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Libération : Les patrons estiment qu’ils vivent dans un environnement administratif hostile même si, d’un gouvernement à l’autre, on leur promet de réduire la paperasserie. Pensez-vous que les mesures annoncées aujourd’hui vont vaincre leur scepticisme ?
Marylise Lebranchu : Ils ont raison d’être dubitatifs. On en parle depuis très longtemps, et ils ont parfois eu le sentiment d’être trompés. Avec l’instauration d’un guichet unique par exemple, ils pouvaient effectivement être renseignés dans un même lieu, mais, ils devaient continuer à faire autant de démarches ailleurs, auprès de l’État, des greffes ou des organismes sociaux. Nous devons donc soigner la présentation ; ne pas laisser croire que les chefs d’entreprises pourront tout régler avec un seul interlocuteur. Nous sommes plus modestes mais pragmatiques : nos 37 dispositions vont leur permettre d’économiser du temps, des déplacements et donc de l’argent. Mais surtout, le processus continue après le 3 décembre. Une réunion interministérielle aura lieu tous les six mois pour évaluer les mesures et en proposer d’autres. Des entreprises et des praticiens volontaires guideront notre réflexion en nous signalant les démarches qui leur semblent les plus inutiles, coûteuses, dévoreuse d’énergie…
Libération : Une bonne partie du ressentiment des patrons ne vient-il pas de l’accueil qui leur est réservé dans les administrations ?
Marylise Lebranchu : Améliorer l’accueil et la relation avec les usagers est une des priorités de la réforme de l’État qui est en cours. Des comités d’usagers seront créés et consultés par les administrations, avant la mise en œuvre de nouvelles mesures. Aux organismes sociaux, on cite en exemple les efforts de France Télécom ou EDF, pour les amener à revoir leur fonctionnement.
Libération : La paperasserie n’est que la résultante d’un empilement de lois, décrets et règlements. N’est-il pas un peu vain de s’attaquer à l’effet plutôt qu’à la cause ?
Marylise Lebranchu : Nous allons prendre un engagement : chaque ministère devra analyser l’impact de chaque nouveau texte adopté (arrêté, décret…). Ce qui nous obligera à nous poser deux questions. Si telle mesure est adoptée, qu’entraînera-t-elle comme démarche, comme avantage, comme gène ou comme charge pour l’entreprise ? Que se passait-il avant ? Cet exercice est salutairement et devrait me priver de certaines notes ironiques comme celle que j’ai reçue récemment d’un expert-comptable, il avait dépensé 2 000 francs en démarches pour recevoir une aide de 1 000 francs ! Il faut savoir supprimer un texte préexistant pour éviter l’empilement. Le Gouvernement fait aussi passer le message au Parlement, en lui demandant de limiter le nombre de renvois aux décrets. Faire un article de loi complet, c’est plus difficile que de se décharger sur de futurs décrets…
Libération : Sur le sujet des 35 heures, quel accueil vous est réservé lors de vos tournées en province pour expliquer cette loi aux PME ?
Marylise Lebranchu : Les organisations ont toujours des déclarations très dures sur le sujet. Lors des visites d’entreprises qui négocient des accords, les échanges deviennent intéressants. Et les discussions organisées en fin de journées sont toujours enrichissantes et pragmatiques. Mais, les chefs d’entreprises, s’ils sont prêts à prendre en compte la réduction du temps de travail, réfutent la date butoir.
Libération : Le CNPF va bientôt élire son nouveau président. Quand vous rencontrez les patrons de PME, avez-vous la sensation qu’ils se sentent représentés par cette organisation et concernés par ce qu’il s’y passe ?
Marylise Lebranchu : Dans mes déplacements, aucun n’est jamais venu me demander si le futur président serait untel ou untel. Ils ont tendance à considérer qu’il existe un grand patronat, interlocuteur privilégié de l’État. Et un petit patronat éparpillé sur le territoire dont on ne s’occupe pas assez. Ils ont mis leur énergie mais aussi leur argent dans une affaire. Les grands patrons leur semblent plus à l’abri des accidents ; ils ne vendent pas leur maison pour payer les dettes, ils ne connaissent pas les ouvriers qu’ils licencient. Il va d’ailleurs falloir que l’on s’occupe vraiment du problème de la protection du patrimoine des chefs de moyennes et petites entreprises et des conséquences de la faillite sur leurs biens personnels souvent apportés en caution.
Libération : Un autre de leurs dadas est la transmission de leurs entreprises. Avez-vous des projets dans ce domaine ?
Marylise Lebranchu : C’est précisément le deuxième point lié au patrimoine. Les transmissions se font mal ou pas du tout, quand il ne s’agit pas d’un descendant direct. Ce délicat chantier est ouvert. Nous allons permettre aux patrons qui cèdent leur affaire de ne pas être imposés sur la partie du capital réinvestie dans une entreprise de moins de cinq ans.