Texte intégral
RTL : Lundi 1er décembre 1997
Q. – Un sondage de l’Ifop, commandé par l’UDF, indique que 75 % des français souhaitent un référendum sur la loi concernant la nationalité, et 76 % souhaitent que les jeunes procèdent à un acte volontaire pour cette acquisition de la nationalité française. Peut-on ignorer ces demandes ?
R. – Je considère que ce sondage est mal formulé. Les réponses aux sondages dépendent souvent de la manière dont la question est posée. En effet, dans le projet de loi que vient de défendre Mme Guigou, l’élément de volonté demeure puisque le jeune peut, d’une part, anticiper dès l’âge de 13 ans sur l’acquisition de la nationalité française et, d’autre part, il peut récuser la nationalité française six mois avant et 12 mois après sa majorité. De la même manière, dans la loi de 1993, la référence au droit du sol était maintenue, puisqu’il fallait être né en France pour pouvoir faire un acte de volonté, ce qui veut dire en réalité remplir un petit formulaire administratif. Franchement, croyez-vous que le vouloir-vivre national dépende du fait qu’on remplisse un formulaire ? Certainement pas.
Q. – Oui, mais a 18 ans, ça devient automatique, maintenant.
R. – Oui, parce que ce qui est visé dans le projet de loi gouvernemental, c’est la stabilisation des jeunes nés de l’immigration : trop de jeunes, probablement de l’ordre de 10 à 25 %, auraient passé en quelque sorte à travers les formalités par pure ignorance. Et moi, je pose la question suivante – elle est très importante : est-ce que l’on peut accepter qu’un quart d’une génération vive dans une sorte de no man’s land juridique ? Est-ce que vous ne pensez pas que cela aurait été gros de dangers pour la société française que de conserver, finalement, une loi qui aurait fait qu’un quart d’une génération serait devenue étrangère sans le savoir au pays qui l’avait vu naître ?
Q. – À partir de jeudi, c’est vous qui allez batailler devant le Parlement au sujet de l’immigration. Beaucoup de leaders de la droite, dont C. Pasqua, disent : « J.-P. Chevènement, c’est un républicain attaché à l’ordre républicain, mais il a fini par se soumettre à la majorité de gauche, et il prévoit un projet de loi trop laxiste. »
R. – Les mêmes qui comme M. J.-L. Debré se demandaient s’ils n’allaient pas voter mon projet, qui même affirmaient qu’ils allaient voter mon projet quand il a été publié, ont changé d’avis, alors que moi, je n’ai modifié mon projet que sur un point : la réduction de 14 à 12 jours de ce qu’on appelle la durée de rétention administrative, pour être en conformité avec l’avis du Conseil d’État. Donc, le Gouvernement a choisi un cap ; il s’y tient. Ce projet est un projet équilibré : d’une part, il supprime des formalités tracassières et inutiles. C’est vrai qu’il a pour but d’ouvrir davantage la France, par exemple, aux échanges intellectuels, avec un titre de séjour scientifique. D’autre part, il vise à stabiliser les immigrés installés de longue date déjà en France, à leur permettre de s’intégrer – parce que c’est cela, le vrai problème. Mais – permettez-moi d’ajouter ceci, parce qu’un équilibre, ça comporte deux aspects – en même temps, nous avons pris toutes les mesures pour que les reconduites à la frontière soient plus effectives...
Q. – Il y en aura vraiment ? Vous savez bien que l’on n’y arrive pas. Aucun ministre de l’intérieur n’a réussi à faire pratiquer les reconduites aux frontières.
R. – Quand on regarde le bilan de la droite, il est catastrophique, puisque le taux de reconduite est de 28 %.
Q. – Le vôtre est meilleur que celui de J.-L. Debré ?
R. – Je pense que mon projet de loi comporte des mesures, deux en particulier, l’une qui vise à allonger la deuxième partie de la rétention administrative, et surtout à la rendre possible quand les documents d’identité sont détruits systématiquement ; et puis, il y a une autre mesure qui vise à faire en sorte que les gens condamnés à une peine d’interdiction du territoire, quand ils ont commis un délit très grave ou un crime et qu’ils n’ont pas d’attaches familiales en France, soient eux-mêmes reconduits à la frontière. Or en 1996, le résultat de M. J.-L. Debré sur ce sujet, c’était, je crois, 35%.
Q. – Sur les attaches familiales, l’opposition dit « Voilà, tout est ouvert, avec l’article 4, paragraphe 7 qui dit qu’on ne peut pas refuser à un étranger une carte de séjour si le refus portait atteinte de manière disproportionnée à son droit à la vie familiale ! N’est-ce pas l’ouverture à toutes les possibilités ?
R. – Mais les gens qui tiennent ce genre de raisonnement semblent ignorer que la France a souscrit un accord, qui n’est d’ailleurs pas récent, qui s’appelle la Convention européenne des droits de l’homme, qui proclame le droit à la vie privée et familiale. Donc, nous proposons simplement que la France exécute de bon gré les engagements qu’elle a souscrits. J’ajoute que ceux-ci sont soumis au contrôle du juge, qui est très pointilleux. Donc, véritablement, l’opposition est à bout d’arguments, en réalité. Elle a une crise d’identité. Elle s’agite sur ce sujet, parce qu’elle veut réveiller un certain nombre de fantasmes, mais c’est pour elle la pire manière de se définir. C’est celle qui prépare pour le pays, mais surtout pour elle-même, des lendemains néfastes.
Q. – Précisément, quand vous lui reprochez de trop entendre le Front national, n’est-ce pas, à l’inverse, le fait d’avoir fait débattre en urgence du code de la nationalité et de l’immigration qui remet au cœur du débat cette question en France ?
R. – En urgence ! Permettez-moi mais, il fallait bien stabiliser le droit. Il fallait régulariser un certain nombre de situations inextricables. Il fallait changer la loi. Il n’y a pas que la droite qui a le droit de légiférer. Nous l’avons fait dans un esprit de grande responsabilité. C’est un projet de loi équilibré et juste, qui est conforme à l’intérêt national, parce que nous avons intérêt à intégrer les étrangers qui sont sur notre sol, nous avons intérêt à respecter les droits fondamentaux. Il en va du prestige et de l’image de la France. Nous n’avons pas intérêt nous couper des pays de l’espace francophone.
Q. – Quand E. Balladur dit « Jamais je ne ferai un accord avec le Front national dans la région Île-de-France », vous ne le croyez pas ?
R. – Je n’ai pas de raison de ne pas le croire. S’il le dit, c’est très bien ! Non, je n’ai aucune raison de ne pas le croire. Personnellement, je ne fais jamais de procès d’intention, et j’aimerais que l’opposition ne se livre pas à cet exercice du procès d’intention systématique, parce que c’est ce qui va se passer cette semaine.
Q. – Quand le consensus est aussi difficile à réaliser sur l’immigration et quand d’autre part vous entendez M Seillière, candidat à la succession de M Gandois, se proposer de déstabiliser le Premier ministre, avez-vous la sensation que la lune de miel est terminée entre le Premier ministre et le pays ?
R. – Les positions, telles qu’on les entend dans le bouche de M. Seillière de Laborde, sont inquiétantes.
Q. – C’est une précision importante pour vous, « de Laborde » ?
R. – C’est son nom. Je ne vois aucune raison... Je pense que c’est assez inquiétant pour les entreprises, parce que nous avons intérêt à vivre dans un climat aussi décontracté que possible. On ne peut pas tracer une croix comme ça sur les négociations sociales. Je me place aussi du point de vue des entreprises. Je pense que ces positions excessivement polémiques, trop dogmatiques, sent nuisibles à l’intérêt de notre économie.
Q. – Si le début sur l’immigration à l’Assemblée n’avance pas, y aura-t-il un vote bloqué ou le recours au 49-3 ?
R. – Pourquoi voulez-vous que cela n’avance pas ?
Q. – Mais si jamais cela se produisait ? Mme Guigou a eu droit une bataille de tranchées, et vous aussi, sans doute.
R. – C’est possible. On prédisait également une bataille de tranchées en 1940.
Q. – Pas de 49-3 ou de vote bloqué ?
R. – Permettez-moi de vous dire que le Gouvernement ne se privera d’aucune des armes dont il dispose à travers le règlement de l’Assemblée nationale et de la Constitution.
L’humanité : 4 décembre 1997
Q. – Comment abordez-vous le débat parlementaire, face à une attitude d’obstruction de la droite, et alors que votre projet fait l’objet de critique au sein de la gauche, où des parlementaires, mais aussi de nombreuses personnalités intellectuelles, vous font reproche de n’avoir pas abrogé les lois Pasqua-Debré ?
R. – La droite me paraît essentiellement mue par un réflexe électoral, d’ailleurs à courte vue, plutôt que par une conviction raisonnée. Les procès d’intention l’amènent à adopter un ton qui ne peut que la rapprocher de l’extrême droite. Mais cette dernière fera toujours mieux que la droite sur ce terrain ; l’électeur, quand il est dans cette disposition d’esprit, préfère l’original à la copie.
Quand on parle d’abrogation, on oublie que les lois, Pasqua-Debré sont des lois d’amendement de l’ordonnance de 1975. Cette ordonnance laisse les portes ouvertes à des politiques progressistes. Si nous nous étions contentés d’abroger, il n’y aurait pas les avancées sur le droit d’asile ou le droit de vivre en famille. Pour étendre le droit d’asile aux combattants de la liberté, aux gens qui sont menacés dans leur vie, il ne suffit pas d’abroger, il faut proposer des textes nouveaux. Ceux-ci vont à l’essentiel : le retour au droit du sol, le droit de vivre en famille, le droit d’asile, l’assouplissement du régime des visas, etc.
Q. – Mais en procédant à l’abrogation de la législation précédente, vous auriez émis un signe politique fort…
R. – Justement, l’attitude du gouvernement a consisté à ne pas jeter de l’huile sur le feu, à se garder des extrêmes qui se renforcent les unes les autres. Tous les maximalismes concourent à nourrir des fantasmes sur le sujet de l’immigration, au fond très mal connu, et éminemment propice à toutes les chimères, à toutes les fantasmagories. Il valait mieux traiter ces problèmes d’une manière responsable, en faisant appel à la raison.
Q. – Quelles sont, selon vous, les principales avancées du projet de loi ?
R. – Le droit de vivre en famille sera pleinement reconnu par l’attribution d’une carte de séjour « situation personnelle et familiale » qui mettra un terme à des situations insupportables. De même, toute une série de procédures tracassières vont être supprimées : la déclaration d’entrée sur le territoire, le visa de sortie ; le certificat d’hébergement pourra être supprimé si le Parlement en décide. On se rappelle que la protestation contre la loi Debré s’était centrée sur ce certificat et sur l’obligation de déclaration de l’hébergeant que Jean-Louis Debré avait voulu instaurer. Des protections nouvelles seront instituées. Des dispositions prises pour accueillir étudiants et chercheurs.
Q. – Vous parlez de « consensus républicain ». Peut-on faire passer le consensus avant le respect des droits ?
R. – Le consensus républicains que je recherche est celui d’une majorité de nos concitoyens. Il concerne aussi la garantie des droits ; Tout étranger, même en situation irrégulière, a un certain nombre de droits garantis. Dans la procédure de reconduite à la frontière, il peut faire appel cinq fois au juge, soit administratif, soit judiciaire.
Les Français sont plus l’accord qu’ils ne le croient sur un certain nombre de principes. La carte de séjour de dix ans a été votée à l’unanimité en 1984. Le but du gouvernement est d’abord de stabiliser les étrangers en situations régulière qui sont dix fois plus nombreux au moins que les autres et de faciliter ainsi leur intégration dans la République.
Le projet consiste à reprendre un certain nombre de propositions du rapport Weil (il y en a 130 au total, dont plus de 100 de nature réglementaire et un peu plus de 20 de nature législative).
Notre démarche part des faits, elle se veut pratique. Nous n’avons pas voulu faire dans l’idéologie et encore moins dans la démagogie gesticulatoire. C’est une grande différence avec les gouvernements précédents.
Ce que beaucoup de gens ne voient pas, c’est que si l’affaire de Saint-Bernard a duré plus de cinq mois, c’est qu’on l’a bien voulu dans ce ministère. Si le bélier et les haches des CRS ont rencontré les caméras de télévision, le jour de l’évacuation, ce n’est pas par hasard. S’il y a eu un projet de loi Debré avec un article premier si provocateur, ce n’est pas non plus une coïncidence. Il s’agissait de ratisser un certain nombre de voix du côté de l’extrême droite dans la perspective des élections législatives anticipées. Bousculée par le mouvement social de l’automne 1995, la droite a voulu mettre au cœur du débat public l’immigration pour quitter le terrain du social. C’est une manière typique de se servir de l’immigré comme d’un punching-ball dans le débat droite/gauche. Cette manière-là, le gouvernement actuel la refuse. Notre but est de sortir les immigrés de cette situation détestable et de traiter les problèmes de manière sérieuse, hors de toute démagogie. Même si nous n’y parvenons pas complètement, au moins nous aurons essayé ; c’est une attitude plus digne de la part d’un gouvernement républicain.
Q. – Comment réagissez-vous au sondage IFOP commandé par le groupe UDF qui indique que les trois quarts des Français seraient pour référendum et pour la démarche volontaire en matière de nationalité ?
R. – Je n’ai pas la religion des sondages. Très souvent ils donnent raison à ceux qui les commandent. Si on avait demandé : est-ce que vous êtes d’accord pour que 20 % d’une classe d’âge d’enfants nés en France de l’immigration se retrouvent étrangers sans le savoir à dix-huit ans, je suis persuadé que 80 % des Français auraient répondu non. La loi Guigou possède aussi un élément de volonté, puisque le jeune peut anticiper à treize ans et récuser jusqu’à dix-neuf ans la nationalité française. Il comporte aussi un élément d’automaticité à dix-huit ans. La loi Méhaignerie exigeait une manifestation de volonté, mais est-ce vraiment une manifestation de volonté que de remplir un formulaire ? Les gens qui ont pensé cela ont-ils bien réfléchi à ce qui fait la nation française ? Ce qui est en cause, c’est la volonté de façonner ensemble son avenir ; on y répond par l’accès à la citoyenneté, l’intégration. Grâce à un effort de pédagogie, nous pouvons convaincre les Français du bien-fondé de cette position.
Q. – Comment le projet de loi s’attaque-t-il aux filières de travail clandestin ?
R. – La loi prévoit un renforcement des pénalités qui frappent les filières d’immigration clandestine, souvent quasi esclavagistes. Ces filières font payer 150 000 francs à un Chinois le passage vers la France, et il lui faudra rembourser en travaillant pendant des années pour un salaire de misère, dépourvu de toute protection sociale, dans un atelier du 19e arrondissement de Paris et dans des conditions proches de celles du tiers-monde le plus misérable. Est-ce que c’est cela que nous devons encourager ? Les problèmes du Sud doivent d’abord se résoudre au Sud par le développement et par la construction d’État de droit et non par une immigration sauvage qui ne peut qu’accentuer les dérives communautaires et la formation de ghettos dans nos cités.
Q. – Précisément, n’est-il pas temps d’engager le débat pour une véritable politique de codéveloppement ?
R. – C’est l’objet d’une mission interministérielle, dont la responsabilité a été confiée à Sami Naïr, que de repenser les rapports entre la France et les pays du Sud, notamment dans l’espace francophone. Étudier comment certaines régions peuvent être mises en valeur par des gens qui auront été formés en France bénéficieront d’aides pour réussir dans leurs projets. C’est le rôle que doit jouer aussi la coopération décentralisée. Les premières conclusions de Sami Naïr doivent être rendues au début du mois de janvier.
Q. – Le projet de loi a été déjà légèrement modifié en commission. Attendez-vous que le texte soit plus fortement amendé, en particulier par la majorité plurielle ?
R. – Le débat peut permettre de déplacer le curseur dans un certain nombre de domaines. Le certificat d’hébergement est fortement discriminatoire et peut être remplacé aisément à mon sens par une attestation d’accueil. À propos de la commission de séjour, il faut éviter d’alourdir excessivement la marche de l’administration, mais je suis ouvert à un compromis. D’une manière générale, je suis prêt à un certain nombre d’amendements à condition que soit préservé l’équilibre du texte. C’est un projet de loi mesuré, équilibré, juste ; je pense qu’une attitude républicaine et tenant compte de l’intérêt général est pour la gauche la meilleure voie. Être de gauche ce n’est pas défendre l’immigration illégale, c’est d’abord mener le combat pour la justice sociale, pour des rapports Nord-Sud mieux équilibrés et pour des règles justes concernant les étrangers.
Q. – Qualifierez-vous toujours d’« irresponsable » la revendication des associations et des personnalités en faveur de la régularisation de tous les sans-papiers qui en font la demande ?
R. – Si nous régularisions tous ceux qui demandent à l’être, cela signifierait que demain, après-demain, toujours, nous régulariserions tout le monde. Cette thèse, en effet, n’est pas responsable. La pression migratoire est un fait ; il y a 60 000 non-admissions par ans. Si nous voulons maîtriser, nous devons rester sur les termes du contrat, je rappelle que la régularisation en cours se fait sur la base des critères du collège des médiateurs et de la commission consultative des Droits de l’homme. Nous n’avons jamais pris l’engagement de régulariser tout le monde. J’ai fixé un délai, jusqu’au 30 avril 1998, pour que les préfectures reçoivent chaque personne individuellement. Pour ces régularisations, comme pour toutes les dispositions nouvelles, il ne faut pas perdre de vue nos capacités d’intégration, dans les villes, dans les quartiers, dans la République, et le codéveloppement, qui est la clé de rapports moins inégaux avec le Sud.
L’Hebdo des socialistes : 5 décembre 1997
Q. – Quelle est la philosophie du projet de loi qui sera représenté le 4 décembre au Parlement ?
R. – Le projet de loi relatif à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile est un projet équilibré et mesuré. Il s’efforce de sortir l’immigration de l’arène politique et de stabiliser les immigrés en situation régulière. Il affirme les droits de la personne sans remettre en cause les principes des flux migratoires.
Un consensus républicain existe dans ce débat. Aucune force politique représentée au Parlement conteste en effet la garantie des droits de l’étranger ni la nécessité de maîtriser les flux migratoires.
Sans doute pouvait-on souhaiter une refonte d’ensemble de la législation ! Mais tout en reprenant le cadre juridique de l’ordonnance de 1945 d’inspiration fondamentalement progressiste, nous avons fait porter notre effort sur des points essentiels : droit de vivre en famille, droit d’asile, accueil des étudiants et des scientifiques étrangers. Il n’y aura plus de familles séparées, nous mettrons fin aux situations absurdes et inhumaines que nous avons connues.
Q. – Qu’allez-vous faire contre ceux qui ont recours à l’immigration illégale ?
R. – L’immigration irrégulière pose avant tout le problème des désordres du monde et des blocages du développement dans les pays du sud. Mais les problèmes du sud ne trouveront pas leur solution au nord.
Notre responsabilité est de mettre en place une politique de co-développement favorisant dans les pays d’immigration des projets de développement économique et social.
M. Sami Naïra été chargé par le Premier ministre d’une mission d’étude pour aboutir à des propositions concrètes.
À travers le projet de loi, il est clair que nous entendons dissiper toutes illusions : un monde sans papiers et sans règles ne serait qu’un monde d’exploitation livré à tous les abus.
Or nous sommes des républicains ; nous ne sommes pas des libéraux. Le projet de loi comporte des mesures qui rendront plus effectives les reconduites aux frontières de ceux qui cherchent à se maintenir sur notre territoire dans des conditions illégales.
Q. – Quelles sanctions comptez-vous prendre contre les entreprises qui emploient illégalement des étrangers ?
Le projet de loi prévoit de sanctionner durement l’activité des passeurs ou des organisateurs de filières d’immigration clandestine, ces esclavagistes du monde moderne. Ceux-ci se verront frappées d’une amende qui passera de 200 000 francs actuellement à 500 000 francs et de peines d’emprisonnement de cinq à dix ans.
Q. – Et le droit d’asile ?
R. – Les dispositions relatives au droit d’asile en France étaient éparpillées entre deux textes, l’ordonnance de 1945 et la loi du 25 juillet 1952. Le projet de loi prévoit de regrouper ces dispositions dans un seul texte et introduit deux garanties nouvelles : l’asile constitutionnel et l’asile territorial. Le premier pourra être accordé à des étrangers fuyant des persécutions non-étatiques et le second sera attribué par le gouvernement de la République sous la responsabilité du ministre de l’intérieur, à ceux qui encourraient des risques vitaux en cas de retour dans leur pays. Nous aurons ainsi instauré l’un des dispositifs d’asile les plus protecteurs d’Europe.
Le gouvernement propose un ensemble considérable d’avancées, met fin aux injustices, aux tracasseries inutiles et cesse de faire de l’immigration la cause de tous les maux. C’est là que se situe la rupture avec les dérives que nous avions connues.