Déclaration de M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, sur l'activité législative, l'organisation et la modernisation du travail parlementaire, à l'Assemblée nationale le 17 décembre 1997.

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Texte intégral

Messieurs, les ministres,
Mes chers collègues

Quelques mots seulement, puisque nous allons terminer demain le trimestre et que je souhaite, comme cela est la tradition, le marquer de quelques mots.

Parmi les satisfaction – il y en a, même si on les relève trop rarement – je veux souligner combien il est important que le débat politique ait retrouvé dans notre enceinte sa pleine place. On le doit bien sûr à la situation politique que nous connaissons.

On le doit au travail de chaque député. On le doit, je tiens à le marquer aussi, au comportement du Gouvernement, en particulier, chacun d’entre vous l’a noté, à M. le Premier ministre qui, notamment lors des questions d’actualité, est intervenu à de nombreuses reprises, répondant à une large gamme de sujets de fond.

Il est souhaitable, quelles que soient nos opinions par ailleurs, que le débat politique, qui exprime, à travers vous, les soucis et les propositions des Français, ait lieu d’abord au Parlement, singulièrement à l’Assemblée nationale. Cela a été le cas. L’activité législative a été très soutenue, certains diront trop soutenue ; j’y reviendrai dans un instant. Tel est souvent le cas en début de législature. Vous avez même parfois été soumis à rude épreuve, ainsi que vos collaborateurs et le personnel de l’Assemblée que je tiens à saluer et à remercier chaleureusement en votre nom.

Nous avons eu les lois de finances, des lois budgétaires et sociales, plusieurs débats de nature européenne, la loi sur l’emploi des jeunes, l’inscription d’office sur les listes électorales, la réforme du service national, un texte sur la prévention et la répression des infractions sexuelles, le projet sur la nationalité, la loi sur l’entrée et le séjour des étrangers, la loi sur les transporteurs routiers, soit beaucoup de séjour des étrangers, la loi sur les transporteurs routiers, soit beaucoup de textes et de moments importants, souvent délicats, correspondant à la volonté de changement de la majorité. Je n’oublie pas non plus les lois qui ont été le fruit de l’initiative des groupes, ou bien celle qui nous a été transmise par le Parlement des enfants. Tous ces textes, ajoutés à d’autres, ajoutés à la passion et parfois aux tactiques qui sont bien connues dans cette enceinte, ont conduit à une certaine saturation. Il n’en demeure pas moins que le travail de contrôle et de législation a pu s’exercer.

Il convient, mes chers collègues, de tirer de premières leçons de ces quelques mois.

Après m’en être entretenu avec le Premier ministre et les membres du Gouvernement concernés, après en avoir discuté avec les présidents de groupe et de commission que je remercie pour leurs propositions et leur écoute, il m’apparaît que nous devons opérer rapidement de premières adaptations et j’en citerai quatre.

Premièrement, le rythme de nos séances doit être modifié. Pour une plus grande clarté et pour éviter de confondre la session unique, qui est notre loi, avec la semaine bloquée, la règle devrait être, sauf pendant la discussion proprement budgétaire, de siéger les mardi, mercredi et jeudi, l’après-midi et en soirée, le matin étant réservé aux réunions de groupe et de commission.

Pour être cohérent et compléter l’ordre du jour, une séance, le mardi matin, serait dévolue aux questions orales sans débat et, une fois par mois, un vendredi, toute la journée, sera consacré à l’examen de propositions de loi. De la sorte, on pourra doubler le volume réservé à l’initiative parlementaire ce qui sera un progrès, même s’il est limité.

Deuxièmement, afin de dégager un temps suffisant de séance publique dans l’hémicycle pour les débats les plus importants, un recours accru sera décidé aux procédures simplifiées de discussion des lois en commission.

La conférence des présidents encouragera fortement le recours à cette procédure simplifiée dès la rentrée au bénéfice de l’examen et du vote en commission.

Troisièmement, pour améliorer le contrôle de l’Assemblée sur l’action du Gouvernement en veillant, comme il est normal, au pluralisme et aux droits de l’opposition, chaque groupe disposera désormais automatiquement de la possibilité de créer une commission d’enquête par un dès lors que son objet ne sera pas manifestement irrecevable ou qu’il ne concernera pas, pour des raisons évidentes, la défense nationale ou les questions monétaires.

Quatrièmement, dans le même esprit d’un contrôle plus efficace, les capacités d’expertise mises à notre disposition seront accrues, qu’il s’agisse des offices parlementaires, en concertation avec le Sénat, que je salue, ou de l’aide de la Cour des comptes. Une faculté nouvelle sera ouverte à notre assemblée : saisir pour des travaux spécifiques l’INSEE et le commissariat général au Plan.

Par ailleurs, dans le domaine des finances, si des mesures substantielles de gel ou d’annulation devaient intervenir après le vote du budget, il sera normal qu’elles fassent à l’avenir l’objet d’une information préalable de la commission des finances par le Gouvernement.

J’ajoute à ces quatre séries de changements le développement du programme, que nous appelons PRATIC, des technologies de l’information et de la communication, qui a connu grâce à vous un bon départ, la mise au point d’un système de vote qui, à compter de la rentrée, devrait nous éviter les incidents du passé, enfin la confirmation d’un débat en séance avec chaque Conseil européen.

Nous avons là un ensemble de dispositions pragmatiques qui devraient être, je crois, favorables à l’initiative, au contrôle et à l’ouverture de notre assemblée. Ces mesures devraient nous permettre de mieux encore remplir notre rôle dès les prochains mois et de contribuer ainsi, comme nous le voulons tous, à construire l’Assemblée de la fin du siècle.

Cela suppose, bien sûr, que notre ordre du jour ne soit pas surchargé par un nombre excessif de projets, ce qui implique des choix et le strict respect de l’article 34 de notre Constitution.

Cela suppose aussi – évidence que nous rappellent nos électeurs qui observent nos débats – qu’on garde à l’esprit que le parlementarisme rationalisé est une bonne chose, mais que le parlementarisme civilisé n’en est pas une mauvaise.

Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ces premiers changements, évidemment, ne vont pas résoudre tous les problèmes. Ils devraient cependant permette un meilleur fonctionnement de notre assemblée. Ils contribueront, avec d’autres mesures à venir, plus profondes, en tout cas d’une autre nature juridique, à la modernisation indispensable de notre vie publique, cette modernisation elle-même n’ayant de sens que pour mieux remplir notre rôle de représentants de la nation au servie de nos compatriotes et de la France.

Nous allons faire en sorte que ces changements puissent être mis en œuvre dès le début de l’an prochain.

L’Assemblée va se séparer demain soir. Elle a beaucoup travaillé. Très bon Noël et bonne année !