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Réformer l’État : une priorité
La réforme de l'État est une grande ambition. Le Président de la République et le Premier ministre l'ont placée au premier rang des priorités du gouvernement. Depuis plus de cent ans, l'État républicain est le garant de la cohésion sociale de la nation, de l'égal accès de tous aux services publics, du respect du droit et de la défense des intérêts de la France dans le monde. Pour autant, l'État ne peut demeurer inchangé, car tout bouge autour de lui.
Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l’État et de la décentralisation
Les Français : leur formation s'est accrue, leurs modes et leurs lieux de vie se sont transformés, l'organisation de leur travail aussi.
La France ensuite : dans une société et une économie de plus en plus complexes, les pouvoirs sont plus répartis : à côté de l'État proprement dit, les collectivités locales ont acquis des responsabilités importantes. Les partenaires sociaux, les associations, les entreprises aspirent à participer davantage et plus librement à la vie de la nation.
Le monde enfin : la France est devenue la 4e puissance économique d'un monde de plus en plus « global » et de plus en plus concurrentiel. Si elle veut le rester, afin de connaître la croissance et de créer des richesses et des emplois, l'État doit être un facteur de sa modernité, de son dynamisme, comme il le fut après la guerre, pendant la période de reconstruction, ou au début de la Ve République.
La poursuite de la construction européenne, de la mise en place de l'Union européenne nous le montre tous les jours. Et particulièrement en ce moment, avec le débat qui s'est ouvert sur l'avenir du « service public à la française », cet élément de notre patrimoine culturel auquel les Français sont attachés et que le gouvernement entend préserver et défendre auprès de nos partenaires européens.
L’État, principal recours
Dans ce contexte, l'image de l'État s'est peu à peu brouillée aux yeux de nos concitoyens qui ne savent pas toujours à qui s'adresser et distinguent difficilement ce qui relève de l'action et de la responsabilité de l'État de ce qui est décidé ou géré par d'autres acteurs publics. Cette confusion aboutit fréquemment à ce que les difficultés traversées par la société française, notamment le chômage et l'exclusion, soient interprétées comme des dysfonctionnements de l'État.
Mais, dans le même temps, il existe une demande très forte de l'État ou, plus largement, de services publics : l'État doit pourvoir aux besoins de plus en plus variés des citoyens sur l'ensemble du territoire : la protection sociale, le logement, la sécurité, l'éducation... Il doit également être à leur écoute, proche d'eux et disponible. À l’évidence, il est l'un des principaux recours dans une société qui se cherche des repères. D'où la nécessité de lui donner les moyens de s'adapter et de répondre à cette attente.
L'objectif majeur de la réforme de l'État est de placer les citoyens au cœur du service public, en limitant au strict nécessaire les contraintes qui restreignent la liberté d'initiative et en facilitant l'accès à l'administration, notamment pour les personnes les plus défavorisées.
Il s'agit de construire une administration plus proche du citoyen, plus simple à aborder, mais aussi plus transparente dans ses modes d'action et plus efficace. L'État doit demeurer le garant de l'égalité, de la solidarité et de la justice. Mais parallèlement, nous devons veiller, chaque fois que cela est possible, à améliorer la qualité du service public et à clarifier les responsabilités à tous les niveaux. Dans cette perspective, il faudra simplifier les structures, en déléguant davantage les responsabilités et en améliorant parallèlement la déconcentration et la décentralisation. L'État central doit être allégé et l'État territorial renforcé. Il n'appartient pas aux administrations parisiennes d'assurer directement des tâches opérationnelles.
L'État doit, en effet, savoir distinguer la fixation des grandes orientations, qui relève de l'état-major central et les tâches de mise en œuvre concrète de ces orientations sur le terrain. Celles-ci doivent être systématiquement déléguées aux échelons territoriaux de l'État ou à ses établissements publics. Ils doivent disposer pour cela de marges de manœuvre suffisantes en crédits et en emplois et, en retour, doivent rendre compte de leur action.
Des contrats de service assouplissant les règles classiques de gestion pour permettre aux services déconcentrés d'atteindre des objectifs et des indicateurs de performance clairs sont en cours d'expérimentation.
Les décisions individuelles concernant les citoyens et les attributions de crédits seront, par principe, prises à l'échelon déconcentré.
Il faut que, pour une mission donnée, les citoyens n'aient plus qu'un seul interlocuteur. Ce passage d'une logique purement ministérielle, souvent bureaucratique, à une logique de mission me paraît essentiel. Parallèlement nous devons simplifier progressivement l'organisation des services territoriaux de l'État et rompre avec la fâcheuse tendance à y dupliquer l'État central.
Enfin, les collectivités décentralisées doivent bénéficier de compétences plus homogènes, adaptées à la nature et aux objectifs de chacune d'entre elles, dans le respect du principe de compensation financière intégrale des transferts.
Une réforme dans la concertation
La réforme vise aussi à démocratiser les procédures pour aider le citoyen dans ses démarches.
Cela peut être fait, par exemple, en supprimant ou en simplifiant nombre de régimes d'autorisations administratives, en accélérant les délais de réponse de l'administration et, à défaut de réponse, en faisant prévaloir le principe de l'accord tacite.
Par ailleurs, les citoyens sont souvent confrontés à la complexité des démarches administratives et à la présence insuffisante des services publics dans les zones rurales et dans les quartiers difficiles.
Dans les zones rurales, des « points publics » ont été créés (une quarantaine actuellement).
Ils offrent aux usagers un accès aux services publics (services de l'État, organismes sociaux, EDF, France Télécom, etc.) et une meilleure qualité de service, là où ceux-ci étaient absents, menacés ou dispersés.
Dans les quartiers urbains, les « plates-formes de services publics » poursuivent des objectifs comparables, en privilégiant le regroupement de services complémentaires en un même lieu. Il est proposé que ces expériences soient multipliées par la création de « maisons des services publics » où un grand nombre de services publics seront représentés et où les problèmes des usagers seront traités dans un souci de prise en charge globale.
Enfin, l'accès du citoyen au droit sera facilité. Un considérable travail de codification est en cours. Parallèlement, l'impact des projets de lois et des principaux projets de décrets en matière d'emploi, de dépenses publiques et de contraintes administratives sera mesuré (l'étude d'impact fait, d'ores et déjà, l'objet d'une expérimentation définie par la circulaire du Premier ministre en date du 21 novembre 1995).
Une réforme aussi ambitieuse ne peut être élaborée et mise en œuvre que grâce à la mobilisation de tous et en particulier des fonctionnaires. Ils en seront les premiers acteurs et les garants. Ils démontreront que le respect de leur statut n'est pas un obstacle à la mobilité, à l'adaptation aux nouveaux métiers ou aux nouvelles technologies et au développement de l'esprit de responsabilité.
J'ai souhaité qu'aucune décision importante ne soit prise sans une véritable concertation. Pour lui servir de support, un document de travail a été réalisé par le Commissariat à la Réforme de l'État. Il évalue les actions de modernisation engagées au cours des dernières années. Parallèlement, il identifie les problèmes restant à résoudre, trace un certain nombre d'orientations et propose des mesures concrètes touchant à l'ensemble des domaines d'action de l'État.
Après ce travail d'analyse, j'ai entamé un débat large et ouvert avec les personnels, les syndicats, les élus, le mouvement associatif et des personnalités qualifiées. Il permettra, j'en suis sûr, d'enrichir la réflexion, d'affiner ou de valider certains diagnostics, de choisir les solutions les plus adaptées.
Chacun a, d'ores et déjà, conscience qu'il ne s'agit pas de remettre en cause l'État, mais de lui redonner toute sa légitimité et son efficacité.
À l'issue de la concertation en cours, le Premier ministre annoncera un ensemble d'orientations et de décisions.
Leur mise en œuvre sera l'affaire de tous. De multiples chantiers seront en effet ouverts, qui devront être conduits progressivement, au cours des trois prochaines années. L'écoute des citoyens, la recherche collective des solutions les plus adaptées, et, le cas échéant, leur expérimentation permettront seules de modifier peu à peu les méthodes de travail, les procédures, les organisations.
Ainsi mise en œuvre, la réforme de l'État atteindra son premier objectif : placer le citoyen au cœur du service public.