Articles de M. Marc Vilbenoît, président de la CFE CGC, dans "La Lettre confédérale" du 15 et du 22 avril 1996 sur la mise en œuvre des réformes de la Sécurité sociale ("L'essentiel") et la situation des régimes de retraite complémentaire ("AGIRC : urgence et transparence").

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Texte intégral

Date : 15 avril 1996
Source : La Lettre Confédérale CGC

L’essentiel

Après la caisse vieillesse, pour ce qui la concerne, le conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAMTS) vient d’approuver, par 16 et 17 voix contre 8 – celles de FO et de la CGT – les ordonnances modifiant la gestion des caisses de sécurité sociale, organisant la maîtrise des dépenses de santé et réformant l’hospitalisation publique et privée.

La CFE-CGC, conformément à ses choix, confirmés congrès après congrès, et à ses positions constantes réaffirmées depuis l'annonce de cette réforme par le Premier ministre, le 15 novembre 1995, a donc approuvé ces ordonnances. D'autant que celles-ci prennent en compte une large part des remarques qu’elle a formulées et des modifications qu'elle a demandées avec détermination et esprit de responsabilité, tout au long des discussions préparatoires. Nous étions bien placés pour ce faire n’ayant jamais, en cette affaire, ni manifesté une opposition systématique de principe, ni délivré de satisfécits béats.

Mais, nous veillerons encore, avec vigilance, à ce que les textes d'application lèvent les ambiguïtés qui peuvent demeurer et respectent les principes de la réforme.

L’urgence d’agir, déjà patente, est encore renforcée par les nouveaux déficits qui s'annoncent. Une réforme profonde, ambitieuse et structurelle peut seule nous éviter la baisse continue des prestations associées à une hausse annuelle des prélèvements dont on sait bien que, sociaux ou fiscaux, c’est toujours l'encadrement qui est le premier atteint.

Ce n’est ni dans la branche vieillesse où les charges sont naturellement croissantes, ni dans les prestations familiales dont la valeur relative n’a fait que régresser, que des marges peuvent être dégagées.

En revanche, nous savons depuis longtemps qu’n matière de dépenses de santé, une régulation peut et doit être instaurée sans que rationaliser veuille dire rationner, attenter à la qualité des soins ou mettre en danger la santé publique.

La nouvelle répartition des pouvoirs, la contractualisation des relations entre l'État et les caisses, la maîtrise des dépenses de ville et à l'hôpital, la responsabilisation du corps médical forme la trame de cette réforme. C'est la seule solution possible si l'on veut maintenir l’originalité du système français qui allie le principe d'une médecine libérale et une prise en charge collective, solidaire et publique des dépenses.

Il ne s’agit certes pas de charger les praticiens de tous les péchés du monde ni de les transformer en boucs émissaires, mais bien d'introduire plus de responsabilité dans la chaîne des soins. Ne nous le cachons pas, si c'est un défi pour les acteurs de la santé, c'en est un également pour les partenaires sociaux que nous sommes. Notre responsabilité sera engagée au travers de la majorité qui devra se constituer sur la gestion du risque maladie et l'affectation des moyens financiers.

Réformer pour sauvegarder le modèle français de protection sociale, pour éviter son éclatement pour maintenir son caractère solidaire contre les tentations du renvoi aux aléas de la protection solitaire et privée, avons-nous toujours défendu : le moment est donc venu de prendre nos responsabilités.

À la CFE-CGC, la responsabilité ne nous a jamais fait ni peur ni défaut. C’est pourquoi, allant à l’essentiel, nous nous engageons résolument dans cette réforme.


Date : 22 avril 1996
Source : La Lettre Confédérale CGC

AGIRC : urgence et transparence

La cause du régime de retraite des cadres ne se dissocie pas de celle de la défense des cadres et agents de maîtrise ni de la considération due à la place stratégique déterminante qu’ils occupent dans la bataille économique mondialisée et dans les entreprises françaises.

Les difficultés auxquelles est confrontée l’AGIRC cumulent des aspects généraux et des contraintes spécifiques.

Les aspects généraux sont bien connus. D'abord rallongement de la vie, un facteur favorable en terme de santé publique, qui entraîne pour tous les régimes, de base ou complémentaires, publics ou privés, par répartition ou en capitalisation, un surcroît de charges. Ce facteur, s'il pèse et pèsera sur les rendements des régimes, se doit d'être intégré de façon progressive et étalée.

Ensuite, la situation de l'emploi, le poids du chômage représentent les deux tiers du déficit. La modification des règles de remboursement de l'UNEDIC et le respect par l'État de ses engagements doivent contribuer à la solution.

Mais beaucoup plus perverses sont les contraintes spécifiques, car elles tiennent au comportement des entreprises : recrutement des jeunes diplômés avec des salaires toujours plus faibles, dévalorisation et réduction des postes d'encadrement, déroulement de carrière freiné, politiques salariales restrictives... Et aussi non-inscription de la maîtrise (article 36) à l'AGIRC pour « économiser » les quelques points de cotisation sur des taux ARRCO inférieurs en tranche B.

L’évolution moins rapide du salaire des cadres que le salaire moyen général - et donc que le plafond de la sécurité sociale - prive l'AGIRC de recettes tout en lui laissant les charges du passé. L'absence, depuis des années, d’inscription des agents de maîtrise a le même effet.

Alors, le principe de la répartition est violé : en aucun cas on ne peut avoir les charges de retraite d'un côté et les cotisations de l'autre.

Il faut donc corriger ces déséquilibres nés de l'attitude des entreprises, vis-à-vis de nos catégories et seulement ceux-là.

Pas question d'une vaste compensation informelle entre l’AGIRC et l’ARRCO, prélude à je ne sais quel amalgame.

Comme en 1973, nous avions par solidarité accepté l’inscription des cadres à l’ARRCO (tranche A), pour lui compenser la perte d'effectifs due à la rapide progression de ces derniers : aujourd’hui, il est nécessaire de réunifier les résultats des « articles 36 » et de corrige, l'effet plafond.

Nous avons fait des propositions techniques pour résoudre un problème technique (généralisation du 16 % ARRCO tranche B, cotisation de 0,50 tranche A par abaissement de la cotisation prévoyance surtarifée).

Il n'est pas question d’accepter, pour reprendre la formule d'un interlocuteur syndical, de faire payer les retraites des cadres supérieurs par les ouvriers du textile. Non, il n'est question que de corriger des déséquilibres techniques induits par le seul comportement erratique des entreprises.

Pour nous, clarté, transparence et vérité technique doivent présider à un accord. À deux accords, l’un pour l’AGIRC, l'autre pour l'ARRCO. Et il y a urgence.