Interview de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat, et de M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche, à France 2, le 13 septembre 1999, sur la défense du modèle agricole européen.

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Média : Emission Mots croisés - France 2 - Télévision

Texte intégral

Emission « MOTS CROISES » diffusée sur France 2
le 13/09/1999
PREMIERE·PARTIE

Arlette CHABOT
Bonsoir.

Alain DUHAMEL
Bonsoir.

Arlette CHABOT
Roquefort contre McDO, Le combat contre la « mal bouffe », contre la « sale bouffe », c'est le combat de José BOVE que vous connaissez, qui est avec nous ce soir, le combat de la confédération paysanne avec François DUFOUR qui mène aussi ce combat avec José BOVE. La FNSEA, la puissante FNSEA peut-elle rejoindre cette action de la Confédération paysanne, Luc GUYAU, le président de la FNSEA, est en direct avec nous de Rennes, il nous dira si il peut faire cause commune et aider le gouvernement à défendre les intérêts de la France dans la négociation Europe/Etats-Unis. Jean GLAVANY qui a écouté tout à l'heure Lionel JOSPIN sur France 2 avec nous, nous dira si il a en quelque sorte une mission claire ce soir et si ses partenaires européennes vont faire cause commune avec la France. Monsieur GLAVANY d'ailleurs est à coté d'Helsinki en Finlande où il assiste à une réunion des Quinze de l'agriculture. Et puis bien sûr à coté, il y a la guerre entre les agriculteurs et les grandes surfaces, les grandes surfaces s'expliqueront avec Michel-Edouard LECLERC et puis Jérôme BEDIER(ph) qui représente la Fédération des Entreprises de Commerce et de Grande Distribution. Qu'en pensent évidement les consommateurs ? Eh bien Madame NICOLI qui est avec nous, présidente de l'Union Fédérale des Consommateurs nous dira comment ces consommateurs inquiets après la vache folle, le poulet à la dioxine peuvent se défendre. Ce soir en quelque, sorte, on a la table ronde entre les agriculteurs et la grande distribution, que Madame LEBRANCHU qui est ministre chargée des PME et aussi responsable de la Consommation réunira la semaine prochaine. Et puis un peu de politique quand même Alain.

Alain DUHAMEL
Et beaucoup de politique à propos de l'agriculture et des filières alimentaires avec Philippe VASSEUR ancien ministre de l'Agriculture, Démocratie Libérale et avec Alain LIPIETZ économiste et en l'occurrence représentant ici des Verts.

Arlette CHABOT
Alors en espérant que tout le monde aura plus de voix que vous ce soir cher Alain DUHAMEL, mais ça ne vous empêchera pas de vous exprimer. C'était tout à l'heure dans le journal de 20 heures, le Premier ministre Lionel JOSPIN interrogé par Claude SERILLON, en quelque sorte j'allais dire presque l'hommage à José BOVE et puis une idée sur la manière dont la France compte sur l'Organisation Mondiale du Commerce pour défendre ses intérêts et ceux de l'Europe.

Lionel JOSPIN
On a pu avoir toutes ces sédimentations, nous restons quand même un peuple avec des origines gauloises. A chaque fois qu'il y a des mouvements, il y a toujours des personnalités qui émergent comme ça. Vous vous, souvenez du mouvement des camionneurs il y avait eu « Tarzan ». Vous vous souvenez du mouvement des chômeurs, il y avait eu, « Robin des bois » aussi on l'appelait, dans le Nord - Pas-de-Calais, là il y a un mouvement agricole et surgit aussi comme ça une personnalité vigoureuse, forte qui émane finalement un peu de notre peuple avec sa radicalité qui existe, qui a toujours existé. Si il y a une globalisation du monde, si il y a une mondialisation de l'économie on comprend bien que si l'on veut éviter les distorsions commerciales, si on veut éviter la domination des Etats-Unis, il faut une organisation internationale qui régule cette économie mondiale, c'est exactement le rôle de l'OMC, de l'Organisation Mondiale du Commerce qui va ouvrir effectivement à Seattle à l'automne de nouvelles négociations sur les échanges internationaux.

Arlette CHABOT
José BOVE, j'allais dire cet hommage, « Tarzan », « Robin des Bois » du Premier ministre, vous êtes très content ce soir ?

José BOVE
Je crois qu'au nom des paysans que l'on représente, qui ont été dans le mouvement, je pense que le fait que le Premier ministre prenne acte du fait qu'effectivement nos racines plongent dans. la ruralité, dans le peuple français, je pense qu'effectivement ça c'est une réalité qui me satisfait parce que c'est la reconnaissance qu'il y a eu un véritable mouvement populaire et on pourrait dire qu'il y a une véritable démocratie qui s'est instaurée et que l'ensemble de la population a pris partie pour ce mouvement puisque 81 % des Français ont soutenu les revendications qu'on a posé au niveau de la mal bouffe.

Alain DUHAMEL
Et sur le plan personnel ? Quand vous vous voyez décrire par le Premier ministre de cette façon comment est-ce que vous réagissez, ça vous fait plaisir ou ça vous agace ?

José BOVE
Je ne vais pas dire que ça m'agace parce que ça serait de la fausse modestie, mais en même temps…

Arlette CHABOT
...récupérer en clair …

José BOVE
Disons que ça m'amuse, parce que monsieur JOSPIN il y a quelques années de cela je l'avais bloqué, je l'avais empêché d'atterrir alors qu'il était ministre de l'Education chez nous parce que, en fait il devait visiter une exploitation de la Confédération paysanne, la FNSEA l'a menacé des pires des choses si il le faisait, on l'a bloqué, bon on s'est réconcilié après mais bon on a eu des rapports francs.

Arlette CHABOT
Ça veut dire qu'il n'est pas rancunier. Alors Luc GUYAU, vous êtes un peu jaloux si je puis dire de cet hommage rendu à José BOVE de cette reconnaissance implicite ?

Luc GUYAU
Non pas du tout, j'ai simplement entendu le Premier ministre parler de José BOVE comme un gaulois, mais il a parlé aussi à mon endroit du travail que nous devions réaliser ensemble, je crois que c'est le peuple français et les agriculteurs qui doivent être défendus. aujourd'hui dans le cadre de l'alimentation et dans le cadre du commerce international. Alors pour moi le travail a commencé déjà depuis longtemps en matière internationale puisque nous avons commencé ,en 86 et que nous devons continuer. Et je me place plus résolument sur le combat dans le cadre du GATT avec les grandes manifestations que nous avons mené ces dernières années, mais surtout pour un modèle agricole européen, moi je suis pour quelque chose, c'est-à-dire pour que l'on. reconnaisse l'identité de la France et de l'Europe et que tout le monde se batte pour la faire reconnaître et accepter au niveau internationale. Etre contre les Américains c'est bien, moi aussi je ne suis pas d'accord avec eux, mais ce n'est pas suffisant alors nous, nous construisons pour l'avenir.

Arlette CHABOT
José BOVE, être contre les Américains ce n'est pas suffisant dit Luc GUYAU, vous êtes d’accord avec lui pour une fois ?

José BOVE
Non je crois que… Je pense que je n'ai jamais été contre les Américains, la meilleure preuve c'est que j'ai habité moi même plus de trois ans aux Etats-Unis, donc je ne suis pas contre les Américains, et ce que je veux dire à travers cette discussion, c'est que monsieur GUYAU dit qu'il revendique aujourd'hui un modèle européen, moi je pense qu'il faut faire très attention parce qu'il n'y a pas de modèle européen, aujourd'hui le combat est de savoir très clairement si on est pour une agriculture productiviste ou pour une agriculture paysanne et ça ce n'est pas une question de frontière ni française ni européenne. Mais aux Etats-Unis le problème se pose, il se pose en Amérique du Sud, en Asie, il se pose partout, donc je crois que là il y a un véritable débat et un enjeu de société qui dépasse largement nos frontières.

Arlette CHABOT
Luc GUYAU ?

Luc GUYAU
Oui mais, quand nous demandons de faire reconnaître le modèle agricole européen en réalité nous réclusions la banalisation de la mondialisation, c'est-à-dire que nous voulons que l'Europe soit respectée avec sa culture, avec ses origines, avec le rôle et les missions de l'agriculture, mais lorsque je discute avec mes collègues japonais, argentins ou d'ailleurs je veux aussi qu'on respecte leurs règles, donc je suis contre la banalisation telle qu'on veut le faire dans le cadre de la mondialisation et pour se faire l'Europe, la France a une responsabilité extraordinaire parce que si ce n'est pas nous qui tirons devant avec notre histoire de vieux continent, avec nos territoires, avec nos espaces, la qualité de notre alimentation, qui le fera ? Alors je crois que c'est mieux de dire voilà ce que l'on veut plutôt que de contester les autres. Alors il faudra sans doute le faire aussi parce que c'est vrai que les Américains nous imposent leur modèle alimentaire, mais pas que leur modèle alimentaire, leur modèle de société, et j'ai entendu tout à l'heure le Premier ministre dire quelque chose que je partage tout à fait, c'est-à-dire oui à une économie de marché, non à une société de marché. Je suis tout à fait en phase avec le Premier· ministre sur ce sujet.

Arlette CHABOT
Vous êtes socialiste ce soir Luc GUYAU, c'est ça ?

Luc GUYAU
Non, je ne suis ni socialiste, ni de droite, ni de gauche, je suis président de la FNSEA qui rassemble de nombreux agriculteurs dans ce pays qui ont des tendances politiques différentes, religieuses de formation et de région, c'est ça le pluralisme à la FNSEA.

Arlette CHABOT
On va demander dans un instant à Jean GLAVANY comment la France va pouvoir défendre ses positions à l'OMC mais par exemple José BOVE, vous avez dit que vous vous irez à Seattle, là ou doit s'engager la négociation Europe/Etats-Unis, vous irez vraiment ?

José BOVE
Oui, effectivement j'irais à Seattle.

Arlette CHABOT
En gaulois ?

José BOVE
J'irais avec les paysans des différents continents parce que nous organisons un contre-sommet dans le week-end qui précède Seattle avec des paysans qui viennent du monde entier afin d'affirmer clairement une position qui est de dire l'OMC n'est pas un organe de régulation, quand. j'ai entendu tout à l'heure dire que c'était l'OMC qui régulait ceci me parait dangereux parce que c'est reconnaître que c'est le marché qui régule alors qu'on a très bien vu dans l'affaire de la taxation du roquefort pour laquelle on s'est battu, qu'en fait c'est l'OMC qui a donné l'autorisation aux Etats-Unis de surtaxer mais que en fait nous n'avons aucun recours ni l'état français ni les producteurs pour aller à l'encontre. Et quand on demande ensuite à monsieur GLAVANY et à Europe de compenser le manque à gagner pour les producteurs, on nous dit il y a danger à le faire car que si on le fait ce sera considéré comme du dumping vis-à-vis des Etats-Unis. Donc on est dans un système complètement absurde où il n'y a aucune régulation, et c'est ça aujourd'hui je pense.qu'il faut remettre en cause.

Arlette CHABOT
Alors Jean GLAVANY.

Alain DUHAMEL
Jean GLAVANY, est-ce que les européens sont assez forts pour tenir tête aux Américains dans cette affaire ?

Jean GLAVANY
Est-ce que vous me permettez tout d'abord de reprendre, est-ce que vous me permettez de reprendre le débat là où le laissait José BOVE ?

Alain DUHAMEL
Reprenez. . .

Jean GLAVANY
Moi, je crois qu'il n'y a pas de mondialisation qui soit en soi un mal, quand la France vend du blé à la Chine, de la génétique animale à l'Argentine ou du vin au Japon, la mondialisation a du bon, y compris quand nos enfants peuvent bénéficier d'un vaccin fait outre-atlantique. Ce que nous ne voulons pas c'est une mondialisation sans règle, sans norme avec un libre échangisme à tout va. Et donc ce qu'il faut c'est des règles et une régulation et à l'inverse de José BOVE, je voudrais dire à ceux qui nous écoutent, je pense, le gouvernement pense que l'Organisation Mondiale du commerce n'est pas un instrument à la solde des Américains, mais un arbitre international qui rend des décisions neutres. Je vais donner un exemple simple, des chiffres, je ne vais pas vous abreuver de chiffres mais sur les onze dernières décisions prises par l'Organisation Mondiale du Commerce, les Etats-Unis ont été condamnés cinq fois, déboutés deux fois et Europe a été condamnée quatre fois, donc vous voyez l'équilibre, est plus un véritable équilibre qu'on ne le croit et en tout cas quand il est déséquilibré ce n'est pas au détriment de l'Europe. Et nous n'avons pas d'autres choix que de continuer à jouer ce mécanisme de régulation et d'essayer de faire entendre notre voix parce que sinon ce sera le libéralisme à tout crin et le libre échangisme à tout va. Et ce que j'ai apprécié évidement de l'intervention du Premier ministre tout à l'heure, c'est qu'il a fixé des caps, qu'il a dit qu'il fallait que dans cette Organisation Mondiale du Commerce, on prenne en compte des normes qui ne sont pas seulement des normes quantitatives ou financières mais qui sont des normes que je qualifierais globalement de qualitatives, c'est-à-dire les normes- environnementales, les normes sociales, les normes liées à la qualité et à la sécurité alimentaire. Et ceci est essentiel car si nous voulons défendre notre agriculture, l'agriculture européenne, l'agriculture française en particulier qui est la plus puissante Europe et qui a encore beaucoup de progrès à faire dans ce virage qualitatif justement eh bien il faut que un arbitre puisse. nous entendre et prendre en compte un certain nombre de règle, voilà ce que je pense…

Arlette CHABOT
Mais Jean GLAVANY, la question qu'on se pose, pardonnez-moi parce que il y a difficulté évidement de communication parce que je rappelle vous êtes en Finlande mais pour une bonne raison justement, vous discutez avec les ministres de l'Agriculture de Europe, les quatorze partenaires de la France, est-ce qu'il y a la même détermination à l'égard des Américains chez nos partenaires américains, je ne vais pas dire que chez José BOVE mais que chez vous, que la France.

Alain DUHAMEL
Les Anglais par exemple.

Arlette CHABOT
Il dénonce les Anglais tout de suite, Alain.

Jean GLAVANY
Il faut comprendre que à Seattle dans la négociation de l'Organisation Mondiale du Commerce, Europe parlera d'une seule voix. En l'occurrence elle parlera par une voix française puisqu'il s'agit du nouveau commissaire aux relations économiques internationales qui est Pascal LAMY et je peux vous dire que du -point de vue de l'agriculture française, il vaut mieux ce nouveau commissaire que l'ancien et que ses premiers discours notamment devant le parlement européen sont rassurants. Et donc Europe parlera d'une, seule voix et elle aura fixé un mandat de négociations au commissaire qui sera à Seattle. Et moi je ne suis pas du tout défaitiste et figurez-vous que c'est de cela que nous parlons en ce moment en Finlande, et je dois dire que je suis plutôt confiant sur la capacité que nous aurons à défendre l'agriculture européenne face à une potentielle agression des Etats-Unis et qu'en particulier dans l'affaire qui est, celle qui a été de brûlante actualité cet été, celle du boeuf aux hormones, Europe a été très unie et très solidaire pour refuser de lever l'embargo. Europe très unie et très solidaire a dit non ce boeuf aux hormones est dangereux pour la santé des consommateurs européens et nous ne voulons pas lever cet embargo, et donc nous tenons tête aux Américains, ce qui donne ces mesures désagréables de rétorsion commerciale et pendant ce temps là nos études scientifiques et nous serons bientôt à même de faire la preuve du danger du boeuf aux hormones et donc de lever toutes ces rétorsions commerciales pour lesquelles je dis au passage que ce qu'il a dit ce n'était pas dans ma bouche et que moi je fais ce que je peux à ma manière pour aider les producteurs de roquefort et il le sait bien.

Arlette CHABOT
Alors José BOVE on va terminer sur l'OMC. En un mot, les uns et les autres, est-ce que vous faites confiance au gouvernement français même si effectivement, si je puis dire, ça transite par Europe et par le commissaire européen qui ira nous représenter dans les négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce ? Vous faites confiance au gouvernement français ce soir ou pas ?

José BOVE
Moi, je crois que je suis prêt à faire confiance au gouvernement français à deux, avec deux mesures qui doivent précéder. Je pense que d'abord, il est indispensable que dès la rentrée parlementaire il y ait un véritable débat pour que le gouvernement français ait une mission du parlement pour fixer les règles de la négociation, et quels sont les objectifs français. La deuxième chose qui me parait fondamentale, c'est qu'il y ait le même débat au niveau du Parlement européen et que le Parlement européen ait un droit de contrôle sur le négociateur européen parce qu'il ne me parait pas suffisant que ce soit simplement les différents gouvernements européens qui fixent le mandat de monsieur LAMY, mais il me paraît fondamental que le Parlement européen fixe aussi ce mandat car sinon nous n'aurons pas véritablement un soutien populaire et les Etats-Unis et les autres notamment le groupe de KEYNES qui est pour l'ultra libéralisme se diront Europe est divisée. Donc sans débat démocratique dans les Assemblées européennes et nationales, eh bien ce sera très difficile de faire entendre notre voix.

Arlette CHABOT
D'accord Luc GUYAU ? Pour qu'il y ait un débat au Parlement avec une mission, j'allais dire presque impérative ?

Luc GUYAU
Nous avons proposé un modèle agricole européen qui je le rappelle sur le principe a été acté par les chefs d'Etat et de gouvernement en décembre 1997. Si le gouvernement avec je le rappelle le Président de la République parce que pour les affaires étrangères, c'est vraiment la cohabitation complète, continue dans cette orientation telle qu'elle avait été faite à l'époque, nous sommes confiants. Mais il faudra sans doute encore se batailler au niveau du gouvernement, au niveau de la profession et je suis tout à fait d'accord pour qu'il y ait un vrai débat parlementaire parce que je crois que la France n'est jamais aussi forte que lorsque le chef de l'Etat, le gouvernement, le Parlement et la profession sont unis, alors je crois que dans ce sens là on peut faire quelque chose.

.Arlette CHABOT
Philippe VASSEUR vous qui êtes élu de l'opposition.

Philippe VASSEUR député DL
Vous savez en la matière d'ailleurs, je crois élu de la majorité ou élu de l'opposition, ce n'est vraiment pas le problème, si il y a des sujets sur lesquels on ne devrait pas, entamer de polémiques partisanes, c'est bien celui là. Simplement, je voudrais rappeler une chose c'est qu'à la demande d'Yves COCHET qui est un. parlementaire Vert, qui est même vice-président de l'Assemblée nationale, le débat sur l'OMC a eu lieu, il a eu lieu à l'Assemblée nationale, ce qui est regrettable malheureusement c'est que quand on a des débats de fond comme cela et lorsqu'on n'est pas dans une actualité polémique, on en parle pas. Et ce débat était passionnant et il y avait une quasi unanimité sur les bancs de l'Assemblée nationale. Je crois voyez-vous que le problème dans l'OMC, il faut bien voir comment les choses se passent, c'est qu'il y a un point de vue dominant et qu'effectivement une fois que ce point de vue a été admis eh bien le tribunal que représente l'OMC rend son jugement. Je vais prendre un exemple tout simple, le boeuf aux hormones, c'est au coeur du problème, il faut savoir une chose pour l'OMC si jamais nous ne voulons pas du boeuf aux hormones, nous devons démontrer que le boeuf aux hormones est dangereux. Or notre culture à nous Français et Européens et ce que nous demandons c'est qu'on nous fasse la démonstration inverse, c'est-à-dire qu'on ne donne pas à consommer quelque chose tant qu'on n'a pas la certitude qu'il n'y a strictement aucun danger, voilà un vrai débat à l'Organisation Mondiale du Commerce. Et si jamais cette règle là, la défense de la spécificité française le principe de précaution absolue aux consommateur n'est pas respecté par l'OMC nous risquons dans les années qui viennent de perdre économiquement un certain nombre de combats, c'est vrai que c'est fondamental.

Arlette CHABOT
Alors Michel-Edouard LECLERC dans ce beau concert, cette unanimité retrouvée …

Michel-Edouard
 LECLERC co président des centres LECLERC
Eh bien, je vais le rejoindre parce que je trouve que au delà du débat des intérêts corporatistes on a aussi ,des intérêts citoyens à défendre, si il faut faire Europe que ce soit au moins sous nos couleurs, avec nos envies d'être de consommer, de consommer ou d'être et ce que je trouve c'est que Luc GUYAU devrait continuer son discours, c'est-à-dire que la France n'est jamais aussi forte que quand l'ensemble des institutions. Les partis politiques ensembles vont négocier à l'OMC, mais aussi alors pourquoi ouvrir des fronts qui n'ont pas lieu d'être sur le boeuf aux hormones, sur les OGM, sur le boeuf anglais, moi je me sens tout à fait du combat et en tant que représentant de mon groupe les centres LECLERC et même des autres collègues de la distribution, je me sens tout à fait du bon coté de ce débat de société, c'est-à-dire du côté de la bonne bouffe et au delà même des critiques, des excès, des responsabilités et autres qu'on ne nous mette pas d'étiquette. Moi c'est ce combat là que je mène, c'est ce combat là que je veux mener et qu'on a commencé à mener depuis longtemps parce que aujourd'hui la distribution française sur la traçabilité elle est le moteur en Europe. Donc qu'on arrête les fausses segmentations corporatistes et je voudrais dire quand même que ce serait bien que les professionnels soient représentés dans ces négociations internationales et pas simplement à travers des institutionnels ou des techniciens et sans vouloir faire du populisme derrière ça mais par exemple ça nous aurait éviter une erreur, c'est évident Philippe, on n'aurait jamais du partir, accepter l'idée que c'était à nous de faire la preuve de la dangerosité, je ne sais pas si ça se dit en Français, des produits aux hormones. En droit, même en droit international, c'est celui qui met des nouveaux produits sur le marché, des nouvelles semences comme des nouvelles cellules, c'est à lui de prouver l'innocuité de son produit et c'est quand même dingue que  aujourd'hui on soit obligé d'accepter les rétorsions américaines ou en tout cas ses arbitrages parce qu'on a mal su négocier.

Arlette CHABOT
·· Alors Alain LIPIETZ, alors comme tout le monde est dans ce beau concert, Philippe VASSEUR disait Vive les Verts tout à l'heure, vous êtes content ? Presque …

Alain LIPIETZ député européen vert
Oui.

Philippe VASSEUR
Non, je n'ai pas dit ça...

Alain LIPIETZ
Non, je pense qu'il n'y a pas de différence entre nous de ce point de vue là, je pense que comme l'a dit José BOVE tout à l'heure ceux qui vont décider au dernier moment après la négociation de l'Organisation Mondiale du Commerce, c'est le Parlement européen qui va devoir rendre ce qu'on appelle un avis conforme. Il dira oui ou non. Alors les Verts se sont déjà réunis, le groupe Vert au parlement européen avec les consommateurs, avec les paysans , avec les associations du Tiers monde parce qu'il ne faut pas non plus obtenir des résultats qui soient bons pour la France mais mauvais pour le tiers monde, avec également des associations de chômeurs, ce qu'on appelle le comité contre la politique agricole commune folle, comité contre la PAC folle et en fait voilà ce qu'on va proposer au Parlement européen. D'abord pas de nouvelle libéralisation avant d'avoir fait l'étude d'un pacte des libéralisations qui ont eu lieu. Et puis deuxièmement et alors là je crois que c'est un peu peut-être clarifié dans le débat qui s'est esquissé entre José BOVE et monsieur GLAVANY, l'OMC c'est vrai que c'est un arbitre mais l'arbitre a lui même besoin de règles au nom de quoi il juge. Et ce que nous disons c'est qu'il faut établir une hiérarchie des règles, c'est-à-dire que l'OMC doit marquer et ça doit être dans la réunion de Seattle, l'OMC doit reconnaître qu'elle est subordonnée aux accords internationaux de protection de la santé, des droits de l'homme, des droits des travailleurs et de la défense .de l'environnement, c'est-à-dire des grandes conférences de l'ONU. C'est une fois qu'elle a reconnu ces règles, une fois qu'on est parti de la reconnaissance de ces règles qui incluent comme vous l'avez dit monsieur LECLERC, le principe de précaution; c'est-à-dire que c'est celui qui introduit une nouvelle espèce qui doit prouver qu'elle n'est pas dangereuse, c'est une fois qu'on a reconnu ces règles que l'OMC peut dire, à l'intérieur de ces règles c'est loyal, ce n'est pas loyal.

Arlette CHABOT
Alors je vous propose de poser la question que nous posions au début de cette émission, c'est-à-dire simplement la mal bouffe, à qui la faute et ce soir on va essayer de comprendre comment aussi on pourrait assurer la sécurité alimentaire, ce qui intéresse tous les consommateurs que nous sommes. Alors à qui la faute ? Aux agriculteurs, à ceux qui fournissent par exemple la nourriture pour les animaux, les questions qui ont été soulevées dans des affaires récentes la vache folle, le poulet à la dioxine, dont évidemment on a parlé et d'autres affaires encore depuis. Alors je vous propose d'écouter ce qu'on pourrait appeler la confession, d'un agriculteur, d'un éleveur, il est Breton, il est jeune, il élève des porcs donc en Bretagne en Ille-et-Vilaine, à Drouges , Olivier SIOUX et Mathieu DREJOU (phon) l'ont rencontré, écoutez le.

Pascal BIZEUL éleveur de porcs
Mes parents ont démarré avec 60 truies, ils sont passés à 100 truies et on produisait comme tout le monde produit. Moi je me suis installé en 94, comme tout jeune qui s'installe je me suis pas forcément posé de questions, je me suis dit théoriquement les fabricants d'aliments si ils sont sérieux dans leur travail, l'aliment doit être sain pour l'animal ou alors ça ne va pas aller longtemps, donc moi je faisais confiance au départ. Et je me suis rendu compte qu'au bout d'un moment finalement il y a peut-être des choses à revoir au niveau de l'alimentation, quelque part les formulations sont secrètes d'une boite d'aliments à l'autre, ils n'aiment pas trop que l'on rentre dans leur jardin secret. Je donnais pas mal de médicaments, d'antibiotiques, je me suis rendu compte qu'il avait une accoutumance et à chaque fois il fallait que je change de molécule ou d'antibiotique pour que ça reparte. Et je me suis dit jusqu'où ça va aller. Alors à partir de là il fallait faire quelque chose, c'était soit je continuais et dans quelques années je n'étais peut-être plus là ou alors il fallait que je prenne un risque, ce qui fait, que je me suis lancé un défi arrêter totalement tout traitement sur l'élevage, tout médicament, c'est-à-dire que le porcelet né, de la naissance jusqu'à l'abattoir et il n'a rien du tout dans la peau, ni dans l'aliment. Si il faut retourner dans le système traditionnel moi je ne pense pas qu'à terme je serais encore là, et puis consciencieusement je ne sais pas si je serais capable de le refaire parce que aujourd'hui j'ai la conscience tranquille quand je vois mes animaux élevés avec des aliments purs, sains. Je pense qu'on est allé trop loin au niveau de la production, il est temps de ce remettre en cause. Moi je me suis remis en cause en observant les animaux, j'ai bien vu qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas et c'est tout.

Arlette CHABOT
Alors José BOVE, François DUFOUR tous les membres de la Confédération paysanne, les petits cochons sont charmants mais ce qu'on leur donnait à manger était franchement écoeurant, est-ce que c'est la faute au productivisme que vous dénonciez tout à l'heure ?

José BOVE
Je crois que pour dire les choses très simplement quand la politique agricole a été lancée au début des années 60, il y avait un objectif qui était clair c'est qu'il fallait que Europe soit autosuffisante en alimentation. Mais très vite à la fin des années 60 et monsieur MANLECHOTE(ph) l'avait dit, il fallait effectivement modifier les règles du jeu et comme le disait d'ailleurs PIZZANI qui était au départ de cette loi, de ces lois de modernisation c'est quand le système marche qu'il faut penser à le changer. Or justement, on a refusé de le faire et aujourd'hui nous sommes dans une situation où on est en train de payer les erreurs et les refus malheureusement de la FNSEA de monsieur GUYAU qui a continué sur un système productivisme et qui a permis ces véritables scandales. Alors les paysans ne sont pas responsables en tant que paysans, bien sûr qu'ils ont une responsabilité vis à vis du consommateur mais je pense que tout l'environnement, les champs d'agriculture, les marchands d'aliments, les coopératives, malheureusement les outils économiques ont été contre les paysans et aujourd'hui les paysans sont souvent, sont mal vus par les consommateurs parce qu'ils sont victimes d'un système qui n'a pas pu être contrôlé et je pense qu'aujourd'hui il y a un soulèvement à la fois des paysans et des consommateurs ensemble et j'espère aussi de la distribution pour dire le ras bol de ce système, maintenant on change et on met des nouvelles règles du jeu en route.

Arlette CHABOT
Luc GUYAU.

Luc GUYAU
Dire les choses telles qu'elles sont bien sûr, mais il a été dit tout de suite que dans les années 60 on nous a demandé de produire parce qu'il y avait besoin de produire, et donc à ce moment là on ne s'est pas posé de question. Mais les demandes des consommateurs ont changé, l'évolution a changé, aujourd'hui on ne se pose pas la question de la quantité, il y a tout ce qu'il faut dans les étals. Et puis les demandes des consommateurs sont parfois aussi contradictoires, dans le même temps on nous demande de plus en plus de qualité et ça là-dessus nous sommes d'accord, mais dans le même temps on nous demande le plus bas prix alors il faudra nous expliquer comment on fait. Nous, nous sommes tout à fait d'accord et nous l'avons démontré d'ailleurs avec toute la mise en place des politiques de labels, des AOC, des évolutions aussi sur les comportements des agriculteurs vis à vis des engrais, des... sanitaires, tout n'est  pas parfait, je n'ai pas la prétention de dire que tout est parfait et qu'aujourd'hui en l'an 2000 on est clean. Non mais' il y a eu des évolutions qui ont été considérables. Alors il faut que nos amis consommateurs comprennent bien mais je crois qu'aujourd'hui ils le comprennent de plus en plus et que la politique de bas prix ne pourra pas longtemps durer avec l'amélioration de la qualité, la qualité c'est un service qu'il faut pouvoir rendre aux consommateurs mais il mérite aussi une rémunération. Alors aujourd'hui les évolutions se sont améliorées mais je crois qu'il y a encore du travail à faire mais, ne jetons pas tout parce que aujourd'hui on est bien content d'avoir dans les étals partout suffisamment de nourriture pour tout le monde, la question de la quantité ne se pose plus. Alors la qualité, il faut encore l'améliorer.

Arlette CHABOT
Mais François DUFOUR, est-ce que vous défendez la même agriculture que la FNSEA parce que vous par exemple, vous vous en prenez à Mc DO et on arrête pas de le dire et pendant ce temps là monsieur GUYAU, la FNSEA, pas lui personnellement eh bien on s'attaque comme d'habitude, je veux dire on déverse des tonnes de fruits et légumes devant les préfectures, c'est les mêmes cibles, c'est le même combat ?

François DUFOUR confédération paysanne
Je crois que ce que disait José tout à l'heure qu'à un moment donné il fallait nourrir les consommateurs, je crois qu'au moment où effectivement on a atteint l'objectif quelque chose s'est passée, c'est qu'on a cherché quand Europe a été autosuffisante, à continuer à produire pour la sacro-sainte vocation exportatrice, aujourd'hui qu'est-ce qui est en train de se passer entre, je dirais, le bloc des Etats-Unis et Europe c'est de se dire qu'effectivement la production alimentaire on doit permettre en réduisant au maximum les coûts et les prix de se projeter sur un marché mondial. Alors on a fait un peu n'importe quoi,. la dérive de l'ESB, la vache folle c'est quand même bien une dérive d'un système britannique, excusez moi mais qui aurait pu être encore plus cinglant chez nous et donc on n'en est peut-être pas à la veille, encore à la veille, c'est de faire qu'un système que le paysan ne contrôle pas, une dérive dans la fabrication d'aliment du bétail, arrive à cette situation, alors le consommateur ne comprend plus très bien. Deuxième chose, c'est la question de la distribution des aides publiques, au fil des années l'agriculture a reçu énormément d'argent, elle en reçoit encore et c'est tant mieux, il aurait fallu à un moment que l'argent publique aille vers une agriculture qui correspondait à la demande sociale, à la demande du consommateur, or il y a des lobbies puissants. Alors je pense qu'effectivement la FNSEA a voulu cette politique de cogestion et à un moment donné on aurait du orienter dès le début des années 70 une partie des aides publiques pour correspondre à la demande sociale qui était l'acte de production, qui était de maintenir des paysans nombreux, la demande sociale, l'utilité sociale du paysan sur le territoire et le troisième élément c'était l'environnement et la qualité du produit, les trois missions du paysan. Il y a eu dérive où on a cherché le quantitatif au détriment des autres missions.

Alain DUHAMEL
Et donc pour vous la FNSEA a mal fait son travail.

François DUFOUR
Je crois que c'est une politique de cogestion qu'elle a revendiqué pendant des années d'ailleurs c'est pour cela qu'un certain nombre d'entre nous l'avons quitté, où des gens ont confondu avec leurs multi- casquettes, leurs différentes fonctions. Et ce n'est pas étonnant si le système tiré par l'économie, je dirais, le rôle de la coopération d'une certaine manière n'a plus rendu le service qui était de permettre aux paysans de récupérer un certain nombre de vecteurs, je crois que tout ce système là au fil des années, nous a amené dans la situation que l'on connaît avec 5 % de paysans en moins tous les ans et quand j'ai dit la sacro-sainte vocation exportatrice c'est qu'effectivement aujourd'hui avec l'OMC on risque de rentrer dans le schéma où deux ou trois grands blocs au monde se disputeraient la nourriture de l'ensemble des citoyens au mépris des agricultures des pays en voie de développement, au mépris des agricultures paysannes et de l'emploi. C'est là le débat.


Emission « MOTS CROISES » diffusée sur France 2 - DEUXIEME PARTIE

Arlette CHABOT
Luc GUYAU, est-ce que vous avez cogéré, vous êtes au fond responsable comme ils disent ?

Luc GUYAU
Je suis tout à fait fière de ce que nous avons fait pour l'agriculture· et je voudrais rappeler simplement sur l'exportation, je sais que tout le monde a été très content pendant dix ans que la balance excédentaire du commerce extérieur pour l'agriculture soit de 50 milliards de francs, et puis on oublie complètement quand on parle de la sacro-sainte exportation c'est que si nous avons des problèmes avec les Américains sur le Roquefort aujourd'hui c'est parce que nous en exportons et je suis sûr que tous mes amis viticulteurs ne seraient pas très d'accords demain si on leur disait qu'ils exportent de trop. Je crois qu'il faut faire très attention à ce que l'on dit. Et puis, en ce qui concerne la politique d'aide à l'agriculture nous avons toujours dit à la FNSEA que nous étions pour un meilleur équilibre entre les hommes, les produits et le territoire, la preuve en est c'est que dans les années 70 c'est nous qui avons mis en place en cogérant oui, la politique de la montagne, c'est nous qui avons mis en place la politique des zones défavorisées, c'est nous qui avons mis. en place la politique des prêts bonifiés avec des avantages pour les jeunes agriculteurs et des taux d'intérêts très très bas pour les zones défavorisées. Alors là aussi c'est vrai qu'il y a un déséquilibre encore à améliorer, nous avons toujours dit que nous étions d'accord mais je crois qu'il ne faudrait pas dire que la cogestion, d'ailleurs quand monsieur DUFOUR la condamne, il ne rêve que d'une chose c'est de prendre notre place, alors je crois qu'à un certain moment il faut savoir ce que l'on veut , on ne va quand même pas tout jeter et je crois qu'aujourd'hui moi je suis plutôt fière et je regrette simplement une chose c'est qu'on· ait sans doute pas réussi à installer autant de jeunes agriculteurs qu'on ne l'aurait voulu. Je rappelle d'ailleurs que la politique des structures, celle qui permet de répartir le foncier au mieux a été aussi une des politiques du CNJA et dé la FNSEA dans les années 60, rénovée aujourd'hui par la nouvelle loi d'orientation qu'a fait voter monsieur le ministre de l'Agriculture récemment mais il est vrai que dans les années 85 à 90 nous avons été un petit peu laxiste et c'est peut-être ce que nous supportons aujourd'hui.

José BOVE
Je pense qu'une fois de plus là monsieur GUYAU perd son sang froid et qu'il est en train de nous raconter tout et n'importe quoi. Alors la langue de bois il faut arrêter, monsieur GUYAU est responsable de la cogestion, monsieur GUYAU est contre le plafonnement des aides, monsieur GUYAU a favorisé les primes, mais sans sillage et quand je l'entends parler du contrôle des structures, aujourd'hui l'organisme qui est chargé de pouvoir affecter des terres qui sont les SAFER la Confédération paysanne n'a pas accès même pas à l'information et alors la gestion ce n'est même pas la peine d'en parler, moyennant quoi la FNSEA est un véritable lobbies qui contrôle et qui concentre les terres et qui est en même temps par son refus du plafonnement des aides, en train d'organiser l'élimination de manière tout à fait voulue et concertée des paysans. Alors je crois que par rapport à ça il y a un véritable ras le bol et quand on voit les aides que touchent les céréaliers par rapport aux éleveurs, les céréaliers sont le groupe le plus puissant à l'intérieur de la FNSEA et c'est eux qui contrôlent entièrement cette véritable machine de guerre d'élimination des paysans, alors je crois que là dessus il faut arrêter.

Arlette CHABOT
Luc GUYAU ces reproches qu'on vous fait, on dit toujours que vous défendez les gros et pas les petits.

Luc GUYAU
Vous permettez quand même, d'abord je ne perds pas mon sang froid mais pour dire simplement que sur le plafonnement la FNSEA a dit qu'elle était d'accord à condition que le plafonnement soit européen parce que je ne vois pas pourquoi on plafonnerait un agriculteur qui aurait 100 hectares en France pendant que son collègue de l'ex Allemagne de l'Est ou de Grande Bretagne qui a 2 000 hectares ne serait pas plafonné. Je crois que ça c'est clair. Quant aux céréaliers, je tiens à être clair la FNSEA représente aussi les céréaliers et j'en suis fière, ils ne sont pas majoritaires à l'intérieur de la FNSEA ni en cotisation, ni au conseil d'administration. Il est vrai qu'ils sont bien organisés mais je tiens à dire que le conseil d'administration de la FNSEA qui représente 69 agriculteurs de l'ensemble du territoire français, il y a une part qui correspond à la production des céréales. Alors je n'ai pas à rougir de ceux que je représente, je dis simplement que dans notre organisation nous devons faire des arbitrages et nous essayons d'en faire et ce n'est pas très facile, parce que je le redis le pluralisme réel dans le syndicalisme c'est chez nous qu'il existe parce que si vous étiez au conseil d'administration vous verriez le débat. Donc je suis fier du syndicalisme que nous représentons et qui est respecté, reconnu, admiré par nos collègues européens et au niveau international.

Alain DUHAMEL .
Jean GLAVANY il y a deux points de vue absolument contradictoires et notamment à propos des responsabilités, qui a eu tort ? Vous, qu'est-ce que vous en pensez ?

Jean GLAVANY
Je pense qu'il y a une analyse que l'on peut faire tous ensemble, c'est que le pacte qui lié la société européenne, l'Europe à ses agriculteurs qui a été fondé au lendemain de la guerre à un moment où l'Europe est dans une situation désastreuse et où elle avait besoin de construire son auto-suffisance a créé une politique agricole commune fondée sur cet acte de production et uniquement cet acte de production. Au fond, on a dit aux paysans produisez et nourrissez nous. Et le système d'aide qui a été mis en place faisait que plus on produisait, plus on touchait d'argent si vous voulez, plus on touchait de primes PAC, et donc ça voulait dire que plus on avait d'hectares, plus on avait de têtes de bétail, plus on touchait d'argent et ça a poussé effectivement à un système de concentration des terres, d'élimination des petites exploitations familiales et une course folle à la production. Alors ça a eu des avantages, ça a permis de bâtir une agriculture européenne très puissante notamment en France qui est la deuxième agriculture du monde, la première d'Europe, une industrie agro-alimentaire il ne faut pas l'oublier qui était très puissante en France d'où découle une grande partie de notre excèdent commercial. Seulement maintenant ce pacte est démodé, je le pense profondément, pourquoi ? Parce que l'Europe est excédentaire à peu près dans tous les domaines, il ne doit guère y avoir que les oléo-protagineux pour des raisons d'accords internationaux d'ailleurs condamnables, la production ovines, les moutons, peut-être une troisième mais dans tous les autres domaines l'agriculture européenne est excédentaire et donc moi je crois que nous avons à passer un nouveau pacte avec les agriculteurs européens et en particulier les agriculteurs français qui est de prendre un nouveau contrat qualitatif, non plus lié à la quantité produite mais à la qualité. A la fois la qualité des pratiques agricoles, mieux protéger l'environnement, mieux protéger l'emploi dans les exploitations et aussi la qualité des produits et la sécurité alimentaire. Je pense que ce pacte là il faut le construire, qu'on a commencé très timidement à le construire dans la renégociation de la PAC et les accords de Berlin, alors nous nous allons essayer de le faire, de donner l'exemple en France avec la nouvelle loi d'orientation agricole. Et moi je suis pour dire les choses clairement c'est-à-dire qu'il faut revoir le système des aides publiques à l'agriculture, et moi je crois qu'il faut aider mieux et aider plus la petite agriculture familiale, petite et moyenne agriculture familiale qui essaie de faire de la qualité, qui est celle qui a le plus besoin d'aides, il faut redistribuer les aides dans un sens de plus grande justice, alors ça va être un travail de longue haleine qui va mériter beaucoup de courage parce que évidement on va s'attaquer à des positions un peu établies mais moi je pense qu'il n'y a pas d'autres choix que de prendre ce virage, de la qualité, qualité des pratiques, qualité du produit pour le consommateur.

Arlette CHABOT
D'accord Luc GUYAU sur le virage pour le virage et sur la qualité ?

Luc GUYAU
Oui je crois, d'ailleurs ce virage est déjà pris depuis déjà un certain nombre d'année et je partage tout à fait ce que dit le ministre de l'Agriculture, le quantitatif il en .faudra sans doute encore parce que il y a les besoins alimentaires français européens sur une partie du monde mais même avec la quantité peut-être réduite dans certain secteur il faut aller vers plus de qualité. Je voudrais dire deux mots sur la qualité puisque je crois que tous les produits agricoles et alimentaires ont vocation à être sains et de qualité et puis après il y a les produits identifiés avec des niveaux reconnus, mais je le redis comme je l'ai dit tout à l'heure à condition que l'on rémunère, les agriculteurs et qu'on les assure de leur vie parce qu'on ne peut pas leur demander ce service si dans le même temps les revenus se dégradent tous les jours.

Arlette CHABOT
Philippe VASSEUR, vous avez été ministre de l'Agriculture, vous avez traité et vous étiez aux commandes de l'agriculture quand il y a eu cette affaire de la vache folle, je vous pose la question du départ, c'était à qui la faute, vous avez entendu ce débat entre ceux qui défendaient une agriculture plus productiviste, le virage vers une agriculture de qualité, l'aide plutôt aux petits qu'aux gros, vous vous dites quoi, la même chose que monsieur GLAVANY aujourd'hui ?

Philippe VASSEUR
Il y a une chose qui m'a toujours agacé dans la vie, ça fait un certain nombre de dizaine d'années que ça dure…

Arlette CHABOT
Exprimez vous ce soir alors.

Philippe VASSEUR
Oui justement, c'est la technique du bouc émissaire, c'est-à-dire on est dans un pays où il faut systématiquement qu'on trouve un accusé, alors en général c'est bien c'est l'homme politique, ce pelé, ce galeux ou la distribution.

Arlette CHABOT
On va en parler dans un instant…

Philippe. VASSEUR
Je pense profondément une chose au vue de l'expérience et quelquefois j'ai peut-être tenu des discours qui n'était pas tout à fait en accord avec ce que je vais dire mais aujourd'hui c'est vraiment ce que je pense, c'est que la responsabilité elle est collective, tout le monde est responsable et tout le monde a été complice. En 1950, la France ne produisait pas suffisamment pour nourrir sa population et la France, chaque ménage français dépensait 42 % de ses revenus ·pour son alimentation, on a oublié complètement ces chiffres, donc qu'est-ce qu'on a fait ? On a dit: il faut produire. Il faut produire et il faut essayer de faire en sorte que la nourriture devienne plus accessible et donc on a produit de plus en plus en essayant de le faire au moindre prix. Et aujourd'hui un ménage français dépense chaque année entre 15 et 17 % pour son alimentation au lieu de 42 %. Tout est là et tout le monde a été complice, tout le monde a essayé de faire en sorte que l'on ait un système qui produise davantage, la grande distribution a ses torts, le consommateur a sa part de responsabilité, les pouvoirs politiques aussi bien entendu. Disons les choses comme cela, tournons la page et essayons de faire en sorte que aujourd'hui en tirant partie des erreurs du passé qui sont considérables, il y a encore des scandales aujourd'hui qui sont inadmissibles et je trouve que la justice et que la loi devraient être plus sévères à l'égard d'un certain nombre de gens, je pense dans l'agriculture, dans l'alimentation animale, dans tout ce que vous voudrez qui se conduisent comme des gangsters. C'est du grand banditisme et de ce point de vue là il faut être très vigilant et très rigoureux. Mais de grâce arrêtons de penser que l'on court un risque mortel à chaque fois que l'on va dans sa grande surface ou que l'on ouvre son réfrigérateur. Il y a 200 cas de toxi-infection alimentaire, 200 cas mortels par an. C'est un des moindres risques que l'on court. Alors c'est vrai qu'il faut éliminer un certain nombre de saloperies dans la nourriture, il faut aussi arrêter les populations en leur disant aujourd'hui à chaque fois qu'elles prennent quelque chose dans leur assiette, elles sont menacées de je ne sais quelle maladie. Je pense qu'il faut vraiment aujourd'hui dédramatiser le débat, faire peser les responsabilités sur tout le monde, sur l'ensemble de la chaîne et repartir sur un bon pied.


Emission « MOTS CROISES » diffusée sur France 2 - TROISIÈME PARTIE

Alain DUHAMEL
José BOVE.

José BOVE
Je crois que je suis entièrement d'accord avec ce que vous êtes en train de dire sur votre conclusion. Mais je crois qu'il y a effectivement une institution qui aujourd'hui est en train de mettre un frein à cela. Et cette institution, c'est la justice. Ça fait actuellement plus de deux ans que nous avons produit les documents sur les importations de farines frauduleuses en provenance de Grande-Bretagne, ils ont été fournis au Parlement Français, et au Parlement Européen. Ces deux Parlements ont pu faire une analyse des circuits frauduleux. Ces documents ont tous été transmis au Parquet de Nantes, nous avons porté plainte. Ça fait deux ans, maintenant, que la justice n'a pas bouclé ce dossier. Le procès n'est pas prévu. Or dans ces documents un certain nombre de marchands d'aliments français sont nommément cités pour des milliers de tonnes importés. Alors aujourd'hui quand on veut montrer ces documents si on les montre publiquement sur un plateau de télévision, et bien la chaîne peut se faire attaquer pour diffamation. Nous, ce que nous demandons c'est que les tribunaux enfin aillent au bout. Et c'est tout à fait curieux que ça fait plus de deux ans, qu'on attend pour les farines animales, alors que moi 24 heures après avoir démonté un McDO j'avais un mandat d'arrêt et j'ai passé trois semaines en prison. Je pense que là, il y a deux logiques, et que la justice devrait elle aussi aujourd'hui se remettre en cause.

Arlette CHABOT
Philippe VASSEUR.

Philippe VASSEUR
Monsieur BOVE, moi je ne vais pas me mêler ce n'est pas mon rôle du fonctionnement de la justice. Je tiens simplement à dire une chose, et je le dis très solennellement, et ça ne va pas me faire que des copains. Je trouve que dans ces affaires d'alimentation, dans ces affaires de sécurité alimentaire, ceux qui ont commis des fautes, et qui les ont commis sciemment, les fraudeurs, les gangsters, ceux-là doivent être poursuivis, et de mon point de vue, sévèrement, très sévèrement sanctionnés. De ce point de vue là, ce sera un premier geste fondateur d'une nouvelle politique.

Arlette CHABOT
On va parler de bouc émissaire, des grandes surfaces, c'est dans un instant. Marthe-Josée NICOLET (phon) vous êtes présidente de l'Union Fédérale des Consommateurs. Faites-nous entendre la voix des consommateurs. Est-ce que vous, vous êtes un peu plus rassurée par ce virage que veut prendre l'agriculture pour produire un peu plus propre ?

Marthe-Josée NICOLET
Oui, il y a un fossé entre ce qui est dit, et ce qui est fait. Je crois qu'à l'heure actuelle, il y a une mayonnaise qui prend et qui prend bien. Quelque soit la tendance du monde agricole, tout le monde agricole s'est ouvert à la société ce qui n'était pas le cas, il y a plus de trois ans. Donc maintenant, on nous écoute, vous voyez bien, tous les interlocuteurs, ministres, représentants agricoles etc, parlent des consommateurs et donc parlent à notre place bien souvent Mais ce qu'il y a, c'est que aujourd'hui, il y a quelque chose qui me frappe dans le débat, entre les responsables agricoles. C'est que l'on croit qu'il faut que tout soit pour la mondialisation ou tout pour l'agriculture paysanne. Nous, en tant que consommateurs, on veut de tout. On veut des produits standards, et on veut des produits de qualité. On ne veut pas que des produits de qualité. Parce que tout le monde, mais attendez .... Par contre ce que l'on veut, on veut que quelque soit le produit, ce soit un produit qui nous assure une sécurité alimentaire. C'est le B.A.BA de l'alimentation, c'est-à-dire que si vous avalez un aliment, qu'il ne vous donne pas une dysenterie, ou ça ne vous rende pas malade. Mais à partir du moment où l'aliment est sain, et pour tout aliment standard, ça doit être le cas. Après la qualité, elle se décline à des prix différents. Et on peut très bien, là tout le monde a sa place dans l'agriculture, et ce qui est important aujourd'hui, et je voudrais le dire. C'est que s'il y a des désaccords dans le monde agricole, qui j'espère au niveau international ne se verront pas, nous en tant que consommateurs, ça fait un an, depuis septembre 98 où les organisations de consommateurs européennes, l'ensemble des organisations européennes de. consommateurs se sont, ont travaillé avec les associations américaines, à notre demande, et dans quinze jours, nous nous retrouvons à Helsinki pour travailler sur des notions précises en alimentaire. Et nous avons ensemble avec les associations américaines, des textes qui sont prêts pour Seattle, c'est-à-dire sur les hormones, sur les antibiotiques, sur l'étiquetage des OGM etc. Nous avons des textes communs et c'est ce qui permet aujourd'hui aux Etats-Unis d'avoir un peu mis le vers dans le fruit, et d'obliger l'Etat américain à s'ouvrir et à écouter les associations de consommateurs américaines.

Arlette CHABOT
Madame LEBRANCHU, j'allais dire, c'est votre boulot, votre travail de sécuriser, une partie de sécuriser les consommateurs, mais en ce moment ça vous prend du temps ?

Marylise LEBRANCHU
Oui, ça prend beaucoup de temps parce que certes on prépare tous ensemble l'OMC, je ne vais pas reprendre ce qu'a été dit par Jean GLAVANY tout à l'heure. On partage le même souci, d'abord ce que vient de dire, une des représentantes du mouvement de consommateurs. C'est-à-dire que quelque soit le produit, garantissons d'abord aux consommateurs qu'il y a une sécurité sanitaire. Alors j'ai eu le sourire de regarder les commentaires après, où on dit que quand on exige de la sécurité sanitaire pour tous les produits, on pense que les produits de qualité n'ont plus lieu d'être. Non ce n'est pas ça. Sécurité sanitaire absolue. Alors nous avons des services, auxquels effectivement on donne un pouvoir fort d'aller voir, de traquer l'escroquerie. On a eu cet été de longs débats sur les farines animales, depuis six mois, on traquait, pardon, l'escroc, et on traquait celui qui faisait du profit à n'importe quel prix, et n'importe comment.

Arlette CHABOT ,
Ça veut dire que ça continue, c'est ça ?

MaryLise LEBRANCHU
Ça veut dire que ça continue, et ça veut dire que nous, notre boulot c'est d'être vigilant, de ne pas réagir à la crise et de ne pas réagir à l'actualité . C'est vrai qu'il y a eu un dossier farines animales, c'est vrai qu'il y a eu des dossiers de Listéria ou de Salmonelle ou d'autres, mais nous on doit être vigilant tout le temps, et ne pas hésiter à mettre des actes forts de PV, et là où je rejoins ce qui a été dit en partie, même si je n'ai pas à parler de la justice. C'est vrai que nous avions un débat avec Elisabeth GUIGOU vendredi, disant quand on a mis un PV sur un délit de ce type, qu'il n'y ait pas deux poids, deux mesures effectivement, et on ne pensait pas à vous José BOVE à ce moment-là, mais on pensait à bien d'autres cas et qu'il y ait effectivement des poursuites. Parce que les parquets sont souvent chargés, et je dirais le délit d'alimentation n'est.pas ce qui mobilise le plus. Et en particulier, nous voulons travailler sur les sanctions. Parce que si vous sanctionnez financièrement, mais que ça représente epsilon dans les comptes d'une société, elle a intérêt entre guillemets, un intérêt financier à prendre un risque, de ce type, puisqu'elle s'en sortira peu glorieuse, mais toujours aussi riche. En revanche si on arrive jusqu'au pénal, avec des gens qui sont arrêtés, et des gens qui sont condamnés, ce qui est en cours en ce moment et j'espère que ça va aller jusqu'au bout. Alors là les choses changent. Je crois que le consommateur a le droit de nous réclamer d'être dur quand on met en danger la santé. Alors le deuxième volet, moi, dont je m'occupe après c'est la qualité gustative des aliments. Ce sont les labels, les origines géographiques, toute cette avancée vers la qualité, nous travaillons beaucoup pour que ça évolue, je ne vais pas refaire le débat qui a été fait tout à l'heure. Mais je voudrais dire surtout que quelque soit la qualité A, B, C, il faut d'abord que le produit soit sain, et que le consommateur soit ,considéré dans son entier, et dans sa santé. Ce qui ne veut pas dire qu'on lui vend n'importe quoi, à n'importe quel prix, sous prétexte que c'est bon pour la santé, ou en tout cas pas mauvais pour la santé.

Arlette CHABOT
On parlait du bouc émissaire des grandes surfaces, Jérôme VILLIERS on va parler de votre différent avec la FNSEA, avec d'autres agriculteurs d'ailleurs. La qualité vous en êtes responsable ou pas ?

Jérôme VILLIERS
Il y a une courte responsabilité de l'ensemble des acteurs de la filière, et c'est ce travail-là qu'il faut faire ensemble. Le Premier ministre a dit tout à l'heure qu'on était gaulois,.on l'est effectivement un peu aussi, au sens où on passe son temps, à s'opposer sur des choses qui en fait pourraient aboutir assez vite à un consensus. Madame NICOLET l'a dit, opposer le prix et la qualité ça n'a plus de sens. Donc ce que nous souhaitons, c'est qu'au sein des filières, c'est pour ça d'ailleurs qu'on a· beaucoup milité pour l'interprofession, on puisse avoir ensemble une vision commune, un consensus de l'ensemble des acteurs, un certain développement de la qualité, et sur les règles de sécurité alimentaire. Et sur la sécurité alimentaire je souhaiterais dire qu'aujourd'hui, ce qui est en train de se passer, c'est que nous n'allons pas du tout assez vite, et je le dis, les pouvoirs publics d'ailleurs le savent bien, et essaient d'y travailler. Nous n'allons pas assez vite. C'est à l'automne 96 qu'on a dit, « il faut étiqueter et tracer l'ensemble des OGM » et on est maintenant trois ans après, et on n'a toujours pas un règlement européen qui fonctionne sur ce sujet. Nous avons d'ailleurs rendu public une proposition récemment, par exemple sur les antibiotiques, qui a été évoquée dans votre film dans l'alimentation animale. D'ailleurs personne n'en a parlé. Parce qu'on parle des crises « cachot », là il y a un exemple très intéressant et important qui est l'exemple suédois. En Suède, on a retiré l'antibiotique qu'on donne en permanence aux animaux, pour réserver l'antibiotique juste aux animaux qui sont malades. Voilà toute une série de sujets, sur lesquels.il ne faut pas que nous attendions qu'il y ait la crise. C'est pareil sur la Dioxine, c'est pareil sur les farines animales, c'est pareil par exemple sur l'alimentation des poissons d'élevage. Il y a toute une série de sujets très importants, très, intéressants, sur lesquels il faut qu'immédiatement les différentes filières agro-alimentaires puissent faire une sorte de réassurance, et faire en sorte qu'il y ait de bonnes règles, de bonnes pratiques et qu'on puisse les étendre au plan juridique si il faut.

Arlette CHABOT
Alors on vous demandera aux uns et aux autres, tout à l'heure, quelle solution pour assurer la sécurité alimentaire ? On parlera toujours de ces fameuses farines animales qui c'est vrai, ne sont plus données aux bovins et ovins, mais nourrissent toujours nos petits poissons, nos lapins et nos poulets. Il y a de quoi s'inquiéter. On va parler plutôt de la responsabilité des grandes surfaces, Michel-Edouard LECLERC, donc je disais, vous êtes des boucs émissaires en ce moment ?

Michel-Edouard LECLERC
Oui mais, non mais ça a toujours été comme ça, le commerçant a toujours été bouc émissaire. Avant c'était le petit commerçant sur les marchés, maintenant c'est plus médiatique de venir pour passer au journal de 13 heures ou de 20 heures, d'aller casser une grande surface, plutôt qu'une grille de préfecture, ça devient d'un banal. Mais oui, attendez, je crois que la surenchère aujourd'hui, syndicale réveille quelques ardeurs, Je croîs que ce n'est pas bien. De toute façon, personne n'est dupe. Et ça ne fait pas de bien, à l'image de l'agriculture. En revanche, je pense qu'on peut aider, et pour reprendre le propos de Philippe VASSEUR, tout à l'heure, je crois qu'il y a une responsabilité collective dans une démarche, on arrive au bout, d'une démarche hyperproductiviste, moi je suis breton, atterrir à l'aéroport de Brest avec cette odeur de lisier permanente, ras-le-bol, quoi. C'est le chef d'entreprise qui n'a pas envie de vendre de la merde, mais c'est aussi le citoyen qui a envie de respirer le bon air marin. Il y. a une prise de conscience, on est allé sur un excès, aujourd'hui c'est la société elle-même dans ce débat, qui est en train d'orienter la consommation vers plus d'être. Etre avec, que d'avoir à tout pris l'accumulation. Et tant· mieux. Il ne faut pas opposer la distribution à l'agriculture. Je crois que d'ailleurs, ce qui a été fait dans certains secteurs agricoles, par exemple le vin, est tout à fait remarquable. Rappelez-vous, il y a vingt ans, ce qu'on disait des vins de Corbières, des vins du Languedoc, on disait que c'était de la piquette etc. Aujourd'hui, tous les journalistes, tous les agriculteurs se précipitent sur les catalogues de foires aux vins de tous les groupes de distribution et on n'achète plus de vin, on n'achète plus de trois étoiles, on n'achète plus de conteneur, on achète des bouteilles, des AOC, des vins de terroirs, et sur un même catalogue vous trouverez des petits vins pas chers, et des grands crus. Et alors, aujourd'hui quand une agriculture arrive à dire ses signes de qualité, sa différence, elle peut se vendre plus chère, et le consommateur accepte de payer plus cher, un produit qui argumente sur sa qualité. C'est un faux débat, le débat sur le prix et la qualité, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas dans certains secteurs des choses à améliorer: Mais on voit à travers ce secteur là, qu'un travail en commun fait par l'interprofession, peut porter ses fruits.

Arlette CHABOT
Alors, mais vous savez qu'en ce moment, on vous accuse de casser les prix des produits agricoles, Luc GUYAU va s'expliquer dans un instant. Pourquoi ils manifestent devant un certain nombre aussi de supermarchés, et aussi on l'a dit devant des préfectures. Alors en cause les fameuses centrales d'achats, de la grande distribution. Nous avons pu, nous rendre dans une grande centrale d'achats du groupe CASINO-CORA, qui ont fusionné, on pourra parler d'autres fusions en cours en ce moment. Elle se situe à Croissy, je remercie ces entreprises, car en dehors de vous, Michel-Edouard LECLERÇ beaucoup ont refusé, soit de participer à cette émission, soit de nous ouvrir leurs portes pour nous expliquer comment elles travaillent. Donc nous sommes allés, ou plutôt Olivier SIOUX et Olivier ROBERT sont allés à Croissy, dans cette super-centrale d'achats.

Olivier SIOUX
Des locaux presque anonymes, dans une zone industrielle en banlieue parisienne. C'est ici que CORA et CASINO viennent d'installer leur bébé commun OPERA, une super centrale d'achats qui représente à elle seule, près de 20 % du marché. De ce point de vue, la France est la championne d'Europe de la concentration. Puisque six centrales seulement, filiales des groupes de la grande distribution se partagent le secteur. Chaque matin, des fournisseurs, viennent ainsi présenter leurs produits dans l'espoir d'être référencés, c'est-à-dire d'avoir simplement le droit de les voir en vente, dans les enseignes CORA ou CASINO.

Témoignage
Donc vous voyez cette matière je trouve qu'elle est vraiment bien.

Témoignage
Elle est fluide.

Témoignage
Très fluide, donc un aspect « maille », mais une construction... et qui peut aussi bien faire pondrion que fêtes de fin d'année.

Jacques-Edouard CHARRET, Directeur général d'Opéra
On n'est pas dans la philanthropie, on est vraiment dans une relation commerciale. En revanche, on a vraiment un intérêt commun, qui est la satisfaction finale du consommateur.

Olivier SIOUX
Est-ce que l'intérêt du distributeur ce n'est pas avant tout, de faire pression, le plus possible sur son fournisseur pour obtenir la meilleure marge ?

Jacques-Edouard CHARRET
La réponse est non. Parce que ça serait un processus qui n'est pas viable à moyen terme. Et si votre industriel s'appauvrit, il va cesser d'investir par exemple dans des budgets de recherches et développements, donc il ne lancera plus d'animation, donc vous n'animerez plus vos marchés et vous cesserez de développer votre chiffre d'affaires.

Olivier SIOUX
Bref, tout l'art consiste à sa.voir jusqu'où faire pression sur le fournisseur, sans trop l'enfoncer. Des négociations qui se déroulent au téléphone dans l'atmosphère studieuse de ce vaste plateau où 350 acheteurs, seulement, font en sorte d'obtenir les meilleures marges, pour un chiffre d'affaires annuel de 80 milliards de francs. Ici on négocie du shampooing ou des yaourts, mais pas les produits frais, qui sont de la responsabilité des directeurs de magasins.

Jacques-Edouard CHARRET
Le meilleur endroit pour prendre les décisions de travailler avec tels ou tels producteurs, ça doit se faire soit au niveau régional, soit au niveau local. Donc de façon extrêmement simple, c'est un chef de rayon qui va recevoir un producteur et négocier avec lui, la présence des produits dans son magasin.

Olivier SIOUX
Et c'est là que le bât blesse, car depuis plusieurs semaines, les agriculteurs. emmenés par la FNSEA sont en guerre contre la grande distribution, à qui ils reprochent des marges qui peuvent atteindre 25 % nets. Ce matin encore, ils ont occupé un hypermarché, précisément du groupe CASINO.

Jean-Jacques AUBRY, président du Centre des Jeunes Agriculteurs d'Ille-etVilaine
Chaque fois, la grande distribution, les intermédiaires, s'en mettent plein les poches, pendant que les agriculteurs se mettent aux normes, font des frais supplémentaires, augmentent leurs coûts de revient et ne voient pas leurs produits évoluer, ça ne peut pas durer.
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Olivier SIOUX
Tandis que la Confédération paysanne s'oppose aux intérêts américains, la FNSEA, elle, choisit donc de concentrer ses attaques, contre la grande distribution. Qu'elle tient pour responsable d'une bonne partie des difficultés actuelles de l'agriculture français.

Alain DUHAMEL
Alors Luc GUYAU, pour vous le bouc émissaire méchant sont donc les centrales ?

Luc GUYAU
Je ne crois pas qu'il faut le prendre comme ça, parce que la grande distribution sait déjà très bien que depuis cinq ans, nous avons eu des discussions pour aller vers un partenariat. Puisque la grande distribution a besoin des producteurs et les producteurs ont besoin de la grande distribution pour vendre leurs produits. Mais ce qu'ils veulent, c'est que pour le marché mondial, on veut des règles. Parce qu'aujourd'hui avec la super concentration des grandes centrales, comment un producteur, même une entreprise même les plus fortes entreprises de l'agro-alimentaire en ont subi les conséquences, comment peut-il négocier avec des centrales d'achats, du niveau que nous avons aujourd'hui ? Quand 25, 30, 40 % voire 50 % de son chiffre d'affaires dépend de cette négociation ? Il est pieds et mains liés. Il est lié par son produit, mais aussi par ses salaires, par l'avenir de l'entreprise. Donc ce que nous demandons c'est une politique contractuelle, certes, mais avec un arbitrage de l'Etat. Et c'est pourquoi nous avons demandé au Premier ministre, au ministre de l'Agriculture, de prendre des mesures réglementaires, juridiques, législatives s'il le faut, pour réglementer tout cela. Alors l'accord interprofessionnel est sans doute important, mais il ne sera pas suffisant, car n'oublions pas qu'il y a toujours une surenchère, y compris à· l'intérieur des entreprises de distribution. Le chef de rayon met la pression plein pot, et on arrive dans des situations inacceptables. Alors c'est ce que nous dénonçons aujourd'hui, et si nous le dénonçons c'est parce que c'est notre revenu, voire pour les fruits et légumes, l'existence même de leur exploitation qui est en cause. Nous voulons bénéficier, participer à la valeur ajoutée. D'ailleurs je le rappelle à monsieur BEDIER (phon) qui le sait très bien ainsi que monsieur LECLERC, il y a cinq ans, nous avions commencé à engager des négociations et nous avions dit pour travailler ensemble, nous allons essayer de trouver des accords sur les promotions, sur la qualité, et sur le partage de la valeur ajoutée. Sur la qualité, sur la promotion, nous avons fait de grandes avances. Aussitôt qu'on a commencé à parler de partage de valeur ajoutée, c'est-à-dire de faire remonter un peu plus vers le producteur sa juste rémunération, on a beaucoup plus de difficultés. Alors mettons-nous autour de la table, mais moi je demande aux pouvoirs publics de ne pas simplement se désintéresser en disant, c'est aux producteurs et à la distribution de se mettre d'accord. Il faudra bien rénover les règles législatives, parce qu'il y en a déjà eu, elles ont été contournées, il faut remettre tout ça à plat.

Arlette CHABOT
Michel-Edouard LECLERC.

Michel-Edouard LECLERC
L'appel aux pouvoirs publics, moi je veux bien. Mais d'abord je ne sais pas s'ils sont les plus compétents en matière de fruits et légumes, de lait ou autres, excusez-moi madame le ministre. Mais surtout…

Arlettè CHABOT
La ministre.

Michel-Edouard LECLERC
Madame la ministre ? pardon, excusez-moi. Toutes mes excuses. Mais je trouve surtout qu'à un moment donné on ne peut pas dire : il faut discuter, invoquer des accords passés. Et puis aujourd'hui justement débouler dans les magasins pour exister, pour passer à la télé, et casser les magasins. Moi je voudrais dire, que par exemple, pour mon groupe, nous n'avons pas des centrales d'achats nationales de fruits et légumes. Donc il y a 500 magasins qui achètent directement leurs fruits et légumes. Ce sont des salariés qui achètent ces fruits et légumes, dont 10 % des fils d'agriculteurs. Donc quand aujourd'hui les sbires de la FNSEA ou autres viennent casser les magasins. Ce n'est pas Michel-Edouard LECLERC que ça gêne, c'est le statut même, l'amour du métier, l'intérêt porté au métier par ces salariés qui est remis en cause. Et c'est après très difficile de les amener à une table de discussions. Reconnaissez-le que ce n'est pas une bonne manière. Donc moi je propose aujourd'hui qu'on arrête ce cinéma. Et qu'effectivement, on reprenne le travail qui avait été le vôtre Luc GUYAU, qui consistait à travailler sur les promotions, sur la mise en marché, parce qu'il y a un vrai problème en amont, sur la mise en marché, sur le repérage des signes de qualité. Mais ce que je voudrais dire aussi, c'est qu'on est aujourd'hui sur un grand marché européen, et que tout accord que l'on va signer, avec des organisations de producteurs français n'a de sens que si les autres organisations de producteurs en Italie et en Espagne, par exemple, les signent. Parce que s'entendre sur des périodes de promotions, s'entendre sur un calendrier, avec telle ou telle organisation française, qui ne serait pas respectée par des producteurs italiens de raisins ou de fraises espagnoles, le marché sera quand même perturbé. Vous savez la distribution n'est pas le premier client de l'agriculture. C'est d'abord la transformation, donc il y a un marché, il y a beaucoup d'opérateurs de tout le Nord de l'Europe, avec des cours. Et nous sommes un de ces acteurs et nous pouvons être un partenaire. Et nous revendiquons ce type de partenaire, dans le respect des personnes, et nous sommes tout à fait prêts à améliorer ce qu'il faut changer.

Arlette CHABOT
Aiors Luc GUYAU une petite réponse.

Luc GUYAU
Oui, je crois qu'il faut avoir cette relation, mais on l'a…

Arlette CHABOT
Vous êtes drôlement calme ce soir. Parce qu'il faut rappeler quand même que jusqu'à aujourd'hui, encore, il y avait des manifestants qui effectivement, de la FNSEA qui protestaient contre la grande distribution. On a encore des vues, on peut même encore avoir des images aujourd'hui, de ces manifestations un peu partout en France. Voilà, c'est plutôt les préfectures et là pas des magasins, des supermarchés qui sont cassés. Donc ce soir, et on vous voit, vous êtes beaucoup plus calme pourquoi ?

Luc GUYAU
Non, mais je crois qu'il est clair, c'est que aujourd'hui, les relations avec la grande distribution sont disproportionnées, et on l'a vu, tout le monde le sait aujourd'hui je ne vais pas rappeler toutes les procédures de négociations de marché, ni les engagements que l'on demande à l'ensemble de la production ou de la transformation. Parce que lorsque Michel-Edouard LECLERC dit mais moi je ne suis pas client, oui, client directement des agriculteurs, je suis de la transformation. Mais tout cela se répercute, et les entreprises ne peuvent pas supporter. Ce que je veux dire, c'est que s'il y a une négociation de prix, vraiment transparente, et que c'est fini, on arrête là. Mais chacun sait quand même quelles sont les procédures de la grande distribution, en matière de première remise, de deuxième remise, d'ouverture du marché pour l'année suivante, il faut payer le nouveau magasin, goudronner la cour, disons la toilette de la serveuse et j'en passe. Aujourd'hui ce n'est plus possible, vous partez avec un prix, vous le négociez 98, vous partez avec un prix à 100 vous le négociez à 98 et à la fin de l'année on vous l'a payé à 90. C'est ça qui n'est plus tenable. Alors je crois qu'il faut mettre un peu d'ordre là-dedans, moi je suis pour quelque chose qui soit un peu mieux réglementé…

Michel-Edouard LECLERC
Dans ce débat qui n'est pas un débat qui ne doit pas opposer des corporatistes, des corporations, puisque tout le monde tout à l'heure a dit qu'il fallait faire évoluer dans ce débat de société. Moi je suis très carré, si il faut refaire la loi, on refait la loi. Je vous rappelle simplement, que quand vous appelez les pouvoirs publics, il y a deux ans vous avez déjà obtenu et cautionné. cette loi, qui aujourd'hui réglemente l'équilibre des relations entre les industriels et les distributeurs. Donc si vous dites « on a fait une erreur, ce n'est pas une bonne loi », on va revoir les parlementaires d'accord, allons-y. Si vous demandez que les méthodes de négociations, les critères de facturations soient changés, allons-y. Aucun problème, mais discutons-en. Ce n'est pas en faisant monter la pression que vous obtiendrez des distributeurs qu'ils soient vos partenaires.


Emission « MOTS CROISES » diffusée sur France 2 - QUATRIEME ET DERNIERE PARTIE

José BOVE
Je crois qu'il y a une autre façon peut-être d'aborder le débat, pour essayer d'élargir un peu cette problématique de la grande distribution, parce qu'effectivement ce n'est pas forcément toujours la grande distribution qui a tort. Alors je prendrais deux exemples. Le .premier exemple, c'est celui des fruits. Aujourd'hui, s'il y a un problème par rapport aux prix des fruits, c'est à la fois parce qu'il y a des entreprises qui ont délocalisé, y compris · des entreprises françaises, notamment au Maroc, pour la, tomate. Et que ce sont ces entreprises qui font du dumping social avec une main d'oeuvre à très bon marché, et qui ramènent ensuite sur la France. Ça, c'est un problème. Au niveau par exemple des fruits, il faut savoir qu'aujourd'hui s'il y a des chutes des prix, c'est parce qu'aussi, il n'y a pas de maîtrise de la production. Et s'il n'y a pas de maîtrise, c'est qu'il y a aussi des gens· qui sont aujourd'hui en situation de concentration. II y a, il faut le savoir, un producteur de pêches qui a lui tout seul a 12 % du marché. Il a 1 800 hectares de pêchers sur une seule exploitation. Ça ce n'est pas acceptable. Deuxième exemple, c'est celui des AOC. C'est celui que je connais le mieux, puisque je suis producteur de lait pour Roquefort, je suis administrateur de l'interprofession de Roquefort. Dans cette production effectivement on est confronté à la distribution, pas moi-même, mais· les industriels. Mais les industriels quand ils vont négocier, ils négocient avec maintenant quatre.distributeurs. C'est évident qu'un industriel qui met 40 % de sa marchandise chez un distributeur, il ne la mettra pas chez un autre, moyennant quoi, on ne peut pas mettre chez quatre distributeurs en même temps, et là-dessus, il y a forcément les grandes chaînes de distribution jouent la concurrence et font baisser. C'est leur logique, là-dessus on n'a pas d'arme. Donc là je crois que c'est une vraie question. La deuxième chose que l'on peut se poser par rapport à ce problème, c'est qu'il y a trois sortes de prix. Je crois qu'il faut rentrer un petit peu dans le détail, il y a le prix de la marque, il y a le prix distributeur, et ensuite il y a les premiers prix. Or effectivement, aujourd'hui on a des outils économiques et là je le regrette, mais ce sont les outils coopératifs. Actuellement en France, dans les produits laitiers, qui sont en train de jouer le jeu des premiers prix, pour casser la logique des groupes privés.

Arlette CHABOT
Mais qu'est-ce que ça veut dire les premiers prix, José BOVE ?

José BOVE
Alors les premiers prix en gros, un produit dans une AOC on a un produit qui est phare : c'est la marque de l'industriel. C'est par exemple le Roquefort COULET (phon) ou le ROQUEFORT SOCIETE. Ensuite, il y a une marque distributeur où c'est l'enseigne qui met son nom sur le produit, mais c'est un industriel qui l'a fabriqué. Et ensuite, il y a un produit que l'on pourrait appeler déclassé, qui est le prix le plus bas, et qui un produit théoriquement qui est de moins bonne qualité gustative, pas du tout au niveau sanitaire. Là-dessus, je crois qu'il faut être clair. Donc là-dessus, il y a une logique. Ce qui est dangereux, c'est quand des groupes coopératifs jouent la quantité de production pour uniquement se mettre sur le prix le plus bas. Ça veut dire que cela entraîne ensuite une baisse globale pour les producteurs. Et quand les producteurs doivent négocier face à l'industrie. L'industrie leur dit « mais le prix moyen de vente est en baisse », ce n'est pas là, la faute de la distribution, c'est la faute de certains industriels et notamment coopératifs. Par contre et là je me retourne vers la distribution et vers les pouvoirs publics. Parce que dans la loi qu'a proposé monsieur GLAVANY, il y a la possibilité d'aller aussi vers des prix planchers. Et moi ça me paraît essentiel, qu'on puisse mettre en place des prix planchers entre la transformation et la distribution pour éviter cette dérive des premiers prix. A mon avis, c'est leur intérêt, et c'est aussi le nôtre.

Arlette CHABOT
Jérôme BEDIER (phon) vous êtes plutôt d'accord avec José BOVE ?

Jérôme BEDIER
Oui, je crois que c'est, non mais on va être, je vais être très clair sur ce sujet. Parce que nous en avons assez, qu'on dise que la rémunération des producteurs n'est pas assurée à cause de la distribution. Si la rémunération des producteurs n'est pas assurée, c'est à cause des cours, l'année dernière, les cours du lait étaient élevés, les cours des fruits étaient élevés. On a entendu parler de rien, personne n'a parlé de la direction de la distribution etc. Qu'est-ce qui s'est passé cette année ? On sait que les prix du lait qui sont indexés d'ailleurs non pas sur les prix de la grande consommation qui représentent la moitié à peu près des débouchés, mais indexer sur les prix
industriels et les prix exports se sont cassés la figure. Pourquoi ? Parce que les Russes n'achètent plus de lait. Tout ça s'est cassé la figure, donc l'index a été recalculé, et on a dit aux producteurs maintenant on va vous payer le lait cinq centimes, et peut-être à la fin de l'année encore moins cher. Et les producteurs se sont dit « on ne peut pas laisser faire ça ». Mais dans cette affaire-là, la distribution n'est pas responsable, au contraire les produits que nous vendons ont eu des prix stables.

Arlette CHABOT
Donc c'est le marché tout simplement et la surproduction quoi ?

Jérôme BEDIER
Deuxième exemple, les fruits. Un autre exemple intéressant, c'est l'exemple des fruits. Nous avons cette année très très mal exporté des fruits d'été, notamment en Allemagne et en Angleterre; parce que nous sommes beaucoup moins compétitifs que les Italiens et les Espagnols, et parce qu'aussi l'année dernière comme on a eu peu de production à cause du gel on a mal servi ces marchés-là. Donc les autres ont pris leurs habitudes. Tout le monde le sait. C'est pareil pour la volaille. La volaille, la filière .volaille s'est équilibrée en France sur les exportations en Allemagne, or les Allemands font la reconquête du marché intérieur actuellement, donc tout ça on le sait. Donc arrêtons de faire croire aux gens que c'est à cause de la distribution que les prix sont bas. Nous, nous sommes prêts à balayer devant notre porte, nous sommes prêts, nous étions, nous le faisons .d'autant plus facilement que nous étions contre la loi GALLAND. Nous nous sommes exprimés contre la loi GALLAND….

Arlette CHABOT
Qu;est-ce que c'est que la loi GALLAND ? Voilà en deux mots.

Jérôme BEDIER
La loi GALLAND, c'est une loi qui oblige, qui en quelque sorte créait le prix imposé du fournisseur, donc nous on est obligé de vendre, nous autres distributeurs au prix que le fournisseur décide. Mais le fournisseur a la possibilité derrière de faire ce qu'il appelle la coopération commerciale, ce qui est très avantageux pour lui, parce qu'en fonction de sa stratégie, il peut rémunérer plus ou moins le commerçant. Nous avions dit, il vaut mieux comme avant, que cet argent qu'on appelle la coopération arrière, qui est payée après, puisse venir sur le prix de vente, baisser le prix de vente, pour le consommateur. Mais la loi GALLAND nous interdit de le faire. Nous avons dit à l'époque, ça va créer une inflation des remises. Or aujourd'hui, on nous reproche précisément l'effet pervers que nous avions mis en avant, pour combattre la loi GALLAND. Donc tout ça pour dire : arrêtons là encore une fois, la langue de bois etc. Mettons-nous, nous sommes prêts, moi je suis très heureux d'entendre monsieur GUYAU dire qu'il est prêt à ce qu'on se mette autour de la table. Et nous répondons très favorablement à la proposition du Premier ministre sur ce sujet. Et essayons une fois pour toutes de traiter les vrais problèmes. Et les vrais problèmes, c'est l'équilibre du marché, comment assurer ? Comment contribuer tous les uns et les autres, à faire en sorte que les marchés soient équilibrés. Si les marchés sont équilibrés, les producteurs pourront trouver leurs rémunérations.

Arlette CHABOT
Luc GUYAU. Et puis on va demander à ceux qui organisent la table ronde, justement la semaine prochaine.

Luc GUYAU
Oui, les marchés équilibrés, nous sommes tout à fait d'accord nous avons comme mission de produire…

Arlette CHABOT
Pas trop technique, Luc GUYAU, parce que nous parfois, les consommateurs on a du mal à suivre, là, vous voyez ce que je yeux.dire.

Luc GUYAU
Oui. Je crois que des marchés équilibrés nous sommes tous d'accord. Parce que si nous voulons avoir une rémunération par les prix, il ne faut pas qu'il y ait trop de surproduction ; et dans certains secteurs nous arrivons à le faire. D'autres c'est un peu plus difficile, parce que soit les producteurs, soit les transformateurs ne le veulent pas. Mais aujourd'hui si nous ne voulons pas prendre la grande distribution comme bouc émissaire. Nous disons, nous voulons avoir plus de transparence, ce n'est plus possible cette pression telle qu'elle est. Et lorsqu'il y a la concentration PROMODES-CARREFOUR qui va représenter 30 %, de marchés, moi je ne connais pas une entreprise qui pourra négocier sérieusement. Alors discutons-en, mais je le dis clairement, il nous faudra bien un minimum de règles, parce qu'autrement, aussitôt qu'on aura lâché un peu prise après la négociation, les mauvaises habitudes reprendront, et il n'est normal qu'on fasse payer aujourd'hui aux producteurs tous les éléments du marché. C'est-à-dire la production, presque la transformation et la mise en distribution. C'est ce qu'on nous demandons, plus de transparence, après quoi, nous verrons, je crois qu'on peut avancer sur ce sujet.

Arlette CHABOT
Alors madame LEBRANCHU, vous qui organisez cette table ronde, on commence ce soir, ça vous donne une idée, de ce que ça va être ?

Marylise LEBRANCHU
Parce que ce soir on a eu de la part des agriculteurs des constats différents qui vont nous permettre d'aller plus loin, même si…

Arlette CHABOT
On vous mâche le travail, quoi en clair.

Marylise LEBRANCHU
Voilà. Le 21 septembre. Ce qui est important, c'est qu'on va avoir autour de la même table, avec Jean GLAVANY, et moi qui suis chargée du Commerce et de la Consommation, on va avoir les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. Ce qui manque à ce pays je crois, dans ce système de régulations volontaires, parce que ça va être l'Etat le médiateur le 21 septembre, c'est que les distributeurs soient présents. Et moi qui décortiquent avec les services tout le système depuis le mois d'avril, je me rends bien compte qu'en fait, entre les.uns et les autres, il y a un certain nombre de non-dits, qui n'arrivent jamais sur la table au bon moment et qui polluent totalement l'atmosphère. Et ce qui a été dit par les uns ici et par les autres sur les dernières crises, le prouvent. En revanche, quand je suis dans ma peau de ministre du Commerce, je dis aux commerçants ce qu'est la grande distribution, il faut arrêter toutes les pratiques qui font qu'on ne veut pas aller jusqu'au bout de l'analyse des systèmes de marché derrière. Alors arrêtons effectivement, les conséquences de la loi GALLAND, qui sont les marges arrières, les contrats totalement fous, c'est vrai que la grande distribution a un petit peu boosté ses acheteurs, parce qu'elle est aussi dans une logique de concurrence, et qu'on trouve des contrats que nous, on ne peut pas accepter. Des contrats avec, j'en ai vu un ce matin, des avances sur la ristourne de fin d'année sur le chiffre d'affaires, voilà des choses qu'il va· falloir voir disparaître de notre horizon. De la même manière que les contrats de coopération commerciale qui ne reposent sur rien, etc. Alors dans la grande distribution, comme dans la, moyenne on dit : « j'arrêterais quand l'autre s'arrêtera », je crois que le 21 septembre on pourra se mettre d'accord sur un certain nombre de pratiques qu'il faut arrêter. Et puis d'autres aussi contrats de partenariats. Je crois qu'il faut qu'on passe de l'absolu antagoniste qu'on a vu tout à l'heure à des contrats de partenariats. Ça veut dire que la distribution doit être présente dans certaines négociations de l'interprofession. Moi je ne sais pas, Jean GLAVANY me disait vendredi dernier…

Arlette CHABOT
On va lui demander, on va lui demander. Puisque vous y serez tous les deux.

Marylise LEBRANCHU
Alors il vous dira ce qu'il en pense. Mais qu'à un moment donné, on ne puisse pas, en l'absence d'un des partenaires, pouvoir détourner je dirais la réalité des choses. Donc arrêtons les pratiques qui sont absolument inacceptables. Parlons aussi du rôle de la grande distribution à l'exportation, il faut qu'elle importe nos produits, le Roquefort, le foie gras etc. Mais qu'elle l'importe vraiment, et qu'on puisse de temps en temps faire des constats de progrès sur ces systèmes là. Je crois que c'est important. Et puis si ça ne fonctionne pas, par la médiation, allons jusqu'à la réglementation. Et ce qui a été dit sur la loi GALLAND aujourd'hui, me semble ouvrir une négociation importante avec les Parlementaires.

Arlette CHABOT
Jean GLAVANY, j'ai l'impression que vous ne serez pas trop de deux effectivement pour animer cette table ronde. On dit le juste prix, la juste répartition entre les distributeurs et les agriculteurs, comment on va faire alors ?

Jean GLAVANY
On ne sera pas trop de deux. De toute façon comme on s'entend bien Marylise LEBRANCHU et moi, on va peut-être y arriver. Mais ce que je voudrais dire, c'est que dans cette affaire ce qui m'a intéressé dans ce débat c'est qu'on a bien vu, les-uns et les autres qui faisaient une part du chemin, je ne dis pas afficher leurs responsabilités, mais parler un peu plus clair. Je crois qu'il y a une responsabilité de la grande distribution, qui a été affichée d'ailleurs avec ses histoires de ristournes, de coopération commerciale, de promotions sur catalogues, enfin toutes ces choses techniques que tout le monde connaît très bien. Alors est-ce que ce sont des effets pervers de la loi GALLAND ou non ? C'est un débat que l'on peut avoir. Je crois qu'il y en a des effets pervers de la loi GALLAND. Je crois, qu'il y a aussi des excès de rapport de force favorable, il y a de· la responsabilité des agriculteurs, ou du monde de l'agriculture. Par exemple ce que j'ai dit tout à l'heure sur ce virage que nous n'avons pas pris assez tôt entre cette course folle à la production et puis ce virage de la qualité qu'il faut prendre. Il y a des secteurs aujourd'hui qui sont en crise parce qu'ils n'ont pas pris le virage de la maîtrise de la production et de l'évolution vers une plus grande qualité des produits. Je pense aux fruits et légumes. Et puis il y a aussi une responsabilité des agriculteurs qui souvent ne sont pas assez organisés et rassemblés. Là aussi l'exemple des fruits et légumes est évident, il y a une atomisation des producteurs face à la grande distribution. Et je crois que nous devons encourager tout ce qui est organisation de producteurs et la nouvelle loi permettra de le faire. Mais moi ce qui m'intéresse et je vais conclure là-dessus, c'est qu'au fond tout le monde sait que les agriculteurs où les producteurs ont besoin de la distribution et inversement que la distribution a besoin des agriculteurs. Et donc il faut arrêter ce dialogue de sourds et le rôle de l'Etat à travers les tables rondes, que nous allons commencer à organiser filière par filière à partir du 21 septembre cette première table ronde, à travers ce que le Premier ministre a annoncé ce soir, c'est-à-dire ces assises de la distribution au printemps prochain, nous allons faire un travail de fond, de mise en commun, de ces constats, de discussions sur la table de l'ensemble des problèmes, pour que l'Etat joue son rôle de médiateur, prenne. éventuellement des mesures législatives si c'est nécessaire. Pour qu'on' arrive à ce partenariat qui est absolument indispensable et qu'on arrête un peu, et c'est les dialogues de sourds, et ces boucs émissaires recherchés, qui ne correspondent à rien de rationnel. ·

Arlette CHABOT
Luc GUYAU.

Luc GUYAU
Oui, non mais je crois que si tout le monde se met autour de la table, et qu'on arrive à retrouver la sérénité en ce qui concerne les rapports commerciaux, et je le rappelle quand même une rémunération satisfaisante pour les producteurs. Je crois qu'on pourra avancer, et je suis assez favorable à ce qu'a dit le ministre de l'Agriculture concernant l'organisation de la production et de la maîtrise. Il y a déjà plus de dix ans que nous avons donné un rapport à la FNSEA sur la maîtrise de production. Certains secteurs ont plutôt du mal à vouloir y rentrer, et je crois que nous l'avons condamné au moment où c'était nécessaire. Et je pense en particulier à la production porcine, et je regrette fortement qu'on ne soit pas allé plus sur la maîtrise, ni sur l'interprofession dans ce secteur. Il y a des responsables agricoles du secteur porcin qui ont pris des responsabilités et qui les mèneront loin demain, et je vais les regretter. Mais des fois, on n'arrive pas à faire entendre, sa voix à ceux qui ne veulent pas entendre. Même le ministre de l'Agriculture n'a pas toujours pu non plus arriver à faire entendre sa voix là-dessus. Alors tous ensemble, je crois que pour certains secteurs il faut aller plus loin, en matière d'organisation économique. Et je voudrais dire quand même une chose, parce que tout à l'heure j'ai entendu des critiques véhémentes vis à vis de la coopération. Je crois qu'il faut sans doute rénover la coopération agricole, je crois que c'est indispensable mais n'oublions pas que c'est quand même le garant de maintenir des productions attachées au territoire. Parce que la démarche bien souvent, des grandes entreprises qui ont leur siège en France ou qui parfois ont perdu leur siège du territoire français oublient très rapidement les hommes et les territoires. Alors je crois que c'est bien, l'ensemble qu'il faut assurer. Les hommes, les produits et le territoire, et je pense que la coopération rénovée est sans doute un des bons moyens pour y arriver.

Arlette CHABOT
Marie-Josée NICOLl (phort) au secours, la voix du consommateur.

Marie-Josée NICOLI
Oui, moi dans ce débat, on parle de marges, on parle de prix, mais moi j'en reviens au sujet de l'émission quand même. C'est la qualité des produits et la sécurité, et quand on parlait tout à l'heure de la filière fruits et légumes, il peut y avoir, il y a quantité de raisons pour que cette filière soit en difficulté, mais quelque part aussi le détournement du consommateur face à des fruits qui sont particulièrement, qui ne seront pas très bons actuellement. On n'arrive pas à faire manger des fruits à nos enfants. Ils ne les trouvent pas assez sucrés, c'est du bois, enfin tout ce que vous voulez ce n'est plus des fruits. Donc il y a ce problème là, et quand vous discutez dans les interprofessions et par filières, n'oubliez pas quelque part, au consommateur, et pensez un peu à la qualité, et pensez un peu à la sécurité alimentaire. Vous. avez des débats très techniques, que je comprends très bien parce que je suis depuis un certain temps dans ces dossiers donc je les comprends moi, mais le consommateur ce soir, il aurait voulu savoir comment vous allez maîtriser non pas vos marges, mais comment vous allez maîtriser comment vous allez maîtriser l'alimentation animale en tant qu'agriculteur ? Parce que vous soyez à la FNSEA, ou que vous soyez à Confédération paysanne, vous devez, il est important que vous vous tourniez vers vos fournisseurs d'aliments pour leur demander qu'est-ce qu'il y a dans ces aliments ? Et nous en tant que consommateurs, ce qui nous tracassent aujourd'hui c'est de se dire tous nos déchets, tous .les déchets de la société que ce soit les boues, que ce soit les farines animales et je dirais, les farines animales en particulier; si elles sont bien gérées, comme elles le sont, comme elles devraient l'être en France et qu'on sanctionne les fraudeurs, vraiment ceux qui mettent n'importe quoi. A la limite, je ne suis pas plus con que les farines, animales que le soja transgénique, qui arrivent des Etats-Unis. Donc je veux dire, quelque part c'est ça, les vrais débats que nous on veut avoir en tant que consommateurs. Et les agriculteurs vous devez nous donner des réponses.

Arlette CHABOT
Alors justement, apporter des réponses François DUFOUR.

François DUFOUR
Effectivement, il y a deux ans, José BOVE l'a-dit tout à l'heure, il y a plus de deux ans, que nous avons déposé une plainte par rapport aux farines animales. On a été les premiers, ça veut dire qu'on est là dans une filière où il n'y a absolument pas d'opacité et ça veut dire aussi qu'il n'y a pas de transparence, et il n'y a sans doute pas de volonté politique. Quant après ce qui s'est passé en 97, on apprend deux ans après les problèmes de dioxine, les problèmes de boue de stations d'épurations, je crois que les paysans aujourd'hui comme les consommateurs sont victimes de cette stratégie de firmes qui recyclent. Qu'est-ce qu'on fait ? Je crois qu'on a fait nous des propositions depuis belle lurette, pour changer de développement agricole, il faudrait arrêter la concentration des élevages. Tout à l'heure on parle de baisse de prix pour les producteurs. Alors c'est vrai qu'on a du ménage à faire dans nos rangs à l'intérieur du circuit économique. Parce que la crise porcine que nous vivons depuis deux ans, qui met en faillite des petits producteurs, on est toujours sur une croissance de 5 à 8 % de production par an, alors qu'on est en surproduction permanente. C'est un débat agricolo-agricole et politique. Nous demandions nous, un moratoire sur les porcheries industrielles. Nous demandions d'arrêter de rallonger des porcheries qui sont déjà gigantesques. Alors qu'on en fait fermer d'autres, je crois que c'est un débat profondément politique, et moi je voudrais dire à Jean GLAVANY, qu'effectivement depuis deux ans, on tourne de tables rondes en tables rondes. C'est vrai, pour poser ce problème, mais hélas il y a des décisions politiques à prendre pour arrêter ce gigantisme, parce que chaque fois que vous faites du gigantisme dans le hors-sol, par exemple, comme d'ailleurs dans la pleine production quand on recherche la productivité permanente, on provoque des problèmes sanitaires, on provoque la perte de goût, on provoque un certain nombre de risques pour le consommateur.

Arlette CHABOT
Alors question posée à Jean GLAVANY. Pourquoi on continue à donner l'autorisation d'ouvrir ou d'étendre des porcheries industrielles par exemple, alors qu'on sait qu'on est déjà en surproduction?

Alain DUHAMEL
Et pour quand les décisions politiques ?

Jean GLAVANY
Parce que la France est un pays de libre entreprise, et que c'est une règle comment dire de base de liberté économique. Cela dit ce que je ne peux pas laisser dire, c'est que ceci se fait comme avant. Parce que les normes ont été singulièrement renforcées, et que les contrôles sont infiniment plus rigoureux, que nous sommes en train en ce moment de chasser ce qu'on appelle les truies illégales, c'est-à-dire les dépassements illégaux de capacité des porcheries. Donc le dispositif est en train de se resserrer. Et moi je n'exclue pas qu'à l'avenir on puisse prendre des mesures réglementaires ou législatives pour le resserrer encore plus parce que je ne suis pas en désaccord fondamental avec ce que vient de dire François DUFOUR.

Arlette CHABOT
Alain PIETZ (phon).

Alain PIETZ
Oui je crois que deux choses. D'abord en matière d'ennemi de la nourriture saine, juteuse, respectueuse de l'environnement. Mon... principal n'est pas· la distribution, ceux qui ne sont pas là ici, des grandes compagnies comme MANSANTO comme NOVARTIS tous ceux qui ont, qui pilotent cette agriculture super industrialisée, super-productiviste, et qui font peser de très grands risques sur les sources même de la vie, avec les germes comme terminator cette idée que...

Arlette CHABOT
On ne va pas refaire le débat sur les OGM, c'est un autre débat. Est-ce que vous…

Alain PIETZ
… Deuxième problème, je crois qu'on ne peut pas, il faut pas, que le téléspectateur reparte avec l'idée, qu'une agriculture plus saine sera forcément plus chère. C'est vrai qu'on doit augmenter le revenu du paysan, mais il faut voir que la distribution actuelle des aides, actuellement, est tellement injuste, 80 % des aides qui vont à 20 % des producteurs. Certains céréaliers touchent 900 000 francs de primes par an, et en éliminant 43 000 paysans par an, qu'il faut payer comme un chômeur après. Je crois que si on avait un système moins fou, on pourrait pour une agriculture de meilleure qualité ne pas augmenter tellement les prix.

Arlette CHABOT
Marie-Josée NICOLI.

Marie-Josée NICOLI
Oui, moi ce que je voudrais dire sur la sécurité sanitaire, monsieur VASSEUR tout à l'heure a dit on a 200 morts par an, on a fait des progrès. C'est vrai que sur..., non mais c'est vrai que sur les morts de cause alimentaire, il y en a de moins en moins, seulement le gros problème aujourd'hui c'est que nous mangeons avec une alimentation très industrialisée, nous avons une augmentation de dioxine, de plomb dans l'eau, de pesticides, de machins etc. Ce qui fait que tous ces produits en quantité infinitésimale se stockent dans nos organismes, et on a aujourd'hui des maladies qui sont dues à des mauvaises habitudes alimentaires, demain on aura d'autres maladies dues à ces concentrations. Et c'est insidieux, ce n'est plus vous mangez quelque chose, vous mourez demain. Non. C'est très lent, et c'est pernicieux, donc c'est ça que nous demandons. Nous demandons qu'il y ait une prise globale de l'ensemble de notre alimentation avec tous ces produits qui sont rajoutés dans l'industrialisation et qui ne sont pas plus les produits de base l'agriculteur aujourd'hui, c'est 5 % de notre panier de la ménagère, c'est des produits transformés qu'on a aujourd'hui. Donc c'est plus pareil.

Michel-Edouard LECLERC
Ce qui est spectaculaire dans ce que nous mangeons, ce que nous consommons, c'est la rapidité de mise en marché des nouveaux produits. Les rapports entre la recherche et la mise en marché, Autrefois il y avait des produits agricoles, qui ont été je veux dire génétiquement modifiés, mais dans le temps avec des statistiques à l'appui, le melon qu'on mange aujourd'hui n'a rien à avoir avec le melon que l'on mangeait il y a X centaines d'années. Donc, ce qui me semble important aujourd'hui, c'est de donner du temps au temps. Quoi, c'est pour paraphraser quelqu'un. Avant de mettre un nouveau produit en marché, c'est justement, on le fait bien, pour des· produits pharmaceutiques, on prend beaucoup plus de précautions, donc cette préoccupation sanitaire aujourd'hui de part l'autorité publique, aujourd'hui, européenne devrait codifier le temps de la mise en marché, pour qu'on puisse avoir le recul nécessaire des effets d'un produit.

François DUFOUR
Attention monsieur LECLERC, de ne pas tomber, parce que les rotations courtes on connaît dans l'agriculture. C'est dans tout le système économique, je crois, tout le monde le connaît, aujourd'hui attention de ne pas tomber dans le débat de l'agriculture dual pour une société dual. Et je crois madame NICOLI disait tout à l'heure, il faut qu'il y en ait un peu pour tous les goûts. On est quand même dans une société l'OMC quand elle va renégocier, quand vous reprenez l'accord de Marrakech, qu'est-ce qu'il dit ? Il dit qu'il va falloir permettre de satisfaire pour les populations pauvres des moyens de subsistances avec une nourriture à bas prix. Attention, des niches de qualité pour des gens riches et une production de plus en plus avec rotation courte, dans un modèle industriel pour les gens pauvres, non, non, mais ce débat là nous concerne dans les trois mois à venir. Parce. que quand on voit dans l'ensemble des productions, la concentration des productions, l'accumulation de productions pour faire des bas prix et en même temps la recherche pour aller chercher d'hypothétiques marchés sur le commerce mondial, pour faire en sorte que d'autres agricultures ne se développent pas, c'est ça qu'on recherche, c'est toujours une pression vers les consommateurs, les plus pauvres.

Arlette CHABOT
Est-ce qu'on va essayer d'être concret Philippe VASSEUR ? Qu'est-ce qu'il faut faire ? Allez-y, allez-y. Faites des propositions.

José BOVE
Des choses un peu concrètes après je passe la parole à monsieur VASSEUR. Mais je crois qu'en tant que producteur... et c'est vrai que moi quand j'entends madame NICOLI, je dis que les producteurs ont souvent une responsabilité par rapport à la transformation et c'est aux producteurs de dire aux transformateurs c'est comme ça que ça doit marcher et pas autrement. Nous, nous avons décidé dans notre filière de dire, aux industriels on ne veut plus accepter par exemple ni d'OGM, ni d'autres manipulations dans l'alimentation animale. A partir de là, l'interprofession a convoqué l'ensemble des transformateurs d'aliments et leur ont imposé de nouvelles règles du jeu. Donc on a une responsabilité il faut qu'on l'assume. Je crois que ça, c'est quelque chose qui est fondamental, donc par rapport à ça nous sommes responsables. Mais je crois aussi que l'Etat, il faut qu'il soit responsable, parce qu'aujourd'hui l'étiquetage de l'ensemble des aliments qui sont donnés
à nos animaux, il n'y a aucune obligation d'étiquetage réel sur l'ensemble des choses qu'il y a à l'intérieur. Et par rapport à ça, ça me parait quelque chose qui est tout à fait anormal, et qui est un frein à la transparence que nous on exige, et qu'à mon avis les consommateurs exigent, mais aussi la distribution.

Arlette CHABOT
Philippe VASSEUR, qu'est-ce qu'il faut faire ?

Philippe VASSEUR
Je crois si vous voulez deux mots, la qualité, la sécurité alimentaire. La qualité il faut admettre la diversité, il faut arrêter de dire qu'il faut la même chose pour tout le monde. On a pris l'exemple du vin tout à l'heure, il y a d'excellents Corbières à des prix accessibles et puis il y a du Château Pétrus. Moi je bois du Château Pétrus ça c'est au-dessus de mes moyens. Ça hélas. Avis aux amateurs. Non mais vous avez une gamme de vins qui est. extrêmement diversifié, selon le repas que vous faites, selon le jour de la semaine, selon le fait que vous êtes seul ou que vous êtes entre amis, vous achetez une catégorie de vins différents. Ils sont tous bons, à des degrés divers. Et ils sont tous sûrs. Donc il faut avoir cette notion diverse de la qualité. Sur la sécurité alimentaire, je crois qu'il faut arrêter, là encore de dire une chose, c'est que c'est toujours la faute aux voisins, la sécurité alimentaire on ne parviendra à résoudre le problème que quand tous les maillons de la chaîne seront responsabilisés. Tous les maillons de la chaîne. Avec une obligation d'auto-contrôle, c'est-à-dire que chacun est responsable y compris juridiquement de la sécurité sanitaire de son produit. Ça va du fournisseur de produits pour l'agriculture de la farine animale, ça passe par l'éleveur, par le transformateur, par aussi le transporteur et le distributeur. Et je crois que c'est comme ça, uniquement comme ça qu'on y parviendra. Si jamais on essaie toujours de se défoncer, j'entends déjà parler aujourd'hui on va créer le super organisme type FD américaine, c'est zorro, et puis il va tout régler, non, non, non, non. Comme toujours chacun doit assumer sa part de responsabilité, et à l'Etat, moi je suis tout à fait d'accord, à l'Etat d'être le garant du bon fonctionnement de la chaîne.

Arlette CHABOT
Donc par exemple, il faut définitivement interdire les farines animales ?

Philippe VASSEUR
C'est un débat qui mériterait pardon, nous les avons interdites les farines animales, pour l'alimentation des ovins et des bovins, c'est un débat, et on a éliminé de la fabrication de farines animales un certain nombre de choses, c'est un débat qui mérite à mon avis, autre chose qu'une simple réponse par oui ou par non. Parce que moi je veux bien qu'on interdise les farines animales, à la limite moi je suis plutôt pour l'interdiction des farines animales . Il faut que tout le monde en assume les conséquences, et notamment le consommateur, qui doit s'attendre à ce moment là à payer ses produits plus cher. Sur le plan du principe, je suis pour.

Arlette CHABOT
Ça coûte cher de se débarrasser de…

Philippe VASSEUR
Attendez, si on élimine les farines animales il faut qu'on soit obligé aujourd'hui d'importer davantage de ce qu'on appelle des oléoprotéagineux, et qu'on passe par d'autres filières que nous ne maîtrisons pas aujourd'hui. Pour le moment, pour le moment, je suis d'accord, mais je suis tout à fait d'accord pour qu'on aille dans cette voie-là. Simplement, permettez moi de dire que ça mérite quand même autre chose qu'une simple réponse par oui, ou par non. Dans ce domaine, la caricature est tellement facile je crois qu'il faut qu'on essaie de procéder différemment.

Alain DUHAMEL
Jérôme BEDIER et ensuite madame LEBRANCHU.

Jérôme BEDIER
Je crois qu'effectivement, il ne faut pas confondre qualité et sécurité, la sécurité alimentaire elle est due pour l'ensemble des produits et on ne pourra la mettre en place que si les règles qui sont imposées sont imposées à tout le monde de façon uniforme. La traçabilité elle ne doit pas incomber simplement à certaines filières, à partir du moment où l'on met en place la traçabilité, il faut la mettre pour tout le monde et que tout le monde soit obligé d'y passer et c'est comme ça qu'on arrivera à faire avancer les choses. Et puis deuxième point, nous, nous ne comprenons pas que l'OMC puisse parler, directement, même si c'est sur la base de rapport, de sécurité alimentaire. Il y a un organisme qui s'appelle l'OMS, qui est là pour traiter les questions de la sécurité alimentaire et la question de la sécurité alimentaire ce n'est pas quelque chose qui peut se négocier, on ne peut pas dire, j'échange telle disposition sur la sécurité alimentaire, contre telle disposition sur le cinéma ou que sais-je encore ! Et ça c'est un élément à mon avis fondamental de méthode pour la rencontre de Seattle où je pense on peut trouver collectivement, là encore en ne faisant pas les gaulois qui vont tous en ordre dispersé, trouver collectivement une position qui rendrait la France. et l'Europe plus forte.

Marylise LEBRANCHU
Sur l'étiquetage... mais avant, c'est pourquoi on a créé l'Agence française de sécurité sanitaire pour les aliments, pourquoi ? C'est parce que c'est vrai qu'on a besoin pour pouvoir exercer un pouvoir de contrôle des aliments en question, on a besoin d'expertises indépendantes, transparentes et accessibles à tous. Et cette agence nous permet de dire oui, l'Agence vient de donner tel avis publiquement, et nous, derrière voilà quelle est là décision que l'on prend. C'est-à-dire que pour rejoindre ce que vous disiez sur la responsabilité, on se responsabilise aussi. C'est-à-dire que l'on dira, c'est après telle expertise qu'on a pris tel type de décision. Et moi je suis assez d'accord pour dire, je suis désolée, parce que vous avez mis en cause notre Président de la République... Je pense qu'il se trompe sur un point, c'est que depuis que les Etats-Unis ont mis ce grand paquet en route qui traite à la fois de la sécurité des médicaments, des aliments, etc et qui fait des contrôles, eh bien ils sont plus d'accidents alimentaires que nous, beaucoup plus que nous. Alors restons pragmatiques, réalistes. et mettons l'expertise là où elle doit être, et puis responsabilisons, y compris les politiques. Mais moi, ce que j'apprécie aujourd'hui, c'est le discours qui dit, qu'on est tous responsables. Je crois à ce que vous dites sur les nouveaux rapports de force, si tous les agriculteurs disent, je ne veux pas que l'on mette de l'huile de vidange dans mes farines et je veux contrôler où elles sont passées, on n'aura pas de problème. Donc on peut les étiqueter, en revanche sur les farines animales soyons prudents. Jean GLAVANY l'a proposé à l'Europe, en disant, on est prudent, parce que le problème va être derrière, qu'est-ce qu'on fait des déchets des animaux ? On va continuer à manger, il va continuer à y avoir des os qu'on ne va pas manger, parce qu'on n'est pas capable ! Alors qu'est-ce qu'on fait des déchets à hauts risques ? Comment on les détruit ? Qui paie ? Alors c'est un vrai débat de fond qui mérite plus qu'une émission et qui mérite qu'on soit coresponsable du dossier.

Arlette CHABOT
Mais quand même Luc GUYAU, est-ce que les agriculteurs peuvent s'engager, je ne sais pas, il faudrait quoi madame LEBRANCHU une sorte de charte, un engagement particulier de chaque agriculteur, disant, je ne donne pas à manger etc.

Marylise LEBRANCHU
Non, c'est simple, il y a des escrocs, et à ceux qui ne sont pas escrocs, il y a les escrocs, ceux qui font exprès à nous d'avoir des contrôleurs qui s'autosaisissent, qui aillent voir, qui les punissent et des sanctions lourdes. Et puis il y a des filières dans lesquelles effectivement on ne sait pas où tel produit a été fabriqué et comment. Je vous rassure sur les poissons on a dit tout à l'heure, cela va mieux, parce que les· producteurs se sont rendus compte que s'ils voulaient continuer à vendre leurs poissons il fallait savoir comment ils étaient alimentés. Donc je crois qu'il y a une nécessité de transparence et une nécessité de traçabilité; pas seulement pour ce que l'on vend à nous, nous consommateurs que l'on défend tous bien sûr, mais aussi ce que l'on vend aux agriculteurs.

Arlette CHABOT
Alors Luc GUYAU, un engagement des agriculteurs, c'est possible ?

Luc GUYAU
Oui, je crois que les agriculteurs peuvent prendre l'engagement de respecter les règles, il faut mettre des règles claires, elles doivent être respectées et comme le dit madame LEBRANCHU, s'il y en a qui ne les respectent pas, il faut vraiment les sanctionner.

José BOVE
Est-ce que tu es d'accord sur le fait de dire que c'est à nous de fixer les règles en tant que paysans et qu'on ne veut pas que nos aliments soient nourris de telle manière. Je crois que c'est là qu'on serait fort, si l'on va faire les transformateurs et si c'est nous qui disons aux transformateurs, voilà, comment on veut que les choses soit produites: Et à partir de là on veut un prix pour nos produits et à partir de là on négocie avec la distribution. Mais je crois que c'est à nous d'être dynamiques et d'être les premiers. Parce que aujourd'hui le paysan avait vraiment mauvaise presse, les consommateurs souvent méprisent les paysans parce qu'ils ont l'impression que l'on produit des choses qui sont de mauvaise qualité. Alors il y a des bagarres sur la qualité, mais en même temps je crois qu'il faut qu'on aille encore plus loin et que cela soit nous qui imposions la transformation, ce que l'on veut au niveau de l'alimentation. Et à partir de là, je crois qu'on aura fait un grand pas et que l'on sera en position de force pour négocier, qu'est-ce que tu en penses ?

Luc.GUYAU
Oui, mais je crois qu'il faut être clair en la matière, on ne va pas décider de tout d'un seul coup, et en un seul soir, puisque qu'il a été dit que le débat sur les farines animales était un débat très très compliqué. Mais moi ce que je voudrais dire, c'est que sur la sécurité alimentaire c'est un vrai débat de société et dans un débat de société tout le monde est concerné, les agriculteurs les premiers, nous sommes les gestionnaires du vivant et nous devons mettre un peu plus d'éthique dans nos façons de produire et d'être plus respectueux de la vie. Mais il· faut aussi que les consommateurs comprennent tout ce qui se passe aujourd'hui et si j'ai demandé dans le cadre de la loi d'orientation que soit mis un fonds de communication et de promotion de l'agriculture, que le ministre de l'Agriculture a arraché au bout de discussions très longues, ce n'est pas pour faire de la promotion des produits, c'est simplement pour renouveler cette alliance entre les producteurs et les consommateurs pour que les consommateurs demain ils comprennent de ce dont on parle, nous les agriculteurs. Parce qu'à force d'avoir des aliments qui sont loin de système de production, les consommateurs oublient ce que sont les agriculteurs. Quand on parle de la vie et de la mort il faut expliquer aux consommateurs et notamment aux jeunes qu'un animal pour passer du cadre d'un animal d'exploitation dans l'assiette, il faut passer de la vie à la mort. Tout cela, il faut leur expliquer, je crois que dans le livre que j'ai écrit il y a deux ans, j'appelais une alliance entre les producteurs et les· consommateurs, c'est ça qu'il nous faut développer aujourd'hui. Alors bien sûr, tout le monde n'y est pas prêt' au même moment, ni les consommateurs, ni certains producteurs, il faut un peu de temps, Paris ne s'est pas fait en trois jours, c'est vrai, et donc nous sommes sur le bon chemin à mon sens, il faut continuer sur ce sens là.

Arlette CHABOT
La mode est à la grande alliance, tout le monde utilise cette expression, la grande alliance des producteurs, des consommateurs, José BOVE ?

José BOVE
Oui aujourd'hui, je crois qu'il y a une alliance qui est fondamentalement nécessaire, parce que c'est la seule façon dont on pourra réunifier le pays. Il y a tout de même un fait concret, c'est que toutes les personnes, qui soient consommateurs, producteurs, quelle que soit leur catégorie sociale, trois fois par jour ils sont devant une assiette et ça, cela unit aujourd'hui les Français et les Français ont dit là-dessus, on ne veut pas manger n'importe quoi, ça on l'a entendu, je crois que là-dessus, c'est fort. Mais je crois que par rapport à cela, il y a une personne qui doit nous unifier, c'est le Président de la République et moi j'ai entendu l'appel de Québec qu'il a fait et moi cet appel, je l'ai entendu en prison, il m'a paru fondamental. Le Président de la République a dit, le principe de précaution est un principe fondamental qui doit unir les Européens. Je crois qu'à partir de là, je crois que c'est quelque chose qui est essentiel, parce que cela peut être une véritable ligne, à la fois pour les producteurs, pour les consommateurs, pour la distribution, et les transformateurs et je crois que ça c'est le mot qui doit nous fédérer.

Michel-Edouard LECLERC
Moi je trouve que dans ce débat ce soir, il y a tous les éléments pour faire un front à la fois professionnel et même au niveau de la société pour aborder ces négociations sur des objectifs très clairs de défense de qualité de la vie. Et au-delà de toutes les tables rondes qui peuvent nous réunir, ici pour réduire les excès, modifier la loi, j'espère madame LEBRANCHU que l'on pourra modifier la loi, qui nous scotche nous, les distributeurs. Je crois qu'il y a une voix forte à faire passer et vous savez bien que la toute puissance de la distribution que l'on invoque on pourrait la faire jouer pour une fois vis à vis des vendeurs américains qui seront bien obligés de passer quelque part, voilà. C'est une offre de service.

Arlette CHABOT
Madame LEBRANCHU et puis je voudrais tout de même que l'on termine par la voix des consommateurs que nous sommes…

François DUFOUR
.... Aujourd'hui la grande bagarre des producteurs de lait pour récupérer cinq centimes, je pense que finalement vous pouvez déjà nous dire que vous allez mettre la main au portefeuille pour satisfaire.

Michel-Edouard LECLERC
Juste une seconde, nous avons accepté une revalorisation du prix du lait, c'est-à-dire que là, ils discutent d'une moindre baisse, mais nous avons accepté, tous les distributeurs une revalorisation du prix du lait.

Jérôme BEDIER
Sur ce lait, nous, ce que nous proposons c'est que l'on fasse enfin notre interprofession à trois pour pouvoir discuter de ces questions en direct. Et deuxièmement qu'on ait un mode de négociation... que l'on parle tout d'abord du prix producteur et qu'après le prix producteur on vienne négocier avec les distributeurs.

Arlette CHABOT
Ce soir, Luc GUYAU vous dites merci aux distributeurs... Voilà, on a perdu Luc GUYAU, il n'a pas entendu, il y avait une bonne nouvelle dans sa direction donnée par les représentants, c'est-à-dire le prix du lait qui va répondre… ?

José BOVE
Alors pourquoi cela tarde à se faire ?

Jérôme BEDIER
Eh bien demandez le à monsieur GUYAU !

José BOVE
Cela tarde parce que la Confédération paysanne n'est pas autour de la table dans les interprofessions laitières, mais cela va changer dès ce soir, je pense, c'est parfait.

Marylise LEBRANCHU
Moi, sur ce que je vais retenir dans tout ce qui a été dit, c'est que la sécurité des aliments, madame NICOLI le rappelait tout à l'heure, c'est un principe fondamental de négociations nationales, et internationales. Et qu'il faut qu'on soit extrêmement uni et dur sur ce sujet, d'ailleurs je crois que c'est la première fois qu'un président, un Premier ministre et un Président de la République en parle à une semaine près. Le Premier ministre nous ayant donné nous, l'ordre quand on est arrivé au gouvernement dès 97 de faire l'Agence Française de Sécurité pour les Aliments pour essayer d'aller plus vite. Donc sécurité des aliments, c'est vraiment ce que nous réclamons avec les consommateurs. Mais les consommateurs qu'on a réuni l'autre jour, disaient d'accord pour la sécurité, mais je vais passer la parole ·bien sûr à madame NICOLI, sur ce sujet. Le goût, je disais aussi le goût. Et est-ce qu'on pourrait avoir un débat un jour avec des agriculteurs sur l'évolution du goût ?

Arlette CHABOT
Voilà on vous promet un autre débat. Madame NICOLI.

Marie-Josée NICOLI
Oui ce que je voudrais dire pour Seattle par exemple, les consommateurs sont prêts à venir soutenir les professionnels et les politiques et avec les consommateurs américains. Parce que nous avons travaillé sur le principe de précautions et dans le principe de précautions des critères environnementaux, sociaux et culturels, rentrent dans ce principe de précautions.

Arlette CHABOT
Jean GLAVANY vous avez entendu tout le monde va prendre le billet d'avion, un billet d'avion pour Seattle, la délégation. je ne sais pas s'il y a une délégation française. Si vous, vous irez, mais en tout cas il y aura du monde avec vous. Alors on a aussi perdu, non voilà…

Jean GLAVANY
Oui, je ai dit tout à l'heure, c'était le commissaire européen Pascal LAMY qui allait négocier au nom de toute l'Europe.

Arlette CHABOT
C'est vrai, mais vous pouvez peut-être y aller aussi non ?

Jean GLAVANY
Non je ne sais pas si ça sera véritablement utile. Oui, mais de toute façon je pense que nous avons des choses à dire aux Américains. Et si je dois aller aux Etats-Unis ce sera plutôt pour parler aux organisations de consommateurs et au gouvernement sur un certain nombre de problèmes concrets qu'on a évoqué ce soir. Je pense que de toute façon ce sera utile d'aller aux Etats-Unis dans les semaines qui viennent.

Arlette CHABOT
Voilà donc, on a fait ce soir le débat sur la France unie, en attendant de faire un prochain débat sur le goût. Et de vous retrouver pour savoir les uns et les autres comment on peut préserver le bon goût et donner aux générations, c'est-à-dire en gros à nos enfants, effectivement le bon sens, le goût pour les bons produits que vous vous êtes les uns et les autres, je parle évidemment des. agriculteurs, engagés à fabriquer et vous messieurs de la distribution à distribuer. Merci à vous tous d'avoir accepté de participer à ce débat. Je précise quand même que par exemple la firme McDO a refusé de venir nous exposer son point de vue ce soir. Merci à Jean-Jacques AL SALEM, un petit salut particulier à Michel-GUEVEL (phon), merci à Nathalie SAINT-CRICQ qui a préparé cette émission. A Marie-Laure VERDEIL (phon) donc à bientôt sans doute.

Alain DUHAMEL
Bonsoir.

Arlette CHABOT
A dans quinze jours, merci.