Article de Mme Elisabeth Guigou, ministre de la justice, dans "Le Courrier de la Chancellerie" d'août 1997, sur les grandes orientations et les réformes prévues en matière de politique judiciaire.

Prononcé le 1er août 1997

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Média : Le Courrier de la Chancellerie

Texte intégral

J’ai pris mes fonctions au ministère de la justice avec une vision citoyenne. Les Français reprochent à l’institution judiciaire sa lenteur, son coût et sa complexité. Ils peuvent constater chaque jour sa pauvreté matérielle qui ne lui permet pas de remplir ses missions dans de bonnes conditions. À cette situation, est venue s’ajouter ces derrières années une crise de confiance née d’interventions partisanes dans les affaires politico-financières.

L’indépendance et l’impartialité de la justice, l’amélioration de son fonctionnement, figurent parmi les priorités retenues par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale devant la représentation nationale le 19 juin dernier.

J’entends consacrer toute mon énergie à ces tâches. Deux de mes premières interventions portent témoignage de cette volonté. J’ai immédiatement mis en pratique et rendu publique ma décision de ne plus intervenir dans les affaires politico-financières, en laissant les procureurs assumer clairement leurs responsabilités.

J’ai obtenu que notre ministère – seul bénéficiaire d’un tel traitement – sorte de la régulation budgétaire qui le frappait en 1997, alors même que les engagements de la loi de programme votée de 1995 n’étaient déjà plus respectés.

En cette période où nos démocraties s’interrogent sur leur capacité à proposer aux jeunes une vision d’avenir, les valeurs portées par la justice sont essentielles. Je m’attacherai à défendre ces valeurs dans les projets de loi soumis au Parlement à l’automne : la tradition républicaine d’intégration pour la réforme de la nationalité, la défense des plus vulnérables et l’aide aux victimes dans le projet sur la délinquance sexuelle.

L’indispensable réforme des cours d’assises ne sera soumise au Parlement qu’au cours de l’année 1998 car je ne veux engager aucune réforme sans les moyens correspondants.

Mes priorités d’actions seront les suivantes :

– l’amélioration du fonctionnement du service public de la justice, par l’amélioration de l’accueil du justiciable, l’attention apportée aux victimes, l’accélération du traitement des affaires, la simplification du langage ;
– le renforcement de la prise en charge des mineurs, pour éviter le cycle infernal de la délinquance et de l’exclusion ;
– la dignité des conditions de détention des détenus et l’amélioration des moyens de leur insertion ;
– la lutte contre les mafias internationales et l’argent sale par la mise en place d’un véritable espace judiciaire européen.

Beaucoup d’autres chantiers nous attendent. Les débats ouverts à partir des travaux de la commission présidée par M. le premier président Truche et la nécessaire modernisation de l’organisation de nos juridictions n’en sont que des exemples.

Ces priorités seront mises en œuvre sur la chute, dans un souci permanent de concertation, en premier lieu avec tous ceux qui seront chargés de les faire vivre concrètement chaque jour. J’entends restaurer le dialogue social dans les services et les établissements qui dépendent du ministère. Cette méthode que j’entends respecter implique la promotion d’une véritable politique de gestion des personnels.

Avec les magistrats. qui rendent les décisions, mais aussi avec tous les fonctionnaires, dont on ne parle pas assez, personnels de l’administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse, des greffes, avec les auxiliaires de justice et les associations qui concourent à l’œuvre de la justice, j’entends fixer un objectif : offrir, à terme, au citoyen un service public de la justice modernisé qui redonnera confiance et inspirera le respect en une institution appelée à jouer un rôle de plus en plus essentiel dans la vie démocratique.