Déclaration de M. Louis Besson, secrétaire d'État au logement, sur la politique en faveur des bailleurs privés, Paris le 21 octobre 1997.

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Circonstance : Clôture du 87ème congrès de l'UNPI (Union nationale de la propriéte immobilière) le 21 octobre 1997 à Paris

Texte intégral

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

Permettez-moi de vous remercier et de vous dire le plaisir que j'ai à être parmi vous pour clôturer votre 87e congrès. Le thème que vous avez choisi « profession : propriétaire » me paraît tout à fait d'actualité, en tout cas il fait écho à l'un des projets du gouvernement en matière de logement, qui est de définir un statut stable et équilibré du bailleur privé.

Les grandes orientations que nous nous sommes fixées visent en effet à assurer et le droit au logement pour tous et le droit au logement choisi.

Nos concitoyens, y compris les plus modestes, doivent trouver une réponse adaptée à leurs besoins, ils doivent également disposer d'une liberté de choix en fonction de leurs aspirations ou de leur volonté ou de leur nécessité de mobilité. Pour cela, il faut bien sûr disposer d'une offre de logements suffisante, en stock comme en flux : il faut que le rythme de construction de nouveaux logements reste à un niveau satisfaisant ou l'atteigne, mais également que le parc de logements existants s'adapte en permanence aux attentes en matière de confort et de qualité. C'est pour cette dernière raison que, dès le mois de juillet, nous avons engagé un programme complémentaire de réhabilitation de 100 000 logements qui a bénéficié, de manière équilibrée, au parc public et au parc privé.

C'est ce même souci d'équilibre que nous avons pour la création de logements : nous voulons en effet jouer sur tous les segments pour fabriquer une offre plurielle, et par la même une ville plurielle et ouverte à tous :
    - l'accession à la propriété, qui constitue une aspiration de nombreux ménages français ;
    - le parc locatif public : il reste encore une forte demande insatisfaite, avec des ménages souvent très modestes, et le parc HLM doit être mobilisé pour cela ;
    - le parc locatif privé enfin : il est présent partout dans notre pays, il joue souvent un rôle social de fait et enfin par sa rotation régulière il apporte une réponse aux besoins, de plus en plus importants, issus de la mobilité, la mobilité professionnelle notamment.

Notre ambition est bien de susciter une nouvelle génération de bailleurs privés, et, pour cela, de leur apporter une reconnaissance de leur fonction économique et sociale.

C'est donc, de notre point de vue, vers un statut stable et équilibré qu'il faut tendre :
    - stable, de manière à sortir des mesures conjoncturelles, qu'elles soient fiscales ou budgétaires, qui ont des effets réels mais sur une courte période, et qui ne font souvent qu'entretenir les phénomènes cycliques dont pâtit le secteur de la construction ;
    - stable également parce que, s'agissant d'engagements à long terme, il faut que l'investissement immobilier ait une lisibilité suffisante pour être crédible.

Vous savez que la mesure d'amortissement accéléré « Périssol » avait été mise en place pour une durée limitée par le précédent gouvernement pour la construction neuve et connaîtra sa dernière année en 1998. C'est déjà dans ce souci de stabilité que nous avons en effet choisi de la maintenir, sans modification, dans le projet de budget 1998, qui est actuellement en cours de discussion au Parlement, afin de ne pas casser la dynamique qui s'était mise en place. Mais, parallèlement, nous comptons mettre à profit cette période pour définir l'après-1998, en recherchant un dispositif équilibré ; équilibré parce qu'une aide majorée de la collectivité doit avoir une contrepartie sociale. À côté d'un secteur libre qui existe et qui continuera de se développer en bénéficiant d'une reconnaissance « de base », nous souhaitons en effet développer un secteur conventionné. Dans ce conventionnement, le propriétaire prendra un engagement sur la durée et sur la modération des loyers, en contrepartie il bénéficiera d'une aide majorée et d'une sécurité réelle sur le paiement des loyers.

Je vous confirme, Monsieur le Président, qu'il s'agira bien là d'une option et que chacun restera libre de choisir entre les deux secteurs :
    - équilibre également dans l'objectif d'offrir une rentabilité correcte au placement dans la pierre ;
    - équilibre enfin dans la volonté de ne pas limiter cette approche à la seule construction, mais d'englober le parc existant de logements.

Telles sont les grandes lignes du projet que nous avons, et qui devrait se concrétiser dans une loi qui sera discutée au Parlement au printemps 1998. D'ici là, nous avons un travail important à mener, un travail de concertation, d'évaluation, de chiffrage des différentes hypothèses.

Ce travail, nous le mènerons dans un esprit de dialogue que vous avez vous-même évoqué pour ce qui concerne l'UNPI, Monsieur le Président, et dont je vous remercie.

Je ne détaillerai pas les différentes pistes sur lesquelles nous travaillons, vous en avez d'ailleurs très bien identifié quelques-unes. Je voudrais simplement mettre l'accent, aujourd'hui, sur deux aspects que je crois essentiels :
    - le premier concerne la « professionnalisation » de la fonction de bailleur, avec en particulier le passage au mécanisme de l'amortissement. C'est effectivement la solution d'avenir, dans le neuf, mais aussi, pourquoi pas, dans l'ancien. Je crois cependant qu'il faudra garder dans l'existant, en option, une formule simplifiée utilisant le mécanisme de la déduction forfaitaire pour tous les propriétaires qui le souhaiteraient ;
    - le deuxième aspect concerne la transmission des patrimoines locatifs. Il nous faut tendre vers une formule qui limite le phénomène des ventes lors des successions, dans le seul objectif de régler les droits de succession. De même, le bail à réhabilitation peut et doit être modernisé pour trouver davantage d'écho ; c'est un excellent produit, notamment pour remettre sur le marché des logements vacants, il est dommage qu'il ne soit pas plus utilisé.

Plus généralement, le problème de la vacance de logements ne peut pas être ignoré alors que des personnes ne trouvent pas de logements pour vivre décemment.

Toutefois, il est certain que l'application d'une taxe ne résoudrait pas à elle seule le problème. Dans mon esprit, il ne peut s'agir que d'une mesure complémentaire jouant lorsque l'incitation et l'aide à la location n'ont pas convaincu les propriétaires, et qui ne peut concerner que les zones où le marché locatif est tendu.

Il est nécessaire de rechercher avant tout les moyens de faciliter le retour sur le marché de locaux nécessitant des travaux et de trouver les moyens de lever les hésitations, voire les craintes des propriétaires inquiets des risques liés à la location d'un bien, risques d'impayés de loyer, risques de dégradations et risques de difficulté à retrouver l'usage d'un bien.

C'est dans cette logique que je prépare les mesures qui faciliteront la remise sur le marché de biens vacants.

Vous avez cité le bail à réhabilitation. Nous y travaillons, mais nous examinons également les moyens de garantir les propriétaires contre les impayés de loyers, nous repérons les intermédiaires qui permettraient de faciliter le rôle des bailleurs par une démarche complémentaire, nous recherchons des solutions au relogement de personnes en difficulté qui doivent trouver un produit locatif adapté à leurs capacités financières.

Mais, il est tout aussi vrai que je tiens à montrer que la vacance des logements ne peut pas laisser indifférent spécialement dans les zones tendues où la demande en logement n'est pas couverte. Je réfléchis donc à l'utilisation d'une mesure contre la vacance, tout en recherchant un mode d'application qui tienne compte de la réalité de la demande locative et de l'adaptation des biens à la location.

Concernant la prévention de l'expulsion, vous m'avez adressé, Monsieur le Président, et je vous en remercie, les résultats de l'étude entreprise auprès de vos adhérents et les 15 propositions que vous soumettez.

Sachez que vos recommandations ont retenu toute mon attention et que les services les étudient actuellement. La seule réserve que j'apporterais porte sur celle qui vise à réserver le contingent préfectoral pour ces cas difficiles, ce qui risquerait de concentrer une population sur un même parc avec les effets contraires à notre volonté d'équilibre dans le cadre de la politique de la ville. La reconquête du contingent préfectoral est inscrite dans le projet de loi de prévention et de lutte contre les exclusions.

Quant à vos propositions au législateur :
    - sur l'aide juridictionnelle, le ministère de la justice travaille actuellement dans le cadre de ce projet de loi à améliorer le dispositif ;
    - sur votre dernière proposition, tendant à réduire le délai de mise en œuvre de la clause de résiliation à un mois, elle m'interroge. Vous avez bien compris que la fragilisation et la précarisation des ressources des ménages est un phénomène de société malheureusement. Il doit donc entraîner la vigilance de chacun pour traiter le plus en amont possible. Le projet de loi tiendra compte de cette prévention.

Je voudrais maintenant, Monsieur le Président, faire écho aux autres préoccupations que vous avez soulevées, et en profiter pour vous donner quelques éléments sur le budget du logement pour 1998.

Ce budget est, je crois, un bon budget puisqu'il augmente de près de 10 % si l'on considère à la fois son volet fiscal et son volet strictement budgétaire. Il n'oublie pas le parc existant, non plus que le secteur locatif.

Les aides à la réhabilitation sont en hausse significative par rapport à la loi de finances initiale de 1997 ; le budget de l'ANAH passe en particulier de 2 000 MF à 2 200 MF, ce qui revient à pérenniser l'effort qui a été fait cet été. Je sais que cette augmentation ne répond peut-être pas à toutes vos attentes, je crois néanmoins qu'une augmentation de cette ampleur est significative dans un contexte de maîtrise générale des dépenses que vous connaissez.

Je vous indique également que le projet de budget pour 1998 prévoit la création d'un régime dit « micro-foncier », c'est-à-dire un régime d'imposition simplifié pour alléger les obligations déclaratives des propriétaires fonciers.

Lorsque le montant de leur revenu brut foncier n'excède pas 30 000 F, les contribuables concernés pourront, sur option, porter directement ce montant sur leur déclaration d'ensemble des revenus. Leur revenu net foncier imposable sera égal au montant de leur revenu brut annuel diminué d'un abattement forfaitaire d'un tiers.

Environ 450 000 contribuables seront ainsi dispensés de souscrire la déclaration des revenus fonciers.

Vous avez également évoqué, Monsieur le Président, au début de votre intervention, deux questions, celles des baux professionnels et celle de la réglementation.

Pour ce qui est des baux professionnels, je puis vous indiquer que, dès ma prise de fonction en juin, j'ai su que la préparation d'un projet de loi sur les baux professionnels, par le gouvernement précédent, n'avait pas intégré la consultation d'organisation de bailleurs telle que l'UNPI. Ce problème a été signalé au ministère de Mme Lebranchu. Une consultation des professionnels libéraux est engagée pour le cabinet de Mme Lebranchu et la consultation d'organisations de propriétaires telle que l'UNPI est prévue. Je ne suis pas certain qu'il s'agisse là d'une priorité dans l’action gouvernementale.

Pour ce qui est du foisonnement des textes réglementaires, que vous déplorez, je crois qu'il faut faire la part de ce qui relève d'attentes fortes et légitimes exprimées par le corps social, notamment en matière de sécurité, et de ce qui relève d'alourdissements sans grand intérêt, et même négatifs car ils renchérissent inutilement le coût du logement pour son occupant comme pour son propriétaire.

Sur le second point, je serai très vigilant, mon objectif étant d'alléger autant que possible la charge financière des occupants, et non pas de créer des contraintes supplémentaires.

Sur le premier aspect, les attentes fortes et légitimes qu'il faut écouter et satisfaire, il faut admettre que la sécurité a un coût. Pour autant ce coût peut être maîtrisé, et je crois également que la sécurité, juridique et patrimoniale, du propriétaire d'un bien quel qu'il soit, va de pair avec la sécurité des utilisateurs de ce bien, locataires entre autres.

La lutte contre les termites me paraît aller dans le sens de la protection des immeubles et donc des propriétaires.

Éligibilité à un soutien financier

Quant à l'amiante, c'est un problème de santé trop fort pour qu'on l'ignore. Il me semble cependant que les logements sont heureusement très peu concernés par cette question.

Voilà, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, les quelques réponses et réflexions dont je voulais vous faire part.

Nous avons devant nous des chantiers importants, qui ne seront pas forcément faciles dans un contexte budgétaire qui restera tendu. Sachez que je suis prêt, comme par le passé, à explorer toutes les solutions avec votre Fédération. Il est en effet nécessaire de connaître les voies que votre Fédération a déjà expérimentées. Il me paraît bon d'examiner quel rôle elle pourrait jouer par le biais de ses chambres locales, voire même en articulation avec les associations de locataires, comme ceci se fait déjà dans les commissions départementales de conciliation.

Vous m'avez fait part, Monsieur le Président, des espoirs et des craintes de votre Fédération devant l'avenir. J'espère avoir conforté les espoirs et atténué les craintes. En tout cas, mon propos aura atteint son but s'il a pu vous montrer la conviction qui est la mienne que le parc locatif privé a un rôle d'avenir à jouer dans notre pays, un rôle majeur dans notre politique du logement, bien au-delà de l'image surannée qu'on lui a donnée trop souvent.

Et cette conviction, je sais que c'est aussi la vôtre, les travaux de votre congrès l'ont montré.

Je vous remercie de votre attention.