Texte intégral
Je pense en premier lieu, qu'il serait utile de donner une nouvelle impulsion au débat sur l'adaptation de notre organisation territoriale.
La France est le seul grand pays de l’Union européenne à compter autant de niveaux d’administration : communes, structures intercommunales (y compris communautés urbaines), départements, régions, État… (sans parler de Bruxelles et des fonds européens). Il y a là un facteur de complication croissante et de coûts considérables. Nous le vivons, nous élus municipaux, au quotidien. N’est-il pas nécessaire de simplifier ?
Le Gouvernement dans cette perspective semble vouloir privilégier le niveau de l’agglomération, ce qui me paraît intéressant. Il pose du même coup la question de l’avenir du département. Quelles sont, en effet, aujourd’hui les principales missions de cette collectivité territoriale ?
D'abord, l'action sociale sous toutes ses formes qui absorbe la part la plus importante du budget départemental.
Nombreux sont ceux qui estiment que les politiques de solidarité sociale seraient conduites avec plus d'efficacité et surtout plus d'humanité si elles étaient confiées à des échelons plus proches du terrain : la commune bien sûr, cellule de base de notre démocratie, et l'intercommunalité ou l'agglomération. Il semble que les projets gouvernementaux n'écartent pas cette idée.
Ensuite, les collèges. Est-il raisonnable de maintenir la séparation entre écoles (relevant des communes), collèges (départements) et lycées (régions) ? Ce schéma est artificiel. Il aboutit à créer des doubles emplois coûteux. La région s'affirme de plus en plus comme la collectivité compétente pour tout ce qui concerne la formation et donc, notamment, l'ensemble de l'enseignement secondaire. N'est-il pas temps de clarifier la situation ?
En troisième lieu, les infrastructures et le développement économique. Ici encore la région semble bien l'échelon le mieux adapté, dans le contexte européen. Il est vrai que le département - dont, je le rappelle, les contours ont été dessinés il y a deux siècles pour permettre à chaque citoyen de gagner le chef-lieu en une journée… à cheval ! - est un instrument important de la politique d'aménagement du territoire et principalement de l'espace rural. Il prélève, en effet, l'essentiel de ses ressources propres sur les zones urbaines pour en redistribuer une partie significative au profit des zones rurales. Mais la région pourrait parfaitement assumer cette mission, dans le cadre d'une politique ambitieuse de contrats de pays, évitant le saupoudrage.
Si une telle orientation était prise, par étapes et sur la durée, au profit des communes, des structures intercommunales et d'agglomération d'un côté, des régions de l'autre, il faudrait s'interroger aussi sur le mode d'élection des conseillers régionaux qui sont aujourd'hui trop déconnectés du terrain.
Plutôt que d'évoluer vers une radicalisation du scrutin de liste à la proportionnelle comme on s'apprête à le faire, en abaissant les seuils prévus au 1er et 2e tours (ce qui entraînera l'ingouvernabilité de beaucoup de conseils régionaux et renforcera le rôle d'arbitre des partis extrémistes), ne vaudrait-il pas mieux aller vers une redéfinition de circonscriptions cantonales plus larges et plus équilibrées, au sein desquelles seraient élus des conseillers qui siégeraient à la fois au conseil général et au conseil régional ? Ce serait un pas en avant dans le sens de la cohérence, de l'efficacité et de la démocratie.
En toute hypothèse, on ne pourra pas s'interroger sur l'injustice et l'archaïsme qui caractérisent aujourd'hui les conditions d'élections des conseillers généraux. Pour prendre l'exemple de notre département de la Gironde, vous savez que la population cantonale varie de 2 500 à 45 000 ! Certains conseillers généraux ont 1 826 électeurs, d'autres 32 064. On peut admettre une certaine sur-représentation de l'espace rural, mais de telles disparités sont difficilement comptables avec une bonne pratique de la démocratie. L'importance démographique des circonscriptions législatives a été peu à peu harmonisée ; il devrait en être de même pour les cantons.
Voilà quelques-unes des questions que je voulais vous soumettre.
Je suis sûr qu'à votre âge, on n'est pas encore figé dans des certitudes définitives ou dans la défense des droits acquis. Je fais confiance à votre sens de l'intérêt général et de la modernité pour participer à un débat qui vaut mieux qu'une polémique partisane.