Déclarations de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’État chargé de l'outre-mer, sur le développement économique et social de Mayotte, notamment l'emploi des jeunes, le logement social et la réforme du système de santé sur l'ile, Mayotte du 7 au 9 novembre 1997.

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Circonstance : Voyage de M. Queyranne à Mayotte du 7 au 9 novembre 1997

Texte intégral

Discours devant la population de Dzaoudzi - 7 novembre 1997

Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Député,
Monsieur le Conseiller Économique et Social,
Monsieur le Préfet,
Chers compatriotes Mahorais,

Je veux vous dire aujourd’hui, Monsieur le Président, tout le plaisir que j’ai de me retrouver parmi vous alors que le conseil Général de Mayotte célèbre son vingtième anniversaire.

Votre chaleureux accueil témoigne de l’hospitalité traditionnelle des habitants de Mayotte et es sentiments de fidélité qui lient depuis longtemps ce territoire et sa population à la France.

Le président du Conseil Général, Monsieur Younoussa Bamana, vient de m’adresser très amicalement la bienvenue. Je voudrais le remercier et lui dire que je me réjouis de découvrir au cours des deux prochains jours le charme et la beauté incomparable de Mayotte. Je tiens aussi à dire, en cette occasion, que c’est pour moi un grand honneur d’être ici à Dzoudzi par le président Bamana, dont je connais l’engagement, depuis son engagement, depuis son entrée en politique voilà quarante ans, en faveur des intérêts du territoire de Mayotte et de son appartenance à la France.

Nous aurons l’occasion demain, Monsieur le Président, lorsque je me rendrai au Conseil Général à votre invitation, d’examiner dans le détail des principaux problèmes économiques et sociaux qui se posent à la Collectivité territoriale. Nous nous en sommes déjà entretenus lorsque vous êtes passé à Paris au mois de septembre. Notre réunion de travail demain nous permettra de faire le point de ce qui a avancé et de ce qui exige encore des efforts pour aboutir.

Je viens ici sur cette belle terre de Mayotte pour écouter et dialoguer. Et d’abord pour parler de l’avenir. La population de Mayotte a librement choisi, il y a vingt ans, son destin aux côtés de la France. Depuis lors, ce choix ne s’est jamais démenti. Demain, comme aujourd’hui, l’avenir de Mayotte se situera, comme le veut sa population, avec la France.

La loi qui a créé la collectivité territoriale de Mayotte en 1976 prévoyait, vous le savez, une consultation de la population sur le choix du statut définitif du territoire. Le Président de la République et le Premier ministre, Monsieur Lionel Jospin, se sont prononcés pour que cette consultation ait lieu avant l’an 2000.

Je suis aujourd’hui en mesure de vous dire que la réflexion des groupes de travail sur l’avenir institutionnel de Mayotte, qui se sont réunis ces derniers mois ici même, sur le territoire, et à Paris, a beaucoup progressé. Cette réflexion est sur le point de s’achever. A ma demande, ces groupes me remettront donc leurs conclusions, je l’espère d’ici à la fin de cette année. Le gouvernement disposera alors les éléments qui lui permettront de mettre en route la consultation tant attendue par la population mahoraise. Je peux aujourd’hui le confirmer devant vous : cette consultation devrait pouvoir se tenir d’ici à l’an 2000.

En tout état de cause, je tiens à l’affirmer avec force, les Mahorais doivent savoir que la France sera présente pour continuer à les accompagner dans leur développement économique et social. Tout en tenant compte des contraintes budgétaires qui s’imposent à tous, l’État poursuivra à l’avenir sa contribution à la modernisation de Mayotte. Cette participation se fera à travers une nouvelle convention de développement destinée à prendre le relais de la convention actuelle qui couvre la période 1995-1999. Je souhaite que, dès les premiers mois de l’année prochaine, se constitue un groupe de travail pour étudier la mise au point de la future convention.

Il s’agit pour le gouvernement de remplir envers Mayotte un effort de solidarité d’autant plus nécessaire que la société mahoraise est en plein bouleversement. Son économie doit faire face à des difficultés structurelles : baisse de rentabilité des cultures traditionnelles – ylang-ylang, vanille -, insuffisance des capacités financières. Elle doit répondre aussi aux besoins croissants qu’implique une pression démographique forte qui aboutit à ce que 60% de la population a moins de 20 ans, ce qui est un véritable défi. A cette pression s’ajoute la présence d’une immigration irrégulière en provenance des îles voisines, attirée par de meilleures conditions sociales et sanitaires et le niveau de vie plus élevé de Mayotte.

Les évènements qui se sont déroulés aux Comores ce derniers mois ont accru les risques d’une telle immigration clandestine. A ce sujet, je voudrais dire que, tout en assumant, chaque fois que nécessaire, des missions humanitaires urgentes, le représentant du gouvernement continuera de prendre les mesures indispensables pour maîtriser, sur le plan de la sécurité et de l’emploi, les conséquences pour la population mahoraise de l’entrée des personnes en situation irrégulière.

La France espère que dans la crise comorienne la voix de la négociation finira par prévaloir. Elle continuera, pour sa part, à soutenir, comme elle n’a cessé de le faire depuis le début tous les efforts de médiation engagés, en particulier ceux déployés par l’Organisation de l’unité africaine. Je tiens en tous cas à dire que ces évènements, auxquels la France est tout à fait étrangère, ne doivent pas être pour certains un prétexte pour pêcher en eau trouble ou pour revenir sur les décisions prises par la population mahoraise dans le cadre de consultation libres et démocratiques.

Monsieur le Président, les rencontres et les entretiens que je vais avoir ici pendant deux jours vont me permettre de mieux appréhender les besoins et les aspirations de la population mahoraise, en particulier de la jeunesse et des femmes mahoraises, dont je connais la place respectée qu’elles occupent dans la société. Je sais que des progrès ont été accomplis en matière de logement social et de constructions scolaires. Mais l’effort de l’État ne doit pas se relâcher.

Notre République est fondée sur un pacte de développement et de solidarité impliquant respect, exigence, courage et responsabilité. Ce pacte vise à plus de justice et de solidarité et il place au premier rang des priorités gouvernementales la formation et l’emploi des jeunes. Cette ambition vaut pour la métropole, comme il vaut pour Mayotte et l’ensemble de l’Outre-mer.

En conclusion, je voudrais vous dire ma conviction que l’avenir de Mayotte s’inscrit pleinement dans le grand dessein de ce pacte républicain voulu par le premier ministre pour le progrès et le développement. Il nous revient ensemble de lui donner corps dans le respect de l’identité mahoraise.


Discours devant le Conseil général de Mayotte - 8 novembre 1997

Monsieur le Président,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Député,
Monsieur le Sénateur,
Monsieur le Conseiller Économique et Social,
Messieurs les Conseillers,
Mesdames et Messieurs,

C’est pour moi un honneur de prendre la parole devant vous alors que votre institution célèbre le vingtième anniversaire de sa création. C’est, en effet, le 29 avril 1977 qu’a été publiée au Journal officiel de la République française l’ordonnance portant extension et adaptation à la Collectivité territoriale de Mayotte de la loi du 10 août 1871 relative aux Conseils généraux.

Je voudrais à cette occasion saluer le remarquable travail accompli par votre Conseil au cours de ces deux décennies. Je voudrais aussi rendre hommage au président Bamana qui a très largement contribué au cours de cette période au dynamisme de votre Conseil. J’ai rencontré le Président Bamana, en septembre, à Paris et j’ai pu constater sa compétence et sa passion dans la défense des intérêts de Mayotte.

Le conseil Général de Mayotte est une institution jeune. Il est l’image de ce Territoire, puisque 60% de la population a moins de 20 ans et qu’un Mahorais sur trois est à l’école. Ces chiffres sont impressionnants. Ils donnent une idée des défis que doit affronter votre Collectivité.

Vingt ans, c’est peu, mais c’est en même temps beaucoup : ce laps de temps a permis à votre conseil, institution démocratique essentielle de la Collectivité territoriale, d’engager le chantier du développement économique et d’assurer durablement l’ancrage de Mayotte dans la République. Je voudrais, Monsieur le Président, Messieurs les Conseillers, vous féliciter pour l’œuvre accomplie. Vous avez réussi au point qu’aujourd’hui à Mayotte, on ne souhaite pas moins de France, mais au contraire plus de France.

Pourtant, reconnaissons-le, le système, tel qu’il fonctionne actuellement, n’est pas parfait. Le partage des responsabilités entre l’État et la Collectivité territoriale n’est pas défini avec suffisamment de clarté. Ni le Conseil Général ni les communes ne bénéficient des lois de 1982 sur la décentralisation. La tutelle de l’État s’exerce encore pleinement. On peut penser que plus de responsabilités devraient être progressivement transférées aux élus. J’y suis, pour ma part favorable.

Vous avez de nouveau exprimé le souhait de voir la Collectivité territoriale évoluer dans les prochaines années vers un statut de département. Il ne faut pas se cacher les obstacles qui restent à surmonter sur cette voie et qui ont jusqu’à présent retardé cette évolution.

Ces obstacles tiennent, pour une bonne part, vous le savez, à la prise en compte des spécificités mahoraises auxquelles vous êtes légitimement attachés. Il s’agit là d’une question complexe qui a fait l’objet de discussions approfondies au sein des deux groupes chargés, à Paris et ici même, de réfléchir à l’avenir de Mayotte. Ces groupes me remettront très prochainement leurs conclusions et me soumettront des propositions. C’est à partir de ce travail que pourra être organisée la consultation du peuple mahorais. Je pense que cette consultation, comme l’ont déjà indiqué le Président de la République et le Premier ministre, pourra alors se tenir d’ici l’an 2000.

Les évolutions à venir devront, il faut en être conscient, accompagner la transformation de la société mahoraise afin de lui permette d’entrer de plein pied dans le XXIème siècle, sans pour autant bouleverser son équilibre et son mode de vie. L’aspiration de Mayotte à entrer dans la modernité est légitime. Mais je dirais aussi que les adaptations indispensables qu’elle implique ne devront pas signifier une rupture totale de la société avec ses racines sociales et culturelles, héritées de l’Histoire. Nous devons, les uns et les autres, y veiller.

La république est accueillante pour tous ses enfants. L’éducation, la justice et la solidarité sont les moyens qu’elle met au service de l’épanouissement personnel et du développement économique et social. La république est porteuse de liberté et d’égalité. Ces principes s’imposent à tous, dans le respect des identités sereinement assumées et de la règle commune.

Je voudrais maintenant aborder la question du développement économique. Grâce à l’engagement de l’État à travers la convention de développement et le contrat de plan, Mayotte a connu ces dernières années un essor soutenu. Mais beaucoup reste encore à faire, en matière d’infrastructures, de logement, de constructions scolaires, d’assainissement. La prochaine convention de développement, que nous allons commencer à bâtir dès le début de 1998, devra intégrer encore davantage ces besoins.

L’effort de l’État en investissements et transferts publics à Mayotte est important, puisque, vous le savez, il s’est engagé à apporter 1,7 milliards de Francs sur 4 ans (de 1995 à 1998) en complément des interventions de la collectivité. Globalement, ces engagements jusqu’à présent ont été honorés. Vous m’avez saisi, lors de votre visite à Paris, de certains problèmes, en particulier dans les domaines de l’éducation (prise en charge du traitement des instituteurs) et de l’aide sociale. Vous avez, du reste, ici en la personne de Monsieur le Préfet un avocat attentif de ces dossiers. Mes services ont également saisi les services compétents des ministères concernés et j’ai bon espoir, à la suite de ces interventions, que des solutions soient trouvées.

Concernant, en particulier, le règlement du traitement des instituteurs, une réunion interministérielle a eu lieu le 21 octobre à l’initiative du Secrétariat d’État à l’Outre-Mer. L’arbitrage financier devrait maintenant être rendu prochainement et il devrait donner satisfaction à la Collectivité territoriale pour la dotation 1998. Cela allègera d’autant la charge financière du Conseil Général dont je sais à quel point elle est tendue.

L’année 1998 devra marquer un effort significatif pour la construction de logements. Les besoins en la matière sont à la mesure de la croissance de la population. Celle-ci devrait passer d’environ 130 000 en 1997 à 160 000 en l’an 2000.

Vous connaissez les contraintes budgétaires, auxquelles n’échappe pas le Secrétariat d’État à l’Outre-Mer. La répartition par département et territoire de la LBU n’a pas encore été arrêtée. Mais je peux vous donner l’assurance que je veillerai à ce que la dotation de Mayotte soit significative tant sont importants les besoins dans ce domaine. Je sais, par ailleurs, que le bâtiment est un élément essentiel de l’activité économique de l’île. C’est ainsi que j’ai pu obtenir de la Caisse Française de Développement qu’elle accepte de financer un programme de 150 logements locatifs intermédiaires qui va pouvoir relancer dès maintenant l’activité des petites et moyennes entreprises du bâtiment.

Cet effort soutenu dans le domaine du logement devra intégrer les exigences indispensables en matière d’assainissement, qui doit être ici considéré comme une priorité, compte tenu des incidences sanitaires de ce problème sur la population.

Je mentionnais, au début de mon propos, la jeunesse de la population et fait qu’aujourd’hui un Mahorais sur trois se trouve dans le circuit scolaire. En trois ans (de 1993 à 1996), les effectifs des collèges ont quasiment doublé, passant de plus de 4 000 élèves à 8 000 élèves. Il convient d’offrir à tous des conditions optimales d’éducation. L’une des priorités consiste donc à poursuivre le programme de constructions scolaires, en particulier dans le secondaire.

La construction de 10 Collèges a été inscrite dans les différents contrats de plan et contrats de développement couvrant la période 1992-1999. Les engagements pris seront tenus et nous pourrons, dans le cadre de la prochaine Convention de développement, étudier une nouvelle programmation.

Vous avez évoqué, Monsieur le Président, l’importance de la formation comme facteur de développement. Je vous confirme l’accord existant entre la Direction des Écoles du Ministère de l’Éducation Nationale et le Secrétariat d’État à l’Outre-Mer concernant la création d’un Institut de Formation des maîtres. Quant à la création d’un vice-rectorat, elle reste à l’ordre du jour. La réalisation d’un tel projet, qui a été retardé jusqu’à présent pour des raisons d’ordre juridique, se justifie pleinement compte tenu de l’explosion scolaire. Il devra être doté, le moment venu, des moyens adaptés pour lui permettre de faire face à ses missions.

L’éducation et la formation sont, il est vrai, à Mayotte comme ailleurs, des conditions indispensables pour l’accès à l’emploi, même si la possession d’un diplôme ne constitue pas toujours, hélas !, un bagage suffisant pour entrer sur le marché du travail. La loi que le Parlement, à l’initiative du gouvernement, vient d’adopter en matière d’emplois-jeunes ne s’applique pas, vous le savez, à Mayotte. Il ne faudrait pas pour autant que les jeunes Mahorais aient le sentiment d’être laissés de côté.

Aussi, je m’engage à veiller à ce qu’un effort particulier soit fait en 1998 pour Mayotte en ce qui concerne les CES, au nombre d’environ 1 200 cette année, le Fonds des chantiers de développement local et la formation professionnelle.

Monsieur le Président, l’action de l’État ne doit pas s’exercer seulement dans le domaine social et économique. Elle doit aussi être effective dans le processus de modernisation de la société mahoraise. Je veux parler ici de la question du statut personnel et des conditions d’octroi de la nationalité française.

Depuis l’indépendance des Comores, certains Mahorais connaissent en effet des difficultés pour se voir reconnaître la nationalité française, faute d’avoir souscrit une déclaration validée devant le Tribunal de première instance.

Compte tenu de la situation de l’état-civil à Mayotte, l’administration de la preuve du lien direct de filiation avec une personne née à Mayotte et y résidant est très difficile à faire.

Par ailleurs, l’établissement de la possession d’état-civil se révèle être tout aussi difficile. C’est la raison pour laquelle, il a été prévu de prendre une disposition créant une présomption d’état de Français. Dès mon retour à Paris, je présenterai le 10 Novembre au Conseil des ministres une loi d’habilitation autorisant le Gouvernement à prendre une ordonnance qui permettre de reconnaître la possession d’état de Français aux Mahorais qui étaient majeurs au 1er janvier 1994 et qui sont nés à Mayotte de parents originaires d’un ancien TOM de la République française devenu indépendant et qui sont inscrits sur les listes électorales de façon continue depuis au moins dix ans.

Je me réjouis en outre que dans l’établissement des titres d’identité – cartes nationales d’identité et passeports – il ait été décidé à Mayotte, après une large concertation, de distinguer le nom et le prénom.

Enfin, vous avez souligné les problèmes soulevés par l’immigration clandestine. Les services de l’État sont, vous le savez, très sensibilisés à cette question. Je suis en mesure de vous dire, à ce sujet, que mes services sont intervenus auprès du Ministère de l’Intérieur pour que soient débloqués les crédits nécessaires à l’achat par la Collectivité territoriale d’un radar de détection en mer.

Voilà, rapidement évoqués, quelques sujets dont je voulais parler avec vous.

En conclusion, je voudrais vous dire que Mayotte continuera de trouver dans soin effort de développement un soutien actif auprès de l’État.

Je suis convaincu, Monsieur le Président, que la Collectivité territoriale et son Conseil Général sauront être, eux aussi, des acteurs déterminés du progrès et du changement.


Discours dans la commune de Bandraboua - 8 novembre 1997

Monsieur le Maire,
Monsieur le Conseiller Général,

Je suis heureux de me trouver avec vous aujourd’hui et je vous remercie très sincèrement de l’accueil chaleureux que vous m’avez réservé ainsi qu’à mes collaborateurs.

Je suis, croyez-le, très sensible à l’attachement que vous exprimez ainsi.

Ma présence à Bandraboua n’est pas l’effet du hasard ; j’ai voulu ainsi rendre hommage aux talents des habitants de cette commune et tout particulièrement à ses agriculteurs.

En effet, la commune de Bandraboua, dont on m’a expliqué que son nom voulait dire « Plaine des brèdes », a un long passé agricole. Bandabroua pendant longtemps a té un village de planteurs et de travailleurs dans les plantations.

C’est toujours aujourd’hui une commune vouée à l’agriculture avec tout ce que cela comporte de difficultés, d’obstacles à franchir dont je suis parfaitement conscient.

L’agriculture est néanmoins, il faut le rappeler, indispensable au développement de Mayotte.

Il ne pourra pas y avoir de société mahoraise équilibrée si le monde agricole est sacrifié. Aussi faut-il impérativement donner à chaque agriculteur les moyens de vivre dignement, d’avoir une juste rémunération de ses productions et, à la fin de sa vie active, une retraite décente.

Mais il n’y a pas d’agriculture sans terres agricoles. Voilà pourquoi la préservation des espaces agricoles doit être une préoccupation majeure dans l’aménagement du territoire de la collectivité.

Je sais que des efforts importants sont entrepris depuis la tenue du débat sur la politique agricole en 1996.

Je sais aussi que la profession agricole commence à s’organiser, qu’au sein de la commission territoriale d’orientation agricole s’engage un dialogue fructueux. Des appuis sont apportés à la production d’ylang-ylang, à celle de la vanille dont l’exportation est menacée par la concurrence internationale.

Il doit par ailleurs être possible d’assurer l’auto-alimentation de Mayotte si les producteurs, en particuliers les maraîchers, sont aidés. Il n’est pas normal que Mayotte importe des produits alors qu’elle pourrait les cultiver sur place.

Il faut convaincre les jeunes que l’agriculture est un métier digne et que ceux qui la pratiquent peuvent en être fiers. Ils doivent savoir que la terre peut apporter autant de satisfactions que la ville avec tous ses problèmes.

Chers compatriotes, c’est ce message d’espoir que je voulais vous transmettre. Soyez assurés que l’État apportera son soutien à tous ceux et à toutes celles qui voudront bien s’associer à cette ambition.

Ce document touche à l’ensemble des problèmes que peut rencontrer une collectivité comme la vôtre :
- la lutte contre l’échec scolaire,
- le développement des loisirs sportifs,
- l’aménagement de la commune dans le domaine de l’assainissement et de la protection des lieux habités,
- la construction de digues de protection.

Enfin, ce document prévoit une action-pilote pour réhabiliter les cultures vivrières sur l’île avec la création d’un marché à Dzoumogne.

Il convient de poursuivre la concertation, en particulier au sein de l’assemblée de la Collectivité territoriale, et d’étudier la mise en place des moyens financiers correspondants.

Je n’achèverai pas cette intervention sans vous confirmer que je suis tenu informé des tensions que suscite dans votre collectivité la pression de l’immigration et du travail clandestin, alors que la population de votre commune a progressé de plus de 50% en dix ans. Cette situation nous impose de rester vigilants.

Monsieur le Maire, Monsieur le Conseiller Général, mes chers amis, encore un grand merci pour ce moment de sincérité vécu avec vous.

Je forme des vœux très sincères pour le développement de votre commune en vous assurant de mon appui personnel aux côtés de vos élus.

 

Discours au collège de Pamantzi - 8 novembre 1997

Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs,

Je sais que la pose de la première pierre de ce collège était attendue avec impatience par la population de la Petite-Terre.

Le collège de Pamantzi existe aujourd’hui sur le papier, il existe sur le plan administratif, mais n’étant pas matériellement réalisé, il devra cohabiter pendant toute l’année scolaire avec le collège de Dzaoudzi – Labattoir dans les locaux de ce dernier. Je mesure les difficultés que cette situation entraîne pour la population, pour les élèves et les enseignants. Je souhaite que la construction du bâtiment destiné à accueillir le collège soit accélérée afin qu’il puisse ouvrir dès septembre 1998.

Le nouvel établissement, édifié, en deux phases, comprendra :
* 2 classes,
* 1 C.D.I.,
* 1 salle audiovisuelle,
* Des locaux administratifs,
* 1 plateau sportif polyvalent.

Sa conception prévoit d’ores et déjà son futur agrandissement.

L’architecte a déterminé le choix des matériaux en liaison avec les techniques et les savoir-faire

Les travaux commenceront au cours du dernier trimestre de l’année civile 1997.

Je suis conscient que cette réalisation à elle seule ne suffira pas à répondre aux besoins de Mayotte dans le domaine des constructions scolaires.

J’ai saisi le ministre de l’éducation nationale des demandes qu’il convient de satisfaire en urgence ; la mise en conformité des installations électriques du lycée de Mamoudzou et de divers collèges et le remplacement de trois bâtiments au collège de Tsmkoura.

Je veux souligner également le fait que le Gouvernement est conscient de la nécessité d’ouvrir rapidement un lycée à Sada. Il s’agira du deuxième lycée d’enseignement général de Mayotte et son ouverture permettra un désenclavement urgent du sud de l’île. Ce lycée est en cours de construction. Il devrait être livré avant la fin de 1998. Il convient de réaliser un lycée professionnel à Dzoumogné.

Cet établissement professionnel de Dzoumogné, eu égard à l’évolution des filières technologiques, aux besoins criant de l’île de disposer de professionnels qualifiés (spécialement dans le secteur du BTP) et au coût exorbitant pour la collectivité de l’envoi des élèves en métropole, fait en effet cruellement défaut.

Au moyen terme, je pense qu’il faudra également envisager la création d’un lycée en Petite-Terre et d’un collège dans le nord de Mayotte.

Nous allons entrer désormais dans la phase de préparation des accords contractuels – contrat de plan et convention de développement culturel – qui se mettront en place en l’an 2000.

Je peux vous annoncer que très prochainement sera lancée la concertation entre toutes les parties concernées à travers une mission conjointe de l’éducation nationale et du Secrétariat d’État à l’outre-mer.

Cette concertation sera notamment alimentée par le travail considérable qui a été fourni pendant plus d’une année pour aboutir à un schéma des formations à Mayotte qui sera soumis prochainement au Conseil Général.

En conclusion, je voudrais vous dire, Monsieur le Maire, qu’en posant la première pierre du collège de Pamandzi, je suis fier et heureux de contribuer à l’accomplissement d’une des plus nobles misions de la République ; la diffusion de l’éducation à ses enfants.


Discours au Centre Hospitalier de Mamoudzou - 9 novembre 1997

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Depuis 1996, l’État a engagé à Mayotte une profonde réforme du système de santé.

Cette réforme, nécessaire au développement du système de soins, garantit pour l’avenir le droit à la santé des Mahorais.

La nouvelle architecture du système de soins repose sur la complémentarité entre l’hôpital et les dispensaires et sur la création d’une assurance-maladie, propre à la collectivité territoriale ; gérée par la Caisse de Prévoyance Sociale (C.P.S.).

Ainsi, l’ordonnance du 20 Décembre 1996 a réparti les compétences dans le domaine sanitaire et social entre l’État et la collectivité territoriale.

L’État prend en charge la structure hospitalière, et la collectivité territoriale, les structures de soins à proximité (les dispensaires).

Les dispensaires sont chargés de mener les actions de prévention, de protection maternelle et infantile et de lutte contre les endémies.

L’ordonnance dote l’hôpital d’un statut de droit commun d’établissement public de santé.

Le statut permet à l’hôpital d’être financé à hauteur de 70% par des crédits de la Sécurité Sociale. Ainsi, en 1997, l’hôpital a reçu 62 Millions de francs de l’assurance maladie.

Le solde 30% est réparti paritairement entre l’État et la collectivité territoriale.

Le dispositif sera d’ailleurs affiné afin de plafonner la participation de la collectivité territoriale à 12,5 millions de francs.

L’achèvement du bâtiment mère-enfant dont la construction a été possible grâce au contrat de plan doit intervenir en 1998.

Beaucoup de choses restent encore à faire et je sais l’impatience de certains à voir aboutir l’ensemble de la réforme ; il faut prendre des décrets d’application, mettre en place la nouvelle tutelle hospitalière qu’est l’agence régionale d’hospitalisation. Nous y travaillons.

Mais la réforme dépend aussi de vous ; transfert des maternités rurales à l’hôpital, création de maternités communales pour que les accouchements soient effectués dans les meilleures conditions souhaitables.

Il faut que les dispensaires continuent de se moderniser. Ils doivent désormais se concentrer sur ses tâches essentielles de prévention, de protection maternelle infantile, de lutte contre les endémies dont le paludisme, de planification familiale.

L’autre aspect de cette profonde réforme qui n’est pas encore visible est la création d’une assurance-maladie propre à Mayotte. Elle est gérée par la caisse de prévoyance sociale dont le statut a été lui aussi rénové.

L’assurance-maladie, je le rappelle, constitue la base du droit à la santé.

A partir du 1er Janvier 1998, cela sera chose faite ; toutes les personnes résidant à Mayotte seront affiliées à la caisse de prévoyance sociale pour l’assurance-maladie.

En contrepartie, une cotisation d’assurance-maladie au taux modeste de 2% sera prélevée sur les revenus dépassant un certain seuil.

Je dois dire qu’en ma matière, nous avons anticipé pour Mayotte dur le mouvement de réforme de la sécurité sociale métropolitaine par un financement exclusif via une cotisation sociale généralisée, qui préfigure ce que sera l’assurance maladie universelle.

Certes, beaucoup reste à faire. Je m’attacherai à ce que les décrets d’application, qui tardent à sortir (une dizaine) soient publiés le plus rapidement possible pour que cette réforme fondamentale puisse être effective comme prévue au 1er Janvier 1998.

Mais, dès l’an prochain, Mayotte disposera avec ce nouvel établissement d’un Centre hospitalier digne de ce nom.

 

Discours devant la Chambre professionnelle de Mayotte - 9 novembre 1997

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs,

Je voudrais tout d’abord vous remercier de votre accueil à la Chambre professionnelle. Depuis vendredi que je parcours Mayotte, j’apprécie tout particulièrement la chaleur et la spontanéité de l’accueil qui m’est réservé.

Votre compagnie consulaire, Monsieur le Président, regroupe les compétences d’une Chambre de commerce et d’industrie, d’une Chambre des métiers et d’une Chambre d’agriculture. Il s’agit d’une situation qui n’est pas courante mais qui a le mérite, dans une collectivité jeune, tant par sa date de création que par la structure de sa population, de permettre une cohérence de l’action que d’aucuns recherchent ailleurs au travers de structures de coopération inter-consulaire.

Je sais que le monde agricole de Mayotte souhaite la création d’une Chambre d’agriculture, et il s’agit d’une hypothèse que je n’exclus pas, tant l’agriculture à Mayotte est une activité structurante de l’économie, de la société mahoraise et du paysage. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dans le récent arrêté de constitution du Conseil de direction de l’ODEADOM, que je viens de prendre avec mon collègue, le Ministre de l’agriculture, j’ai souhaité que siège un représentant des producteurs de Mayotte.

Pour ce qui concerne la création d’une Chambre d’agriculture, je crois que le projet doit être mis à l’étude, et je vais proposer à M. Le Pensec de dépêcher prochainement à Mayotte une mission de l’Inspection générale de l’Agriculture, chargée d’en apprécier la faisabilité financière.

Vous avez, Monsieur le Président, au cours de votre intervention, évoqué différents sujets concernant le développement économique de Mayotte. Le développement est en effet un enjeu fondamental d’une collectivité qui connait une croissance démographique rapide et qui se trouve à proximité immédiate de deux États ACP.

Je puis vous assurer que l’État accompagne et surtout continuera d’accompagner Mayotte dans son développement, notamment grâce à l’actuelle et sans doute à la future convention de développement.

Vus avez évoqué tout d’abord deux infrastructures de base : le second quai du port de Longoni et la création d’un nouveau marché à Mamoudzou.

Pour ce qui concerne le port, et même si je comprends tout l’intérêt d’avancer sur la construction d’un second quai, à la fois pour satisfaire les besoins du trafic et développer une logique de port d’éclatement, j’observe que le chiffrage actuel des travaux (195 MF) est très élevé et seuls 45 MF de crédits publics sont actuellement inscrit au contrat de développement. Je crois qu’il nous faut travailler encore à ce projet pour mieux le cerner.

Pour ce qui est du marché de Mamoudzou, des crédits d’un montant de 1,5 MF pour des interventions urgentes ont été votées par le Conseil général à l’initiative du Préfet. Le projet de construction nouvelle envisagé, qui s’intègre dans une perspective plus large de réaménagement du front de mer de Mamoudzou s’élève à un montant compris entre 50 et 55 MF.

Une fois les urgences réglées, il est nécessaire, me semble-t-il, d’affiner également le projet pour constituer un « tour de table » entre l’État, la collectivité, la mairie de Mamoudzou et la Chambre professionnelle. La concertation sur la prochaine convention de développement serait, à cet égard, le cadre adapté.

Vous avez également, Monsieur le Président, appelé mon attention sur le financement et la situation des entreprises à Mayotte.

Vous sollicitez tout d’abord la mise en place de prêts bonifiés pour l’artisanat à Mayotte, comme il en existe – avec des difficultés de mise en place ! – dans les départements d’Outre-Mer.

Je suis conscient de l’importance que revêt dans une collectivité en développement l’artisanat, tant par rapport à la création d’emplois que par rapport à la structuration de la société.

Il est vrai que n’existe pas à Mayotte le système des prêts bonifiés. En revanche, le FIDOM finance le Fonds mahorais de participation et le régime d’aide territorial à l’investissement auxquels ont droit les entreprises mahoraises. Ce sont là des mécanismes qu’il faudra maintenir dans le futur pour ce qui est des prêts spéciaux, je vais voir avec ma collègue Madame Lebranchu, Secrétaire d’État au commerce et à l’artisanat, quelles sont les possibilités d’intervention à Mayotte, même si je redoute d’éventuels blocages de nature législative.

Je souhaite également aller de l’avant sur l’extension à Mayotte du prêt à taux zéro pour les résidences principales. Il s’agit là en effet d’une mesure à l’impact social évident pour l’accès au logement mais aussi un important moyen de relance de l’activité de l’artisanat du BTP. Un projet d’ordonnance est en cours d’examen.

Plus généralement, il me semble important que la Chambre professionnelle aide l’État et la Collectivité à mieux structurer les entreprises artisanales tant du point de vue de la formation de la gestion et du respect de la législation sociale et fiscale.

En ce qui concerne l’intervention de la SOFARIS, je vous propose de contribuer à rapprocher les banques locales de cet organisme en demandant à mes services de réunir très prochainement à Paris ce partenaires pour définir les conditions éventuelles d’intervention de la SOFARIS à Mayotte.

De même, et dès lors que la révision à mi-parcours de la décision d’association des PTOM, dont Mayotte, avec l’Union européenne, sera enfin adoptée, je vous propose d’entamer avec mes services une démarche auprès de la Commission européenne pour définir les conditions d’intervention des programmes d’initiative communautaire concernant les entreprises.

On pourrait, à cet égard, voir comment l’Union européenne pourrait s’associer au projet de connexion de Mayotte au réseau Internet. Je sais que des démarches en ce sens sont actuellement entreprises auprès de France Telecom et je les soutiens.

Vous êtes préoccupés également, et à juste titre, par les règles de l’urbanisme commercial à Mayotte. Les lois régissant ce secteur, en vigueur en métropole et dans les DOM, ne sont actuellement pas applicables à Mayotte. A la suite de la mission, il y a quelques mois, de la direction du commerce intérieur du ministère de l’économie et des finances une réglementation sera bientôt adoptée par la voie des ordonnances. Je présenterai la loi habilitant le gouvernement à y procéder au Conseil des Ministres dès mon retour à Paris lundi 10 novembre.

Une commission d’équipement commercial sera ainsi bientôt créée à Mayotte, avec compétence pour toute implantation commerciale supérieure à 120 M2. Ainsi ; l’équilibre entre le petit commerce traditionnel et les magasins de plus grande surface pourra être mieux garanti. Cela me paraît tout à fait déterminant dans une collectivité en développement.

J’en terminerai, Monsieur le Président, en abordant la problématique de l’emploi à Mayotte.

Dans la présentation de son programme de gouvernement au mois de juin dernier, devant le Parlement, le Premier ministre a proposé aux Français un pacte républicain. Ce pacte comporte un effort tout particulier en faveur de l’emploi.

Avec une estimation de 12 000 personnes privées d’emploi, ce défi est très lourd à Mayotte. Le relever commence à mon sens par la formation : 15 MF sont dépensées chaque année à Mayotte pour la formation professionnelle. Un effort important a été produit ces derniers temps pour rendre efficace ce dispositif avec une rigueur de gestion accrue. Un schéma des formations est en cours d’élaboration ; il sera prochainement présenté au Conseil général.

Beaucoup regrettent la non application de la loi sur l’emploi des jeunes à Mayotte. Une telle applicabilité aurait été difficile puisque la loi PERBEN de 1994 n’a pas prévu l’intervention du FEDOM à Mayotte et que les crédits finançant les emplois-jeunes transitent par ce fonds. Néanmoins, et c’est un engagement que je prends devant vous, je veillerai à ce que dès 1998 un effort significatif soit fait sur les quotas de CES et sur les financements des fonds de chantiers de développement local.

Tels sont, M. le Président, Mesdames et Messieurs, les éléments de réponse que je suis en mesure de vous apporter aujourd’hui sur les sujets que vous avez évoqués.

Je sais pouvoir compter sur votre détermination et la constance de votre action pour structurer et développer l’économie de Mayotte dans un environnement complexe et directement concurrentiel.

Je crois en effet qu’ici plus qu’ailleurs, l’égalité, la citoyenneté et l’appartenance à la République passent tout autant par la cohésion et le développement économique que par l’affirmation, par ailleurs nécessaire, de droits et de statuts.