Interview de M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique de la réforme de l'État et de la décentralisation, à RTL et à France 2 le 28 novembre 1995, sur le conflit à la SNCF, les régimes de retraite des fonctionnaires, le plan d'A. Juppé sur la protection sociale.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Date : 28 novembre 1995
Source : France 2

Q. : Vous faites du centrisme sans le dire ?

R. : Je crois que Force démocrate était une occasion de se renouveler, un symbole, et puis, d’autre part de réunir deux partis, le PSD et le CDS. Je crois et je souhaite que ce soit l’occasion d’ouvrir un grand débat sur les idées. Peu importe ce que deviendront les hommes dans tout cela, je crois qu’il ne faut pas se tromper de combat. Ce n’est pas la carrière des hommes que l’on va juger avec cette nouvelle force démocrate, ce sont les idées, et la France en a besoin.

Q. : Voyez-vous F. Bayrou un jour à l’Élysée ?

R. : Je ne sais pas ce que je vois pour l’instant, c’est beaucoup trop loin. Je ne sais pas si c’est oui ou non, je dis qu’il faut prendre son temps, d’abord se former sur le terrain avec des idées. On verra plus tard.

Q. : Vous parlez dans votre livre, « Des clefs pour le futur », d’un maillon qui manque entre l’école et l’emploi ?

R. : Oui, j’y crois beaucoup. Il y a longtemps que je dis cela mais je n’ai pas toujours été entendu. Il faut rendre l’entreprise obligatoirement formatrice, comme en Allemagne. Vous pourriez faire entrer 400 ou 500 000 jeunes en formation dans l’entreprise, qui pourraient éventuellement retourner à l’université au bout de deux ans s’ils le souhaitent. Mais vous auriez-là un vivier formidable de créateurs d’entreprises, un allégement de premiers cycles considérable, et aussi un premier pas dans la vie active. La culture générale donnée par l’éducation nationale n’est pas suffisante pour avoir une activité, il faut aussi acquérir la culture de l’activité.


Date : 28 novembre 1995
Source : RTL

Q. : Le ministère des Transports a dit hier que les cheminots allaient conserver leur régime de retraite spécial, vous êtes ministre de la Fonction publique. Qu’en sera-t-il ?

R. : Ce qui a été dit hier confirme tout à fait ce qui avait été dit par le Premier ministre, à savoir qu’il n’est pas question de supprimer les régimes spéciaux mais de les préserver pour l’avenir. C’’est ce que j’ai dit aux organisations de fonctionnaires que j’ai reçues toute la semaine dernière. Il s’agit de faire le point sur la situation exacte de ces régimes. Pour cela une commission sera mise en place dès demain pour engager le travail avec les organisations professionnelles. Il faudra qu’elles tiennent compte de la spécificité des métiers car ce secteur public comporte des métiers très différents les uns des autres, avec des âges de retraite différents, des contrats et des pénibilités différentes. Il faudra aussi que tout cela se passe dans la discussion avec les organisations professionnelles. S’agissant de la journée d’aujourd’hui, je voudrais donner un élément d’information concernant la grève dans la fonction publique : elle n’est absolument pas suivie puisque des chiffres dont je dispose actuellement varient entre 1 et 2 % de grévistes. C’est un élément important qui montre que la discussion doit pouvoir s’ouvrir et d’avancer sur ce dossier qui es d’abord et avant tout compliqué au plan technique et qui exige que l’on connaisse tous ensemble, organisations professionnelles et gouvernement, la réalité des choses avant de pouvoir définir des orientations.

Q. : Le gouvernement évoque « la consolidation des régimes de retraite des fonctionnaires » ; ça veut dire quoi ?

R. : Ça veut dire qu’aujourd’hui ces régimes sont très déficitaires, que les cotisations ne couvrent qu’une toute petite partie de la dépense de la retraite et qu’il faut que nous réfléchissions à l’avenir à la situation des caisses, qui hélas ne va pas s’améliorer avec le temps. Il faut donc réfléchir à la manière de mieux gérer les choses et de faire en sorte que, tout en respectant le principe d’égalité, on trouve des solutions pratiques qui correspondent aux contraintes particulières de tel ou tel corps. Je rappelle que chaque régime spécifique sera préservé dans son existence. Ce qui nous voulons c’est les préserver dans la durée et que nous puissions prendre en compte utilement l’évolution démographique de ces régimes de retraite. C’est une démarche de sauvegarde de ces régimes auxquels les salariés sont attachés.

Q. : Le gouvernement ne reculera sur aucun point du plan Juppé ?

R. : Mais le plan Juppé se sont des orientations et le Premier ministre, dès le début quand il en a parlé, a bien parlé de la difficulté de mise en œuvre. C’est la raison pour laquelle une commission d’experts, connus, qui sont des personnalités incontestables avec un passé qui leur permet de bien connaître des différents systèmes du service public, feront des propositions pour que l’on puisse trouver concrètement les moyens d’atteindre ces objectifs.

Q. : Le gouvernement va-t-il repousser au printemps sa réforme fiscale ?

R. : Ce n’est pas le sentiment que j’ai, on parle du premier trimestre. C’est une réforme très importante, qui nécessite un travail préparatoire pas très facile à faire et donc le Premier ministre a confirmé la période du premier trimestre 96.

Q. : La réforme de l’État sera-t-elle retardée ?

R. : Non, j’ai souhaité simplement pouvoir reprendre ce dossier dont je n’avais pas la responsabilité jusqu’à il y a trois semaines et donc le Premier ministre m’a fixé un objectif de janvier prochain pour pouvoir le mettre au point. J’ai souhaité ce délai supplémentaire pour, en particulier, pouvoir en discuter avec les organisations syndicales de fonctionnaires qui jusqu’ici n’avaient pas pu être associées à l’élaboration de ce plan.