Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur l'action du Gouvernement en faveur du secteur de la pêche et des cultures marines, notamment le rôle des marins pêcheurs dans l'accès à la ressource, l'amélioration des conditions sociales des pêcheurs et la protection du littoral, Paris le 12 décembre 1997.

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Circonstance : Séminaire des affaires maritimes à Paris le 12 décembre 1997

Texte intégral

Le secteur des pêches et cultures marines constitue un axe essentiel de mon action. Je l'ai souligné à plusieurs reprises devant le Parlement et je tenais à le préciser aujourd'hui devant vous. Les objectifs sont clairs et, pour les atteindre, votre rôle est déterminant.

Mon action repose sur cinq ambitions. Celles-ci concernent :

- la gestion équilibrée de la ressource,
- la reprise maîtrisée de l'investissement,
- la valorisation des produits par une politique de filière,
- l'amélioration des conditions sociales des marins,
- enfin, un développement des pêches et cultures marines qui s'inscrit dans l'aménagement du littoral.

La loi d'orientation pêche, votée à l'unanimité des groupes au Parlement, définit notamment les conditions d'accès à la ressource. Elle confirme le caractère de bien collectif des ressources halieutiques et le rôle de l’État dans l'attribution des autorisations de pêche et des quotas. Elle permet de lutter contre la captation de quotas et de renforcer les sanctions contre les pêches illégales.

Les mesures techniques de protection des juvéniles adoptées en Conseil des ministres au Luxembourg le 30 octobre constituent un compromis équilibré entre les États. Les demandes de nos pêcheurs, étayées par les appréciations de l'Ifremer, ont largement été prises en compte. Je tiens à souligner le remarquable travail réalisé à cet effet par la direction des pêches maritimes et des cultures marines et, je le sais sur les conseils et remarques avisés de beaucoup d'entre vous. Ces mesures applicables dans deux ans établissent clairement les règles à suivre pour pratiquer une pêche responsable. Je sais que tout n'est pas réglé et que nous aurons, dans les tous prochains mois, une dure bataille à mener sur les filets maillants, bataille pour laquelle, je le déplore, nous sommes isolés au plan européen.

La loi d'orientation pêche accroît le rôle des professionnels pour la gestion de l'accès à la ressource. En effet, les organisations de producteurs vont fixer des règles de discipline et organiser l'accès aux quotas. Les décrets d'application sont en cours de négociation.

Il convient de conquérir de nouvelles zones de pêches, voire de nouvelles ressources pour dynamiser notre industrie des pêches. Le positionnement de notre pays, grâce à ses départements et ses territoires d'outre-mer, bénéficie d'une chance que nous devons saisir en menant une action soutenue dans les organisations régionales. Votre présence outre-mer constitue un atout à cet égard.

L'accès à la ressource implique une capacité de production adaptée, c'est pourquoi le renouvellement modéré de la flotte doit pouvoir s'opérer. Vous savez que son volume est déterminé par les programmes d'orientation pluriannuels. La décision pour la France relative au POP IV doit être prise ces prochains jours. Négocié depuis plusieurs mois, le programme a été assoupli pour prendre en compte le handicap lié au retard d'exécution du POP III. Ainsi, j'ai obtenu la possibilité de disposer d'une année supplémentaire pour parvenir à résorber le retard de 20 000 Kw. L'objectif du POP IV conduit à une réduction de 39 000 kw qui doit être réalisée par quart à la fin de chaque année de 1998 à 2001.

Pour permettre la reprise maîtrisée et régulière de l'investissement, en évitant les à coups auxquels l'exécution des POP précédents nous a conduit, il est nécessaire d'organiser un plan de sortie de flotte. J'ai le sentiment que celui-ci devrait être le dernier. En effet, au-delà de 1998, le respect du POP IV résultera des départs naturels et de la gestion de l'effort de pêche appréciée par la réduction du nombre de jours de pêche. Nous devons réussir le plan de sortie. Je sais que le marché de l'occasion fait l'objet de spéculations liées à la captation de quotas. Cette tendance devrait s'atténuer du fait de la mise en application de la loi pêche, les armements ayant jusqu'au 1er janvier 1999 pour prouver le lien économique réel avec notre territoire. Le plan de sortie doit être suffisamment attractif. 30 MF sont prévus à cet effet. En outre, je souhaite associer les régions à cet effort exceptionnel. Les premiers contacts déjà pris en ce sens sont positifs.

Au-delà du renouvellement, il s'agit aussi de consolider nos entreprises. La loi d'orientation pêche y contribue par : des incitations fiscales, l'étalement des plus-values, la mise en place de Sofipêches pour la première installation, et la création des sociétés de pêche artisanale.

Par ailleurs, nous ne ménageons pas nos efforts pour :

- accompagner des initiatives capables de conforter les armements. Je pense, notamment au projet de création d'une base thonière en Nouvelle Calédonie ;

- faire respecter les engagements pris pour assurer le maintien de certaines flottilles ou pour favoriser des initiatives capables de stabiliser des ensembles portuaires.

Dans un contexte de ressources rares, d'investissement cher, la valorisation des produits constitue un enjeu majeur indispensable à l'équilibre des entreprises. La loi d'orientation pêche transforme le FIOM en office des produits de la mer et de l'aquaculture, OFIMER. Son rôle renforcé le met au cœur de la politique de filière qui consiste à :

- développer le partenariat entre les opérateurs de l'amont à l'aval pour assurer une plus grande transparence ;

- poursuivre une démarche de qualité à bord des bateaux et à terre, et identifier les produits à chaque stade. Les pouvoirs publics s'emploient à reformer la sécurité de l'alimentation, notamment par la création d'une agence de sécurité sanitaire des produits alimentaires ;

- encourager l'innovation permettant de déboucher sur des nouveaux procédés de fabrication et des nouveaux produits pour valoriser des espèces sous-pêchées ou des co-produits ;

- conforter le rôle et les initiatives des organisations de producteurs dont le rôle est d'animer et de stimuler la relation entre le bateau et les opérateurs du marché.
A cet égard, j'apprécie que les professionnels en conchyliculture prennent des initiatives pour créer des organisations de producteurs ;

- et enfin, promouvoir les produits de notre pêche. Alors que nous importons des produits de la mer autant que nous les produisons l'enjeu international est déterminant. Une réflexion doit s'engager au plan communautaire sur l'organisation commune des marchés (OCM). Un rapport doit être prochainement soumis au Conseil des ministres chargés de la pêche, par la Commission. J'ai présenté à Madame Bonino des propositions que je considère prioritaires. Elles concernent le renforcement des organisations de producteurs, de la coopération entre les acteurs de l'interprofession, l'identification des produits et enfin la protection des échanges avec les pays tiers.

Une politique des pêches ne peut se contenter d'une approche économique. L'amélioration des conditions sociales des pêcheurs est une exigence. Le volet social de la loi d'orientation pêche introduit des avancées. Sans ignorer les spécificités du métier Il est indispensable que les conditions de travail des marins-pêcheurs se rapprochent de celles des salariés à terre.

Il faut notamment agir pour diminuer et prévenir les accidents du travail. Il n'est pas acceptable que la fréquence d'accidents soit, annuellement, de 1 pour 6 travailleurs dans la pêche alors qu'elle est de 1 pour 8 dans le bâtiment et de 1 de pour 20 dans le régime général. La loi permet à des personnels de catégorie B d'être contrôleur du travail et ainsi de vous seconder utilement dans les tâches d'inspection du travail. Je serai attentif aux propositions, aux expérimentations sociales qui seraient de nature à réduire la pénibilité du travail à la pêche et en premier lieu à augmenter le temps de repos et de congés.

Par ailleurs, je me réjouis que la loi contribue à la reconnaissance du rôle actif de la femme dans le secteur maritime. Cette évolution est certes, limitée à la femme du patron-pêcheur ou d'ostréiculteur, mais elle constitue une avancée significative.

Enfin, en matière de formation, je suis sensible à la préparation au métier de nos jeunes. Une réflexion est en cours entre les trois ministères intéressés, l’Éducation nationale, l’Équipement et les Transports, l'Agriculture et la Pêche, pour établir les meilleures conditions d'évolution des écoles maritimes et aquacoles.

Les activités de pêche et de cultures marines s'exercent dans un contexte social, culturel et géographique particulier. Le littoral est fortement marqué par la pression qui s'exerce pour son occupation, avec toutes les nuisances qui en résultent.

La bande côtière fera prochainement l'objet d'une étude dont les résultats seront communiqués au Parlement. C'est une zone où se reproduisent nombre d'espèces ; sa préservation doit être assurée. Pour se faire, il faut analyser les frayères et les nourriceries, comprendre le fonctionnement des écosystèmes littoraux pour agir.

En matière de cultures marines, l'insertion dans le territoire constitue un enjeu capital, notamment au regard de la sensibilité à la qualité des eaux côtières. Le développement de la conchyliculture s'insère dans une stratégie d'aménagement du territoire. La réalisation des schémas de mise en valeur de la mer qui fixent les conditions de compatibilité entre les activités, ne progresse que très lentement. J'entends, malgré tout, favoriser l'extension des cultures marines à partir de l'étude conduite avec l'IFREMER, sur les sites favorables à l'extension des activités d'élevages marins.

Pour mener efficacement cette politique ambitieuse, le rôle des services déconcentrés de l’État est déterminant.

En effet, les directions départementales et régionales des affaires maritimes sont en prise directe avec le terrain. Vous vivez au quotidien la réalité des problèmes administratifs, économiques et sociaux du secteur d'activité des pêches maritimes et des cultures marines.

Je connais la pertinence de vos remarques et de vos propositions sur les sujets que vous avez à traiter. C'est précieux, pour accompagner, voire encourager l'évolution du secteur. Les tâches inhérentes aux pêches et cultures marines constituent pour beaucoup d'entre vous, la part principale de vos fonctions. C'est pourquoi, j'insisterai sur quelques missions qui me semblent essentielles.

L'action de contrôle est fondamentale Vous avez compris que la gestion équilibrée des pêcheries nécessite que les règles établies, tant au niveau national que communautaire soient respectées. C'est pour cela qu'il convient d'agir avec souplesse dans les modalités, mais avec fermeté dans les objectifs, pour que les ressources soient préservées durablement, que la mise en marché s'effectue selon les normes en vigueur, que les règles de sécurité et les relations sociales soient respectées, conformément au droit du travail.

L'action économique est d'autant plus indispensable que la déconcentration des actions de l’État confirme le rôle des administrations de terrain. Il en va, ainsi pour la gestion des crédits, nécessaires à la réussite du plan de sortie de flotte, ou pour le montage des programmes PESCA

Le rôle d'explication et de conseil auprès des opérateurs économiques est, à cet égard primordial, tout autant que les analyses et synthèses, que vous transmettez à la direction des pêches maritimes et des cultures marines.

Enfin, je tiens aussi particulièrement, au caractère interministériel de votre fonction. Vous devez situer l'activité de pêche dans le contexte portuaire et local, apprécier l'évolution des cultures marines en regard des compétitions pour l'espace. Tout autant, vous devez prendre en compte l'évolution de la sensibilité de la société à la qualité de l'environnement ou à la qualité sanitaire.

En ouvrant cette journée qui permettra un échange approfondi entre la direction des pêches maritimes et des cultures marines et vous-mêmes, je tenais à vous informer des principales orientations de ma politique, pour ce secteur que je considère comme prioritaire, et préciser mes attentes relatives à vos missions, que je juge essentielles, pour assurer la réussite des objectifs ainsi tracés. J'apprécie, aujourd'hui, cette rencontre avec l'administration des affaires maritimes, dont je connais, depuis longtemps, la compétence, la qualité du travail et le dévouement au service des gens de mer.