Texte intégral
Mission permanente de la France auprès de l’office des Nations unies - 19 mars 1996
52e sessions de la Commission des droits de l’Homme
Monsieur le président,
Je souhaiterais tout d’abord vous féliciter pour votre élection à la présidence de la 52e session de la Commission des droits de l’Homme et rappeler que ma délégation s’associe pleinement à l’intervention prononcée par l’Italie au nom de l’Union européenne.
Je voudrais toutefois revenir sur quelques points.
Praticien de l’urgence, j’ai été dans mon action quotidienne confronté à l’importance cruciale des violations des droits de l’Homme dans les crises humanitaires, dont elles sont tout à tout, causes et conséquences.
J’ai pu apprécier combien, en revanche, la protection et la promotion des droits de l’Homme sont essentielles au dépassement de ces situations de crise. C’est pourquoi je ne peux m’empêcher d’évoquer aujourd’hui quelques-uns des événements qui ont particulièrement marqué l’année écoulée.
L’année 1995 s’est achevée par un signe d’espoir, avec la signature de l’accord de paix sur la Bosnie-Herzégovine, le 14 décembre, à Paris. Cet accord a mis un terme aux combats. Nous espérons tout qu’il permettra de préserver l’unité de la Bosnie-Herzégovine et de réconcilier les différentes communautés qui la composent.
Il n’y a pas de règlement durable qui ne soit fondé sur la justice. C’est la raison de l’importance qui s’attache à la collaboration de tous les États avec le tribunal pénal international constitué à l’initiative de la France, par la résolution 808 du conseil de sécurité. L’après-guerre en ex-Yougoslavie appellera également un investissement énorme dans le domaine humanitaire, en raison du nombre de réfugiés et de personnes déplacées (2,7 millions de personnes au total). La poursuite de l’action entreprise à ce jour par le HCR, le retour des réfugiés et personnes déplacées figurent parmi les priorités des aspects civils du plan de paix. La France continuera d’apporter son soutien à l’action du HCR et du CICR en Bosnie-Herzégovine.
Cet effort est indissociable de la reconstruction de l’état de droit et de la démocratie, comme de la promotion des droits de l’Homme.
À la mise en place du Tribunal pénal internationale pour la Yougoslavie a succédé la création du Tribunal international pour le Rwanda.
Il est urgent que les auteurs présumés d’actes de génocides et de violations du droit international humanitaire soient jugés, et nous nous félicitons du progrès des enquêtes menées par le Tribunal international pour le Rwanda, qui ont débouché sur les premières mises en accusation.
La situation des droits de l’Homme demeure toutefois préoccupante dans ce pays, comme le souligne les rapports de la mission d’observation établie par M. Ayala-Lasso, ainsi que ceux du rapporteur spécial des milliers d’hommes et de femmes demeurent en prison en attendant que la justice se mette en place.
Je forme le vœu que les autorités rwandaises prennent les mesures de confiance propres à assurer le retour des réfugiés.
Monsieur le président,
La situation des droits de l’Homme au Burundi a été décrite comme très préoccupante par le rapporteur spécial, M. Pinheiro. La résolution 1049 adoptée par le conseil de sécurité constitue un encouragement aux forces politiques modérées burundaises qui s’efforcent de favoriser la réconciliation nationale dans ce pays.
Ce devrait être l’objet du débat spécifique envisagé pour le Burundi le 27 mars dans cette enceinte.
Monsieur le président,
L’année écoulée a également été celle de la préparation et de la tenue de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, qui s’est déroulée du 4 au 15 septembre dernier, à Pékin.
La conférence de Vienne sur les droits de l’Homme, en 1993, avait affirmé que les droits fondamentaux de la femme font partie intégrante des droits de la personne humaine. Elle affirmait également que ces droits sont une préoccupation légitime de la communauté internationale. La conférence de Pékin a été une nouvelle étape, importante, dans la reconnaissance des droits fondamentaux des femmes.
Le programme d’action adopté à Pékin engage la communauté internationale à mettre en œuvre un certain nombre de mesures très concrètes, en faveur de la pleine participation économique, sociale, et politique des femmes à la vie de leur société. Ce programme d’action comporte des avancées significatives, parmi lesquelles, le droit des femmes à décider librement dans toutes les questions les concernant, et l’affirmation de l’égalité des droits entre hommes et femmes dans tous les domaines, y compris le droit égal à hériter.
Nous devons à présent nous employer à faire progresser la mise en œuvre, dans un cadre national comme au sein des Nations unies, des engagements pris à Pékin. C’est la question dont la commission de la condition de la femme, actuellement réunie à New York, explore les modalités.
Monsieur le président,
L’année passée a vu la tenue de deux groupes de travail de la commission des droits de l’Homme consacrés au renforcement de la protection des droits de l’enfant. Cette question constitue, à juste titre, l’un des sujets de préoccupation majeurs de la commission des droits de l’Homme.
Le développement de pratiques dégradantes telles que l’utilisation des enfants en tant que combattants dans des conflits armés, ou leur exploitation sexuelle, appellent un renforcement des dispositions pour combattre ces phénomènes.
C’est ainsi que nous soutenons le projet de protocole facultatif sur la situation des enfants impliqués dans les conflits armés, qui prévoit notamment de faire passer l’âge légal minimum de « recrutement obligatoire » dans les forces armées de 15 à 18 ans.
L’exploitation sexuelle et le trafic des enfants ont pris ces dernières années, une dimension nouvelle et inquiétante, en raison notamment d’une internationalisation croissante.
La convention relative aux droits de l’enfant demeure sur ce point trop générale, et il est donc essentiel de renforcer et de préciser certaines de ses dispositions et de mettre en place un cadre efficace de coopération internationale.
C’est l’objet du projet de protocole actuellement à l’étude, et que soutient la France, concernant la lutte contre la vente d’enfants, la prostitution enfantine et la pornographie impliquant les enfants.
Monsieur le président,
Je souhaiterais maintenant vous livrer quelques réflexions sur les priorités qui pourraient soutenir notre action.
Les droits civils et politiques, d’une part, et les droits économiques sociaux et culturels, d’autre part, sont indissociables et interdépendants. Nous l’avons réaffirmé à Vienne il y a trois ans. Pourtant, la commission n’en a peut-être pas encore tiré toutes les conséquences. Cette session pourrait, sans pour autant oublier les droits civils et politiques, prêter une attention toute particulière aux droits de nature économique, sociale et culturelle.
Le thème de l’éradication de l’extrême pauvreté, soulevé en 1987 par le Père Wresinski, fondateur de l’Organisation ATD Quart Monde, est toujours d’une actualité pressante. L’extrême pauvreté et l’exclusion sociale, sur tous les continents constituent en effet une violation élémentaire de la dignité humaine et sont en contradiction avec le devoir des États de garantir la pleine jouissance des droits de l’Homme.
Ce thème retrouve une actualité particulière en 1996, année internationale de la lutte contre la pauvreté, et dans le contexte de la mise en œuvre des recommandations du sommet social de Copenhague. Nous nous sommes engagés à Copenhague, à définir des stratégies nationales en vue de réduire considérablement la pauvreté ; mon pays a créé à cet effet un comité de suivi et prépare une loi de lutte contre l’exclusion.
Plus largement, la France entend continuer à participer pleinement à l’effort mondial de lutte contre la pauvreté avec l’ensemble de la communauté internationale.
Monsieur le président,
Parmi la palette d’outils à notre disposition pour tenter de faire progresser la cause des droits de l’Homme, figurent notamment l’éducation et la formation dans le domaine des droits de l’Homme, dans le cadre de l’ONU, sur la base des travaux de l’Unesco.
À la suite de la Conférence mondiale sur les droits de l’Homme, l’assemblée générale des Nations unies a proclamé la période de dix ans commençant le 1er janvier 1995 « décennie des Nations unies pour l’éducation dans le domaine des droits de l’Homme ».
Comme bien d’autres États, la France a entrepris de créer un Comité national chargé de l’élaboration d’un plan d’action pour la mise en œuvre de cette décennie. Il serait intéressant que nous saisissions l’occasion de cette commission pour confronter nos expériences.
Monsieur le président,
Le développement par la commission des droits de l’Homme des procédures dites « spéciales », composées de rapporteurs et de groupes de travail sur des questions thématiques, et sur des situations nationales données, a abouti à l’édification d’un ensemble imposant. À la lecture des nombreux rapports produits par ces mécanismes, l’on peut mesurer l’expérience accumulée par les Nations unies dans le domaine des droits de l’Homme. Nous disposons ainsi d’une ressource extraordinaire constituée par ce corpus d’observations et de recommandations produites par ces rapporteurs et experts.
Ces observations et ces recommandations n’ont de poids que si elles sont entendues – et, c’est là le rôle de relais de l’opinion et des médias. Elles n’ont d’efficacité que si elles sont mises en œuvre par les États, de sorte que la vie des hommes et des femmes concernés s’en trouve modifiée. C’est pourquoi, il importe aujourd’hui de rechercher ensemble les moyens d’une meilleure mise en œuvre par nos États, des recommandations des rapporteurs spéciaux, tant thématiques que par pays.
Monsieur le président,
L’action internationale en faveur des droits de l’Homme concerne directement la France, soumise aux mêmes exercices et aux mêmes procédures que l’ensemble des pays du monde. Cela fait partie des règles du jeu.
Ainsi, en 1995, la France a reçu la visite du rapporteur spécial de la commission des droits de l’Homme sur le racisme, M. Maurice Ahanhanzo Glélé, qui s’est rendu en France du 29 septembre au 9 octobre 1995.
Le rapporteur spécial a indiqué à l’issue de sa visite, avoir constaté en France un problème de xénophobie, et, dans les grandes villes et les banlieues, un réflexe de « communautarisation », de repli sur soi. Le rapporteur a noté également que, du côté du Gouvernement et des ONG, des mesures avaient été prises pour lutter contre le racisme. Il a relevé que la France était l’un des pays du monde ayant le plus légiféré contre le racisme. Le rapporteur spécial a proposé à l’issue de sa visite, plusieurs pistes parmi lesquelles, des actions de formation et de sensibilisation aux droits de l’Homme et à la tolérance. Nous avons pris bonne note de ces recommandations.
Monsieur le président, je voudrais dire ici un mot de notre foi dans les institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’Homme, qui se constituent, progressivement, sous la forme de commissions des droits de l’Homme ou de médiateurs, dans la plupart des pays du monde. Ces institutions sont le reflet de l’exigence et de la détermination des hommes et des femmes qui les composent. Elles constituent pour les gouvernements un interlocuteur et pour les individus et les associations, un recours.
Les institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’Homme ont essaimé à travers le monde, sous des formes extrêmement diverses, ce qui a nécessité la définition par les Nations unies, de critères de légitimité et d’indépendance, intitulés « principes directeurs concernant le statut et le rôle des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’Homme » ou principes de Paris.
Je me félicite de la nomination d’un responsable chargé de la question au centre pour les droits de l’Homme, et je souhaite que ces institutions puissent, chaque jour un peu plus, parvenir à faire entendre leur voix au sein des États et dans la communauté internationale.
Monsieur le président,
Parmi les instruments de la protection et de la promotion des droits de l’Homme, il en est un surtout qui doit recueillir le ferme et clair soutien de notre commission. Il s’agit des défenseurs des droits de l’Homme, des personnes qui consacrent leur énergie, et parfois leur liberté ou leur vie, à la défense des idéaux communs qui nous rassemblent. Je souhaite leur rendre un hommage tout particulier, comme aux associations qui militent pour leur défense et empêchent que leurs noms tombent dans l’oubli. Il n’est pas acceptable que le groupe de travail qui prépare depuis dix ans une déclaration consacrée à la protection des défenseurs des droits de l’Homme piétine ainsi. Nous devons collectivement nous engager, en tant qu’États, en faveur des défenseurs des idéaux des droits de l’Homme et de la démocratie.
Monsieur le président, il y a bientôt 50 ans, l’assemblée générale des Nations unies adoptait la déclaration universelle des droits de l’Homme, proclamée comme « l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société s’efforcent, par l’enseignement et l’éducation, de développer le respect de ces droits et de ces libertés » et d’en assurer progressivement la reconnaissance et l’application universelles et effectives. Cet idéal commun, universel, s’il est loin d’être atteint, est toujours celui qui nous rassemble ici, et, peu à peu, par l’engagement des personnes et le dialogue des États, nous tentons de nous en approcher.
Je vous remercie, Monsieur le président.
Commission nationale consultative des droits de l’Homme - 12 septembre 1996
Ouverture de la séance plénière
Monsieur le Président,
Madame la vice-présidente,
Monsieur le vice-président,
Mesdames et Messieurs,
Le 13 juillet 1995, je vous présentais les grandes lignes de mon action, partageant avec vous quelques réflexions sur le rôle du secrétariat d’État chargé de l’action humanitaire d’urgence dans la politique extérieure de la France d’un part, dans la politique sociale de notre pays de l’autre. Vous-mêmes, membres de cette commission, avez effectué un travail considérable sur les sujets qui nous préoccupent. Je crois le moment venu de dresser un bilan de cette année écoulée et d’envisager sous quels auspices peut s’engager une coopération renouvelée sur ces thèmes.
J’avais, l’an dernier, fait état auprès de vous de ma volonté de contribuer à l’élaboration de la grande pauvreté et des situations de détresse sociale dans notre pays. Notre premier objet sera donc de faire le point sur la loi de lutte contre l’exclusion.
Monsieur le président, par plusieurs avis, votre commission a récemment exprimé ses préoccupations sur la situation des étrangers en France. Je vous ferai donc part de mon point de vue sur les personnes dites « sans papier ».
Enfin, je serai heureux de proposer aux futurs membres de la nouvelle sous-commission chargée de l’action humanitaire et du droit international humanitaire, de continuer à contribuer à la lutte contre deux fléaux dont la disparition me tient particulièrement à cœur, les mines antipersonnel, et les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants.
Permettez-moi de me pencher sur notre premier sujet, l’exclusion. Dans ma vie professionnelle, j’ai tenu à servir les démunis : engagement auprès des plus pauvres en France, indissociable de la solidarité à l’égard des victimes des crises dans le monde. C’est ainsi que je me suis donné comme mission, en tant que secrétaire d’État chargé de l’action humanitaire d’urgence, de traiter des questions relatives à l’exclusion en France. Le projet de loi sur lequel je travaille depuis un an et dont vous attendez tous des nouvelles, sera soumis au Conseil économique et social à la fin du mois de septembre, et discuté au Parlement pendant la session qui débute en octobre.
Avant d’aborder la question de la crise dite de « Saint-Bernard », je note la présence à cette session plénière, du représentant de Monsieur le ministre de l’Intérieur, Monsieur Faugère, directeur des libertés publiques, qui vous rendra compte de la gestion de cette affaire par le Gouvernement.
Pour ma part, j’observe qu’alors que les pays industrialisés ont mis fin à leurs programmes d’immigration dans les années soixante-dix, les arsenaux juridiques applicables en la matière se sont compliqués et parallèlement, les situations humaines se sont détériorées. L’on doit aujourd’hui éviter que les procédures d’asile soient dévoyées à des fins d’immigration illégale, mais aussi qu’elles constituent un instrument de contrôle de cette même immigration. Il convient donc que des mesures idoines soient adoptées, et nous nous y attachons. J’ai d’ailleurs pris connaissance avec intérêt, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, du projet d’avis que vous avez adopté, au cours du moins de juillet 1996, portant sur l’admission au séjour, d’étrangers dits « sans papier ».
Éviter que dans des situations de crise, ne s’épanouissent les pensées vénéneuses de rejet et de haine envers l’étranger constitue un de mes combats. Je tiens donc, et c’est ma voix au sein de ce gouvernement, à ce que soit comprise la douleur de ceux qui ont quitté leur terre, qui se sont exilés, en perte de repères. Pour cela, la France doit à la fois combattre l’immigration irrégulière et s’engager dans la lutte contre la misère, en participant au processus de développement des pays d’origine pour éviter que de trop nombreuses populations soient contraintes à choisir de migrer.
Telles sont les lignes de travail que le Gouvernement a suivies pour la gestion de la crise de « Saint-Bernard ». Nous sommes actuellement en consultation interministérielle. L’application de la loi dans sa lettre et son esprit est une priorité. Le principe de l’unité de la famille doit prévaloir et le droit à la santé doit toujours être respecté.
Je désire maintenant, Monsieur le Président, m’exprimer au sujet de la sous-commission chargée de l’action humanitaire et du droit international humanitaire dont, à la demande d’un certain nombre d’experts, la commission va très prochainement s’enrichir. La rédaction du décret de création de la sous-commission a été achevée. Ce dernier devrait bientôt être publié.
Votre commission a toujours traité de questions humanitaires et votre travail de l’an passé en témoigne amplement. La nouvelle sous-commission devrait cependant nous permettre d’accroître notre coopération dans le domaine de l’humanitaire international. Elle constituera un pôle idéal de réflexion et de concertation entre les organisations gouvernementales, non gouvernementales, et interétatiques. Elle réunira un forum de sages dont la réflexion permettra d’améliorer l’efficacité des actions engagées sur le terrain.
Par ailleurs, la sous-commission pourrait très prochainement s’atteler à proposer des actions tangibles de promotion par la France, du droit international humanitaire. Il pourrait s’agit de pédagogie auprès de tous les acteurs concernés : ONG françaises opérant sur le terrain, troupes françaises participant à des opérations d’établissement et maintien de la paix, attachés humanitaires auprès de nos ambassades. La tâche n’est pas aisée, c’est un travail de longue haleine que vous entreprendrez là.
Sur le plan opérationnel, j’attacherai du prix à ce que les travaux de la sous-commission permettent à notre pays d’avancer sur deux grands chantiers : celui des mines antipersonnel et celui des abus sexuels et de l’exploitation sexuelle des enfants.
S’agissant des mines antipersonnel, en accord avec l’avis adopté par l’assemblée plénière de la commission du 4 juillet 1996, je souhaite réitérer ma position selon laquelle, face à ce désastre universel, seule une montée en puissance des opinions publiques internationales et de l’engagement des pouvoirs publics peut permettre d’envisager l’interdiction de l’utilisation des mines comme objectif réalisable. À la veille de la Conférence d’Ottawa, et pour répondre aux inquiétudes que vous avez exprimées par le truchement de votre avis, je peux vous assurer que le Protocole II à la convention de 1980 relative à certaines armes classiques devrait être soumis au Parlement en vue de sa ratification dans les meilleurs délais.
À l’occasion de cette ratification, je souhaiterais personnellement qu’un débat de fond soit ouvert, et que rapport soit fait au Parlement de la doctrine française relative au concept d’utilisation des mines antipersonnel, de l’état de la recherche en matière d’armes de substitution, ainsi que de la politique de destruction des stocks. À ce sujet, je ne peux que saluer les efforts des médecins, des membres d’ONG opérant sur le terrain, qui du fait de leur expérience ont une claire conscience des dégâts infligés par ces armes aux populations civiles, mènent une course de fond pour parvenir au but de l’interdiction totale. Les enjeux sont nombreux et variés, et nous ne devons pas cesser de combattre dans cette direction.
Dans les enceintes internationales, les débats ne sont pas simples non plus, je ne vous apprends rien. Nous serions favorables, au niveau européen, à ce que l’on entérine sans réserve le principe de l’interdiction de la production et de l’exportation à la fois de mines et de pièces détachées servant à leur fabrication. La France soutient activement l’adoption prochaine d’une position d’action commune sur le sujet. Dans le cadre du système des Nations unies, je plaide, de concert avec certains participants à la prochaine Conférence d’Ottawa, en faveur d’une saisine de l’assemblée générale de sorte que les prochaines discussions sur ce sujet puissent avoir lieu à la conférence sur le désarmement dont la prochaine session s’ouvrira en janvier 1997, à Genève.
Monsieur le Président, permettez-moi, pour terminer, d’aborder un deuxième thème qui appelle un engagement actif de la sous-commission, tant sur le plan national qu’international : l’exploitation sexuelle des enfants.
Je me réjouis de ce que le Gouvernement français se soit engagé à donner des suites concrètes au Congrès de Stockholm. Le Premier ministre s’est saisi lui-même de la question et m’a confié la tâche de piloter l’ensemble du programme dont il a fait annonce le 4 septembre 1996 à l’issue de sa réunion avec une délégation d’associations de protection de l’enfance.
Ce programme devrait s’articuler autour de quatre axes : législation, prévention, action internationale et coordination.
Sur le plan juridique, nous nous orientons vers un renforcement des mesures de prévention et de répression de l’exploitation sexuelle des enfants, tout particulièrement en matière de détention de matériel pornographique impliquant des mineurs, de diffusion d’images de mineurs et messages à caractère pornographique (notamment sur internet).
En matière de prévention, je souhaite entamer un processus de concertation avec les présidents des conseils généraux, mais aussi lancer une campagne d’information et de prévention qui s’inscrive dans la durée.
Sur le plan international, le tourisme sexuel, la détresse des enfants réfugiés, la protection des enfants dans les conflits armés, le travail des enfants, seront traités en coopération avec les organisations internationales compétentes (HCR, Unicef, BIT, Interpol) ainsi qu’avec nos postes diplomatiques et nos attachés humanitaires.
Par exemple, avec Interpol, je désire inciter certains pays à se doter d’une législation interne de répression et de prévention contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants. Par ailleurs, je compte sur la collaboration de nos attachés humanitaires pour la mise en œuvre des directives récemment publiées par le HCR, sur le traitement des victimes de violences sexuelle et la prévention de l’utilisation de la violence sexuelle comme moyen de persécution. Enfin, j’ai aussi comme projet d’insister sur la nécessité de faire connaître, et d’en encourager l’utilisation à l’étranger, de la loi de 1994 permettant la poursuite devant les juridictions françaises, de ressortissants français se rendant coupable à l’étranger, d’une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de 15 ans. Nos postes diplomatiques ont un rôle essentiel dans la diffusion d’informations auprès des français à l’étranger, pour mettre ces derniers au courant des sanctions qu’ils encourent pour certains, et de leur pouvoir de dénonciation, pour d’autres.
Des travaux ont aussi lieu dans ce domaine sous les auspices de l’Union européenne. Nous nous employons à convaincre l’ensemble des États de se rallier à nos positions sur ces questions. Nous devons par ailleurs suivre activement la mise en œuvre de la Convention de 1989 relative aux Droits de l’enfant, à la fois par une représentation au sein du Comité pour les droits de l’enfant et par la négociation d’un protocole à cette convention visant à harmoniser entre tous les États parties, les critères et procédures de poursuite et de condamnation des coupables d’exploitation et d’abus sexuels des enfants.
Enfin, s’agissant de coordination, je m’engage avec le Gouvernement à consolider et dynamiser les structures telles que le groupe permanent interministériel pour l’enfance maltraitée dont la composition devrait être élargie, dans un souci d’efficacité. Ce groupe devrait aussi être doté de moyens permanents et constituer un forum de concertation avec les associations qui ont joué un rôle moteur dans la dénonciation d’abus et d’exploitation sexuels des enfants.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, vous avez fourni un travail considérable et entamé une réflexion très poussée sur les questions que nous avons abordées ensemble aujourd’hui. Je vous adresse tous mes vœux pour la poursuite de vos travaux, en comptant sur votre coopération sur tous les défis qui nous sont lancés dans le domaine de l’humanitaire en général et sur ces questions en particulier.
Je vous remercie.
Colloque de la LICRA, Sénat - 12 octobre 1996
De l’Arménie au Rwanda… un siècle de génocides, mémoire et prévention
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Ouvrir aujourd’hui ce colloque revêt pour moi une importance particulière. Je vous remercie, Monsieur le président, de me donner l’occasion de partager avec vous un certain nombre de réflexions concernant le rôle de l’action humanitaire dans les tragédies génocidaires qui ont traversé ce siècle.
Vous le savez, tout au long de mon engagement professionnel, j’ai été confronté aux phénomènes d’exclusion, qu’ils soient de nature raciale, sociale ou religieuse. J’ai fait de mon métier de médecin et de ma participation à l’action humanitaire une croisade contre ces fléaux.
Aujourd’hui, je désire insister sur le fait qu’une réflexion sur les génocides ne peut se faire sans avoir à l’esprit que l’action humanitaire est née alors que se déchiraient des peuples et qu’elle a pris son essor dans les années cinquante avec la mise en place du système des Nations unies et l’intensification des luttes résultant des guerres de décolonisation.
Entre temps, nous avons assisté à une, ô combien douloureuse, évolution des schémas des conflits. De luttes internationales, l’on a évolué avec un cynisme systématique à des conflits internes ayant comme schéma le nettoyage ethnique, la persécution raciale, et le génocide. L’action humanitaire internationale est plus que jamais indispensable pour tenter d’apporter une réponse aux maux qui s’ensuivent dans de telles circonstances.
Dans un deuxième temps de mon exposé d’ouverture, je désire, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, partager avec vous mes préoccupations sur ce que la communauté internationale et nous-mêmes, pensons des politiques de prévention, encore le parent pauvre de l’action humanitaire. Il est donc de notre devoir à nous tous ici présents, d’alerter continuellement et constamment nos proches, nos voisins, nos amis, notre famille, sur le sort réservé à l’humanité en cas de débordements pernicieux et de malveillance lancinante.
S’agissant de mon premier thème, ma présence parmi vous aujourd’hui témoigne de ce que les pouvoirs publics travaillent de concert avec le secteur associatif dans la reconnaissance et la condamnation des crimes passés, le génocide juif, celui des Arméniens ou d’autres encore. Ensemble nous tâchons de promouvoir les engagements particuliers d’organisations comme la LICRA, et je rends hommage à votre courage et à votre opiniâtreté dans ce combat.
Le vingtième siècle a été marqué par une série de génocides : le mot a été inventé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour caractériser, à Nuremberg, l’horreur du crime que les nazis ont perpétré contre les juifs d’Europe ; l’on a alors décidé de passer outre le principe de non-rétroactivité des lois et d’inscrire, avec les crimes contre l’humanité, l’accusation de génocide dans l’arsenal juridique international. C’est Elie Wiesel qui déclarait « l’oubli serait une injustice absolue au même titre que Auschwitz fut le crime absolu. L’oubli serait le triomphe définitif de l’ennemi ».
La chose a-t-elle fait son apparition avec la barbarie hitlérienne ? Nous reconnaissons la souffrance des Arméniens, celle des Tziganes, et je désire même rappeler que les origines du principe de l’asile remontent à 3 500 ans lorsque des traités étaient conclus dans les régions appelées aujourd’hui le Proche-Orient, de manière à ce que les victimes de persécution raciale et religieuse puissent trouver protection.
C’est dans les années cinquante qu’est né le système international actuel de protection des individus contre des massacres collectifs, de manière à tenter de trouver une solution de survie particulière à chacun. Ce système était instauré de manière provisoire et ad hoc. Tribunal de Nuremberg, organisations humanitaires.
S’agissant du tribunal de Nuremberg, et en guise de mémoire, je désire simplement dire aujourd’hui, que si tant de criminels purent vivre paisiblement sans être inquiétés après la guerre, c’est parce que les parties au tribunal manifestèrent trop de répugnance à les poursuivre énergétiquement, malgré les engagements pris. Ainsi, sur plus de cinq mille personnes accusées de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, les tribunaux de Nuremberg n’en jugèrent que 209. En outre, la quasi-totalité des personnes condamnées par ces tribunaux militaires furent relâchées entre 1951 et 1958, la majorité d’entre elles sans avoir purgé leur peine jusqu’au bout.
Parallèlement à cette action juridique, s’est développé un système opérationnel. L’assemblée générale des Nations unies a permis la naissance d’un bon nombre d’organismes subsidiaires dont la vie devait initialement être très courte.
Malheureusement, les tragédies se sont multipliées, intensifiées, et ces organisations existent toujours aujourd’hui. D’un effectif initial de quelques personnes, elles tournent aujourd’hui avec un personnel d’environ cinq mille membres chacune. Elles ont déployé un effort considérable à l’époque de la Guerre froide encore, pour tenter d’apaiser les Cambodgiens, elles ont tout mis en œuvre plus tard, pour apporter assistance aux Rwandais, pour ne citer que ces exemples. Parallèlement, ces organisations ont pour mandat de travailler avec des organisations non gouvernementales. C’est ainsi que nous comptons avec fierté un nombre considérable d’ONG de qualité qui sont aujourd’hui le partenaire, non seulement de la France, mais aussi de l’Office humanitaire de la Commission européenne (ECHO), du HCR, de l’Unicef et d’autres organismes.
Plus le phénomène se déroule à nos portes, plus il nous met devant l’horreur de notre impuissance et devant la nécessité d’agir. Dans ces génocides, où les bourreaux n’épargnent ni les femmes ni les enfants, la cruauté humaine est étalon. L’objectif terrifiant de ces conflits désormais internes est de supprimer un peuple dans son entier. La violence sexuelle, les abus d’enfants, les viols des femmes et des jeunes filles sont des instruments de guerre. Ces forces du mal ont été à l’œuvre en Bosnie, en Arménie, en Azerbaïdjan. Dans ces campagnes systématiques de terreur et d’intimidation, les membres de certains groupes ethniques, culturels et religieux ont dû fuir leur foyer. Le viol y a été, non seulement un crime commis sur les personnes des victimes, il a aussi visé des groupes tout entiers.
Nous avons alors tenu à l’établissement des tribunaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda. Si dans le cas de la Yougoslavie, doivent être jugées les personnes présumées responsables de violations graves du droit humanitaire international, incrimination comprenant un panachage s’apparentant aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité, en ce qui concerne le Rwanda, l’accent a été mis sur les crimes contre l’humanité et contre le génocide.
Les articles 2 et 3 de la convention du 9 décembre 1948 pour la répression du crime de génocide devraient donc pouvoir trouver application si des moyens étaient donnés au tribunal d’Arusha pour poursuivre sa tâche. Si je considère personnellement l’instauration de ces tribunaux comme une avancée sans précédent dans la lutte contre cette odieuse criminalité qui sévit aux moindres recoins de notre planète, je fais appel, pour la disparition des fléaux qui y sont attachés, à la conscience de tous. Nous devons aussi trouver des méthodes de prévention de ces phénomènes.
Je m’attarderai plus longtemps, sur ce deuxième thème qu’est la prévention, en raison des multiples facettes qui le caractérisent.
Au plan humanitaire international, nous faisons la promotion, pour éviter que des tragédies ne se produisent, de la prévention par le développement. Nous essayons d’éviter que de nouveaux massacres se produisent, et une stratégie se met petit à petit en place. Cela n’est pas facile, car la communauté internationale n’est pas encore prête. Ni même les communautés nationales, ce sera mon deuxième point dans cette partie.
Du point de vue international, l’on propose l’idée de prévention par le développement, en essayant de prendre la mesure exacte de la relation qui existe entre sous-développement et génocides. Ainsi, prévention est devenue synonyme d’activités telles que la surveillance du respect des droits de l’Homme, le maintien de la paix et la résolution des différends.
Si leur importance ne saurait être minimisée, nous devons reconnaître qu’elles n’ont qu’une incidence marginale sur les causes profondes d’un génocide. Il est donc impératif de ne pas négliger le facteur développement et de désormais toujours avoir en tête, lorsque l’on monte des opérations d’assistance humanitaire, que l’on n’est là que pour un temps limité, et qu’il faut préparer le long terme pour ceux à qui l’on prête main forte. Prévention et développement, donc mais aussi prévention et aide.
Prévention et aide, et je m’oriente vers l’aspect national de ma réflexion. Je milite en faveur de la mobilisation de tous. En ce sens, force est de constater l’impuissance des penseurs à rendre exactement compte des mécanismes de l’extermination. Il est donc nécessaire de multiplier les analyses et les réflexions, sans se limiter à une approche unique et réductrice, et ce travail d’analyse et de compréhension joue son rôle dans la réflexion sur la prévention. Les causes chaque fois sont multiples, mais les constances en terme de planification étatique des massacres sont indéniables : le repérage des deux étapes, sélection et élimination, peut aider à éviter le déclenchement des meurtres de demain. Peut-être l’homme ne pourra-t-il jamais pleinement rendre compte de la destruction systématique qu’il organise contre sa propre espèce. Ces meurtres collectifs planifiés par des États défigurent à jamais le visage de la personne humaine. Contre la puissance des administrations et des planifications, les groupes ethniques ou nations visés n’ont pour se défendre que les droits de l’Homme : faible armure, qu’il ne tient qu’à nous de transformer en un arsenal contre la barbarie.
C’est pourquoi, le devoir de nos démocraties est de veiller au respect de la citoyenneté de chacun : dès lors que des lois ou des décrets commencent à singulariser des individus au sein d’un État, à les priver de tel ou tel droit, c’est à cet instant qu’ils commencent à être collectivement en danger. Avec la citoyenneté les droits naturels constituent une sorte de garantie contre l’oppression.
Les États modernes ont cette particularité que, pour régler les crises, ou réguler le corps social, ou pour imposer leur idéologie totalitaire, ils prennent des innocents comme boucs émissaires de tous les maux de la société, et ils le font progressivement, se fondant sur des principes qu’ils ont bien souvent eux-mêmes inculqués à leurs administrés ; même s’ils chargent telle ethnie de tous les crimes, ces accusations ne peuvent être que fantasmatiques. Elles grossissent sur des préjugés culturels ancrés, et flattent les instincts les plus bas de l’homme. Ceux qui les profèrent sont des maîtres en rhétorique, des maîtres en propagande.
Les psychologues ont aussi étudié les comportements propres au groupe et démontré à quel point des conditionnements adéquats peuvent pousser un individu présumé normal à des actes inhumains. Contre les déviances et la violence du collectif, contre la puissance de la propagande et de l’idéologie, mettons l’action sur la nécessité de l’information et d’un travail pédagogique scrupuleux : veillons à ce que la devise des combattants du nazisme, « Plus jamais ça », soit inscrite pour toujours dans les esprits de nos contemporains, que des vagues d’irrationnel peuvent submerger à tout moment.
Les associations, bien avant les États, se sont mises à lutter par tous les moyens contre l’oubli de la barbarie qui détruit l’humanité en fait et en droit. Signe d’une nouvelle forme de prise de conscience, les personnes, formées en association qui n’ont de cesse de dénoncer les atrocités, rappellent sans trêve qu’il ne faut pas oublier : les historiens accumulent les preuves matérielles et les témoignages humains, ils dépouillent les archives, et nous savons à quel point leurs travaux sont nécessaires, contre ceux qui bafouent la mémoire de tant de morts et se font les avocats d’idéologie de destruction.
La France a inscrit dans ses lois la condamnation des crimes de négationnisme, mais la vigilance s’impose à tout moment. Le travail de mémoire nous permet encore de retrouver, s’il est possible, une certaine intégrité morale, après le vacillement du vertige qui nous saisit au vu de l’horreur : après la stupeur, le mémorial.
Les journalistes aussi se sont réunis pour poser des cadres déontologiques de la profession, et il faut rendre hommage à leur courage : avec les associations, ils sont les premiers à témoigner de l’atrocité de situations particulières et à inspirer aux personnes des prises de conscience parfois salutaires. Nous ne soulignerons jamais assez que l’entreprise pédagogique doit déboucher sur des prises de conscience actives, sur des décisions en matière de prévention, de répression et d’intervention : il ne suffit pas de dire, car la simple révélation de faits, surtout s’ils s’accumulent, peut tout aussi bien conduire à l’indifférence. Dans un régime totalitaire, combien de spectateurs des crimes qui se retranchent derrière leur impuissance, derrière des protestations de sympathie : les médias ne doivent pas créer une population de spectateurs, car ce serait servir les objectifs des exterminateurs. Ils ne doivent pas flatter les instincts les moins recommandables et propager le principe du bouc émissaire, mais inciter à des prises de position efficaces.
Je salue donc le travail minutieux auquel s’emploient les associations, en concertation étroite avec les historiens, pour définir exactement ce que l’on entend par génocide. Mais ce travail ne saurait suffire : ce n’est pas seulement une question de technique, mais de responsabilité humaine. S’il est une définition souillée et perpétuellement à refaire, c’est celle de la personne, au plan philosophique, dans une perspective spirituelle. Le vingtième siècle est un triste siècle, celui où le génocide fait peut-être son apparition dans l’histoire de l’humanité : c’est aussi le siècle où l’on nomme cette réalité, et il faut nous saisir de cette chance pour organiser la prévention, par une connaissance toujours meilleure des différentes cultures et des situations politiques variées.