Point de presse de MM. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, Denis Kessler, vice président délégué et président de la commission économique du MEDEF, sur le projet de loi sur les 35 heures et la hausse des prélèvements sur les entreprises, notamment les écotaxes et les cotisations supplémentaires sur les bénéfices, les emplois précaires et la création d'emploi en 1999, Paris le 18 mai 1999.

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Les 35 heures devaient, à l'origine, s'autofinancer grâce à la création d'emplois, de centaines de milliers d'emplois. C'est faux !

On nous dit qu'il faut trouver le chemin entre les exigences politiques et les nécessités économiques. La priorité absolue devrait donc être de ne pas casser l'expansion et de ne pas détruire les emplois. Mais le Gouvernement n'en prend pas le chemin. C'est le rôle du Medef de rappeler notre pays au réel et cela en se gardant de tout esprit partisan.

Le Medef se réjouit, a priori, du ralliement général à l'idée d'une baisse des charges qu'il préconise de longue date. Mais il constate, et là sans surprise, que la baisse annoncée s'accompagne de nouveaux prélèvements sur les entreprises. Les conséquences en sont prévisibles : créations d'emplois et création d'entreprises freinées, délocalisations supplémentaires. Comble du paradoxe, le Gouvernement examine aujourd'hui, avec embarras, comment compenser la hausse des coûts qui résulte des 35 heures par de nouvelles charges.

Alors que le Medef a fait des propositions très précise pour rendre le passage aux 35 heures le moins dommageable possible, le Gouvernement n'a mené aucune concertation avec lui. Tout se passe comme si on voulait gouverner ce pays sans tenir compte de l'avis des entrepreneurs. C'est une exception française. L'entreprise est toujours enjeu politique, considéré comme lieu et théâtre des conflits sociaux, considérée comme lieu des prélèvements et non pas comme le lieu où des hommes et des femmes, dont l'entrepreneur qui se met à risque, conçoivent en commun des projets pour faire réussir le pays.

Il ne devait pas y avoir d'impôts nouveaux. Les voilà !

Pour compenser le coût des 35 heures on s'en prend donc encore une fois aux entreprises. Une écotaxe et une cotisation supplémentaire sur les bénéfices sont en effet envisagées. Les entreprises vont être appelées à payer trois fois. Une fois pour compenser dans leur organisation et dans le maintien des salaires les effets des 35 heures. Une nouvelle fois par une écotaxe évaluée à au moins 10 milliards de francs concentrés sur un certain nombre d'entreprises. L'écotaxe allemande, qui sert de modèle est, elle, supportée par les ménages ! Et une troisième fois par une cotisation sur les bénéfices, un impôt nouveau sur les bénéfices. Ces solutions franco-françaises vont décourager l'emploi, décourager l'esprit d'entreprise et rendre plus aléatoire l'avenir économique de notre pays.

Le plan gouvernemental apparaît, malgré le manque de précision, comme étant d'une singulière absurdité. Le Gouvernement a fini par reconnaître que les entreprises subiront un surcoût lié aux 35 heures. Il a alors envisagé de le compenser, mais en définitive c'est aux entreprises, victimes de sa décision politique, qu'il demande d'en assumer la charge financière. Nous avons le sentiment que les ministres se sont réconciliés sur le dos des entreprises.

Travail temporaire, il faut relativiser les chiffres.

Pour répondre à l'offensive de Martine Aubry sur les emplois que la ministre de l'Emploi appelle « précaires » le Medef a élaboré un rapport d'étape. Les chiffres du ministère du Travail indiquent que moins d'un salarié sur douze est concerné par ces formes de travail (4,5 % de CDD et 3 % d'intérimaires).

Les contrats d'intérim et les CDD répondent à deux besoins distincts : remplacement provisoire de salariés et accroissement temporaire de l'activité.

Le Medef fait observer que la qualification moyenne des intérimaires est supérieure à celle des autres salariés. Beaucoup d'intérimaires sont volontaires pour ce type de travail qui leur offre des avantages de rémunération.

Nous étudions l'éventualité de négociations dans les branches sur ces types de contrats. Il faut répondre à la fois aux besoins des entreprises et aux voeux des salariés. Dans cet esprit, il conviendrait de réfléchir à des contrats de projet ou de mission qui permettraient de recruter des salariés pour des périodes déterminées, sans subir les contraintes des procédures de licenciement économique. Les salariés bénéficieraient de délais de préavis et d'indemnités.

Bilan des 35 heures : les chiffres sont éloquents !

À la date du 7 avril dernier, le ministère de l'Emploi dénombrait 3 291 accords d'entreprise, soit 0,27 % des 1,2 million d'entreprises que compte notre pays ; 1 790 dans les entreprises de plus de 20 salariés, soit 2,4 % des 80 000 entreprises concernées et 1 501 dans celles de moins de 20 salariés.

Ces accords concernent 3,3 % des salariés du secteur marchand, c'est-à-dire les 14,42 millions de salariés couverts par le régime Unedic.

En termes de créations d'emplois, le bilan des 35 heures est extrêmement modeste : 15 000 emplois créés, soit un pour mille des emplois salariés marchands. On atteint le chiffre de 43 478 emplois en ajoutant les emplois sauvegardés par la signature d'accords défensifs. Ceci est très peu de choses en regard des 309 000 emplois suscités par la croissance en 1998.

Dans le même temps, les accords de branche ont été un succès, 63 accords de branche ont été conclus couvrant 8,5 millions de salariés ; 32 accords sont d'ores et déjà étendus et 17 en cours d'extension. Cette négociation sociale dans les métiers a défini les grandes lignes qui permettraient aux 35 heures de rentrer dans la réalité économique et sociale sans trop de dommages.

35 heures, rappel des propositions du Medef

Le Gouvernement n'a mené aucun dialogue avec le Medef sur les propositions relatives aux 35 heures :
– compensation et lissage du surcoût du passage aux 35 heures à l'échelon du Smic (10 à 12 milliards de francs) ;
– maintien nécessaire de la ristourne dégressive pour les salaires au-dessous de 1,3 Smic ;
– introduction d'une franchise générale applicable progressivement afin d'en amortir le coût pour les finances publiques.

Ce dispositif cohérent devrait être gagé par un gel des dépenses budgétaires (50 milliards de francs par an) et les économies préconisées dans le plan Johanet.

(Source http://www.medef.fr, le 3 janvier 1999)