Texte intégral
Entretien avec France 3 Alsace et « Les Dernières nouvelles d’Alsace », à Strasbourg – 6 mai 1997
France 3 Alsace : Monsieur le Ministre, les Russes continuent à dire que l’expansion de l’OTAN est une erreur aberrante. Je suppose que vous en avez parlé avec M. Primakov ?
R. : Nous en avons parlé longuement et dans le détail parce que nous sommes maintenant dans la phase finale de cette discussion qui porte sur l’établissement d’un accord entre l’OTAN d’un côté et la Russie de l’autre. Vous mesurez les changements que cela représente. Pendant 50 ans, l’OTAN et ce qui était autrefois le Pacte de Varsovie, c’est-à-dire les forces soviétiques, s’affrontaient et le monde entier était sous l’empire de cette guerre froide, c’est-à-dire de ces forces qui se faisaient face. Maintenant, nous en sommes au contraire à passer un accord que l’on a appelé un accord militaire, entre l’OTAN et la Russie.
Nous allons créer un conseil permanent entre l’OTAN et la Russie qui permettra d’organiser entre nous, non plus notre confrontation d’hier, mais notre coopération commune. C’est le signe des progrès accomplis et de la paix sur notre continent.
France 3 Alsace : Les Russes ne demandent-ils pas des garanties de non-stationnement militaire en échange de l’accord qu’ils sont prêts à signer ?
R. : Ils attendent un certain nombre de garanties et c’est tout à fait normal. Si l’on veut remplacer la confrontation par la coopération, il faut donner à chacun en Europe les garanties que c’est bien en effet de coopération qu’il s’agit. Nous n’avons pas l’intention de déployer des forces, notamment nucléaires, de renforcer nos capacités, bref de menacer l’autre. Je crois que cette négociation est maintenant presque terminée. Il reste, et c’est normal, quelques difficultés mais je crois qu’elles seront réglées.
France 3 Alsace : Je voudrais maintenant en venir au Conseil de l’Europe et au Sommet. Vous venez aujourd’hui inaugurer à la fois la centième réunion du Comité des ministres et l’ouverture de la présidence française. Que comptez-vous faire pendant ces 6 mois de présidence et quel message voudriez-vous faire passer quand il se dit un peu trop que le Conseil de l’Europe ne sait pas ce qu’il fait… ?
R. : On a tort. Le Conseil de l’Europe est une grande institution qui rassemble maintenant 40 pays européens, dont d’ailleurs la Russie, l’Ukraine et les pays d’Europe centrale et orientale. C’est une grande institution européenne qui a son siège en France, à Strasbourg, et cela pour nous est d’une très grande importance. Cela confirme la vocation européenne de Strasbourg. En même temps, le Conseil de l’Europe a une vocation dominante, me semble-t-il aujourd’hui, c’est d’aider les pays d’Europe centrale et orientale à s’acheminer vers la démocratie, l’État de droit, enfin de devenir très progressivement mais le plus rapidement possible, des pays qui sont de vrais pays démocratiques. Les choses avancent. Nous allons organiser sous la présidence française, au mois d’octobre prochain, un sommet des chefs d’État et de gouvernement des 40 pays membres du Conseil de l’Europe. Ce Sommet, qui sera présidé par le président de la République, sera, je crois, un grand événement européen et présentera des propositions dans le domaine des droits de l’homme. Je peux en évoquer une que j’ai déjà proposée ce matin et qui est sympathique et chaleureuse. Nous voudrions qu’il y ait désormais une sorte de parlement des jeunes Européens comme il y a des conseils municipaux des jeunes, de façon à permettre à la jeunesse européenne, d’abord de se connaître, et ensuite d’être un peu celle qui anticipe sur la démocratie que nous voulons pour l’avenir de l’Europe.
France 3 Alsace : Monsieur le Ministre, au-delà des propositions, n’y a-t-il pas un message politique de la France ?
R. : Bien sûr. Il n’y a pas de paix sans démocratie. Avec l’effondrement du Mur de Berlin, l’effondrement de l’Union soviétique, nous avons en quelque sorte mis un terme à la guerre froide. Mais cela ne suffit pas. Il faut aller au-delà. Si nous voulons faire la Grande Europe qui rassemble tous les peuples d’Europe, notamment ceux d’Europe centrale et orientale qui aspirent à nous rejoindre, aussi bien au sein de l’Union européenne que de l’Alliance atlantique, la voie c’est la démocratie. La paix et le développement passent par la démocratie, c’est-à-dire par les droits de l’homme, par l’État de droit, par une vie vraiment et profondément démocratique. C’est à cela que nous voulons travailler avec nos amis, nos partenaires, nos voisins. C’est la grande ambition de la France au sein du Conseil de l’Europe.
France 3 Alsace : Est-ce que le Conseil de l’Europe ne pouvait pas se substituer à ce qu’on avait appelé à un moment donné la Conférence permanente pour les pays qui seraient candidats à l’Union européenne ? D’autre part, quelle serait la place du Conseil de l’Europe face à l’OSCE et face à l’Union européenne ?
R. : Il ne faut pas mélanger toutes les institutions européennes. L’OSCE est une organisation très importante qui réunit beaucoup d’autres pays que ceux du Conseil de l’Europe, en particulier les États-Unis, et dont l’objectif principal continue d’être de régler les tensions, les conflits qu’il y a en Europe. Il y en a eu hélas beaucoup : l’ex-Yougoslavie, l’Albanie… et il y a encore d’autres foyers de tensions entre les pays d’Europe centrale et orientale. C’est la grande mission de l’OSCE de travailler à cela. Ensuite, l’Union européenne, comme vous le savez, en effet, est disponible pour s’ouvrir à tous les pays d’Europe centrale et orientale le moment venu. Simplement pour entrer dans l’Union européenne qui est un marché commun, une vie économique, sociale et politique partagée en commun, il faut être en état d’entrer. Il faut donc avoir fait un certain choix. C’est un assez long chemin. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Tous ces pays dont nous parlons ont vocation, certes, à entrer dans l’Union européenne. Il est probable que l’année prochaine, on commencera à ouvrir des négociations d’adhésion avec certains d’entre eux, mais c’est le travail des 10 ou 15 prochaines années. Le Conseil de l’Europe réunit tous ces pays dans un même ensemble où l’on travaille à faire progresser les droits de l’homme, l’État de droit, la démocratie, le droit des peuples. Et il ne se confond donc pas ni avec l’Union européenne à 15 ni avec l’OSCE à 54.
Enfin, c’est vrai que la France a proposé pour les pays qui font partie de l’Europe centrale et orientale et qui ont envie d’adhérer à l’Union européenne – ils sont 11 pour l’instant – une Conférence européenne permanente dont la vocation est encore différente. Il s’agit de réunir autour d’une même table ces 11 pays qui ont fait acte de candidature à l’Union européenne. Au cours de cette période où ces pays qui espèrent prochainement adhérer à l’Union européenne – certains, pour se préparer à cette adhésion, font des efforts très courageux et très difficiles –, nous voulons qu’ils soient déjà un peu autour de notre table, d’où l’idée de cette Conférence européenne que nous avons proposée à nos partenaires de l’Union européenne, aux candidats à l’adhésion à l’Union européenne et qui sera certainement mise en place au début de l’année 1998.
France 3 Alsace : Je voudrais revenir à la proximité du citoyen dont vous avez vous-même parlé. Le Conseil de l’Europe est en Alsace. Il y aura le sommet des chefs de l’État qui va sûrement déranger aussi un peu les Strasbourgeois. En quoi le Conseil de l’Europe peut concerner vraiment le citoyen ? Qu’est-ce qui est vraiment concret ?
R. : D’abord, je ne crois pas que le Conseil de l’Europe, ou un sommet, dérange les Strasbourgeois. Je suis convaincu que les Strasbourgeois sont très fiers d’avoir le siège d’institution européenne à Strasbourg. La France s’est toujours battue pour cela. Par exemple, dans les négociations qui ont lieu actuellement à Bruxelles, sur l’avenir de l’Union européenne, je peux vous dire que nous ne signerons pas si nous n’obtenons pas que dans le traité de l’Union européenne figure la confirmation que le siège du Parlement européen est à Strasbourg. Je ne crois pas, en faisant cela, déranger les Strasbourgeois. Je suis persuadé au contraire que je vais à la rencontre de leur vœu le plus cher. Je reviens maintenant au Conseil de l’Europe. Pourquoi intéresse-t-il la vie quotidienne ? Le sort de ces pays d’Europe centrale et orientale, le fait que le droit y règne et non plus la force, le fait que ce soit des pays indépendants et démocratiques, concernent directement les citoyens de ces pays. Je prends d’autres exemples : au sein du Conseil de l’Europe et à l’occasion du Sommet dont nous avons parlé, nous allons travailler ensemble sur des sujets qui intéressent tous nos citoyens : la drogue, la lutte contre le terrorisme, la lutte contre le crime organisé… autant de dangers quotidiens pour notre propre sécurité et celle de nos enfants. Si les 40 États membres du Conseil de l’Europe s’entendent pour lutter ensemble contre le fléau de la drogue, je crois que chacun d’entre nous, chacune de nos familles s’en sentira mieux. Le Conseil de l’Europe n’est pas constitué de diplomates qui se réunissent pour parler, une tasse de thé à la main. Ce sont des gens qui travaillent sur des problèmes concrets, ceux de nos concitoyens.
France 3 Alsace : Quel est votre objectif principal pour votre présidence et celui du sommet qui va suivre ?
R. : L’objectif principal de ce sommet sera d’obtenir que l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement de toute l’Europe, pour la première fois 40 pays, se retrouve sur quelques grands objectifs que j’ai déjà évoqués : la défense des droits de l’homme, la création d’une Cour unique de justice à laquelle les citoyens de l’Europe pourront s’adresser pour défendre leurs droits et la lutte contre ces grands fléaux dont on vient de parler : la drogue, le terrorisme, le crime organisé, le blanchiment de l’argent sale… tout ce qui détruit nos sociétés.
France 3 Alsace : Monsieur le Ministre, ce sommet de Strasbourg viendra en suite logique après celui de la CIG, après celui de l’OTAN, ne peut-on pas en déduire que ce sera en quelque sorte le seul forum de coopération de ceux qui ne seront pas appelés à être membres de l’Union européenne ou de l’OTAN ?
R. : Vous pouvez dire cela. Vous savez, il y a maintenant en Europe tout un réseau de conventions et d’institutions qui permettent de rassembler les pays d’Europe centrale et orientale ou même les pays de l’Union européenne, la plupart du temps la Russie aussi, parfois les États-Unis, et nous permet de travailler ensemble. Ce réseau assez dense peut paraître confus pour ceux qui regardent les choses de loin, ce que je comprends bien. Mais en même temps c’est parce qu’il y a ce réseau dense d’institutions, qui permettent aux Européens de se retrouver autour de la table, que nous sommes en train de remporter une grande victoire sur notre passé, faire que l’Europe ne soit plus un lieu de confrontations, un terrain d’interminables guerres. L’histoire européenne, c’est hélas une longue succession de conflits, d’ambitions qui s’opposent, de guerres, de tentatives de domination des uns sur les autres. Il faut qu’on remplace cela par le dialogue, la coopération, la paix et le développement. C’est cela note route désormais. Je crois qu’elle est assez exaltante.
France 3 Alsace : À propos de la CIG, êtes-vous confiant ? Et attendez-vous beaucoup de changements en Grande-Bretagne ?
R. : Naturellement, je suis confiant. Mais, il faut que vous sachiez bien que la France a clairement exprimé ce que sont ses priorités et qu’elle n’a pas l’intention de « passer sous la table ». Nous avons dit à plusieurs reprises que nous pensions qu’il fallait absolument qu’un certain nombre de réformes institutionnelles soient adoptées en Europe, notamment que le poids de la France dans les votes qui ont lieu au Conseil des ministres soit renforcé, parce qu’au fil des années, au fil des élargissements, il s’est dégradé. Chacun, je crois, a compris que c’était pour la France une priorité à laquelle elle ne renoncerait pas. Nous pensons qu’il faut donner plus d’importance aux parlements nationaux, dont il faut reconnaître le rôle, de même nous pensons qu’il ne faut pas que l’Europe s’occupe de tout. Il faut qu’elle s’occupe des problèmes qui la concernent, par exemple l’emploi. Sur tout cela, nous avons marqué clairement la détermination française. Donc, je suis optimiste. Mais je ne suis pas décidé à renoncer à ce qui est essentiel de notre point de vue, car il s’agit bien dans cette Europe-là, dont nous avons parlé aujourd’hui, de défendre les intérêts de la France, très clairement.
France 3 Alsace : Une dernière question qui peut vous paraître hors sujet. Que pensez-vous de l’évolution interne des Pays-Bas par rapport aux accords de Schengen ?
R. : Vous savez que dans les accords de Schengen, il y a deux idées. L’une qui nous convient et l’autre que nous regardons avec plus de rigueur. La première, qui est une excellente idée, c’est de renforcer les contrôles à l’entrée des pays qui font partie de l’espace Schengen. Nous avons tout intérêt, nous les Français, à ce que les Allemands, les Espagnols, les Hollandais, renforcent les contrôles à l’entrée de leur pays, parce que cela nous aide dans l’efficacité de notre propre politique de contrôle. La deuxième idée, c’est la libre circulation à l’intérieur de l’espace Schengen. Cela, nous voulons bien le faire mais après qu’un certain nombre de résultats aient été acquis dans les contrôles extérieurs. Il y a notamment un sujet sur lequel nous avons une différence sérieuse d’appréciation avec les Hollandais : le trafic de la drogue. Nous n’avons pas la même analyse sur ce sujet que nos amis hollandais. Nous n’en faisons pas un drame diplomatique mais nous restons vigilants. C’est la raison pour laquelle nous avons pris un certain nombre de dispositions et nous avons obtenu à la frontière nord de la France, franco-allemande, franco-belge qu’on ne supprime pas purement et simplement tous les contrôles, mais qu’au contraire on mette des commissariats communs qui nous permettent d’être très vigilants et très attentifs car Schengen, c’est bien si cela permet de mieux lutter contre l’immigration irrégulière.
France 3 Alsace : D’autant plus qu’il a été établi que la drogue qui arrive souvent du Maroc vers les Pays-Bas transite par la France.
R. : C’est vous qui le dites. Ce qui est établi en tout cas, c’est qu’il y a une différence d’appréciation entre les Pays-Bas et nous. Chacun le sait bien, les Pays-Bas admettent les drogues douces comme échappant en quelque sorte à la lutte contre le trafic de la drogue. Et nous, nous pensons que la drogue douce, cela finit toujours mal : on commence par la drogue douce et on finit par la drogue dure.
Conférence de presse - 6 mai 1997
Quelques mots très brefs, d’abord pour remercier Mme Halonen d’avoir accepté que, contrairement à la règle habituelle, je puisse être à ses côtés pour répondre à vos questions concernant l’organisation de ce sommet.
Ce sommet est en effet un événement important. Ce sera le deuxième sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe. Ce sera aussi la première fois que 40 pays se retrouvent ensemble au niveau des chefs d’État et de gouvernement au sein du Conseil de l’Europe. Nous passons de la phase où le Conseil a accueilli un certain nombre de nouveaux pays à celle où il doit passer à la réalisation concrète de la démarche en faveur de l’État de droit, la démocratie et des droits de l’homme pour marquer cette étape nouvelle. Nous allons y consacrer beaucoup d’efforts, tous nos soins, pour qu’il soit un événement important, qu’il fasse date dans l’histoire de notre Conseil, avec un ordre du jour et des propositions concrètes que vous venez de rappeler à l’instant. Nous voudrions que ce soit un sommet qui soit concentré sur un certain nombre de questions pratiques, concrètes, qui ne se disperse pas en un très grand nombre de sujets, et qui en même temps réponde à l’attente de l’ensemble des délégations. En effet, par nature, notre institution est consensuelle.
Nous voudrions qu’il en résulte des résultats pratiques. Vous savez qu’il y a la question de la Cour unique des droits de l’homme, qui est une grande affaire. Il y a la mise en place d’un médiateur aux droits de l’homme, qui est novatrice et proposée par le gouvernement finlandais. Nous voudrions que le Conseil traite la question du clonage humain, c’est-à-dire les dispositions qu’il y a lieu de prendre, sous quelle forme et comment. Nous aimerions que les questions de sécurité, qui intéressent la vie quotidienne de nos concitoyens, soient à notre ordre du jour, qu’il s’agisse de la lutte contre la drogue, contre le crime organisé, contre le terrorisme. Cela doit déboucher sur des engagements et des actions pratiques de la part des États représentés autour de la table. Nous aimerions aussi que les peuples se sentent concernés par cette manifestation qui ne sera pas simplement une manifestation internationale, une rencontre de chefs d’État et de gouvernement comme il y en a quand même beaucoup. Nous aimerions que ce soit un événement dans la vie des peuples européens.
Nous avons ainsi proposé la création d’une assemblée parlementaire européenne des jeunes, mais il peut y avoir d’autre idées.
J’espère que ce sommet sera réussi. En tout cas, la présidence finlandaise a été brillante grâce à l’engagement du gouvernement finlandais, grâce aussi à l’engagement personnel de Mme Halonen. Nous espérons que cette présidence nous permettra de poursuivre dans cette voie.
Q. : Je voulais savoir si l’on était sur la voie d’un accord entre l’OTAN et la Russie, d’une part, et, d’autre part, si l’un des thèmes de ce sommet serait la clarification, demandée par l’Assemblée parlementaire avec beaucoup de force, entre les rôles respectifs du Conseil de l’Europe, de l’OTAN, de l’OSCE et de l’Union européenne. Essaiera-t-on de clarifier ces relations ?
R. : Je vais vous répondre, bien que la première partie de la question soit éloignée de ce qui nous a réuni. J’ai rencontré ce matin Evgueni Primakov. Nous avons parlé très longuement des discussions qui ont lieu en ce moment entre l’OTAN et la Russie dans la perspective d’un accord dont nous espérons qu’il pourra être finalisé prochainement pour aboutir à une signature fixée au 27 mai.
Je crois que, comme il est habituel dans ce type de circonstances, en fin de négociations, quelques dernières difficultés subsistent. Il n’en demeure pas moins que je suis confiant sur l’heureux aboutissement de cette discussion. Elle est très importante. Nous sommes en train de passer d’une situation ancienne qui était celle d’une confrontation en Europe à une logique nouvelle, qui est celle de la coopération, y compris dans le domaine de la sécurité et dans le domaine militaire. Il faut en tirer toutes les conséquences. Cet accord entre l’OTAN et la Russie sera de ce point de vue un événement majeur, un événement historique. Imaginez d’ailleurs le chemin parcouru entre le temps où l’OTAN d’hier était engagée dans cette logique de confrontation, et le temps nouveau où avec la Russie nous organisons des voies et moyens de cette coopération. La discussion se poursuit. Je crois qu’elle touche à sa fin. Il reste quelques difficultés réelles à résoudre et je pense que nous allons y parvenir. Est-ce que le sommet sera l’occasion de ces clarifications dont vous exprimez le souhait ? Si nécessaire, en effet. Ceci dit, je crois que nous devrions être attentifs à faire en sorte que ce sommet ne soit pas un sommet de spécialistes, que ce ne soit pas un sommet dans lequel on ratiocine sur les frontières et les compétences de diverses institutions, mais plutôt un sommet où l’on parle de la réalité quotidienne de nos concitoyens. C’est pour cela que j’ai insisté sur les questions de droits de l’homme, de justice, de sécurité, qui sont des questions centrales. Bien entendu, s’il faut apporter dans les domaines que vous avez indiqués les précisions nécessaires, je pense qu’à un niveau plus modeste, celui des ministres, celui des représentants permanents, nous pourrons peut-être faire ce travail pour en dispenser nos chefs d’État et de gouvernement qui ont, me semble-t-il, mieux à faire pour leur peuple.
Q. : (Sur les différences entre l’OSCE, l’OTAN et l’Union européenne)
R. : L’Union européenne est une institution totalement différente qui engage ceux qui en font partie dans une union politique, économique, sociale. L’OSCE est une institution qui rassemble autour de la même table 54 pays, dont l’ensemble de l’ex-Union soviétique, y compris ceux d’Asie centrale, ainsi que les États-Unis, le Canada. C’est une instance très importante. Elle a contribué et continuera encore à résoudre les conflits et les tensions en Europe. Elle a déjà accompli des travaux remarquables et fait ses preuves, parfois avec difficulté, mais elle a néanmoins démontré son utilité. Le Conseil de l’Europe est autre chose. Je dirais qu’il est, aujourd’hui, le seul lieu où les Européens se retrouvent entre eux pour parler des problèmes, des espoirs, des principes qui nous rassemblent. Je ne vois pas en quoi tout cela pose problème.
Tout cela ne crée pas de double emploi, ne crée pas de problèmes philosophiques. Je crois au contraire que le Conseil de l’Europe est une instance absolument nécessaire aujourd’hui dans la vie de l’Europe. Cette institution est irremplaçable. Qu’il y ait des problèmes de frontière, ce sont des choses qui passionnent les administrations nationales et internationales, mais cela n’est pas un problème de politique majeur. Le vrai sujet c’est que le Conseil de l’Europe est utile. C’est une institution qui doit remplir les missions qui lui sont dévolues, d’où les compliments que j’ai adressés tout à l’heure à la présidence finlandaise qui n’étaient pas des compliments convenus mais sincères, car la présidence finlandaise a assumé cette fonction avec beaucoup de convictions et avec des résultats. De la même façon, la France prend très au sérieux le mandat qui lui a été confié : organiser un sommet des chefs d’État et de gouvernement. Ce sommet prendra des décisions qui, je l’espère, auront des conséquences en Europe, un impact dans la vie de nos pays et qui traceront les perspectives et le programme de travail du Conseil de l’Europe pour la période qui vient. Nous allons donc nous y impliquer très sérieusement.
Q. : Monsieur le Ministre, dans votre discours, la proposition, que vous faites pour le Sommet du Conseil de l’Europe sous présidence française, est l’entrée en vigueur du protocole n° 11 pour la nouvelle Cour des droits de l’homme, dans le cas où tel ou tel pays aurait pu exiger ou solliciter une sorte de concession politique préalable à cette ratification, notamment pour limiter la portée du fonctionnement pratique du mécanisme de la convention des droits de l’homme. Pensez-vous que ce serait acceptable et conforme à l’idée que la France a des droits de l’homme et du rôle de la Cour sur l’ensemble du continent européen, et notamment à l’Est ?
R. : Sur cette question du protocole n° 11, nous souhaitons qu’il puisse être adopté par l’ensemble des États membres. Mais vous savez que nous vivons dans un système de consensus et donc chaque pays fait comme il l’entend. Lorsqu’il a adopté une disposition, celle-ci s’applique à lui, donc les choses sont assez simples. Je n’ai pas bien compris le sens, probablement caché, de votre question. Mais son sens premier en tout cas est simple : nous souhaitons que ce protocole n° 11 soit retenu, puis soit ratifié par un maximum d’États et s’applique par conséquent à l’ensemble de leurs ressortissants.