est-ce que quand on parle comme ça alors qu'une direction a été donné par le Premier ministre, ça ne fait pas désordre ?
- « Je pense que le débat ne fait pas désordre et que nos concitoyens apprécient justement que, dans cette majorité plurielle, on puisse avoir un débat ouvert, public. »
J.-P. Elkabbach - Vous vous êtes fait un peu gronder, il y a quelques mois. Vous maintenez votre ligne. Dans ces cas-là, on a envie de s'en aller ou on continue à parler ?
- « Pas du tout. On peut construire ensemble avec nos différences. C'est ce qu'on arrive, je crois, à faire de bonne façon depuis maintenant presque 17 mois. Et bien il faut continuer comme cela. »
J.-P. Elkabbach - Vous dites à M. Hue qu’il peut continuer, lui, à parler des sans-papiers ou même des sujets qui fâchent ?
- « Chaque parti a le droit de s'exprimer et c’est, je pense, la démocratie dans le pays. Après, il y a différentes responsabilités entre les partis et les groupes à l'Assemblée et puis les ministres. On n'est pas tous dans le même rôle. »
France 2 - Mercredi 18 novembre 1998
Est-ce que vous n'avez pas l'impression qu’en faisant cette loi concernant la répression, il y a un soupçon a priori qui va désormais peser sur tous les sportifs de haut niveau ?
M.-G. Buffet. - Non, je crois que justement la loi va permettre d'arrêter des propos comme « tous dopés » ; cela va nous permettre, au contraire, de mieux cerner la réalité du dopage, par un suivi médical accru, de faire cesser les rumeurs, les présomption de culpabilité. Ce n'est pas une loi plus répressive, c'est avant tout une loi pour plus de prévention et de suivi des sportifs, d’aide aux sportifs.
Mais on connaît bien dans le monde du sport, et notamment de haut niveau, dans des grandes compétitions, les enjeux financiers, les problèmes de relations professionnelles avec l’entourage. Est ce qu'il suffit d’une loi ? Est-ce qu'il n'y aurait pas quelque chose de plus vaste, pour ne pas viser uniquement les sportifs ?
M.-G. Buffet. - D’abord, la loi elle-même ne vise pas que les sportifs puisqu’elle s’attaque aussi aux pourvoyeurs. Mais vous avez raison la loi est un instrument indispensable, essentiel, mais la loi ne suffit pas en elle-même. Nous avons besoin d’une réflexion, d’une mobilisation sur le rythme des compétitions, sur la situation parfois de dépendance de certains sportifs par rapport aux sponsors. Cela est tout le travail que nous menons avec le mouvement sportif ; et que je discute avec mes collègues européens et j’espère que ces questions seront abordées de façon très franche, très directe lors de la Conférence internationale de Lausanne.
Est-ce que vous êtes, vous, responsables politique, totalement soutenue par l'ensemble des fédérations ou est-ce qu'il y a de réticences et que chacun veut garder un peu son pré-carré ?
M.-G. Buffet. - Ecoutez, je pense - et on a pu le constater ces dernières semaines - qui il y a une très forte mobilisation du mouvement sportif contre le dopage, parce que ce sont des gens attachés au sport comme moi, qui aiment le sport et qui veulent que le sport garde son éthique, garde son sens, soit un lieu de solidarité, de citoyenneté, de respect des règles. Donc, je sens plutôt le mouvement sportif très décidé à prendre des mesures. Vous avez parlé du cyclisme : la Fédération française de cyclisme en ait, je crois, un bon exemple.
David Douillet, comment réagissez-vous à cela : est-ce que vous avez l'impression que cette réglementation française est suffisante ?
D. Douillet. - D’abord ma première réaction est de dire : c’est bien, il faut durcir les choses pour qu’elles soient efficaces. Et pour cela des ministres s’y étaient attachés avant et maintenant encore plus parce qu’il y a une bonne prise de conscience. Cela nous rassure, nous, sportifs. Maintenant il est vrai qu’il ne faut pas faire le ménage que chez nous. Il faut aussi que les autres pays d’Europe et le monde entier fasse la même chose que nous. Parce qu’il y va de l’éthique sportive, de la crédibilité du sport. Et s’il n’y a que les Français qui font cela, cela n’a aucun intérêt. Moi-même par exemple, je ne fais aucune compétition en France. »
Une seule.
D. Douillet. - Oui, et c’est le cas de beaucoup d’autres athlètes. Certains continuent leurs petits trucs de leur côté, leur petite ratatouille : cela ne va pas aller dans le sens que cela doit aller, c’est-à-dire rendre un sport propre et crédible aux yeux de tous.
Vous pensez que la France va faire école, que d'autres pays vont suivre ?
M.-G. Buffet. - Je partage d'abord tout à fait les remarques qui viennent d'être faites. Il ne peut pas y avoir de désarmement unilatéral. C'est pourquoi j'ai entamé un très gros travail au niveau de l'Union européenne. Nous avons obtenu les premiers résultats : les ministres des sports vont se rencontrer avant la conférence de Lausanne puis il y aura de nouveau une réunion officielle le 30 mai sur cette question de la lutte contre le dopage. Et j'espère que nous allons pouvoir harmoniser nos objectifs, travailler nos législations respectives pour qu’au plan de l’Union européenne nous répondions tous de la même façon. Et je pense que la conférence de Lausanne va nous permettre de répondre au plan international. Je crois que c'est bien que la France prenne un peu d'avance dans cette bataille pour la santé des sportifs et l’éthique du sport. Mais je pense en effet qu'il faut accompagner nos décisions franco-françaises d’un très grand travail pour que les choses évoluent dans d'autres pays en sachant déjà que d'autres pays ont des législations, prennent des mesures, qu'il y a quand même plusieurs pays qui sont très armés.
Il se pose le problème de la validité des contrôles. Avez-vous l'impression que ces contrôles sont efficaces ou bien faits ?
D. Douillet. - Il est vrai que par certaines expériences, on s'est rendu compte que des gens étaient déclarés dopés et qu'ils ne l'étaient pas forcément. Par exemple, moi je mets très en doute les contrôles urinaires. Et j'aurai aimé qu’au moins, on donne le choix à l’athlète, lorsqu'il est contrôlé, de pouvoir à la fois donner son sang et ses cheveux, en plus, en terme de garanties. Parce que, à mon avis, les contrôles urinaires sont désuets. Et j'aimerais aussi, et tous les athlètes de France aimeraient, que la médecine progresse et dans le bon sens. Qu'elle soit sûre et certaine quand elle contrôle quelqu'un de positif, qu'il soit vraiment positif.
C'est le cas. N’êtes-vous pas allée trop vite en condamnant D. Bourras ?
M.-G. Buffet. - Je ne vais pas revenir sur un cas particulier. Il y avait le résultat des des analyses…
Mais vous l'avez suspendu très vite et maintenant on s'aperçoit que ce n'était peut-être pas vrai.
M.-G. Buffet. - Non. Il y a eu d'abord les commissions au niveau de la Fédération Française de judo, il y a eu ensuite la décision au niveau de la Fédération internationale de judo. Et moi j'ai pris une décision qui permettait justement à ce que M. Bourras reprenne la compétition.
Vous ne la regrettez pas ?
M.-G. Buffet. - Mais c'est vrai qu'il y a un problème sur les contrôles. Deux sortes de problème. D'abord maintenant, on arrive à un dopage très sophistiqué où certains produits ne sont plus décelables dans les urines. Donc le simple prélèvement d'urine ne suffit plus. C'est pourquoi nous allons très certainement se soir - enfin je le souhaite - adopter des amendements qui introduisent la possibilité pour le sportif de demander une prise de sang ou un prélèvement au niveau des cheveux. Deuxièmement, nous avons besoin d'efforts sur la recherche. Ceux qui produisent ces produits dopants sont, je dirais, en avance sur nous par rapport aux moyens qu'ils mettent et nous avons besoin de plus de moyens par rapport à cela. Et puis, je pense qu'au-delà des contrôles, c'est un peu cette idée de droit d'alerte pour les médecins, nous avons besoin d'un suivi médical permettant d'élaborer un diagnostic et à partir de là, d’alerter le sportif sur sa santé. Je précise qu'il n'y aura pas rupture du secret médical puisque si le médecin désire exercer son droit d’alerte, ce sera auprès d'une cellule composée uniquement de médecins assermentés qui, ensuite, alerteront les médecins de la Fédération. Donc il n'y aura à aucun moment rupture du secret médical.
Cela vous rassure ? Vous pensez qu'il va y avoir une sorte de nettoyage ?
D. Douillet. - Oui ça me rassure parce que depuis des années je vois ce qui se passe, notamment à l’Est. J'ai vu les conséquences du dopage, j'ai vu des athlètes malades. Il faut que ça s'arrête. Ces mesures sont bonnes. Mais il faut qu'elles soient sur l'Europe et sur le monde entier pour être crédibles.
L’Humanité Hebdo, 19 novembre 1998
Question - Pourquoi la mise au point d'une nouvelle loi concernant le dopage en France est-elle devenue une nécessité ?
Marie-George Buffet. - D’abord, à cause de l'extension du fléau de lui-même : en 1994, une trentaine de discipline étaient touchées ; en 1997, on en est à 57. Le dopage est maintenant à deux vitesses. D'un côté, il est de plus en plus sophistiqué, difficilement décelable et quasiment « médicalement assisté » ; de l’autre, c'est un dopage de « seconde zone », style « pot belge », utilisé par les sportifs amateurs et par de jeunes sportifs, avec des mélanges de produits qui peuvent avoir des conséquences extrêmement graves pour la santé. Plus largement, en quelques années, le sport a connu de profondes mutations. La loi de 1989, qui avait constitué une avancée à l’époque, avait besoin d'être adaptée. Dès juillet 1997, nous avons décidé d'entamer ce travail législatif en sachant que la loi était un outil nécessaire mais pas une fin en soi.
Question - Comment se présente cette loi ?
Marie-George Buffet. - Il y a trois dispositions majeures. D’abord, l'accent est mis sur le suivi médical, dans le cadre de la prévention. Ensuite, nous vous allons mettre en place un conseil de prévention et de lutte contre le dopage, doté de son propre budget, et dont les membres seront issus d'organismes comme la Cour de cassation et le Comité d’éthique, ce qui lui assurera une réelle indépendance par rapport aux pouvoirs, quels qu'ils soient. Ce conseil va s’entourer de cellules scientifiques, médicales qui auront un rôle de conseil et de suivi. Le mouvement sportif doit garder sa responsabilité sur les sanctions sportives, mais le conseil aura un droit d’appel. Enfin, le texte propose un élargissement des investigations et une aggravation des peines pour tous les pourvoyeurs, notamment quand il y a incitation aux mineurs. Jusqu'à présent, en cas de dopage, les seuls sanctionnés étaient les sportifs. Les personnes qui avaient fourni les produits, qui les avaient prescrits, n'étaient pas inquiétées. C'est grâce à la détermination politique exprimée par le gouvernement que les choses se sont un peu modifiées. Je souhaite que figure dans la loi la mise en place dans chaque région d'une cellule composée de membres des ministère de l’intérieur, de la santé, de la jeunesse et des sports, de la défense… pour qu'ils travaillent ensemble sur cette question.
Question - Estimez-vous suffisant les moyens qui sont dégagés pour mettre en œuvre la loi ?
Marie-George Buffet. - Non, pas assez. Par exemple, sur le suivi médical, le budget 1999 nous permet de suivre 600 sportifs de haut niveau alors qu'ils sont plus de 3 000, sans parler des jeunes espoirs parmi lesquels le travail de prévention est essentiel. On a doublé le budget - une progression tout à fait importante et inédite par rapport aux budgets précédents - mais 40 millions de francs, en chiffres bruts, ce sont 40 millions. Le vote de cette loi appelle encore d'autres moyens en l’an 2000. Si l'on veut que le suivi médical soit efficace, il faut, d'autre part, placer les médecins du sport dans de bonnes conditions de travail et revaloriser la fonction des médecins contrôleurs, donner plus de moyens pour la recherche et la prévention.
Question - Pour les responsabiliser, certains ont envisagé des sanctions pénales contre les sportifs dopés, qu'en pensez-vous ?
Marie-George Buffet. - Je suis opposée à ce que la sanction sportive soit remplacée par une sanction pénale, à moins que des sportifs vendent ou fassent du recel de produits interdits ! Les sportifs qui se dopent sont d'abord victimes d'un système. Il y a d'abord un besoin de prévention et d'information. Ensuite, la grande majorité des sportifs portent l’éthique du sport. Plus on leur donnera la parole en tant que citoyennes et citoyens sur toutes les questions concernant la pratique sportive et leur situation, plus ils feront reculer les dérives qui détruisent le sport. Il est nécessaire que nous arrivions - et ce sera l’un des projets de la loi sur le sport - à déboucher sur un code des droits et des devoirs du sportif, à lui assurer une couverture sociale, les moyens de sa formation et de sa reconversion. Qu'il puisse, sur une période courte par rapport à une vie active normale, avoir des conditions adaptées pour préparer son avenir. Beaucoup de fédérations sportives ont déjà pris des mesures en ce sens, et des soutiens existent au niveau du ministère : aides personnalisées, conventions avec des entreprises, des collectivités publiques. Mais il faut aller plus loin. J’ai demandé à M. Hervé Madoré, responsable de la commission du haut niveau, de me faire des propositions après avoir consulté les intéressés.
Question - Comment jugez-vous l'implication nouvelle des sponsors, certains d'entre eux venant de rédiger une charte éthique ?
Marie-George Buffet. - Une charte des sponsors est une idée très positive. Mais si l’on trouve dans ces chartes des mesures très strictes prises à l'égard des sportifs dont le dopage est confirmé, le dopage devient motif de licenciement, ce qui, pour moi, pose un problème de droit. A aucun moment, dans ce texte, les sponsors n'abordent les raisons qui provoquent le recours au dopage. Il manque, sans doute, un beau chapitre dans cette charte, à propos de la responsabilité des sponsors eux-mêmes pour préserver l'éthique du sport.
Question - Pour être efficace, la lutte contre le dopage n’a-t-elle pas besoin d'harmonisation internationale ?
Marie-George Buffet. - Il est nécessaire que chaque gouvernement prenne ses responsabilités. Mais au niveau de la recherche, de la prévention, de la lutte contre les pourvoyeurs, on a besoin de coopération internationale. C'est une obligation si l'on veut faire reculer ce fléau. J'ai l'impression que, ces dernier mois, les choses ont énormément bougé au niveau de l'Union européenne. Le but n'est pas d'uniformiser les législations. Dans chaque pays, chaque mouvement sportif national a son histoire. Par contre, je crois que l'on peut harmoniser les objectifs. Il y a déjà une convention européenne ratifiée par les gouvernements. Il est temps maintenant qu'on puisse réfléchir et avancer ensemble. J'ai bon espoir que l'on pourra tenir une réunion des ministres des sports en janvier.
Question - Juan Antonio Samaranch, le président du Comité international olympique, a décidé d'une conférence internationale contre le dopage, début février, à Lausanne. Vous y êtes invitée. Qu’en attendez-vous ?
Marie-George Buffet. - Quand j'ai appris que M. Samaranch organisait une conférence internationale, je lui ai tout de suite écrit en lui soumettant les thèmes qui me semblaient pouvoir faire l'objet d'une discussion, ainsi que quelques propositions. J'ai reçu, au début de la semaine dernière, une invitation de M. Samaranch à y participer. J'attends de cette conférence une forte mobilisation contre le dopage. Je crois que le mouvement sportif international peut sortir de ces travaux avec des moyens renforcés pour défendre le sens du sport. J'espère que l'on va gagner en cohérence dans la lutte contre le dopage. Mais je souhaite surtout que l'on ait durant ces trois jours une discussion approfondie sur les causes réelles du dopage, sur les rapports entre l'argent et le sport, sur la compétition à outrance.
Question - Ce combat est-il difficile à mener ?
Marie-George Buffet. - Oui et non. Oui, car l’on brise le silence autour des questions du dopage. Alors que le sport est un élément de rêve, de fête, on peut apparaître comme étant celles qui brise un peu le rêve. Alors que je pense que la meilleure façon de le préserver, c'est justement d'avoir le courage d’éradiquer les dérives. Oui, parce qu'il est certain que l'on se heurte à ceux qui veulent utiliser le sport dans des intérêt mercantiles au détriment des êtres humains qui sont avant tout les sportives et les sportifs. Non, parce que ce combat n'est pas que le mien. Il est celui de l'immense majorité des pratiquants, des bénévoles, des responsables qui pensent que le sport est avant tout source d'épanouissement personnel, de rencontres, de solidarité. Non, parce qu'à travers la défense de cette conception du sport, on se retrouve sur des valeurs auxquelles les femmes et les hommes, les jeunes de notre pays sont fortement attaché au-delà du sport.