Interview de M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget et porte-parole du gouvernement, dans "Les Echos" du 12 mai 1997, sur la réforme fiscale axée sur la baisse des charges sociales et de l'impôt sur le revenu pendant 5 ans et la baisse des dépenses publiques.

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Les Echos : La majorité sortante promet des baisses d'impôts et annonce un tour de vis fiscal en cas de victoire des socialistes. N'êtes-vous pas handicapés par le niveau record atteint par les prélèvements obligatoires en 1996 ?

Alain Lamassoure : Il a bien fallu augmenter les impôts pour payer la facture socialiste. Ils avaient laissé un déficit budgétaire, on l’a oublié, de 340 milliards de francs en 1993. Il a fallu du temps pour remonter la pente. Nous avons d'abord dû, c'est vrai, augmenter les prélèvements. Mais nous avons aussi engagé une politique d’économies sans précédent dans les dépenses. En 1996, les dépenses de l’État ont augmenté moins que la hausse des prix et ont donc baissé en francs constants. En 1997, la loi de finances prévoit une norme plus exigeantes encore. C’est parce que nous avons commencé cet effort que nous pouvons engager désormais une politique durable de baisse de la pression fiscale.

Les Echos : Comment se traduit, sur le plan fiscal, le « nouvel élan » ? On a l’impression que tout ce qui a été annoncé était déjà connu.

Alain Lamassoure : Annoncer des baisses d’impôts n’est crédible qu’à une condition : être capable de baisser les dépenses. Dans le programme de Lionel Jospin, je vois les augmentations considérables de dépenses mais pas leur financement. Nous avons fait voter une loi diminuant l’impôt sur le revenu chaque année pendant cinq ans. Les socialistes, qui ont combattu ce texte, sont incapables de dire ce qu’ils en feraient demain. Nous avons d’autre part engagé la baisse des cotisations sociales sur les bas salaires. En réduisant les dépenses de l’État, nous avons pu consacrer 45 milliards – l’équivalent du budget des universités – à cela. Cela représente 1 200 francs pour un salarié au niveau du SMIC et, pour ceux des industries du textile, près de 2 000 francs. Si la croissance est de l’ordre de 2,5 %, le surplus de recettes permettra d’aller plus loin. Il y a eu un débat au sein de la majorité entre une baisse des charges sociales et de la TVA : nous avons choisi les charges sociales.

Les Echos : Quels sont les engagements RPR-UDF pour les PME ?

Alain Lamassoure : Nous avons commencé avec les lois Madelin et Raffarin à créer des réductions d’impôts pour les particuliers qui investissent dans les fonds propres des PME et nous avons aussi réduit l’impôt sur les sociétés à 19 % pour les entreprises qui réinvestissent leurs bénéfices. Nous devons aller encore plus loin dans ces deux voies. Il faut encourager l’épargne de proximité. Nous souhaitons aussi développer l’utilisation des chèques emploi-service, qui ont très bien réussi pour les particuliers et s’appliquent au premier emploi chez les artisans.

Les Echos : En 1995, le Président de la République avait promis, dans sa campagne, de réduire l’écart de taxation entre le travail et le capital. Une partie du chemin a été faite. Faut-il aller plus loin dans cette voie ?

Alain Lamassoure : Oui, mais progressivement. Ce sont les socialistes qui ont aggravé les cotisations sur les salaires. En 1981, les cotisations sur les salaires étaient de 12,5 %, en 1993, de 19 %. Ils ont réduit en revanche les prélèvements sur l’épargne, par exemple sur l’assurance-vie. Nous avons commencé cette année le transfert progressif du financement de l’assurance-maladie de la cotisation sociale sur la CSG, dont l’assiette est plus large. Mais nous souhaitons le faire progressivement, de manière à ne pas pénaliser les retraités et les petits épargnants. Il faut voir que les gros épargnants ont les moyens de localiser leur épargne ailleurs qu’en France. Une CSG à 7,9 %, comme le propose le PS, est dangereuse car il y aurait un risque de fuite des capitaux.

Les Echos : Votre plateforme prévoit une baisse des droits de mutation sur l’achat des résidences principales. Est-ce une priorité ?

Alain Lamassoure : Nous avons réduit les droits de mutation sur les fonds de commerce, puis sur les achats immobiliers dans l’ancien. Cette expérience nous a un peu déçus. Mais les droits de mutation sont plus élevés en France qu’ailleurs. Dans le cadre d'une stratégie à moyen terme, ii faudra les baisser. Mais ce n'est notre première priorité pour les mois qui viennent.

Les Echos : En 1996, l'annonce de la baisse de l'impôt sur le revenu avait été brouillée par la hausse des impôts locaux. Comment l'éviter ?

Alain Lamassoure : C'est vrai. Il faudrait que les collectivités locales s'engagent à ce que les impôts locaux se stabilisent ou baissent comme les impôts nationaux ou les dépenses de l'État. Mais il faudra se mettre d'accord sur les transferts de charges entre l'État et les collectivités locales, notamment dans le cadre de la nouvelle étape de décentralisation. Pour l'enseignement professionnel, par exemple, nous prévoyons ce transfert.

Les Echos : Les contribuables vont payer leur deuxième tiers provisionnel au plus tard le 15 mai, qui ne tiendra pas compte de la baisse de l’impôt sur le revenu de cette année. De votre point de vue, cela tombe mal…

Alain Lamassoure : Cela prouve au moins que la dissolution n’était pas prévue depuis longtemps ! Les ménages qui le souhaitent peuvent en tenir compte dès maintenant : il leur suffit de calculer ce que sera leur impôt, compte tenu de ce qu’ils ont déclaré en mars dernier, et de payer leur deuxième tiers « au réel », en informant leur percepteur.