Texte intégral
La Tribune : Quel va être le rôle du ministère de l’Industrie, après l’intervention du Premier ministre lundi à Hourtin ?
Christian Pierret : Nous nous situons à l’interface entre la volonté politique du Premier ministre et le souci des entreprises industrielles d’avancer vite sur les nouvelles technologies de l’information. D’ores et déjà nous avons défini des pistes d’action et dégagé des moyens budgétaires nouveaux qui traduiront dès 1998 la volonté politique de Lionel Jospin. En premier lieu, la France doit s’affirmer plus clairement dans le domaine du commerce électronique. Il faut développer la sécurité des transactions, la fiabilité et la confidentialité des informations. Je vais mettre en œuvre par arrêté une libéralisation de la cryptologie fiable jusqu’à 40 bits. Dans ce cadre, la commercialisation de ces algorithmes sera prochainement soumise à une procédure simplifiée. Cette libéralisation de la cryptologie doit permettre aux entreprises françaises d’entrer pleinement sur ce marché, encore trop largement dominé par les Américains.
La Tribune : Ce sont les petites entreprises qui semblent les plus réfractaires à Internet. Comment les faire profiter des nouvelles technologies de l’information ?
Christian Pierret : Les PMI françaises ont souvent du retard dans l’utilisation des technologies de l’information, c’est vrai. Aussi je souhaite mettre en place des dispositifs permettant d’y remédier rapidement. Il faut assurer aux PMI, grâce à Internet, une meilleure veille technologique et commerciale. Ces nouveaux moyens d’échange doivent aussi permettre d’améliorer les relations entre donneurs d’ordres et sous-traitants.
Dès 1998, j’ai décidé que toutes les écoles et les établissements sous tutelle du ministère de l’Industrie, comme les écoles des Mines, des Télécommunications, l’Inria, mettront en place des sessions de deux à trois mois de sensibilisation et de démonstration d’Internet. Dans chaque région, nous allons permettre aux chefs d’entreprise d’accéder à des cycles de formation en fonction de leurs besoins. Dans le même ordre d’idée, nous proposons que les ATI (assistants techniques à l’industrie) de toutes les chambres de commerce et de l’industrie soient formés à ces technologies de l’information par le ministère de l’Industrie. Enfin, l’ensemble des dispositifs d’appui aux entreprises et les modalités des dispositifs de relations avec les organismes relevant de l’Industrie seront consultables sur les Web du ministère avant fin 1998. Tous les formulaires d’aide seront également téléchargeables pour la même date.
La Tribune : Quel sera le coût de toutes ces opérations ?
Christian Pierret : Toutes ces opérations seront financées sur les crédits budgétaires du ministère. Le budget de l’Industrie est un bon budget. En particulier, les crédits d’intervention ont connu une progression satisfaisante par rapport à la loi de finances initiale. Dans le domaine des crédits de la recherche et développement, nous allons orienter les efforts vers les composants électroniques, l’électronique professionnelle, le multimédia et l’informatique. La recherche dans les télécommunications sera adaptée à l’ouverture de la concurrence. Nous renouons avec l’idée que l’État doit jouer un rôle dans les stratégies d’orientation de la recherche et développement, afin d’assurer une force concurrentielle suffisante à l’ensemble des entreprises françaises. Il y a vingt ans, on aurait parlé de stratégie industrielle.
La Tribune : Êtes-vous satisfait de la manière dont France Télécom aborde les nouvelles technologies de l’information ?
Christian Pierret : Dans ce domaine, il faut féliciter l’opérateur français. Un terminal bi-mode (Minitel et Internet) sera accessible dès 1998 en vente ou en location. Il convient encore de réfléchir à la tarification d’Internet, qui doit pouvoir être accessible sans abonnement et à un coût qui ne soit pas discriminant. Nous souhaitons que France Télécom propose rapidement des tarifs téléphoniques adaptés aux besoins des internautes.
La Tribune : La Poste va-t-elle contribuer à ce grand mouvement ?
Christian Pierret : La Poste doit être un vecteur important de promotion du réseau Internet. Nous allons d’ailleurs décidés d’équiper quelque 1 000 bureaux de poste en terminaux d’accès à Internet. Car il n’y a rien de mieux que les établissements scolaires et les bureaux de poste situés en ville, notamment dans les zones urbaines sensibles ou en milieu rural, pour permettre l’accès et l’initiative de tous à ces nouvelles technologies. Dès 1998, de nombreux jeunes nouvellement recrutés aideront le grand public à s’initier à Internet. Et je tiens particulièrement à cette fonction sociale qui s’inscrit dans une volonté d’égalité et de convivialité entre les citoyens face à la technologie. Les tarifs de La Poste rendront ces technologies accessibles à tous.
La Tribune : Quelles vont être les modalités d’emploi des 5 000 jeunes à La Poste ?
Christian Pierret : La Poste s’est engagée à mettre en œuvre une vision dynamique du plan emploi-jeunes pour organiser le recrutement de 2 500 jeunes cette année, puis de 2 500 autres en 1998. Payés au moins au Smic en fonction de leur qualification sur une durée minimum de cinq ans, les 2 500 jeunes recrutés en 1997 rendront des services diversifiés : d’abord renforcer la médiation sociale dans les bureaux ruraux, pour favoriser l’accès au service public des personnes âgées, des handicapés et des personnes qui ont besoin de conseils sur les différents produits de La Poste. Plusieurs centaines d’emplois-jeunes vont donc être créés en zone rurale.
La Tribune : Il est pourtant question de fermer certains bureaux en zone rurale ?
Christian Pierret : Une concertation préalable est nécessaire avec les partenaires locaux et les usagers pour assurer le maintien de ce service partout où on pourra le faire en fonction du trafic potentiel. Figer la situation en l’état n’est pas une solution pour l’avenir.
La Tribune : Quelle sera la mission des autres jeunes ?
Christian Pierret : Un nombre très important d’emplois-jeunes vont être aussi créés dans les quartiers urbains sensibles. La présence doit être renforcée, soit dans certaines zones où La Poste n’est pas présente, soit parce que ces quartiers génèrent un fort trafic et que l’attente du public n’est pas satisfaite. Nous aurons donc besoin d’agents animateurs chargés des fonctions de médiation, là aussi. Des traducteurs, des écrivains publics, des conseillers… Des jeunes seront placés en renfort avec l’ouverture de guichets supplémentaires pendant les périodes d’échéances pour le paiement des prestations sociales. C’est un plus qui n’enlève rien à l’excellent travail des fonctionnaires et à l’ensemble des postiers. Mais La Poste est le point de contact entre les organismes sociaux et les plus modestes d’entre nous.
La Tribune : Cela signifie t-il de nouveaux aménagements horaires des bureaux de poste ?
Christian Pierret : Il n’y a pas de règle générale. Mais des aménagements horaires seront discutés au cas par cas avec les représentants du personnel pour obtenir un service plus proche et plus efficace. Nous avons la volonté politique à travers le prochain contrat de Plan de réduire les formes de précarité qui se sont installés à La Poste. Concernant le cas de 50 000 personnes qui ne travaillent pas à temps plein à La Poste, dont 20 000 sont en CDD, nous allons regarder la réalité de la situation avec la direction et les organisations syndicales. Et en discuter ensemble. Nous voulons jouer la transparence totale sur la réalité sociale et humaine de La Poste. Mais aussi aborder les problèmes qui sont importants pour améliorer la qualité du travail et la mobilisation des équipes. Les postiers doivent porter eux-mêmes cette modernisation du service public. L’entreprise publique joue son avenir en servant mieux ses clients dans un monde difficile où, tous les jours, la concurrence s’avive. À ce sujet, nous regardons avec beaucoup d’attention l’implantation de La Poste suisse à Lyon. Et dans le cas d’une atteinte au monopole du courrier, je ne laisserais pas faire.
La Tribune : De quel statut ces jeunes bénéficieront ils ?
Christian Pierret : Ces 5 000 jeunes bénéficieront de la convention collective commune à tous les agents contractuels de La Poste avec ses avantages spécifiques.