Déclaration de M. Jacques Barrot, ministre du travail du dialogue social et de la participation, sur le bilan de la négociation collective en 1994 et les orientations, Paris le 26 juin 1995.

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Intervenant(s) : 
  • Jacques Barrot - ministre du travail du dialogue social et de la participation

Circonstance : Réunion de la Commission nationale de la négociation collective à Paris le 26 juin 1995

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

Cette réunion annuelle de la Commission nationale de la négociation collective constitue pour tout ministre du travail un rendez-vous important. Il l’est d’autant plus pour moi, ministre du dialogue social, que mes convictions personnelles rejoignent la volonté gouvernementale de voir se développer les relations contractuelles.

La négociation collective a en effet un rôle décisif à jouer dans le maintien de la cohésion sociale. Elle représente une des formes d’expression de la démocratie, Elle constitue un « pont » indispensable entre le socle des normes légales et le contrat de travail individuel. Son dynamisme favorise la mise en place d’équilibres permettant d’éviter de régler toutes les situations par la loi ou par le contrat, qui met face à face chaque salarié et son employeur.

Jeter ce « pont » suppose une grande vitalité des relations contractuelles. C’est pourquoi j’attache la plus grande importance au dialogue interprofessionnel que vous avez engagé depuis le début de cette année, et qui constitue un tournant dans l’évolution des relations sociales de notre pays.

Conformément à la tradition, je développerai d’abord le bilan des négociations en 1994, à partir du bilan de la négociation collective, de celui de l’opération « bas et moyens salaires » et du bilan des négociations de branche sur le temps de travail (I).

Je vous exposerai ensuite les perspectives qui me paraissent s’offrir à la politique contractuelle (II).

I. – L’analyse du bilan des négociations collectives illustre le dynamisme de ces négociations (I) mais suscite également un certain nombre de préoccupations (II).

1. La négociation collective a manifesté en 1994 des signes de vitalité

Je distingue, en effet, trois points forts :
    – une reprise notable du rythme des négociations ;
    – la recherche par les entreprises de solutions plus souvent négociées, dans un contexte de reprise économique ;
    – une certaine vitalité de la négociation de branche.

Tout d’abord, le rythme des négociations s’est redressé.

La négociation de branche, qui s’était stabilisée en 1993, a repris sa progression en 1994. La négociation d’entreprise s’est, de son côté, fortement développée.

Je constate aussi que le recul du rythme de la négociation salariale observé en 1993 a pris fin.

Le ralentissement de la négociation salariale de branche observe depuis 1991 ne s’est pas poursuivi en 1994.

En outre, le nombre d’accords salariaux d’entreprise a recommencée à augmenter.

Au-delà de l’intensification du rythme des négociations, l’évolution de leur contenu me paraît significative.

Dans le contexte de reprise d’activité qui a marqué l’année 1994, les entreprises ont recherché, plus souvent que par le passé, des solutions négociées.

Ceci a été le cas en matière de temps de travail :

Le nombre d’accords concernant le temps de travail a progressé de façon plus vigoureuse, de sorte que près d’un accord sur deux traite désormais de cette question.

Mais surtout, la traditionnelle gestion des calendriers et des congés se trouve désormais devancée par la négociation d’accords portant sur l’aménagement du temps de travail. Les négociations ont notamment porté de façon plus intense sur la durée d’utilisation des équipements.

Ceci a également été le cas en matière d’emploi :

Les restructurations se sont poursuivies en 1994, mais à un rythme moins soutenu que les années précédentes. Les entreprises ont cependant cherché, plus souvent que par le passé, à accompagner ces mutations par la négociation d’accords, et cela alors même que la loi ne fixe aucune obligation en la matière.

Je note l’intérêt tout particulier que vous portez aux accords associant des embauches à la pré-retraite progressive. Je constate également que le recours au temps partiel a été parfois négocié pour faire face aux restructurations tout en répondant aux demandes de salariés ou en adaptant l’organisation du travail à l’environnement économique. Cette voie mérite d’être développée, sous réserve qu’il s’agisse bien d’un temps partiel choisi par le salarié.

De même, les accords d’entreprise signés en matière de formation professionnelle définissent souvent la formation comme un outil privilégié au service de l’emploi, qu’il s’agisse de mise en œuvre des mesures pour l’emploi ou de gestion des compétences des salariés.

Ainsi, un certain nombre de ces accords associent des dispositifs encadrant les nouveaux embauchés ou les jeunes en formation en alternance à des actions de formation des tuteurs.

Je voudrais maintenant m’attacher aux évolutions affectant la négociation interprofessionnelle et de branche.

La négociation de branche a manifesté une certaine vitalité

Cette vitalité s’est traduite dans la poursuite des négociations menées dans le cadre de l’opération de revalorisation des bas et moyens salaires, d’adaptation des classifications et d’ouverture de perspectives de carrière pour les salariés.

Ainsi, à la date du 1er juin 1995, près des trois quarts des branches professionnelles présentaient, comme l’an dernier à la même date, un barème de salaires dont aucun coefficient n’était inférieur au SMIC.

L’augmentation du SMIC au 1er juillet, sur laquelle vous aurez vous prononcer aujourd’hui, va de nouveau placer un certain nombre de minima de branche en-dessous du SMIC. Il va donc falloir maintenir fermement le cap pour sauvegarder la vitalité des négociations sur les bas et moyens salaires.

Je reviendrai sur ce problème en abordant les perspectives de la négociation collective.

Si les négociations sur les classifications professionnelles se sont, en 1994, poursuivies à un rythme plus mesuré, leur contenu s’avère en revanche particulièrement riche : je pense notamment aux accords qui accompagnent l’évolution des emplois et des compétences et mettent en place des dispositifs qui favorisent la réalisation de parcours professionnels.

Je tiens aussi à formuler quelques observations en matière de formation professionnelle :

L’année écoulée s’est caractérisée par l’intensité et la richesse de la négociation, au niveau interprofessionnel mais aussi dans les branches. Je me réjouis de cet effort sans précédent qui place la formation au cœur de la négociation collective. Le récent accord national interprofessionnel conclu à l’issue de la réunion du 14 juin pour améliorer l’insertion professionnelle des jeunes en témoigne encore.

Je tiens aussi à souligner l’adéquation entre les préoccupations qui ont été les vôtres et les orientations du Gouvernement : il faut clarifier les responsabilités des uns et des autres dans les financements et dans la conduite des actions ; il faut donner l’ensemble des salariés des chances accrues de promotion sociale et professionnelle ; il faut utiliser la formation comme un instrument de gestion prévisionnelle dans les branches et les entreprises.

Concernant l’organisation de la formation, les négociations interprofessionnelles ont permis d’aboutir à la conclusion de l’avenant du 5 juillet et de l’accord du 18 novembre 1994.

Les signataires ont notamment posé des règles utiles à la rationalisation du système de collecte et de gestion des fonds. Bien sûr, ce dispositif peut encore être amélioré pour trouver une meilleure complémentarité entre les organismes collecteurs nationaux de branche et les organismes interprofessionnels régionaux. C’est pourquoi j’ai souhaité que les signataires des accords apportent rapidement une réponse à la question du financement des organismes régionaux. Le processus de restructuration des collectes pourrait ainsi être parachevé.

D’autres questions appellent une intervention législative avant de pouvoir envisager une extension complète des accords. La présentation d’un projet de loi sera précédée des concertations annoncées par le Premier ministre, que j’organiserai avec l’ensemble des parties prenantes, y compris les régions et les chambres consulaires. La loi devra se donner pour objectif essentiel de favoriser le développement de l’apprentissage et des formations en alternance, et d’assurer leur financement au travers notamment de la réforme de la taxe d’apprentissage. Pour ce qui le concerne, l’État est prêt à prendre sa part dans un effort qui devra être partagé. Il vient de le démonter en augmentant de 7 000 à 10 000 F la prime d’apprentissage. Cette décision préfigure la création d’une prime unique regroupant l’ensemble des avantages actuellement offerts aux entreprises pour les inciter à développer l’apprentissage.

2. Si positif qu’il soit, le bilan de la négociation collective laisse apparaître un certain nombre de préoccupations

En matière de temps de travail, la négociation de branche a manqué de vitalité.

La dynamique conventionnelle salariale s’est révélée fragile.

Enfin, les négociations d’entreprises n’ont pas traduit une conception suffisamment offensive de l’emploi.

Les négociations de branche sur le temps de travail n’ont pas répondu aux attentes.

Dans ce domaine, les branches professionnelles avaient été invitées à négocier :
    – d’une part sur l’annualisation du temps de travail ;
    – d’autre part sur l’assouplissement des dispositifs réglementant l’organisation de la durée du travail à l’intérieur de la semaine, et sur la transcription de la directive européenne de 1993 concernant les temps de repos.

Ce sont les partenaires sociaux eux-mêmes, dans le cadre des consultations sur le projet de décret qui leur a été soumis en février 1994, qui avaient souhaité disposer d’un temps de négociation afin d’organiser, là où cela s’avérerait nécessaire, un ajustement conventionnel.

Le bilan de ces négociations a été fait. En ce qui concerne l’annualisation, les branches ont préféré négocier des dispositifs traditionnels : 13 branches ont négocié, sur la période une modulation de type II, deux seulement ont négocié la modulation nouvellement créée.

Sur le deuxième volet, quatre branches seulement ont défini des repos journaliers. C’est dans ce domaine pourtant que nos dispositions nationales, fondées sur des durées maximales, ont le plus besoin d’être complétées. La directive demandée à être transcrite d’ici novembre 1996 ; je vous invite donc à poursuivre les négociations sur ce thème avant que le réexamen des travaux, mené avec vous, ne soit engagé.

Il est clair que nos textes, par leur complexité, ne favorisent pas les négociations sur le temps de travail, alors même que celles-ci pourraient apporter une réponse aux besoins des entreprises comme aux aspirations des salariés, et qu’elles sont susceptibles de contribuer fortement au traitement du problème du chômage. Il y a la une difficulté à laquelle les partenaires sociaux comme le Gouvernement doivent se montrer particulièrement attentifs.

Je constate par ailleurs que la dynamique salariale conventionnelle reste fragile.

Je suis tout d’abord préoccupé de constater que, dans un certain nombre de grandes branches, la négociation salariale n’a pas abouti au titre de l’année 1995. Dans d’autres branches, aucun accord n’a été signé depuis 1993.

Par ailleurs, 10 % des branches ayant au 1er juin 1995 un barème de salaires conforme au relevé de conclusions de la Commission nationale de la négociation collective relatif aux bas et moyens salaires ont adopté leur barème par simple décision unilatérale. Ces situations me paraissent d’autant plus préoccupantes qu’au-delà de la négociation salariale, c’est l’ensemble du processus de négociation collective qui se trouve affecte dans les secteurs concernés.

L’année 1994 a été marquée par une reprise de l’activité économique consécutive à trois années de récession. Celle-ci s’est accompagnée d’une grande modération salariale, compte tenu des incertitudes pesant sur la pérennité de la reprise.

Le taux des augmentations de salaires négociées au niveau des branches comme des entreprises a ainsi subi une nette baisse. Ce phénomène permet sans doute de mieux comprendre que les conflits salariaux aient pris le pas en 1994 sur les conflits pour la défense de l’emploi.

En écho aux déclarations de M. le Premier ministre, je tiens à dire que les salariés doivent avoir leur juste part des fruits de la croissance retrouvée. C’est dans cet esprit que vous serez consultés sur l’augmentation du SMIC, dans la deuxième partie de la réunion.

Mais je voudrais, au préalable, mettre l’accent sur l’un des aspects les plus préoccupants de la situation actuelle.

En matière d’emploi, trop peu d’accords d’entreprise adopte une approche offensive.

En dehors des négociations « défensives » menées dans les entreprises en difficulté les accords d’entreprise sont encore trop rarement des accords « globalisants », qui traitent simultanément des salaires, de la durée du travail, de l’emploi, voire du temps de formation.

Les différents paramètres d’une organisation du travail et d’une politique salariale plus favorables à l’emploi continuent donc à être abordés isolément. On le constate, la priorité à l’emploi a toujours du mal à se traduire dans la réalité du dialogue social.

Des accords globaux sur l’emploi favoriseraient pourtant des arbitrages décentralisés conciliant la compétitivité et les aspirations des salariés avec la sauvegarde et le développement de l’emploi.

II. – Ma priorité sera donc que l’emploi soit placé au cœur du dialogue social

Améliorer la situation de l’emploi est l’aspiration première des Français. Elle est la priorité du Gouvernement. Tous les ministres ont été mobilisés sur cet objectif. Mais l’emploi, c’est l’affaire de tous et d’abord des partenaires sociaux. La négociation collective sous toutes ses formes constitue en effet l’un des moyens de faire reculer le chômage en rendant notre croissance économique plus porteuse d’emplois.

Les négociations interprofessionnelles que vous avez engagées le 28 février dernier ont une portée essentielle. Elles doivent permettre de concevoir des solutions favorables à l’emploi et de consolider ainsi la cohésion sociale de notre pays.

Bien sûr, il n’est pas dans mon intention d’intervenir dans le cours de ces négociations, mais je tenais à vous dire que nous en attendons beaucoup.

J’insisterai aujourd’hui sur les différents domaines dans lesquels la négociation collective pourrait intervenir pour donner corps à la priorité à l’emploi. J’aborderai ensuite les autres thèmes de négociation qui mériteraient à mon sens d’être approfondis.

1. La négociation au service de l’emploi

Le Gouvernement vient de prendre des mesures d’allégement des charges sociales des entreprises, en particulier pour les bas salaires. Il faut maintenant que les partenaires sociaux utilisent en faveur de l’emploi les marges dégagées par ces mesures : essentiellement pour des créations directes d’emplois, mais aussi pour soutenir les démarches contractuelles qui favorisent la consolidation et le développement de l’emploi. Je pense en particulier aux actions de formation qualifiante ou de conversion, ou encore aux incitations financières à l’utilisation du temps partial, à la préretraite progressive et aux formules d’aménagement du travail assorties de compensations pour le salarié.

Cette utilisation an service de l’emploi des marges découlant de l’allègement des charges devrait se faire pour chaque branche dans le cadre des chartes de développement de l’emploi que le Premier ministre a évoquées jeudi dernier. Ces chartes devraient assigner aux branches des objectifs d’emploi et prévoir un renforcement des efforts de formation. Les objectifs d’emploi devraient porter en particulier sur l’embauche et la formation des jeunes et des chômeurs de longue durée.

II faut aussi que soient mis en place des mécanismes concrets permettant de cerner l’évolution des effectifs de la branche et de mesurer aussi objectivement que possible les effets sur l’emploi de la baisse des charges.

Sous des formes diverses des observatoires pour l’emploi devraient être mis en place dans les branches pour permettre d’apprécier les résultats enregistrés. Ils s’appuieront le cas échéant sur des dispositifs existants, comme les commissions paritaires de l’emploi et de la formation professionnelle. Leur travail fournira des éléments supplémentaires pour que, dans un an, lors du rendez-vous que le Gouvernement a donné aux entreprises, on puisse constater la réalité des effets de la baisse des charges sur l’emploi, avant d’envisager de nouveaux allégements.

Je souhaite, par ailleurs, que les négociations nationales interprofessionnelles que vous avez engagées sur les questions d’emploi trouvent très vite une conclusion heureuse, en ce qui concerne tant l’organisation du travail que le temps de travail heures supplémentaires, temps partiel choisi, congés de longue durée, réduction du temps de travail, pré-retraite progressive, etc. Les branches professionnelles devront prendre le relai.

Un certain nombre d’entre elles se sont déjà dotées des moyens de mieux anticiper les évolutions qui peuvent affecter l’évolution des emplois et des compétences. Leurs travaux se sont trouvés dynamisés par le recours aux contrats d’étude prospectifs, ainsi que par l’impulsion donnée par l’accord interprofessionnel de 1991 sur la formation professionnelle.

Les branches qui s’engagent dans cette vole, recevront, si elles le souhaitent, un soutien méthodologique pour que leur action puisse se déployer en matière de développement de l’emploi. Ce soutien sera également apporté aux branches qui en auraient besoin pour faciliter la mise en œuvre des chartes de développement de l’emploi et la mise en place des observatoires.

L’activation des dépenses d’assurance chômage doit, par ailleurs être amplifiée.

L’accord interprofessionnel du 8 juin 1994 a consacré votre volonté d’associer plus étroitement les moyens financiers de l’assurance chômage à la réinsertion de ses allocataires. Il faisait suite à un autre engagement consacré à la prévention des licenciements, celui du « temps réduit indemnisé de longue durée ». Cette démarche contractuelle a aussi été illustrée par les conventions de conversion et par l’allocation « formation reclassement ».

Il convient de poursuivre dans l’esprit de l’accord du 8 juin 1994 qui mérite d’être élargi pour favoriser le retour à l’emploi des chômeurs, et la prévention du chômage de longue durée, qui atteint aujourd’hui plus d’1 200 000 personnes.

C’est aux partenaires sociaux de préciser les modalités d’implication du régime d’assurance chômage à cet effort, notamment pour les chômeurs dont l’ancienneté de chômage varie de six mois à un an. En ce qui me concerne, je souhaite que les moyens consacrés à ces actions soient très nettement renforcés et élargis.

L’aménagement du temps de travail doit également être mis au service du développement de l’emploi.

Comme l’a rappelé la conférence sociale européenne qui s’est tenue à Paris le 30 mars dernier, les partenaires sociaux ont un rôle central à jouer pour trouver à travers la négociation collective, et à tous les niveaux, un équilibre entre des exigences d’égale importance : la capacité d’adaptation des entreprises à la conjoncture économique et les aspirations des salariés à de nouvelles formes de travail permettant de concilier activité professionnelle et autres choix de vie. C’est de la réalisation de cet équilibre que pourra sortir une vision nouvelle du travail et un meilleur accès du plus grand nombre à l’emploi.

Au-delà des normes de base (durée légale, durées maximales quotidienne et hebdomadaire, repos hebdomadaire), de très nombreuses dispositions sont désormais en place : annualisation, temps partiel, cycle, travail en continu, équipes de fin de semaine...

La pluralité des dispositifs est une richesse, mais peut constituer également un obstacle à la clarification des pratiques.

Devant des situations complexes, la mesure des temps de travail est de plus en plus difficiles à cerner : temps de production, temps de communication, d’acquisition des informations, de réflexion et de conception, temps de surveillance, temps de déplacement, temps de présence, temps d’astreinte, temps d’intervention...

Aussi, plusieurs pistes me paraissent devoir être explorées : tout d’abord, il faut favoriser des choix d’organisation du travail et d’aménagement du temps de travail à la fois souples, riches en emplois et porteurs de progrès en matière de conditions de travail.

Nous accompagnerons les acteurs économiques et sociaux qui s’engageront dans cette voie, en simplifiant notamment les aides qui concourent à la réussite de ces expérimentations.

Il faut aussi poursuivre et intensifier le développement du travail à temps partiel, sous des formes diversifiées. À cet égard, l’essor des préretraites progressives ou encore de l’allocation parentale de libre choix seront autant d’encouragements aux salariés qui souhaitent s’orienter vers le travail à temps partiel.

La négociation collective doit aussi nourrir la réflexion sur la durée de la vie professionnelle et prendre en compte le phénomène du vieillissement dans les entreprises ; au-delà d’un usage maitrisé de la préretraite progressive, les comptes d’épargne-temps, qui permettent d’alimenter les congés, peuvent y contribuer.

Il faut également réfléchir à la façon même de définir le temps de travail, compte-tenu de l’évolution des modes d’organisation du travail, du développement des techniques et en particulier de celles de la communication.

J’attache enfin la plus grande importance à la simplification des normes existantes, afin de favoriser la clarté et de rendre plus effective l’application des textes : on n’applique plus une réglementation dont le sens vous échappe et dont les contraintes ne correspondent plus à un réel consensus social. Cette exigence doit être prise en compte par tous ceux qui « produisent » du droit du travail, c’est-à-dire aussi bien les partenaires sociaux que le législateur ou le pouvoir réglementaire. Bien entendu, il importe de ne pas confondre la nécessaire simplification avec je ne sais quelle déréglementation, qui aboutirait à réduire la protection des salariés.

Ces sujets sont au cœur de la négociation que vous avez entamée au plus haut niveau depuis quelques mois. Je serai évidemment très attentif aux conclusions auxquelles vous aboutirez, je l’espère très vite, et je suis prêt à en tirer le moment venu toutes les conséquences.

Permettre à tout salarié de se former tout au long de la vie constitue également un axe majeur pour une politique active de l’emploi dans les entreprises.

Je me réjouis tout particulièrement que la négociation collective se donne pour priorité la construction des qualifications dans les professions.

Il faut construire aussi, notamment pour les jeunes, des parcours de qualification reconnus au- delà de la branche. Pour cela, il nous faut, ensemble, État, partenaires sociaux, collectivités locales, définir des équivalences entre certificats de qualification professionnelle, titres homologués et diplômes.

C’est à cette condition que se développera un dispositif de formation en alternance répondant tout à la fois aux besoins des entreprises et aux aspirations des jeunes et de leur famille.

De façon plus large, en matière de formation, je constate deux phénomènes : 
    – d’abord, les actions de formation organisées dans le cadre du plan de formation ne font pas toujours une place suffisante aux parcours qualifiants, qui permettent aux salariés de progresser professionnellement et de se préparer à temps à d’éventuelles mobilités professionnelles, internes ou externes ;
    – ensuite, la formation professionnelle continue ne fonctionne pas assez comme une « deuxième chance » pour des salariés n’ayant pu acquérir un niveau de formation initiale suffisant ; aujourd’hui, les cadres et techniciens ont trois fois plus de chances d’accéder à une action de formation organisée par l’entreprise que les ouvriers et les employés. Cet écart ne se réduit pas sur les 15 dernières années alors que parallèlement, l’effort global des entreprises a plus que double.

Il faut donc améliorer notre système de formation professionnelle initiale et continue afin de permettre réellement à chacun de se former tout au long de la vie. Cette démarche s’inscrit dans une volonté, fortement enracinée dans notre système, de promotion sociale par l’éducation permanente. En outre, elle contribue à une politique active de 1’emploi en prévenant les risques d’exclusion.

Je souhaite donc étudier avec vous selon quelles formes et quelles modalités la formation tout au long de la vie pourrait trouver sa place, notamment en tirant parti des espaces libérés par la réduction du temps de travail. Je souhaite aussi que les nécessités de formation des salariés soient mieux prises en compte dans les choix d’organisation du travail.

2. Au-delà de cette priorité de la négociation en faveur de l’emploi, d’autres sujets de négociation méritent d’être approfondis

Je pense tout particulièrement aux questions d’hygiène et de sécurité et aux conditions de travail, sur lesquelles on négocie peu. Or la reprise d’activité et les exigences qui l’accompagnent, comme les nouvelles organisations du travail, peuvent peser sur les conditions de travail, voire exposer certains salariés à des risques nouveaux. Ces situations seraient mieux maîtrisées dans le cadre d’un dialogue contractuel plus actif.

Je pense également à l’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Elle ne pourra progresser que si elle est réellement prise en compte dans la vie de l’entreprise et dans la négociation collective.

C’est une exigence qui doit s’ancrer dans les esprits de tous pour mieux s’imposer dans les faits.

À cet égard, je suis avec la plus grande attention la réflexion que vous menez au sein des groupes de travail mis en place dans le cadre du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, concernant notamment le temps de travail et son organisation ainsi que les écarts de salaire entre hommes et femmes. Les propositions qui y seront faites pourront alimenter les travaux de la Commission nationale de la négociation collective.

Les branches les plus concernées pourraient se mobilisés sur ces thèmes. Je suis prêt à leur apporter un soutien dans ce cas, compte tenu des difficultés propres à ces sujets.

Dans cette perspective, j’envisage que sur des questions comme celles des conditions de travail ou de l’égalité professionnelle, des appels à projets soient conçus et diffusés en concertation avec les branches professionnelles, pour réaliser des expériences innovantes qui pourront ensuite être transposées ailleurs.

Cette proposition sera examinée au Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels.

Préserver le dialogue social, c’est également garantir la vitalité de la négociation de branche qui suppose l’existence de conventions collectives effectives et connues de tous. Il est donc indispensable que l’opération de réécriture des champs d’application de ces conventions collectives, qui se déroule sur les auspices de votre commission, se poursuive dans le cadre et les délais que vous avez décidés.

Cela favorisera la lisibilité et donc l’application des conventions collectives.

Je voudrais dire aussi quelques mots sur la négociation de règles adaptées aux petites et moyennes entreprises.

Si le niveau de la branche est incontestablement le seul qui soit adapté pour définir ces règles, peu de branches parviennent aujourd’hui à le faire.

Pour faciliter la relance de ce dossier, l’administration va établir un bilan des dispositions innovantes qui ont été négociées par certaines branches. Sur la base de ce bilan, des négociations pourront se développer. La Commission nationale de la négociation collective pourrait les encadrer.

D’ores et déjà, je relève avec intérêt la démarche suivie par certaines branches pour faciliter l’application des conventions de branche dans les entreprises, par exemple sur des sujets aussi techniques que celui des classifications à critères classant.

La branche a, en effet, vocation à être le lieu qui « outille » l’entreprise pour gérer la complexité de certains sujets tels que les classifications et la gestion anticipée des compétences. Cette démarche est particulièrement féconde : il peut s’agir d’instruments pour les négociations d’entreprise là où il y a des délégués syndicaux. Il peut également s’agir, dans les entreprises ou la négociation n’est pas possible ou bien ne peut déboucher, d’outils permettent à l’employeur de prendre des décisions s’inscrivant dans le sens des orientations de la branche, après consultation des institutions représentatives du personnel.

Ce sujet n’est évidemment pas sans lien avec un des trois thèmes de vos négociations nationales interprofessionnelles, celui qui porte sur l’articulation des niveaux de négociation. J’attends bien sûr avec intérêt les conclusions du groupe de travail que vous avez constitué.

3. Enfin, il faut veiller à la dynamique de la négociation salariale et à développer la participation

Le contenu de la négociation salariale incombe aux partenaires sociaux. Il leur appartient, en effet, dans chaque branche et dans chaque entreprise, d’apprécier les possibilités que le redressement de l’économie peut offrir et de déterminer les modalités d’un juste partage des fruits de la croissance.

Vous devrez maintenir votre vigilance pour que les négociations permettent de conserver aux salariés – et notamment aux plus modestes d’entre eux – des déroulements de carrière satisfaisants. Cet objectif passe par la poursuite des négociations sur la rénovation des classifications professionnelles.

Je suis conscient que l’augmentation du SMIC au 1er juillet, sur laquelle je vous consulterai dans un instant, aura un impact sur les bas et moyens salaires, ainsi que sur les classifications professionnelles.

II conviendra de tenir compte de cette situation lors des négociations de l’automne. Je vous propose d’ores et déjà de préparer d’ici la fin de l’année un bilan complet pour mesurer l’incidence exacte de cette hausse sur les minimas de branche. Nous pourrons alors débattre des moyens de préserver la dynamique de la négociation salariale.

L’introduction du terme participation dans l’intitule du ministère manifeste par ailleurs une exigence qui est fondamentale pour la cohésion sociale. Il nous faut ancrer davantage ce grand dessein dans l’entreprise, car il permet de faire converger dialogue social et amélioration de la performance des entreprises. En favorisant le partage des responsabilités, en assurant une répartition plus équitable des fruits du travail commun, la participation constitue un moyen privilégié d’assurer le dynamisme de l’entreprise et son adaptation aux défis économiques, mais aussi d’améliorer la qualité des relations sociales, et de valoriser l’apport de chaque salarié.

J’aurai l’occasion de développer l’ensemble de ces thèmes lors de la mise en place du Conseil supérieur de la participation qui a reçu mission du législateur d’établir le bilan de la participation et de contribuer à sa promotion.

Mesdames, Messieurs,

Le chômage est le principal défi auquel nous sommes confrontés. Nous devons le combattre ensemble pour restaurer la cohésion de la communauté nationale.

Je me réjouis que les processus de négociation dans lesquels vous vous êtes engagés prennent désormais en compte cette préoccupation au plus haut niveau, notamment dans son volet relatif à l’aménagement du temps de travail.

Je compte sur vous pour imaginer des solutions à la hauteur des enjeux auxquels nous devons faire face. Vous pouvez compter sur le ministère et sur moi pour appuyer, et prolonger les efforts que vous ferez ensemble dans cette voie.