Interviews de M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement, dans "La Croix" le 30 août 1999 et dans "Le Figaro" le 31, sur la fin de "l'amortissement Périssol" et son remplacement par "l'amortissement Besson" proposant des avantages fiscaux liés aux investissements locatifs et la sécurisation du paiement des loyers en contrepartie d'un plafonnement de leur montant.

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Média : Emission Forum RMC Le Figaro - La Croix - Le Figaro

Texte intégral

LA CROIX : 30 août 1999

Q - Votre dispositif en faveur de l'investissement immobilier locatif restera seul en place à partir de mercredi, avec la fin de « l'amortissement Périssol ». À quoi servent de telles mesures fiscales ?

Louis Besson : « L'amortissement Périssol mis en place en 1996 était une mesure conjoncturelle de soutien au bâtiment qui connaissait alors une situation très difficile, 200 000 emplois et 4 000 entreprises perdues en sept ans.

Une telle mesure n'était donc pas malvenue mais elle se limitait à une dimension d'aubaine fiscale.

Avec le statut du bailleur privé, nous mettons en place un élément nouveau dans la politique globale du logement : c'est l'organisation d'un secteur locatif privé enfin pleinement reconnu dans le neuf comme dans l'ancien. Certes, ce dispositif contient aussi des avantages fiscaux, de manière que les placements immobiliers restent comparables avec les placements financiers. Nous allons encourager l'investissement dans le locatif par des aides fiscales, par une déduction forfaitaire majorée dans l'ancien et par des garanties sur le paiement des loyers,  dans le neuf comme dans l'ancien. Dans le cadre de ce nouveau statut, l'allocation logement pourra, par exemple, être versée directement au bailleur. Les fonds du 1 % interviendront aussi en garantie de loyer, par exemple en cas de chômage. En contrepartie, le bailleur s'engage à louer sous certaines conditions de ressources du locataire et à ne pas dépasser un plafond de loyer.

Au final, ce nouveau dispositif vise à disposer d'un secteur à loyers maîtrisés – à l'avantage du locataire – mais sécurisés – à l'avantage du bailleur. »

Q – N'est-il pas politiquement délicat, pour un Gouvernement de gauche, d'aider fiscalement des personnes ayant assez d'argent pour investir dans l'immobilier ?

– « Nous ne pouvons pas nous arrêter à des conceptions simplistes qui feraient négliger les problèmes de logement rencontrés par les couches intermédiaires, quasiment chassées des centres des grandes villes. Aujourd'hui, la production de logements locatifs sur le marché débouche sur une amplitude de loyers de un à trois entre les petites villes de province et Paris. Avec le nouveau dispositif, nous souhaitons ramener l'écart de un à deux. C'est un objectif ambitieux mais légitime, sous peine de parler de mixité sociale sans lui donner les moyens de se concrétiser. »

Q – La population qui entre dans le cadre du dispositif est effectivement assez large…

– « Absolument : 80 % des ménages pourront entrer dans le cadre du dispositif, contre 60 % pour les HLM. En ajoutant au secteur HLM un secteur locatif privé à loyers maîtrisés nous complétons la palette de l'offre au bénéfice de populations qui n'ont pas les moyens de trouver une réponse sur le marché. »

Q – Ne craignez-vous pas un effondrement des mises en chantier après la fin de l'amortissement Périssol qui a fortement stimulé le marché ?

– « L'avantage des mesures conjoncturelles, c'est qu'elles font l'actualité. L'inconvénient, c'est qu'à l'approche de leur fin annoncée, elles provoquent un emballement. Elles veulent soutenir la conjoncture mais elles provoquent des à-coups. Ce n'est pas forcément le meilleur service à rendre à l'activité du bâtiment qui a besoin de plans de charge à long terme.

Cela dit, c'est vrai, nous aurons forcément, le contre-effet de la fin de l'amortissement Périssol, sur le modèle de ce qui s'est produit sur le marché automobile après la fin des primes Juppé et Balladur. Mais on substitue à une mesure conjoncturelle qui avait pour elle son attrait fiscal une autre mesure extrêmement intéressante. Les investisseurs pouvaient bénéficier de l'amortissement Périssol tout en proposant des loyers pouvant atteindre à Paris 115 ou 120 F le mètre carré ! Nous allons demander aux bénéficiaires du nouveau dispositif de ne pas dépasser 75 F du mètre carré. Si l'avantage fiscal reste sensiblement le même, le locataire y trouvera lui aussi son compte. C'est quand même beaucoup plus moral.


LE FIGARO : 31 août 1999

Le Figaro. – Avez-vous déjà pu mesurer les premières réactions des investisseurs ?

Louis Besson. – Nous ne pourrons le faire qu'avec un certain retard. Car on ne connaît leur choix qu'après leur première déclaration de revenus intégrant le premier loyer encaissé. Cela dit, je retire de nombreux dialogues avec les professionnels et de mes déplacements en province que notre dispositif est bien accueilli. J'ai entendu récemment à la radio un notaire et un promoteur qui parlaient d'une moralisation peu discutable avec le nouveau système. Il y a surtout un changement de logique.

Le Figaro. – Comment définissez-vous ce changement ?

– « En 1995, Lionel Jospin, alors candidat à l'élection présidentielle, avait proposé un statut pour les bailleurs privés, qui se sentaient les mal-aimés de l'économie. L'apport du dispositif de Pierre-André Périssol a été conjoncturel, limité au neuf, et l'unique et substantiel avantage a été l'amortissement, largement valorisé sous l'angle de l'aubaine fiscale. Deux ans plus tard, nous avons repris l'engagement du candidat Jospin aux présidentielles.

Car le bailleur privé, qui joue un rôle économique et social capital dans notre société, n'était concerné que par une déduction forfaitaire sur les revenus fonciers, en peau de chagrin d'ailleurs sur longue période.

Dans le logement neuf, désormais, le bailleur voit sa fonction économique reconnue, grâce au nouvel amortissement. Et dans l'ancien, la déduction forfaitaire majorée à 25 % joue ce rôle. La fonction sociale du bailleur est également reconnue au travers des plafonds de loyer et de ressources et des garanties de loyer et de charges. Ainsi, l'allocation logement peut être versée directement et de droit au bailleur et des garanties sont accordées par le 1 % logement, en cas de chômage, sur le paiement du loyer et des charges. Le 1 % logement consentira en outre un nouveau type de prêts aux investisseurs privés, avec des garanties supplémentaires de loyer, en contrepartie de « réservations. »

Le Figaro. – Quels sont vos objectifs avec ce statut du bailleur ?

– « Le Gouvernement a l'ambition d'inscrire l'investissement locatif privé dans la politique globale du logement et c'est pourquoi le dispositif est pérenne et assorti d'une légitimité sociale. Nos intentions sont les suivantes : faire naître de nouvelles générations de bailleurs, face à une érosion continue du nombre de logements locatif privés (4,8 millions, contre plus de 6 millions il y a une vingtaine d'années) ; permettre à nos villes de conserver une pluralité en matière d'offre d'habitat ; contribuer à resserrer d'un à deux – au lieu de un à trois – les écarts de loyer entre Paris et les petites villes. »

Le Figaro. – Combien d'investisseurs souhaitez-vous attirer ?

– « Dans le neuf, du fait de l'emballement provoqué par la fin du Périssol, un pic de 50 000 biens devrait être vendu cette année. Si l'on atteignait en période de croisière de 40 000 à 45 000 ventes avec le nouveau dispositif, ce serait bien. Dans l'ancien, le nombre de logements concernés peut être supérieur. »

Le Figaro. – Quelle assurance donnez-vous que le système sera pérenne ?

– « Des engagements formels ont été pris. Comme la future loi urbanisme et habitat est appelée à consolider la politique du logement, le nouveau statut du bailleur s'y inscrira parfaitement. Cette loi devrait être discutée par le Parlement courant 2000. »

Le Figaro. – Le Gouvernement va-t-il finalement accepter que l'amortissement Besson profite à la location par l'investisseur à ses propres enfants ?

– « Le dossier n'a pas à ce jour avancé. Car, comme on le souligne à Bercy, il y a eu des abus. Certaines familles ont cumulé des avantages de manière exorbitante : en plus de l'amortissement Périssol, l'enfant étudiant percevait une allocation logement et la famille déclarait une pension alimentaire, tout en présentant un loyer en fait fictif. J'attends que l'on me propose un système moralement acceptable.