Conférence de presse de M. Pierre-André Périssol, ministre du logement, sur le plan d'urgence pour le logement des plus démunis, à Paris le 21 novembre 1995 et interview à Europe 1 le même jour.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

Conférence de presse – 21 novembre 1995

Le plan d’urgence qui prévoit 20 000 logements pour les plus démunis à six mois.

Rappel de l’objectif du plan d’urgence :

- offrir un toit ;
- établir une démarche de réinsertion avec un accompagnement social lié au logement afin de répondre d’une manière concrète à des situations humaines intolérables.

Ce plan n’est pas un coup médiatique, il sera poursuivi en 1996. Par ailleurs j’ai obtenu 20 000 plats et 100 MF en ligne d’urgence dans le projet de budget pour 1996.

Selon les engagements pris par les opérateurs HLM, associations, communes, environ 9 000 logements, 8 951 pour être précis, seront achevés d’ici au 31 décembre 1995. Cette estimation a été faite à partir de déclarations des maîtres d’ouvrages émises au 31 octobre 1995 et vérifiées depuis.

La mobilisation de tous les acteurs a créé une dynamique qui conduit aujourd’hui à recenser, en plus des 8 951 logements cités, plus de 3 000 logement financés dont la livraison est prévue dans les quatre mois à venir. 12 500 logements sont par ailleurs en cours de montage, dont la livraison prévisionnelle interviendra avant la fin de 1996.

Q - Que recouvre cette offre nouvelle de 8 951 logement ?

Des places en hébergement collectif qui sont des réponses à l’extrême urgence nécessitant une solution d’accueil immédiate pour les sans-abris. Elles permettent de couvrir les besoins sur ce segment de l’offre de logements en apportant un complément aux dispositifs d’accueil, d’orientation et d’hébergement existants.

Des logements d’urgence qui sont des réponses à des situations sociales difficiles nécessitant un logement mobilisable rapidement dans l’attente d’une solution pérenne avec une accompagnement social adapté, favorisant l’élaboration d’un projet de réinsertion sociale.

Ces logements d’urgence peuvent être en hôtel social, en résidence sociale, en logement individuel, en petit collectif voire en pavillon ; Ils seront généralement meublés pour tenir compte de la réalité de la situation familiale. Les personnes ou les familles y séjourneront de quelques semaines à quelques mois.

Des logements d’insertion qui sont des réponses à des absences de logements, à des sorties de dispositifs d’urgence qui n’ont pas pu déboucher sur un logement durable.

Ces logements d’insertion peuvent être en résidence sociale, dans le parc privé réhabilité avec l’ANAH, dans le parc social public par la création d’une offre nouvelle. Très proches d’un logement durable, ces logements seront proposés en sous-location, éventuellement assorti d’un bail glissant, les familles y séjourneront de quelques mois à quelques semestres.

Dans tous les cas, conformément à la loi du 31 mai 1990, une offre de relogement définitif, correspondant à leurs besoins et à leurs possibilités, sera faite aux familles et ceci dans un délai qui est fonction du projet d’insertion préalablement défini et de l’évolution de la situation familiale.

Au total, ces 8 951 logements se répartissent en 870 places d’hébergement, et 8 081 logements.

J’ai toujours indiqué clairement que ce plan d’urgence avait pour ambition de créer une offre nouvelle et renouvelable. Il ne s’agit pas d’aggraver la précarité sociale. Ce plan d’urgence ne créera pas des réponses seulement transitoires à des situations sociales précaires. Mon engagement sur ce point est sans faille, c’est l’ensemble de ma politique du logement qui doit permettre devant chaque situation individuelle d’apporter une solution de relogement durable.

Q - Comment sont répartis ces logements ?

Ce sont 2 570 adresses réparties sur plus de 1 247 communes. C’est la preuve que ce plan tient ses engagements par son caractère diffus, et sa bonne répartition sur le territoire. Il contribue à apporter une meilleure réponse, partout en France, à l’exclusion par le logement.

Ces chiffres ne comprennent pas les 2 000 logements que l’Union des HLM a déclaré vouloir offrir aux plus démunis avant la fin de cette année. Je me réjouis de cette initiative et j’espère qu’elle sera suivie notamment par les bailleurs des grandes entreprises publiques. Déjà la SICF (filiale HLM de la SNCF) et la SNI (société HLM du ministère de la défense) se sont engagés à mobiliser chacune, 200 logements sur leur parc existant.

Par ailleurs, déjà sollicitées, les entreprises publiques doivent apporter une nouvelle et forte participation au plan d’urgence. Sous la conduite du Premier ministre, elles doivent faire très rapidement de nouvelles propositions en ce sens.

Les premiers résultats sont très positifs. Il faut continuer, la mobilisation de tous doit rester forte. Les partenaires associatifs doivent être rassurés tant sur la pérennité de l’action publique, que sur la continuité des moyens budgétaires de l’État qui sous-tendent l’action des travailleurs sociaux dans l’accompagnement sociale.

Ce plan se réalise dans la transparence, un comité de pilotage national travaille et examine tous les 15 jours l’avancement du plan. En son sein, les associations, l’Union des HLM et les collecteurs sont représentés. Le Gouvernement n’a rien à cacher ni des succès, ni des difficultés rencontrés. C’est ensemble que nous relèverons ce défi rencontré par la société française.

Le Gouvernement est déterminé. Déjà en août, nous avons décidé 500 réquisitions de logements, plus de 400 ordres de réquisitions désignant les bénéficiaires sont d’ores et déjà signés ; les travaux seront dans tous les cas terminés avant la fin de l’année.

La très forte mobilisation constatée pour la mise en œuvre de ce plan témoigne de la prise de conscience collective devant la fracture sociale révélée par la question du logement. Conformément à la volonté du président de la République, je m’emploie et continuerai à m’employer à faire reculer l’exclusion en construisant le droit au logement.

La conduite d’une telle politique ne doit pas revêtir l’aspect d’un quelconque pari gagné ou perdu. Au-delà des chiffres, ce plan d’urgence inaugure une nouvelle façon de conduire la bataille contre l’exclusion par le logement. Là où parfois chacun œuvrait séparément, nous nous sommes retrouvés pour travailler ensemble. J’ai pu constater en Île-de-France, à Grenoble, à Toulouse, et partout où je suis allée, que sur le terrain malgré les difficultés et les contraintes, des personnalités de tous horizons et de toutes convictions politiques étaient engagées dans la bonne marche de ce plan d’urgence.

Cette dynamique, que j’ai eu l’honneur d’engager avec mon ami Xavier Emmanuelli et qui n’aurait, bien entendu, connue aucune traduction concrète sans l’engagement conjoint des communes, des HLM, et des associations, doit nous inciter à poursuivre avec la même détermination. Afin que bientôt, le droit au logement soit une réalité pour chacun de nos concitoyens.

 

Date : Mardi 21 novembre 1995
Source : Europe 1 / Édition du matin

Olivier de Rincquesen : Tiendrez-vous l’échéancier des 10 000 logements d’urgence disponibles avant la fin de l’année ?

Pierre-André Périssol : J’ai très bon espoir. Le point d’étape à la mi-novembre est le suivant : aujourd’hui, tous ceux qui travaillent sur le terrain, les organismes HLM, les associations, les communes ont engagé des travaux et ont déclaré que 9 000 logements actuellement en travaux seront disponibles avec la fin de l’année.

Olivier de Rincquesen : La fondation de l’Abbé Pierre dit que vous n’avez pas les financements pour la moitié d’entre eux et que 2 000 de ces logements viennent en fait des HLM, et que vous faites un amalgame ?

Pierre-André Périssol : Il y a beaucoup plus de logements financés, puisqu’il y en a beaucoup plus qui sont engagés. Je vous ai cité là ceux sur lesquels les associations, les organismes HLM et les communes ont pris l’engagement qu’ils seraient finis avant la fin de cette année. Mais, bien entendu, il y en a beaucoup d’autres. C’est toute une dynamique qui est engagée, puisque 3 000 logements au-delà de ce chiffre seront achevés dans les quatre prochains mois. Un certain nombre d’organismes se sont dit : voilà une bonne idée pour se battre contre la fracture sociale et donner un toit à tout le monde. C’est ainsi que les organisme HLM ont décidé de transformer, à l’intérieur de leur parc de logements, 2 000 logements supplémentaires pour les mettre à la disposition des plus démunis. Mais bien entendu, ceci n’est pas comptabilisé dans les 9 000 logements que je viens d’évoquer. C’est en plus et c’est tant mieux.

Olivier de Rincquesen : D’où vient ce zèle des HLM, c’est ce parce que vous les avez assassinés avec le milliard des surloyers ?

Pierre-André Périssol : D’abord, je n’assassine personne. Et deuxièmement, aujourd’hui, permettez-moi de n’avoir qu’un sentiment, c’est celui de me réjouir que tout le monde comprenne la nécessité de se battre pour accueillir des gens qui sont en situation de précarité. Tout le monde comprend aujourd’hui qu’une société qui tolérerait des gens qui ne sont pas logés ou très mal logés à côté de gens qui le sont, ce serait une société malade. Tout le monde comprend, aujourd’hui, que le Gouvernement ne cherche pas du tout à faire un coup politique dans cette affaire, un coup isolé, mais qu’il recherche réellement à réduire la fracture sociale, à donner un toit à tout le monde et à mobiliser tout le monde dans ce but.

Olivier de Rincquesen : Est-il exact que Jacques Chirac vous tanne en Conseil des ministres sur les logements d’urgence, les réquisitions ?

Pierre-André Périssol : Non, il ne me tanne pas, parce que l’on est exactement sur la même longueur d’ondes. Le président de la République est un homme passionné qui ne veut pas, dans ses tripes, accepter qu’il y ait des gens qui soient mal logés, et, personnellement, je suis extrêmement déterminé pour me battre sur ce sujet. Je refuse ce qui pourrait être considéré par certains comme une fatalité, c’est-à-dire des gens qui seraient mal logés. Le Premier ministre, dès sa déclaration de politique général, a engagé ce plan, et on est tous sur la même longueur d’ondes.

Olivier de Rincquesen : Les particuliers vont-ils se lancer également dans l’aventure ?

Pierre-André Périssol : Absolument, et c’est une des grandes satisfactions que j’ai. Dans le plan que nous avons arrêté, 30 % environ sont réservés pour des particuliers. Monsieur et Madame tout le monde, qui ont un appartement et qui veulent le donner en location à une association pour qu’elle-même le loue à un ménage ou à une personne très démunie. Je crois que les propriétaires qui font cela font doublement une bonne opération : d’abord parce qu’ils bénéficient d’une subvention majorée de l’Agence nationale d’amélioration de l’habitat, pour faire leurs travaux, et que deuxièmement, ils ont une certaine sécurité, puisqu’ils ont une association en face qui, elle-même, sous-louera. C’est d’ailleurs pour cela qu’il y a là aussi une dynamique. On a régulièrement chaque jour plus de propriétaires que se déterminent dans ce sens.

Olivier de Rincquesen : Êtes-vous d’accord avec X. Emmanuelli qui dit qu’il faut un accompagnement social à ce plan de logements d’urgence ?

Pierre-André Périssol : Je suis totalement d’accord avec mon ami X. Emmanuelli, qui a une très grande sensibilité, une très grande connaissance de ces problèmes de grande précarité. L’originalité de son plan a été que nous avons financé budgétairement non seulement le bâti, la création du logement lui-même, ceci pour 90 %, mais que 10 %, c’est-à-dire 130 millions, ont été affectés et financés dès le début pour l’accompagnement social. C’est cela qui est une des clefs du succès du plan, parce que les associations sont plutôt sûres du financement.

Olivier de Rincquesen : Le prêt à 0 % a-t-il le succès escompté ?

Pierre-André Périssol : C’est extrêmement positif, 90 % des français le connaissent et 42 % des Français, qui ont pris la décision d’acheter un logement dans les deux ou trois ans qui viennent l’ont fait par le prêt à taux 0, parce qu’ils ont cru, parce qu’ils croient dans cette mesure, c’est cela qui a fait augmenter d’à peu près 50 % les Français qui veulent accéder à la propriété.

Olivier de Rincquesen : Cela redonnera le moral aux professionnels du bâtiment ?

Pierre-André Périssol : Cela redonnera le moral aux professionnels du bâtiment, je l’espère, mais cela permet aussi d’avoir une vraie politique sociale, parce que ceux qui sont les plus intéressés, ce sont les ménages qui gagnent entre 9 000 et 15 000 francs.

Olivier de Rincquesen : Le marché immobilier ne risque-t-il pas d’être mis à genoux quand les banques vont purger leurs structures de cantonnement ?

Pierre-André Périssol : Il s’agit de quelque chose de très localisé dans des zones très tendues. Il y a eu une bulle spéculative dans les année 1989-1991, il faut en sortir. Je pense que dans les trois millions de mètres carrés de bureaux, il y en a la moitié, 1,5 millions de mètres carrés, qui peuvent être transformés en logement, et j’entends que l’on y aille.