Déclaration de M. Émile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l’État et de la décentralisation, sur les objectifs et les conditions d'application du protocole Durafour relatif à la revalorisation des carrières des agents de l’État et à la modernisation des services publics, Paris le 23 septembre 1997.

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Intervenant(s) : 
  • Émile Zuccarelli - ministre de la fonction publique, de la réforme de l’État et de la décentralisation

Circonstance : Réunion de la Commission de suivi du protocole Durafour, le 23 septembre 1997

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,

En présidant aujourd'hui l'ultime réunion de la commission de suivi du protocole Durafour pour vous en présenter le bilan, je mesure l'importance de l'œuvre accomplie pendant les sept dernières années.

Connu des fonctionnaires et des commentateurs à travers le nom du ministre de la fonction publique qui le négocia avec talent, cet accord, exemplaire en tous points, avait pour ambition de rénover la grille des classifications et des rémunérations des trois fonctions publiques dans le cadre de la politique de renouveau du service public.

Il concerne les fonctionnaires de l'État, des collectivités territoriales et des hôpitaux ainsi que les agents non-titulaires dont la rémunération est liée à la grille, soit plus de 4 millions d'actifs.

Vous en connaissez tous parfaitement les multiples dimensions techniques dont rendent compte les trois rapports qui vous ont été remis.

À ce sujet, j'adresse aux services de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, de la direction générale des collectivités locales et de la direction des hôpitaux mes plus vives félicitations pour le travail remarquable qu'ils ont réalisé.

Pour ma part, je souhaite insister sur deux points essentiels :
    - les objectifs et le contenu de cet accord ;
    - les conditions de son application.


1 – Des objectifs et un contenu originaux, équilibrés, qui concilient revalorisation des carrières et modernisation des services publics.

Le protocole Durafour participe de la démarche de modernisation des services publics définie par M. Michel Rocard alors Premier ministre dans sa circulaire du 23 février 1989.

Le renouveau du service public auquel appelait cette circulaire ne pouvait être amorcé qu'avec la participation active de tous les fonctionnaires. Il exigeait une pleine reconnaissance des responsabilités professionnelles qu'ils exercent afin de favoriser leur motivation et leur adhésion au nécessaire processus d'adaptation constante du service public.

Dès l'exposé des motifs du protocole d'accord, une très étroite corrélation était ainsi établie entre l'effort consenti par l'État en faveur de ses agents et la recherche d'une plus grande efficacité, d'un meilleur service rendu.
La prise en compte des nouvelles qualifications dans la grille des classifications et des rémunérations constitue, dans cette perspective, l'objectif premier du protocole d'accord signé, après une négociation complexe mais constructive, le 9 février 1990 à Matignon.

Un effort très important a tout d'abord été consenti en direction des catégories de fonctionnaires les plus modestes.

Cet effort s'est traduit par la suppression de la catégorie D et par l'amélioration des déroulements de carrière des corps de la catégorie C.

Le programme de requalification des emplois d'agents de service a été mis en œuvre au cours des quatre premières années d'exécution du protocole : tous les agents de l'ex catégorie D en fonctions en 1993 ont été reclassés en catégorie C ; au total, plus de 300 000 fonctionnaires ont bénéficié de cette mesure ambitieuse qui a permis à la fois d'enrichir leurs tâches et d'améliorer notablement leurs perspectives de carrières.

L'objectif de renouveau du service public a touché toutes les filières, administrative, ouvrière, de services, sociale, culturelle ou sportive qui ont toutes été restructurées ou créées à cette occasion.

Les rémunérations de l'ensemble des agents de catégorie C ont ainsi été notablement améliorées et les perspectives de carrière largement ouvertes.

Concrètement, les espaces indiciaires de chaque échelle de rémunération ont été élargis par étapes, des grades de débouché ont été créés (c'est le cas du nouvel espace indiciaire) ou relevés (c'est le cas du grade de débouché de la maîtrise ouvrière).

L'amélioration des déroulements de carrière a concerné l'ensemble des catégories statutaires.

Les carrières-types de la catégorie B ont également été restructurées et les échelons de début de carrière revalorisés.

La création d'un classement indiciaire intermédiaire au sommet de la catégorie B permet un déroulement de carrière plus motivant pour un certain nombre de fonctionnaires recrutés après avoir accompli un premier cycle d'études supérieures.

Enfin, les corps de la catégorie A ont bénéficié de mesures de revalorisation importantes tant en administration centrale que dans les services déconcentrés.

La grille a ainsi été adaptée aux nouvelles qualifications, mais également aux exigences d'une gestion plus moderne des ressources humaines des administrations.

Les mesures tendant à rapprocher les statuts, l'ouverture des concours interne et du détachement aux fonctionnaires des trois fonctions publiques ont par ailleurs créé les conditions juridiques d'un développement de la mobilité.

Certes, tout n'est pas parfait sur ce chapitre et j'entends bien contribuer à ce que la mobilité, rendue plus facile depuis la mise en œuvre du protocole Durafour, devienne pratique courante, notamment entre les trois fonctions publiques.

La reconnaissance des responsabilités et des technicités particulières est assurée par la nouvelle bonification indiciaire (NBI) qui est une des novations majeures du protocole Durafour.

Sur le plan juridique, la NBI est assurément un instrument de rémunération original qui ne peut être assimilé ni au traitement ni à une simple rémunération accessoire.

Elle permet de prendre en compte la spécificité de certains emplois dans le cadre d'une fonction publique de carrière. Ce faisant, loin de la contredire, elle enrichit la notion fonction publique de carrière d'une dimension fonctionnelle.

La NBI est donc par essence réversible : réversible quant à ses bénéficiaires ; réversible quant aux fonctions éligibles ; réversible entre les ministères ou les services eux-mêmes.

C'est cette souplesse qui doit permettre de la faire évoluer et de l'adapter à l'évolution des besoins et des caractéristiques de l'action publique.

Enfin, le protocole Durafour a permis de dégager les marges de manœuvre nécessaires à l'achèvement des constructions statutaires dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière.


2 – Les conditions de l'application du protocole Durafour.

Cet accord, unique dans l'histoire de la fonction publique, a été appliqué sans faille et les engagements pris par l'État ont été tenus.

Exemplaire par son contenu, le protocole Durafour l'a aussi été par une méthode qui a permis de le mener à son terme.

La méthode se caractérise par deux traits essentiels : la programmation de l'entrée en vigueur des mesures d'application et la concertation dans leur définition technique.

Les mesures prévues ont tout d'abord fait l'objet d'inscriptions de crédits, chaque année, en loi de finances ou dans les budgets des collectivités locales et des hôpitaux.

Cette programmation était nécessaire pour assimiler le coût financier du protocole mais également, et peut-être surtout, en raison du travail considérable de préparation technique préalable à leur entrée en vigueur.

J'y insiste car il a parfois été reproché à l'État une élaboration tardive des textes statutaires. Or, les crédits, ont toujours été inscrits à la date prévue pour chaque mesure et une disposition législative a autorisé, en juillet 1994, l'entrée en vigueur rétroactive des mesures d'application du protocole Durafour.

L'État, face au problème posé par la complexité de mise en œuvre du protocole a bien pris les mesures nécessaires à la préservation des intérêts de ses agents et des fonctionnaires des trois fonctions publiques.

Cette bonne gestion d'ensemble des dossiers s'est accomplie dans le cadre d'une concertation également exemplaire.

La commission de suivi, qui se réunit aujourd'hui pour la dernière fois, a en effet été créée par le protocole lui-même.

Au-delà de la simple énumération des mesures ayant fait l'objet de l'accord, la méthode permettant de garantir sa bonne application résulte donc, elle aussi, d'une approche consensuelle.

Les engagements pris par l'État ont en effet été tenus, dans un contexte économique plus difficile que prévu et malgré les changements de majorité politique.

Il convient en effet de rappeler que le protocole a été signé, le 9 février 1990, alors que les prévisions de croissance économique moyenne s'établissaient à 3 % l'an. C'est pourquoi, une clause d'intéressement aux résultats de la croissance avait été introduite dans l'accord. Il apparaissait réaliste, à l'époque, d'anticiper, pour certaines années, un taux de croissance plus élevé dont les fonctionnaires auraient bénéficié en raison de leur contribution au développement de l'activité économique.

Cette clause de l'accord est restée lettre morte puisque la croissance moyenne, tout au long de la période d'application du protocole, fut de l'ordre de 1 % avec une forte récession en 1993.

Si, pendant cette période de faible croissance, l'État a remis en cause ou rééchelonné certains de ses engagements pluriannuels, il n'a jamais mis en cause l'application du protocole Durafour.

La volonté de respecter les échéances fixées à l'origine doit dès lors être soulignée et appréciée.

Pour les trois fonctions publiques, le coût des seules mesures indiciaires, y compris la NBI, est légèrement supérieur à 22 milliards de francs. Si l'on prend en compte les charges sociales, et notamment les coûts induits sur les pensions qui se feront sentir sur la durée, on peut raisonnablement considérer que le coût du protocole dépassera 43 milliards de francs, soit un doublement du coût indiciaire.

Par ailleurs, la mise en œuvre du protocole n'a pas été exclusive d'autres plans spécifiques de revalorisation des carrières dans l'enseignement, la justice ou l'aviation civile par exemple.

À l'heure du bilan, nous pouvons constater qu'un accord global, pluriannuel et négocié a été appliqué de façon exemplaire.

Au surplus, l'importance des moyens financiers mis en œuvre en font également un accord unique dans l'histoire de la fonction publique.

J'ai conscience que des efforts doivent encore être accomplis pour que la fonction publique progresse de manière unitaire vers une plus grande efficacité sans pour autant s'éloigner des principes du statut qui garantissent son professionnalisme et sa neutralité.

Il nous faudra toutefois distinguer à l'avenir le souhaitable et le possible au terme d'une analyse objective des situations des corps et des carrières. Cette analyse ne pourra pas être séparée de celle d'un environnement économique beaucoup plus exigeant qu'en 1990.

Votre rôle naturel, dans le dialogue social qui doit continuer après le protocole Durafour, consiste à rechercher le meilleur compromis en faveur des agents que vous représentez.

Ma fonction est de vous écouter avec attention et de procéder avec vous à un examen approfondi des problèmes qui se posent aujourd'hui. Mais cette écoute ne pourra se traduire par des évolutions significatives que si les projets que nous élaborerons ensemble permettent de mieux adapter la fonction publique à l'évolution du service public.

Si des solutions nouvelles doivent être, à terme, trouvées en matière de gestion du temps de travail, de rémunérations (je pense au dossier de la NBI), de modes d'appréciation individuelle des fonctionnaires ou de perspectives de carrière, leur contenu ne peut être fixé dans la précipitation.

Le protocole Durafour a en effet remanié en profondeur l'organisation de la grille et le classement des fonctions. Ce faisant, il a permis de définir des règles et des équilibres durables.

C'est là son grand mérite.

Nous pouvons aujourd'hui nous en féliciter car il est notre œuvre commune.