Déclaration de M. Pierre-André Périssol, ministre du logement, sur la gestion des HLM et la politique d'aide au logement social, Paris, le 18 avril 1996.

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Circonstance : Assemblée ngénérale des SA d'HLM à Paris le 18 avril 1996

Texte intégral

Monsieur le Président de l'UNFOHLM,
Monsieur le Directeur général de la Caisse des dépôts et consignations,
Monsieur le Président du crédit local de France,
Monsieur le Président du Haut Comité pour le logement des défavorisés,
Monsieur le Président de la Fédération Nationale du Bâtiment,
Monsieur le Président de l'UNIL,
Monsieur le Président LAIR,
Messieurs les Présidents de Fédération, MM. Badet, Dumont, Martin et Rabelle,
Monsieur le Président de la Fédération des SA d'HLM,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,


1. C'est pour moi un grand plaisir de participer avec vous pour la deuxième fois cette manifestation annuelle des SA d'HLM :

– plaisir de me retrouver dans cette grande famille des SA, et vous savez qu'on n'oublie jamais ses origines ;
– plaisir d'honorer Maurice Becker et d'avoir pu lui dire en votre nom à tous combien nous lui sommes reconnaissants de son dévouement ;
– plaisir de pouvoir vous féliciter, Cher ami Berke, de votre réélection à la tête de cette fédération ;
– plaisir de vous entendre défendre la noble cause du logement social avec toute la conviction, toute la lucidité et tout l'esprit constructif que je vous connais de longue date.

2. Nous partageons la responsabilité de faire en sorte que les Français considèrent leur logement comme un lieu d'épanouissement, comme un lieu de liberté et comme un lieu de sécurité.

C'est pourquoi je vous ai écouté en ayant bien à l'esprit les difficultés quotidiennes qui sont les vôtres et que je connais, ne serait-ce que pour avoir eu à les affronter lorsque j'avais, il y a quelques temps encore, la responsabilité d'une SA d'HLM. Mieux accomplir votre mission, c'est à l'évidence plus difficile aujourd'hui qu'hier dans un contexte où il s'agit de concilier plusieurs contraintes, les contraintes (je commencerai par elles) de nos concitoyens, les contraintes qui sont les nôtres collectivement et tout particulièrement celles de l'État.

Raison de plus pour en parler, pour développer comme nous le souhaitons l'un et l'autre, ce dialogue permanent entre le mouvement HLM et les pouvoirs publics. C'est seulement en unissant nos efforts et notre détermination que nous saurons, ensemble, surmonter les difficultés.

3. Alors, je vais essayer de faire aujourd'hui le point sur les questions que vous avez posées. Commençons, si vous le voulez bien, par le rétablissement de vos équilibres financiers.

Les temps sont difficiles, disiez-vous. Effectivement, la préparation de la loi de finances est là pour nous le rappeler chaque année, cette année et les autres années également. On ne peut raisonnablement considérer que l'apport financier de l'État au logement social est la variable d'ajustement d'objectifs qu'on ne peut que partager en eux-mêmes et qui seraient prédéfinis sans contrainte, notamment sans contrainte financière et budgétaire. Il nous faut au contraire mettre à plat ce qui doit l'être et engager les réformes indispensables pour dépenser mieux et non pour dépenser plus, pour recibler en permanence l'aide publique vers ceux qui en ont besoin.

4. Cette analyse s'applique notamment aux aides personnelles au logement. Vous avez rappelé avec force que les aides personnelles au logement sont une des clefs de la solidarité de l'habitat. Elles ont bien entendu une incontestable dimension sociale, mais ce sont des aides qui font partie intégrante de la politique du logement. Leur montant est très important : il tourne autour de 70 milliards de francs. Il augmente chaque année régulièrement, j'allais dire presque mécaniquement. Je n'oserai citer même le chiffre de cette augmentation presque mécanique. J'indique simplement que nous avons rajouté, au cours de l'exercice passé, 2 milliards au collectif de l'été 95 et 1,6 milliard au collectif de décembre, ce qui fait 3,6 milliards. Ces 3,6 milliards correspondent au coût budgétaire de 70 000 PLA.

J'ai tenu à le rappeler pour que l'on prenne bien la mesure de l'enjeu et de ses conséquences. Il faut prendre garde à ne pas exposer le volume des aides à la pierre à l'accroissement des aides à la personne, car il y va de la politique du logement, donc de la satisfaction des Français.

La défense, au meilleur sens du terme, de l'efficacité des aides à la pierre est un objectif commun. Il nous amène à être réalistes, c'est-à-dire à prendre en compte les réalités, notamment celle que je viens de rappeler sur les évolutions des aides à la personne et sur leur coût.

Face à cette question complexe qui est celle des aides à la personne, aux implications multiples (j'en ai cité une, il y en a d'autres), gardons-nous des solutions trop tranchées, trop simples. Il faut donc pousser très en profondeur l'analyse. C'est la seule méthode pour parvenir à maintenir à terme le pouvoir solvabilisateur des aides personnelles, sans fragiliser la capacité de l'État à soutenir financièrement la construction et la réhabilitation sociales. Cette méthode est, je crois, la vôtre puisque vous y travaillez pour le prochain congrès.

5. Je parlais des problèmes budgétaires. Ce n'est pas que le problème de l'État et du Gouvernement. C'est le problème de tous les contribuables et plus généralement de tous les Français. C'est aussi en particulier celui de tous les acteurs du secteur du logement. Comment pourrait-on ne pas voir que le logement est le premier intéressé à la maîtrise des déficits, puisqu'il est pratiquement complètement adossé à des emprunts à long terme dont le coût est directement lié au niveau de nos déficits, à leur maîtrise puis à leur réduction.

La récente baisse du taux du livret A en est une excellente illustration. Le plan de relance annoncé en début février 1996 a une mesure phare, celle de la baisse du livret A dont bénéficie uniquement le secteur HLM.

Cette baisse d'un point du taux du livret A entraîne un allégement de 18 % du coût de l'argent que vous devez emprunter pour construire et pour réhabiliter. Vous en avez mesuré tout de suite l'effet : cela revient pratiquement à un quasi-doublement de la subvention de l'État. C'est dire très concrètement le bénéfice évident que vont en retirer les demandeurs de logements HLM, car le montage des opérations de construction neuve PLA sera facilité, et que vont en retirer les locataires HLM qui pourront bénéficier d'une réhabilitation plus aisée à entreprendre.

Cette baisse a aussi, vous l'avez dit, un effet positif sur votre dette. Le gain sur les annuités à venir des organismes d'HLM sera considérable, puisqu'il est compris entre 30 et 50 milliards de francs en valeur actuarielle selon le taux d'actualisation retenu. Mais ce gain est trop étalé dans le temps. Il est donc souhaitable que cet allégement se fasse sentir plus rapidement, car c'est maintenant que vous avez besoin de cette nouvelle marge de manoeuvre.

Vous avez plaidé, Monsieur le Président, pour un allongement de la durée des prêts en cours afin de réduire à court terme vos annuités.

J'ai soutenu et je continue à soutenir cette idée qui me parait adaptée à la situation. Je m'emploie donc à convaincre, et je ne doute pas que nous finirons par trouver une solution qui permettra d'alléger les annuités, et donc d'augmenter les travaux d'entretien dont vous m'avez dit qu'ils diminuaient compte tenu du niveau de vos charges.

6. Sur la politique des loyers, vous avez plus particulièrement évoqué l'indice et le rôle de l'administration.

Vous êtes favorables à un nouvel indice pour l'indexation des plafonds de loyer, moi aussi. L'indice du coût de la construction est inadapté car son évolution ne reflète pas celle des charges des bailleurs. Nous en avons encore eu un exemple hier avec la publication de l'indice du 4ème trimestre 1995. L'expérience des quinze dernières années nous montre d'ailleurs que le décalage se fait, selon les périodes, soit au détriment des locataires, soit au détriment des bailleurs. Et le résultat concret est qu'il y a toujours quelqu'un de mécontent, mais surtout qu'il y a toujours un perdant, le logement lui-même.

La commission nationale de concertation est l'instance où cela doit être étudié et débattu. Je l'en ai donc saisie. Je réitère d'ailleurs ma demande à tous ceux, locataires et bailleurs qui composent cette commission. Je les exhorte à entreprendre tous ensemble ce travail et à aboutir, dans un délai raisonnable, à une solution reconnue par tous, à défaut par la majorité, comme équilibrée et équitable.

S'agissant du rôle de l'administration, vous avez plaidé pour une conception moins concentrée et centralisée de la politique de l'habitat, avec plus de possibilités d'adaptation locale.

C'est très précisément le sens de la nouvelle réglementation PLA décidée par mon prédécesseur, Hervé de Charette, et qui s'appliquera à partir du premier juillet.

Vous ne serez plus confrontés à une réglementation tatillonne, où tous les détails sont théoriquement prédéterminés depuis Paris, mais où l'encadrement d'ensemble n'est pas réellement assuré. Il s'agit au contraire d'encadrer réellement ce qui mérite de l'être pour des raisons économiques et sociales. L'État en a la légitimité, en tant que régulateur du logement social et principal bailleur de fond.

Localement, il y aura des marges de manoeuvre importantes, 12 % sur le niveau des subventions et sur le niveau du plafond de loyer. Nous allons donc clairement dans le sens que vous appelez de vos voeux, qui est de permettre l'adaptation d'un cadre national aux spécificités du terrain.

Les DDE et vous-mêmes allez maintenant devoir tirer le meilleur des potentialités de cette réforme. Vous redoutez une tutelle tatillonne. Elle ne le sera pas. Vous êtes responsables de votre gestion, nul ne le conteste, et vous devez avoir la liberté d'apprécier les marges de manoeuvre qui vous sont nécessaires. Mais vous devez accepter l'idée que les DDE s'intéressent aux loyers des logements sociaux. Elles sont pleinement légitimes lorsqu'elles s'assurent de la cohérence entre le loyer des logements dont elles subventionnent la construction et les capacités financières des familles modestes à qui ces logements sont destinés.

Cette cohérence, c'est la raison d'être des aides à la pierre, car si les logements sociaux n'allaient pas aux familles modestes, rien ne justifierait que l'on continue à solliciter les contribuables pour les financer.

Le directeur de l'habitat et de la construction a donné des instructions claires aux DDE sur l'utilisation des marges locales de 12 %. En concertation avec l'ensemble des organismes, une règle du jeu sera établie dans chaque département, afin que ces marges soient utilisées avec objectivité et transparence. Ces concertations sont aujourd'hui en cours et il ressort des premières informations qui me sont parvenues que cela se passe bien.

7. Vous vous préoccupez d'assurer la mixité sociale dans votre parc. Avec la montée de l'incertitude et de la précarité, votre mission effectivement évolue. Je relisais dernièrement la définition qu'on en donnait dans les années 50. Les HLM devaient, alors, accueillir « les personnes physiques peu fortunées et notamment les travailleurs vivant principalement de leur salaire ». Je rappelle cela pour illustrer l'évolution qui en quelques 40 années s'est produite dans notre société.

Nous devons donc ensemble nous adapter. Vous vous êtes fortement impliqués dans la mise en oeuvre du programme des 20 000 logements d'extrême urgence et d'insertion. 12 000 logements ont été à ce jour livrés. La majeure partie de ces logements (62 %) ont été réalisés par des organismes d'HLM. Je tiens à souligner leur rôle et je veux vraiment les en remercier.

Ces 12 000 logements ont été réalisés en 1 900 opérations et dans plus de 1 200 communes. C'est dire combien ces logements d'urgence et d'insertion ont été très bien répartis dans le tissu urbain et qu'ainsi tout risque de concentration de personnes ayant des difficultés a été évité. Et de la même manière que j'ai remercié les organismes d'HLM, je tiens à remercier tous ceux, élus, organismes d'HLM, associations, CCAS, qui ont réalisé ces opérations. J'ai mesuré l'importance de leur engagement. C'est extrêmement encourageant pour la santé de notre société qui sait trouver des ressorts lorsque l'essentiel est en cause, et le logement est évidemment l'essentiel.

Ceci n'est qu'une étape. Nous avons livrés 12 000 logements : il faudra aller jusqu'à 20 000 logements d'ici la fin de l'année. Autant il est vrai que nous aurons avec ce plan un volume de logements d'extrême urgence qui répondra généralement aux besoins, autant nous avons encore des efforts à faire en terme de logements d'insertion. C'est pourquoi une très grande partie (j'ai fixé un objectif de deux tiers aux préfets) de ces PLATS doit être réalisée sous forme de logements d'insertion. Il y a donc une continuité dans la politique que nous menons dans ce domaine.

8. Je n'oublie pas, comme vous l'avez rappelé, que votre mission consiste aussi à répondre aux besoins des familles modestes dans le large éventail de leur diversité. Vous êtes quotidiennement confrontés aux insatisfactions, aux problèmes de ces familles qui résultent des files d'attente trop importantes pour elles et pour la société. Chacun peut comprendre qu'il n'est pas possible de satisfaire dans un temps très court tous les demandeurs de logements sociaux. Mais à une condition, c'est qu'il soit clair que certains ne se voient pas refuser un logement plus souvent que d'autres.

Je sais que, par définition, vous n'avez pas la maîtrise des propositions qui vous sont faites. Je sais aussi qu'en général, vous vous efforcez, les uns et les autres, de choisir avec équité les bénéficiaires de logement parmi les familles modestes qui vous sont proposées. Je ressens, comme beaucoup d'entre vous, le besoin de mieux le faire savoir, de lever des doutes, des doutes souvent non justifiés mais, en tout cas, des doutes qui existent. C'est pourquoi nous devons progresser ensemble dans la transparence nécessaire au maintien de la confiance dans le logement social. Et je peux vous assurer, Monsieur le Président Berke, je m'adresse aussi au Président Quilliot et à l'ensemble du mouvement HLM, que bien entendu nous allons y travailler ensemble très prochainement en tenant compte des travaux du Comité Directeur.

9. La transparence va de pair avec la déontologie. Le Président Quilliot en a parlé avec force voici quelques mois. Il y a une réalité incontournable. L'image de tous est ternie par les manquements de quelques-uns. Vous condamnez ces manquements, je vous en félicite. Ils sont inacceptables pour nos concitoyens, pour le mouvement HLM et bien entendu pour votre ministre de tutelle. Vous me demandez d'être ferme : je l'ai été depuis 10 mois et croyez bien que je continuerai à donner à ces manquements les suites qu'ils méritent.

Nous avons tous ensemble la responsabilité d'y mettre fin. Il est du devoir individuel de chaque organisme, il est du devoir collectif du mouvement HLM de s'engager avec détermination dans un effort de transparence et de rigueur. Il est de mon devoir de veiller à ce qu'un dispositif efficace se mette en place rapidement, convenablement articulé avec les moyens propres de l'administration.

J'ai conscience, Monsieur le Président, qu'un premier pas est accompli avec la création du comité déontologique fédéral, dont les modalités précises d'intervention restent encore à préciser. Chaque organisme doit, en ce qui le concerne, accompagner cette démarche par des initiatives particulières. Je souhaite que tout soit mis en place pour le prochain congrès afin que l'on puisse dire que la déontologie n'est plus un projet mais qu'elle est devenue une réalité.


Conclusion

Le logement est au coeur de la cohésion sociale et, à l'intérieur du logement, le logement social évidemment est le facteur majeur de cohésion sociale. Il est redevenu une priorité politique, parce qu'il est une priorité quotidienne des Français. Il est donc une priorité de l'action gouvernementale. Nous avons, vous et moi, ensemble la volonté de construire, de continuer à construire le droit au logement dans notre pays.

Alors pour le faire, il faut qu'il ait des acteurs forts, des acteurs compétents qui aient un réel savoir-faire social, des acteurs qui soient engagés, mobilisés pleinement. C'est pourquoi je salue l'action que chacun d'entre vous mène pour oeuvrer avec efficacité et générosité au service du logement social.

Nous nous retrouverons au mois de juin à Bordeaux, lors du prochain Congrès de l'union des HLM. Nous ferons le point de tout ce que nous aurons fait en un an sur le secteur du logement.

Je sais que je peux compter sur vous, et vous savez que vous pouvez compter sur moi. Un grand merci à vous tous.