Texte intégral
Le Parisien : Vous avez paru absent du débat sur la pollution atmosphérique à Paris. Le ministre des Transports n’est-il pas concerné ?
Bernard Pons : Dans cette affaire, il ne faut pas schématiser : il n’y a pas d’un côté les bons et de l’autre les méchants. Bien sûr, nous devons rendre tous les véhicules moins polluants, développer les transports publics, les véhicules électriques, les deux-roues. Je suis médecin : j’y suis très attentif. Mais je ne crois pas à certaines approches que je peux lire dans la presse qui consisterait à limiter la mobilité des personnes. Parce que la mobilité est une des conditions du développement économique et du progrès social. Pouvoir se déplacer et choisir son moyen de transport sont des aspirations légitimes.
Le Parisien : Pas de pollution automobile alors ?
Bernard Pons : Les deux pics de pollution les plus importants que nous avons connus cet été correspondaient à des jours où le trafic était plus faible que d’habitude à Paris et dans la région Ile-de-France. Les chiffres m’ont été communiqués par la direction régionale de l’Equipement. Et le 10 octobre, jour de grève et de pollution, tout le monde sait que la circulation a été relativement fluide. Cela veut dire qu’il y a d’autres facteurs qui participent à la pollution atmosphérique et que nous devons essayer de les étudier attentivement et scientifiquement pour essayer de trouver des solutions adaptées à un problème plus compliqué qu’il n’y paraît.
Le Parisien : Selon un rapport de la cellule prospective du ministère de l’Environnement, le transport routier reste pourtant le plus polluant et le plus cher collectivement.
Bernard Pons : La situation va s’améliorer avec le remplacement des véhicules anciens polluants par des véhicules neufs, avec le renforcement du contrôle technique, et l’introduction progressive de véhicules électriques. Je crois aussi beaucoup en la valeur d’exemple que peuvent donner les autobus urbains et les véhicules du service public. J’ai donné des instructions sur ce point au ministère de l’Equipement et j’ai invité la RATP à aller dans ce sens. La RATP vient de signer une convention avec la Ville de Paris et le conseil régional pour utiliser dans les bus un carburant moins polluant.
Le Parisien : En matière de sécurité routière, vous insistez davantage sur la prévention que sur la répression. N’est-ce pas laisser le champ libre aux contrevenants ?
Bernard Pons : La situation est préoccupante. Mais, ces dernières années, nous avons mené des actions répressives qui n’ont eu aucun effet direct sur les accidents. Rien n’est pire que de faire des lois qui ne sont pas appliquées parce qu’elles sont inapplicables. Si j’insiste sur la prévention et l’information, c’est qu’il y a là un champ qui n’a pas été assez exploité. Par exemple, j’ai abaissé le taux d’alcoolémie de 0,8 g à 0,5 g. Mais je ne veux pas que cette mesure soit strictement répressive. Elle doit d’abord être pédagogique. C’est pourquoi entre 0,5 g et 0,8 g, la sanction n’est pas aussi lourde qu’au-delà de 0,8 g.
Le Parisien : Vous comptez faciliter la diffusion des éthylotests auprès du grand public. Quand, où et à quel prix ?
Bernard Pons : Ce sera fait à partir du 15 novembre. Nous travaillons actuellement avec des sociétés françaises mais également dans d’autres pays. Nous allons mettre des éthylotests dans les grandes surfaces, les pharmacies, les stations-service. Ils seront vendus à moins de 10 francs, mais mon objectif est de les proposer à moins de 5 francs.
Le Parisien : A la sortie d’usine, ils coûtent à peine 2 à 3 F. Dix francs, n’est-ce pas trop cher ?
Bernard Pons : C’est pourquoi je souhaite qu’on cherche auprès de toutes les entreprises, celle qui permettra de le mettre au plus bas prix.
Le Parisien : Va-t-on vers une réforme du permis de conduire, une sorte de contrôle technique des personnes ?
Bernard Pons : La délégation à la sécurité routière réfléchit à ce problème. Ce n’est pas exclu, mais ce n’est pas pour demain.
Le Parisien : La SNCF est l’une des entreprises publiques des plus endettées. Comment l’Etat a-t-il pu laisser faire ?
Bernard Pons : C’est vrai, la SNCF est dans une situation grave. C’est l’entreprise la plus endettée de France. Cela est dû en partie au programme TGV qui reste, malgré tout, l’avenir de la SNCF. L’Etat a eu sa part de responsabilité car il a poussé la SNCF à investir. Mais, lors du dernier contrat de plan en 1989, il y a également eu une dérive préoccupante des coûts de gestion de l’entreprise.
Le prochain contrat de plan devra veiller à son redressement. Les efforts devront être partagés. Alléger la dette de la SNCF ne servirait à rien si on ne s’efforçait pas d’améliorer sa gestion. Le redressement passe aussi par une reconquête commerciale et une meilleure maîtrise des coûts.
Le Parisien : L’aménagement du territoire, c’est aussi le maintien des petites lignes.
Bernard Pons : Des propositions intéressantes ont été faites pour que les régions puissent gérer ces lignes. De toute façon, les lignes d’intérêt national seront maintenues. Les autres seront regardées attentivement.
Le Parisien : La campagne française va-t-elle recevoir plus de crédits que les autres années ?
Bernard Pons : Lutter contre la désertification ne consiste pas à injecter des crédits supplémentaires pour répondre aux besoins des zones rurales les plus fragiles. Il faut repenser l’organisation du monde rural dans notre société. Une loi d’orientation sur le développement rural sera soumise au Parlement le printemps prochain. La grande préoccupation, c’est le maintien des services publics en milieu rural : l’école, la poste, l’accès aux transports.
Le Parisien : La loi Pasqua prévoyait de nombreuses aides et primes. Où en est-on ?
Bernard Pons : Nous préparons les textes d’application mais nous avons des discussions serrées avec la Commission européenne sur les conditions d’application de la prime à l’aménagement du territoire et pour les exonérations de la taxe professionnelle.
Le Parisien : La France est le pays d’Europe qui a le plus de communes : 36 000. On a souvent parlé d’en réduire le nombre.
Bernard Pons : J’ai toujours été un défenseur acharné des communes. Dans notre pays, il existe un patriotisme communal. Mais, bien sûr, il est souhaitable qu’elles s’associent et unissent leurs efforts, notamment pour éviter de construire des équipements concurrents. La fiscalité locale de chacune s’en trouvera allégée.
Le Parisien : A quand la réforme de la taxe professionnelle ?
Bernard Pons : Tout le monde est à peu près convaincu qu’une réforme s’impose pour corriger ses nombreux défauts. Notamment les inégalités de ressources entre les collectivités. De plus, cette taxe est anti-économique ; elle pénalise l’emploi et l’investissement.