Dossier de la Convention nationale d'investitures du PS réunie à Paris le 8 février 1997, comprenant un éditorial de Daniel Vaillant, les textes des accords PS - Les Verts et PS - PRS, le rapport d'activité de Daniel Vaillant, secrétaire national, et le discours d'ouverture de Lionel Jospin, Premier secrétaire, publié dans "L'Hebdo des socialistes" les 31 janvier, 7 et 14 février.

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Circonstance : Convention nationale d'investitures des candidats du PS aux prochaines élections législatives et régionales réunie à la Mutualité de Paris le 8 février 1997

Média : L'Hebdo des socialistes

Texte intégral

Date : Dimanche 31 janvier 1997 - Daniel Vaillant
Source : L’hebdo des socialistes

Notre parti va achever, avec notre Convention nationale du 8 février, une longue période de travail destinée à mettre les socialistes en ordre de bataille dans la perspective des échéances de 1998 et permettre à nos candidats de préparer au mieux leur campagne. Nous avons d’abord atteint l’objectif que nous nous étions fixé collectivement de présenter au moins 30 % de femmes aux prochaines législatives afin que le PS contribue à la rénovation de notre vie politique.

167 circonscriptions seront représentées par des candidates féminines, ce qui donnera un élan fort.

Le trouble que cela a provoqué à droite prouve que nous avions raison. Mais cette période fut aussi l’occasion de définir notre stratégie d’alliance dans un souci permanent d’ouverture et de refus de toute hégémonie pour rassembler largement toute la gauche autour de notre parti. Dans cet esprit, un accord est en voie d’être définitivement conclu avec le Parti radical socialiste qui est notre partenaire habituel, mais des négociations sont aussi sur le point d’aboutir avec les Verts.

Ceci constitue, d’ores et déjà, une réussite collective, car c’est la première fois que la sensibilité écologiste se trouve clairement ancrée à gauche. Certes avec le Mouvement des Citoyens des difficultés subsistent. Mais la logique d’union finira par prévaloir. C’est le sens du contrat d’orientation proposé par Lionel Jospin à l’ensemble des forces de gauche.

Ce travail long et patient, dans le respect de nos partenaires et en relation avec les fédérations, est un atout essentiel dans la bataille que nous allons engager contre la droite et le gouvernement Juppé pour offrir une alternative crédible aux Français

 

Date : 7 février 1997 - texte politique commun Les Verts - PS
Source : L’Hebdo des socialistes

Durant plus de six mois, le Parti socialiste et Les Verts ont confronté leurs analyses et leurs propositions sur l’ensemble des domaines de la politique. Au cours de ces débats, ils ont partagé un triple sentiment :

- Certitude que la situation actuelle ne pourra être surmontée sans s’attaquer à la logique du libéralisme économique ;

- Conviction qu’existent, en France et en Europe, une population et des forces sociales prêtes à transformer notre société dans le sens d’un développement durable ;

- Évidence qu’une alternance électorale ne saurait suffire : Il faut une alternative politique.

Ce sentiment s’est traduit par la recherche de propositions de réformes et de transformations de la société soumises à l’examen de la population lors des prochaines échéances électorales. Aux citoyens de ce pays, Les Verts et le Parti socialiste adressent donc l’ensemble des orientations suivantes, base de l’alternative politique à laquelle ils aspirent.

Au chapitre économie et social

- Combattre te chômage et l’exclusion par un ensemble législatif cohérent portant sur la durée du travail, la durée de la vie active et les formes de garanties dépassant le contrat salarial. Ainsi, pour créer des centaines de milliers d’emplois, la réduction massive, rapide et générale, du temps de travail sera tout de suite mise en œuvre par une loi-cadre sur les 35 heures, sans diminution de salaire, et s’ouvriront des négociations avec les partenaires sociaux sur les 32 heures et la semaine de quatre jours, aboutissant dans le cadre de la législature.

- Redistribuer les richesses, notamment par le décalage du financement de la protection sociale vers la fiscalité en jouant sur les écotaxes, la TVA et l’IRPP, et en abolissant les privilèges sur la fiscalité de l’épargne, à l’exception du livret A. Ainsi, les cotisations salariées seront remplacées par une CSG élargie, rendue progressive par un abattement à la base favorisant les bas salaires, tandis que les cotisations employeurs seront assises sur l’ensemble de la richesse produite et non plus sur le seul travail. La mise en place d’un prélèvement à la source sur les revenus sera envisagée.

- Soutenir les multiples initiatives, hors secteurs marchand ou public, en faveur d’un tiers-secteur, à finalités sociales et écologiques. Une loi-cadre sera élaborée pour aider à la constitution de ce tiers secteur, le subventionner, en fixer les limites, aider à la promotion d’une politique de l’offre (clauses d’insertion dans les appels d’offre), établir des règles de transparence (commissaire aux comptes/Chambre régionale des comptes), fixer le statut des bénévoles, organiser les conventions avec les Assedic... Mais, sans attendre, le RMI sera élargi aux 18-25 ans.

- Mettre en place un programme national pour l’emploi des jeunes, financé par le transfert d’aides à l’emploi existantes et inefficaces, ayant pour objectif de créer 700 000 emplois en deux ans.

- Instaurer une Conférence nationale des salaires, indiquant les évolutions souhaitables de l’augmentation globale du pouvoir d’achat et servant de référence aux négociations dans les branches et les entreprises.

- Renforcer les services publics par une mobilisation budgétaire importante pour l’école, la santé, la justice, la ville. Affirmer, à côté du marché, le concept d’économie mixte et la nécessité d’une « puissance publique » européenne permettra de rééquilibrer la concurrence pour la mettre à égalité avec le service public (alors qu’aujourd’hui l’article 90 du traité de Rome fait du service d’intérêt économique général une exception), et de rattacher le service public à l’exercice des droits fondamentaux de la personne et à la non-discrimination de l’accès à des services essentiels.

Au chapitre environnement et territoire

- Réorienter la politique énergétique en instaurant un moratoire sur la construction de réacteurs nucléaires et sur la fabrication du MOX jusqu’en 2010, tout en argumentant fortement les crédits pour les économistes d’énergies renouvelables. Cette politique passe notamment par la fermeture de Superphénix, la réversibilité du stockage des déchets nucléaires en rééquilibrant les crédits de recherche par application réelle de la loi Bataille. Le retraitement à La Hague sera revu, ce qui suppose une surveillance accrue du site et nouvel effort de recherche : en outre, aucun nouveau contrat de retraitement ne sera souscrit. Le vote d’une loi sur l’énergie aura lieu au plus tard en 2005.

- Donner la priorité aux transports collectifs par le développement du service public du rail, le rééquilibrage des comptes de la SNCF par la péréquation avec les autres moyens de transports, l’appui au transfert du transport de marchandises vers le rail, le développement des transports en commun de surface en ville.

Parallèlement, un moratoire sur les autoroutes permettra de réviser à la baisse le schéma autoroutier.

Il conviendra aussi de modifier la loi de financement des infrastructures routières, de rééquilibrer la fiscalité entre les différents carburants en fonction de leur caractère polluant, de limiter la puissance des voitures.

Enfin, il faut abandonner le projet d’extension à grand gabarit du canal Saône-Rhin, mais mettre en place la liaison Seine-Nord.

- Faire évoluer l’agriculture productiviste et polluante vers une agriculture extensive, de qualité, respectueuse de l’environnement, permettant aux paysans d’obtenir un revenu décent. Il est urgent de reconnaître la diversité syndicale agricole.

- Créer un grand ministère, comprenant l’environnement, l’aménagement du territoire, l’énergie, les transports et le logement. Conséquemment, il faudra renforcer et réformer l’ADEME. Une fiscalité environnementale sera initialisée en commençant par l’écotaxe sur la base 2/3-énergie-1/3-CO2 et la fiscalité locale. La loi sur les déchets sera réorientée en limitant la part de l’incinération à 50 % en 2005, puis en baissant progressivement, tout en incitant à la réduction des déchets à la source, à la collecte sélective et au recyclage. L’arrêt de l’endigage des lits mineurs des fleuves et de l’assèchement des zones humides se doublera de l’interdiction de construction en zone inondable. L’égalité des droits entre non-chasseurs et chasseurs sera réalisée. Enfin, la directive Natura 2000 sera mise en œuvre.

Au chapitre démocratie et citoyenneté

Ressourcer la démocratie par la revitalisation du Parlement, la suppression de l’article 16, une compensation proportionnelle à l’inégalité due aux modes de scrutin majoritaires, due aux mode de scrutin majoritaires, le non-cumul des mandats, la représentation paritaire femmes-hommes via la Constitution. Le nombre de commissions du Parlement sera augmenté, et celles-ci bénéficieront de moyens supplémentaires. Le mandat présidentiel sera réduit à cinq ans.

Renouveler la vie politique en promouvant l’éthique et la transparence, en redonnant aux formation politiques une véritable place dans la vie démocratique. Ceci passe, notamment, par l’instauration d’un statut de l’opposition.

Renforcer la démocratie locale par l’adoption d’un statut de l’élu, la réduction à cinq ans des mandats, l’amélioration de la collégialité du fonctionnement des assemblées locales, le renforcement de l’intercommunalité, la mise en place de nouveaux mécanismes de péréquation comme les Fonds de solidarité régionaux. Ouvrir la possibilité pour les régions de négocier les aides européennes et d’en être directement destinataires. Afin d’éviter les risques de blocage des institutions et de garantir la stabilité des exécutifs régionaux, sera introduit le principe de « Pacte majoritaire » (aussi nommé « Défiance constructive ») par lequel un document fondamental, notamment le budget, ne peut être rejeté que par l’adoption d’un document alternatif réunissant en sa faveur un nombre plus élevé de suffrage.

Redistribuer des compétences liées à l’éducation entre les collectivités locales liées à la formation, aux transports, à la promotion économique et touristique, à la culture, au sport, à l’environnement, aux déchets, à la préservation des ressources naturelles, à l’habitat social, à la santé : il faut relancer la décentralisation des compétences de l’État, notamment au profit des Régions, fiscalité comprise. De même, seront dévolues aux Régions des actions de maîtrise de l’énergie et de développement d’énergies renouvelables ainsi que l’élaboration de schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme opposables au tiers (comme en Ile-de-France).

Étendre les libertés individuelles (contrat d’union sociale, par exemple) des citoyens et des résidents étrangers : une nouvelle législation se substituera aux lois Pasqua en réinstaurant notamment le droit de vivre en famille, le droit d’asile, le droit du sol. Favoriser l’intégration civique et sociale selon les principes de la laïcité républicaine. Examiner les situations des sans-papiers sur la base des propositions du comité des médiateurs, ouvrir la perspective du droit de vote des résidents étrangers aux élections locales. Étendre aussi les libertés collectives par le renforcement des rôles du syndicalisme et du milieu associatif, l’extension des moyens de lutte contre la corruption. Les questions de société (sida, drogues, alcoolisme, besoin de sécurité) seront abordées par une approche humaine, psychologique et sociale, opposée à l’inefficacité des politiques exclusivement répressives actuelles.

Assurer l’indépendance de la justice par la coupure du lien entre la Garde des Sceaux et le Parquet. Le statut des magistrats du Parquet sera identique à celui des magistrats du Siège.

Au chapitre international

Construire enfin une fédération entre les États européens, fondée sur une Constitution qui affirme les objectifs de l’Union et clarifie le rôle et les pouvoirs de ses instances, notamment par le principe de subsidiarité et de citoyenneté européenne ?

Intégrer une charte sociale dans le nouveau traité issu de la CSG, comprenant notamment la réduction de temps de travail, la notion de revenu minimum et une protection sociale harmonisée par le haut. Préserver, développer, moderniser les services publics par la promotion de la notion de service public européen.

Intégrer, de même, une charte environnementale dans le nouveau traité, comprenant notamment la promotion des économies d’énergie et des énergies renouvelables, la protection du patrimoine naturel et de la biodiversité, le développement du rail et des transports collectifs, une meilleure gestion de l’eau et des déchets.

Conditionner l’objectif de la monnaie unique à un projet politique, économique et social commun, qui tourne le dos au libéralisme et aux déréglementations et promeuve un développement durable. Au printemps 1998 sera prise la décision politique de passer ou non à la monnaie unique.

Substituer au pacte de stabilité actuel an pacte de solidarité et de développement durable, prenant appui sur une politique pour l’emploi et le progrès social, pour la relance sélective et la protection de l’environnement.

Réformer la PAC pour aller vers une agriculture durable, respectueuse de l’environnement, créatrice d’emploi et permettant aux agriculteurs d’obtenir un revenu décent. Il sera proposé, à l’échelon européen, un moratoire sur l’utilisation des organismes génétiquement modifiés (OGM).

Définir une politique étrangère européenne, relevant des institutions de l’Union avec votes à la majorité qualifiée. Renforcer l’OSCE, agir pour la réduction des armements, lutter contre la prolifération nucléaire et se fixer comme objectif l’élimination des armes destruction massive.

Affirmer une conscience planétaire par la mise en œuvre des décisions de Rio 92 pour gestion et la préservation des ressources naturelles.

Réformer l’ONU par la revalorisation du rôle de l’Assemblée générale, la démocratisation et l’élargissement du Conseil de sécurité, un rôle accru dans la prévention des crises, le contrôle politique sur le FMI, la Banque mondiale et l’OMC. Renforcer les Banque mondiale et l’OMC. Renforcer les pouvoirs de l’OIT et le rôle des ONG.

Réorienter l’économie vers l’éco-développement par la taxation des mouvements de capitaux spéculatifs, l’application forte du principe pollueur-payeur partout dans le monde, la négociation de contrats sociaux européens qui préfigureront un nouveau droit social, d’abord européen puis mondial.

Augmenter l’aide publique au développement avec l’objectif d’atteindre 1 % du PIB, la réorientation vers le développement humain, durable, la réduction des inégalités (au lieu du soutien exclusif à l’exportation). Abolir la dette des pays du Sud.


Source : L’hebdo des socialistes - Texte politique de l'accord PS - PRS
Date : 7 février 1997

Voilà maintenant près de quatre ans que la droite s’est installée. Et 18 mois qu’elle a tous les pouvoirs.

La campagne présidentielle passée, on nous dit aujourd’hui que les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent. Comment dès lors s’étonner qu’un pouvoir né d’un mensonge soit si fortement contesté et que nos concitoyens, d’abord moroses, aient sombré dans le désarroi ? Notre pays connait un grave malaise social et politique mais surtout une crise de confiance sans précédent.

Les licenciements se multiplient, la cascade des restructurations fragilise la cohésion sociale et le chômage s’aggrave. La consommation reste comme tétanisée, la croissance patine, le pouvoir d’achat stagne. La pauvreté s’étend, la Sécurité sociale est menacée et les impôts ne cessent d’augmenter.

Où est passé le discours sur la « fracture sociale », sur la « France pour tous » ? Où est le « plan Marshall pour les banlieues » ? Où est la grande loi sur l’exclusion ?

Après avoir interdit la croissance, le gouvernement a cassé la confiance. Cette situation nous confère une responsabilité particulière : répondre au découragement d’un nombre croissant de Français que la mondialisation de l’économie alarme, que les mouvements erratiques de capitaux inquiètent et que les nuages qui s’amoncellent au-dessus de notre protection sociale angoissent.

Alors que le néolibéralisme avait cru pouvoir annoncer la « fin de l’Histoire », il se montre aujourd’hui désemparé devant les plaies du « nouveau désordre mondial » qu’il a largement contribué à instaurer.

Incapable de maîtriser les contradictions inhérentes à la concurrence sauvage à laquelle se livrent les États, d’offrir au désespoir et à la misère d’autres perspectives que le poids de la dette et de l’exclusion, il s’avère tout autant impuissant empêcher la multiplication des conflits ethniques et le pouvoir croissant des mafias. La tâche que nous nous fixons est d’opposer à ce désordre un ordre fondé sur la justice par la mise en mouvement de l’ensemble de la société autour d’un projet politique alternatif.

La mondialisation libérale et son cortège de dérégulations, l’atomisation des structures de classes issues de la révolution industrielle, la montée de l’exclusion nous imposent d’en appeler à une nouvelle régulation, à un nouvel ordre social dont le drapeau serait la solidarité.

Tel est le sens que nous voulons donner à notre combat commun. Pour y parvenir, un dessein : placer l’homme au cœur de nos résolutions. Une méthode : définir les urgences.

Et d’abord, corriger ces inégalités qui toutes concourent à faire des étrangers exploités de la cité moderne.

Vivre ensemble, quelle belle aspiration ! Chacun se souvient des années où, en banlieue, sans se le dire, on vivait vraiment ensemble, on voisinait heureusement, on se disait bonjour par son prénom.

Aujourd’hui, le vivre ensemble est fracturé, fissuré, éclaté, parfois « bousillé ». Banlieues béton, banlieues ghetto, quartiers d’exil, enfants des rues et de toutes les souffrances, lieux de tous les dangers. Ce qui se joue dans les banlieues, c’est l’avenir de la société française.

Affirmer que les quartiers sont des lieux de mixité, où chacun doit pouvoir y trouver les activité éducatives, commerciales, associatives de son choix, sans distinction ni différences, c’est vouloir que « la ville soit un tout, plusieurs fois », c’est non  seulement garantir le droit à la sécurité de personnes et des biens mais aussi, plus largement, assurer à tous un égal accès aux soins et à une protection sanitaire renforcée, c’est exercer une vigilance accrue sur les atteintes de toute nature portée à notre environnement. C’est, conformément à notre tradition républicaine, et dans le respect des droits de l’homme et du citoyen, promouvoir, sans considération d’origine, d’opinion ou de race, l’égalité des droits pour tous et la dignité pour chacun. C’est dans cet esprit que nous sommes résolument déterminés à rétablir le droit du sol. C’est, enfin, affronter là où elles se nourrissent et où elles se propagent les idées racistes et xénophobes du Front national ; et aller au contact de celles et ceux qui se trompent de colère.

Ensuite, mobiliser toutes les ressources pour l’emploi.

Le chômage constitue le principal défi auquel est confrontée la société française et aussi le premier échec des politiques publiques suivies en Europe depuis vingt ans.

La France compte aujourd’hui 150 000 chômeurs de plus qu’en septembre. Chaque jour, 350 Français basculent dans le chômage. Il s’agit d’un phénomène qui touche désormais chacun, dans sa famille ou parmi ses proches, qui menace ceux qui ne sont pas encore touchés, bref d’une atteinte intolérable à la cohésion sociale. De ce point de vue, une attention particulière doit être apportée au soutien des économies d’outre-mer où le taux d chômage est particulièrement préoccupant.

Combattre le chômage n’est pas seulement un devoir politique, c’est la condition d’un sursaut civique. Voire de la survie de notre démocratie.

Le souci du réalisme de gauche ne doit nous conduire ni à sous-estimer l’influence que joue, là encore, la mondialisation des échanges ni à s’affranchir des contraintes d’une économie intégrée. Il nous amène simplement à refuser de nous soumettre, au nom d’une prétendue exigence « d’adaptation » ou de « modernisation » de la société française, à l’idéologie libérale.

Si le pouvoir comme une partie des élites cherchent à rabaisser le gouvernement de la France à la bonne gestion d’un vaste compte d’exploitation, nous avons, nous, l’ambition de construire une société.

Maîtriser durablement le chômage, c’est d’abord veiller à ce que le progrès technique et les gains de productivité qui en découlent soient affectés à la lutte pour l’emploi. C’est engager le chantier d’une réforme de notre système fiscal à même de favoriser l’emploi. C’est dans le même temps, à l’heure où l’insertion professionnelle des jeunes s’effectue de plus en plus souvent à travers une succession de situations précaires, leur assurer une formation qualifiante débouchant sur des emplois stables. C’est aussi et sans attendre, lancer, à l’échelle du pays, un programme de reconstruction des banlieues et de rénovation des quartiers. C’est inciter à la création d’activités nouvelles dans les services de proximité qui représentent des gisements d’emplois considérables – non nécessairement de fonctionnaires – au sein des services publics d’État, comme dans les collectivités locales et dans les entreprises, en particulier dans les domaines de l’aide aux personnes, de la protection de l’environnement et de l’animation sportive et culturelle dans lesquels le monde associatif a un rôle majeur à tenir. C’est enfin et surtout la reprise d’un processus historique de réduction forte du temps de travail dont la poursuite doit associer dans une même démarche l’État, le législateur et les partenaires sociaux.

Les feux de la présidentielle éteints, Jacques Chirac a réinstitué le balladurisme comme « seule issue politique ». L’impuissance proclamée devant les marchés financiers, l’idée que le cap est fixé par une loi incontournable qui invalide d’avance tout choix démocratique constituent, nous le savons, le terreau de la montée du national-populisme.

Aujourd’hui, nous proposons à nos concitoyens de sortir de la crise de l’impuissance et de la contemplation désabusée de l’impossible et d’instaurer avec nous un pacte social de confiance.

Ce combat pour l’emploi est, à nos yeux, inséparable de la responsabilité qui nous incombe à l’échelle de l’Union européenne.

Nous pensons que la construction politique de l’Europe ne saurait se limiter à un monument à la gloire de l’idéologie dominante dans le monde occidental : le néo-libéralisme.

Cette Europe n’est pas sans correspondre à la défense d’intérêts économiques et politiques clairement identifiables. Elle n’a encore ni cœur ni tête, n’est dotée que de ce que les forces du marché jugent nécessaire et suffisant. L’efficacité gestionnaire se satisfait plus volontiers de voir reléguées au second plan les questions d’identité. Dès lors que l’évitement des conflits est accepté comme un impératif économique, il est clair qu’on s’entend plus facilement pour déréguler que pour élaborer un projet politique. Comment sortir l’Europe de l’impuissance ? Veut-on en faire à nouveau l’horizon où inscrire l’espérance et la volonté politique des peuples ?

Là encore, notre ambition est que la France apporte sa propre réponse au défi de la mondialisation. À ce défi, l’extrême droite répond « repli » et la droite « tout marché ». Par notre histoire, nos valeurs de justice, de solidarité, de laïcité, par nos convictions et nos engagements, nous devons tracer une autre voie. Comment permettre que notre intégration européenne se fasse sans éclatement social ?

Aussi voulons-nous une Europe citoyenne qui retrouve une croissance forte et un développement durable et qui préserve notre système de protection sociale. Nous proposons le lancement d’un grand emprunt de l’Union pour financer un programme de gros travaux d’infrastructure, de communication et de rénovation des banlieues. Nous chercherons à ce que l’Europe sociale soit précisée dans son contenu, dans ses méthodes et dans ses procédures. Nous renouvelons notre engagement en faveur de la monnaie unique. Nous souhaitons que la politique extérieure et de sécurité soit d’avantage communautarisée. Nous saisirons l’Union européenne d’un projet de taxation des mouvements de capitaux destinés à lutter contre la spéculation et dont le produit pourrait être affecté à l’aide au développement.

C’est sur la base de ces orientations que nous nous engageons, d’un commun accord, à faire cause commune dès le premier tour de scrutin des prochaines élections législatives et, dans cette perspective, à conclure un accord électoral entre nos deux organisations. Pour rassembler toutes celles et tous ceux qui font leur la réflexion si actuelle de Pierre Mendes France : « Le grief le plus grave que l’on peut adresser aux gouvernements de ces dernières années, ce n’est pas de s’être trompés dans l’action : reconnaissons que la tâche était écrasante et les circonstances contraires. Mais un fait est sans excuse : celui de n’avoir jamais parlé loyalement au pays, de lui avoir toujours promis, et l’avoir leurré sur les conditions de son redressement ».


Source : L’Hebdo des socialistes - Daniel Vaillant - Convention nationale d’investiture du samedi 8 février 1997
Date : 14 février 1997

La convention nationale, présidée par Michel Delebarre, après avoir entendu le rapport d’activité de Daniel Vaillant, et son rapport sur le travail de la commission nationale Élections, a ratifié par 3 votes la liste de nos candidats aux élections législatives, de nos candidats aux sénatoriales (pour les départements de 1 à 35), et celles des premiers des socialistes aux régionales. La convention a également entériné les accords avec le Parti radical socialiste (PRS) et les Verts. Le Bureau national est mandaté pour régler des délais relativement brefs les quelques problèmes de désignation encore en suspens.

Rapport d’activité

Le rapport d’activité – condensé, compte tenu de notre ordre du jour – que je vous présente au nom du Bureau national, couvre la période qui nous sépare de la Convention de Noisy-le-Grand.

Avant d’aborder l’exposé de l’activité politique du parti et de sa direction depuis un mois et demi, je me dois d’évoquer, même si le Premier secrétaire le fera, la disparition de deux de nos camarades parmi les plus éminents, Daniel Mayer et Claude Fuzier, auxquels le parti a rendu nationalement et localement un chaleureux et émouvant hommage. Et je veux aussi évoquer l’accident brutal de santé qu’a subi Jean Poperen. Nous allons transmettre à Nathalie, à sa famille, à ses proches, tous nos vœux de rétablissement.

Depuis un peu moins de deux mois, l’activité du parti a été essentiellement consacrée à la préparation des élections législatives, au processus de désignation de nos candidats, aux négociations avec les partenaires de gauche, essentiellement les Verts et le Parti radical socialiste (PRS).

Chers camarades, même si la préparation des élections pèse lourdement sur l’activité nationale de la direction, elle ne résume pas, loin s’en faut, la vie politique du parti. Je retiendrai donc simplement quelques axes de notre action.

Sur le plan international, nous avons assisté, impuissants, aux massacres dans la région des Grands Lacs et à l’incohérence de la politique africaine de Jacques Chirac.

Nous avons soutenu fermement la levée démocratique de peuple serbe et son opposition résolue à Slobodan Milosevic.

Nous avons accueilli avec satisfaction mais vigilance les progrès du dialogue israélo-palestinien et la conclusion des accord d’Hébron.

Face au mirage pseudo-réformateur du gouvernement, le Parti socialiste a pris position.

Alain Juppé tente par tous les moyens de reprendre l’initiative sur le terrain social, multipliant, comme il en est coutumier, les effets d’annonce sans suite.

Qu’est devenu le projet de loi sur la cohésion sociale, sévèrement critiqué par le Conseil économique et social ?

Que deviendra le Sommet consacré à l’emploi des jeunes prévu le 10 février ? Ou celui consacré un peu plus tard à la famille ?

De même, que restera-t-il des tours de passe-passe du ministre de l’Éducation nationale au lendemain des élections législatives de 1998 ? Dans quel état sera l’Université française après cinq ans d’immobilisme ?
Le Premier ministre et son gouvernement masquent par l’agitation de véritables atteintes au droit social et au service public.

Acharnement pour instaurer les fonds de pension malgré une large hostilité, notamment syndicale, à son projet.

Les fonds de pension

Le Premier secrétaire a demandé de s’engager dans une bataille forte et claire contre les fonds de pension. Ce sont des instruments à la fois peu efficaces dans la mobilisation de l’épargne longue, qui affaiblissent les réseaux existants de collecte et qui constituent surtout une menace réelle de déstabilisation des régimes de retraites et, partant de là, la solidarité entre générations sur laquelle ils sont fondés.

Là encore, le gouvernement a tenté d’escamoter ce débat réel et actuel par l’instrumentalisation d’un débat à bien des égards factices sur la retraite à 55 ans.

La légitimité de cette revendication n’est pas en cause et comment ne pas dénoncer l’hypocrisie de patronat qui crie à l’hérésie économique alors qu’il n’a de cesse de presser les salariés à quitter le monde du travail dès 52 ans, voire 52 ans et qu’il refuse à tout véritable effort sur l’emploi des jeunes au-delà d’une proposition « gadget » de stages diplômants ?

Dans cette période, le Bureau national a confirmé les engagements de notre convention de Noisy-le-Grand sur la réduction du temps de travail, l’emploi des jeunes, le maintien de la solidarité entre les générations. Une campagne nationale sur ces thèmes est en préparation. Elle se concrétisera par la diffusion, dès le mois de mars d’un quatre-pages diffusé à quelque 8 millions d’exemplaires.

La flexibilité

L’irruption du thème de la flexibilité, l’échec de l’offensive politique et sociale du gouvernement ouvrent le champ aux thèses ultra-libérales du patronat français. Depuis plusieurs semaines, le CNPF, notamment son président, invite le gouvernement à forcer le pas d’une inflexion libérale de sa politique et multiplie les injonctions et appels pour une plus grande flexibilité de l’emploi et une moindre protection des salariés.

Ces propos sont particulièrement choquants. Ce n’est pas en inventant le salarié « jetable » que l’on mettra un terme au processus de l’exclusion sociale et au drame du chômage dans notre pays. Ce n’est pas non plus de cette manière que l’on fera progresser l’indispensable dialogue entre les employeurs et les salariés dans l’entreprise.

Les responsables du parti, chacun à sa manière, ont dénoncé cette nouvelle pensée inique qui insécurise la société tout entière et ils ont mis en garde le gouvernement contre des mesures qui aggraveraient les inégalités et l’injustice.

Le Sommet de Dublin

C’est le 19 décembre que, sur un rapport d’Henri Nallet, le Bureau national s’est exprimé sur les conclusions de l’inquiétant Sommet de Dublin. Ces conclusions sont parmi les plus faibles politiquement de toutes celles adoptées au cours des dernières années. Tout a été dominé, par le fameux pacte de stabilité. Malgré un assouplissement relatif du caractère automatique des sanctions en cas de dépassement du seuil de déficit public de 3 %, c’est bien la logique disciplinaire voulue par les Allemands qui triomphe au travers de pacte de stabilité. Quant à l’idée d’un Conseil de stabilité, elle est morte avant d’avoir vu le jour.

Au total, le lancement futur de l’euro est marqué par une logique essentiellement monétaire, le contrepoids politique qui aurait dû être mis en place face à la Banque centrale afin de permettre la conduite d’une véritable politique économique européenne, est toujours dans les limbes.

La lutte contre le chômage, qui n’est là que pour l’affichage, l’adoption dans les conclusions de Dublin d’une déclaration sur l’emploi, ne peuvent suffire.

Et, ce qui est tout aussi préoccupant, les conclusions sur la Conférence intergouvernementale sont d’une rare pauvreté.

En un mot, ce Sommet de Dublin, malgré l’illusion créée par les succès sur l’euro et sur le pacte de stabilité, est aussi décevant qu’on pouvait le craindre.

Chers camarades, nous parlions dans les précédents rapport d’activité d’un changement de nature du débat européen ; nous y sommes en plein.

Plus que jamais, le parti doit affirmer son choix européen et défendre son dessein pour l’Europe.

Notre dessein pour l’Europe

Comme le déclarait Lionel Jospin lors de la rencontre européenne, le 1er février à Paris, à diverses personnalités de gauche française et européennes, notre dessein pour l’Europe peut s’exprimer en termes assez simples : une Europe affichant un modèle de civilisation et non une Europe de l’abandon dans un grand marché ; une Europe de la croissance et de la solidarité et non de la dérégulation corsetée dans l’austérité par un pacte de stabilité renforcée : une Europe où les gouvernements européens des États membres sont responsables et acteurs de la construction européenne sous le contrôle du Parlement ; une Europe souveraine capable de maîtriser son destin dans les domaines de la diplomatie et de la défense ? C’est là, en effet, notre projet pour l’Europe sociale politique et citoyenne ?

Concernant les débat sur le projet de loi Debré sur l’immigration, après le rapport Philibert et Sauvaigo qui avait, d’une certaine manière, préparé le terrain pour la droite, dès le 3 avril 1996, notre parti s’alarmait des conclusions de la Commission d’enquête parlementaire et dénonçait une préparation de l’opinion au projet de loi sur l’immigration. Nous y sommes en effet, et Monsieur Debré persiste.

Nos parlementaires, à l’Assemblée nationale et ces derniers jours au Sénat, ont démontré que le projet Debré ne résout en rien les problèmes posés par les lois Pasqua, que les critères et les conditions de droit au séjour sont aggravés d’une manière inacceptable pour les libertés individuelles.

L’examen du texte en première lecture a bien montré, comme le soulignait Adeline Hazan dans une note présentée au Bureau national du 29 janvier, que ce n’est pas une énième réforme de l’ordonnance de 1945 dont on a besoin – nous en sommes à la 24e– mais d’une politique de l’immigration et de l’intégration concernant non seulement le contrôle des flux et l’accès au territoire, mais aussi la coopération économique, le rayonnement culturel de la France et de la nationalité française.

Nous débattrons, au sein de notre parti de l’ensemble de cette question de société importante dans le cadre d’une commission issue du Bureau national présidée par Claude Estier, puis au Bureau national.

Notre plan d’action pour 1997

Le cadre adopté le 29 janvier comporte quatre temps : processus de désignation de nos candidats ; la campagne politique nationale, locale et militante ; approfondissement thématiques ; élaboration programmatique et organisation d’un congrès ordinaire associé à la réflexion statutaire, je dirai révision ou plutôt écriture définitive de nos statuts.

Processus de désignation de nos candidats : nous allons presque entièrement le boucler aujourd’hui, même s’il restera un certain nombre de points à évoquer dans les instances comme le Bureau national ou le Conseil national du mois de mars.

Campagne politique nationale, locale et militante : engagée sous l’impulsion de la direction du parti, elle ira jusqu’au mois de juin.

Son contenu reposera sur les orientations économiques et sociales adoptées lors de la Convention de Noisy-le-Grand. Un quatre-pages grand public, diffusion massive, sera disponible dans une quinzaine de jours. Cette campagne pourra être effectivement relayée par les fédérations et les sections, mais également utilisée par toutes et tous nos candidats sur le terrain, à partir de maintenant, ou en tout cas dans une quinzaine de jours.

Une campagne de réunions publiques sera animée par le Premier secrétaire, les responsables nationaux du parti, en soutien aux candidats, en démultipliant les contacts avec les médias locaux.

Enfin, quelques grands rassemblements autour de Lionel Jospin seront régionalement organisés.

Approfondissement thématique : plusieurs thèmes restent à approfondir ou à compléter avant d’aborder la phase d’élaboration programmatique proprement dite. Des débats antérieurs, certains thèmes nécessitent un traitement spécifique, voire pour certains un traitement public particulier : l’immigration, les services publics, l’éducation, la sécurité, le logement, la culture, la protection sociale... la liste n’est jamais exhaustive !

L’environnement fera l’objet d’une initiative. La politique agricole et rurale sera débattue lors d’une conférence nationale agricole et rurale exceptionnelle. En tout état de cause, toutes les commissions nationales ou groupes de travail du parti présenteront les résultats de leurs travaux devant le Bureau national.

Élaboration programmation et organisation du Congrès ordinaire : différents thèmes pourront faire l’objet de débats approfondis du Bureau national ou de journées de réflexion, de colloques ouverts ou plus internes, d’initiatives décentralisées suscitant explicitement la consultation des militants ou sous des formes appropriées. Pierre Moscovici, secrétaire national aux Études, sera chargé de superviser la rédaction de ce programme en y incluant tous ces éléments de réflexion au cours de l’année.

Ce travail multiforme alimentera les débats de plusieurs Conseil nationaux justement consacrés à l’approfondissement programmatique. Enfin, une instance nationale ad hoc clôturera cette démarche originale et adoptera le programme ainsi élaboré.

Un Congrès ordinaire se déroulera en novembre 1997, et comme je le disais toute à l’heure, il sera utile de l’accompagner d’une réforme statutaire ou d’une relecture ou d’une réécriture statutaire définitive, claire, pour les trois ans qui viennent.

Enfin, Lionel Jospin rencontrera en 1997 la presse à trois reprise : fin mars sur la politique économique, fin juin sur la politique internationale, fin septembre sur les questions de société.

Chers camarades, le difficile exercice de désignation de nos candidats n’a pas entravé l’activité du parti, vous le constatez. L’année 1996 a été consacrée au redéploiement de notre activité et à une intense réflexion collective.

Ce mois de janvier inaugure une année de transition qui doit permettre aux socialistes d’élaborer leur programme et de démontrer qu’ils représentent la seule force capable de rassembler et d’impulser un mouvement à vocation majoritaire, la seule force capable de promouvoir une alternative politique et d’organiser autour de lui le rassemblement de la gauche.


Source : L’Hebdo des socialistes - Convention nationale d’investiture du samedi 8 février 1997
Date : 14 février 1997

Intervention de Lionel Jospin

Je ne voudrais pas commencer cette Convention sans regretter que ne soit pas parmi nous – parce qu’il était toujours – un camarade, un responsable, un ami, Jean Poperen, qui, à la suite d’un accident, d’une chute survenue chez lui, avec tout ce que cela peut avoir de dérisoire et de tragique dans les conséquences, lutte dans une situation très difficile aujourd’hui. Il a tellement apporté à notre parti, il était tellement familier dans nos instances, que de savoir qu’il ne peut pas être là avec nous aujourd’hui est, pour moi, une épreuve, et je vous demande que nous pensions tous à lui au cours de cette journée.

Cette convention a été construite sur une courte durée. Nous avons un travail de ratification de nos candidats à terminer. Donc, mon intervention sera brève et j’ai choisi de la faire d’entrée de jeu pour que nous puissions ensuite, dans le déroulement de la journée, terminer quand nous le souhaiterions.

Je la centrerai sur trois démarches qui sont les nôtres aujourd’hui :

- Le processus de désignation entre nous ;

- Le dialogue avec nos partenaires ;

- Le travail de conviction des Français.

Des candidats élus par la base

Le processus de désignation de nos candidats entre socialistes a été bien mené et, encore une fois, le Parti socialiste a donné un exemple de démocratie.
D’ailleurs, je me corrige moi-même : le Parti socialiste n’a pas désigné ses candidats, il les a élus. Pour les législatives, pour les sénatoriales, pour les Premiers des socialistes aux élections régionales, ce sont les adhérents du Parti socialiste qui ont voté. Chez nous, pas de notables que se cooptent, pas d’appareil qui désigne, la base décide. Le parti socialiste (et après tout, cela devrait paraître logique à tous) se prépare au suffrage universel.

Certes, un tel processus entraîne des scories. La presse en parle, puisque chez nous tout est visible et transparent. Il nous faudra tirer les leçons d’un nombre, heureusement limité d’errements et d’abus. Une commission d’examen de ces cas a été mise en place pour réagir à chaud. Elle vous a fait, par la voix de Daniel Vaillant, un premier rapport, mais sachez qu’au-delà des désignations, et même si dans un certain nombre de cas nous n’avons pas voulu provoquer de troubles sur des évolutions qui sont en cours, tout cela ne sera pas sans suite. Au bout du compte, j’en prends l’engagement devant vous, à la lumière d’un certain nombre d’errements qui se sont produits et qui ne pourront pas se prolonger dans le temps, la rénovation se fera partout. Il faut que chacun s’en persuade.

D’en haut et au plan national, nous avons voulu faire la rénovation du parti quand elle était nécessaire. En bas, à tel ou tel endroit, des progrès restent à faire ? Je ne veux pas agir autoritairement, telle n’est pas notre méthode ni notre culture, mais il est donc de notre responsabilité, élus et responsables, Premiers secrétaires fédéraux, de mener la rénovation là où vous êtes quand elle reste à faire. En tout cas, de toute façon, nous y veillerons (la direction étant parfaitement unanime sur ce plan, aussi bien Daniel Vaillant que Jean-Pierre Bel et Alain Claeys) en adoptant les dispositifs techniques et au besoin en intervenant, car il faut que chacun se rende compte que ce qui s’est produit était des coups de semonce. De toute façon, ce processus, nous le poursuivrons jusqu’au bout avec vous.

Pour autant, et au-delà de ces scories, nous pouvons, je crois, être fiers de ce que nous avons réalisé collectivement. Aucun autre parti, en tout cas à droite, ne peut se vanter de vouloir et de pouvoir conduire une telle démarche démocratique. Je vous remercie de l’avoir fait et je demande aux observateurs des médias qui décrivent ce qui se passe, qu’ils n’oublient pas quand même de rappeler cette différence avec d’autres formations politiques.

Cet exercice de démocratie n’a, par ailleurs, pas nui à l’efficacité, puisque nos objectifs sont atteints.

La démarche, malgré sa complexité, a été conduite dans les délais prévus, elle a été menée sans drames, même s’il y a des déceptions légitimes et si, en tant que leader du parti, en tant que camarade et même parfois ami, je peux avoir ici ou là quelques rares regrets.

Les grands objectifs que j’avais proposés et que nous avions fait nôtres sont atteints.

Une forte représentation des femmes

D’abord, une forte représentation des femmes et, malgré la légère baisse qu’induisent nos accords avec nos partenaires, le résultat que nous nous étions fixé sera parfaitement atteint.

Nous avons tenu nos engagements vis-à-vis des femmes. Voilà qui tranche, là encore, avec la droite. C’est un vrai motif de fierté. Et, moment de localisme placé dans une intervention nationale, je suis heureux de constater que, dans la fédération de la Haute-Garonne, il y aura quatre candidats sur huit, c’est-à-dire la parité à l’élection législative.

Un renouvellement significatif

Ensuite, un renouvellement significatif de nos candidats.

Ensuite, un renouvellement significatif de nos candidats. Effectivement, si l’on regarde les chiffres des nouveaux candidates et candidats par rapport à 1993, on voit bien qu’une nouvelle génération d’élus, de militants, de responsables, se prépare à la candidature devant les Français, se prépare à l’élection. Et c’est aussi ainsi que se prépare une relève à laquelle l’accroissement spectaculaire des candidatures féminines contribue à l’évidence.

Dès le lendemain de cette Convention, nos candidats comme nous le souhaitions, pourront donc être sur le terrain à au moins un an des élections, dotés d’une vraie légitimité, afin de préparer notre campagne future, de porter notre parole, de projeter et de démultiplier notre force.

Ce résultat remarquable n’aurait pas été possible, je veux le souligner, sans l’énorme effort et la qualité du travail accomplis par Daniel Vaillant, son équipe permanente et la Commission électorale qui était avec lui.

C’est une action qui été techniquement, politiquement mais aussi humainement bien conduite et qui a été menée dans un esprit d’objectivité, d’altruisme, de respect de la diversité du parti que je ne laisserais pas critiquer sans réponse, si la tentation en venait.

Nos candidats disposeront dans quelques jours d’un document précis, établissant leurs obligations à l’égard de la loi en ce qui concerne la conduite et le financement de leur campagne. Ils auront également un premier jeu d’arguments élaboré, conformément à une tradition, par les collaborateurs du Groupe parlementaire à l’Assemblée nationale à l’Assemblée nationale, à l’initiative de Laurent Fabius.

Un quatre-pages sur nos propositions économiques et sociales sera diffusé à 8 millions d’exemplaires dans un premier temps et disponible pour tout le parti, et aussi pour ses candidats, au lendemain de ces vacances de février.

Poursuivre notre stratégie d’union

Notre activité de ces dernières semaines ne s’est pas pour autant bornée au processus de désignation interne. Nous avons aussi avancé dans notre stratégie d’union et d’alliances.

C’est le deuxième point que je voudrais évoquer.

L’union avec nos partenaires, en effet, progresse. Pour moi, le pluralisme de la gauche, la présence des écologistes sont des faits, des réalités de la vie politique et c’est ce qui fonde, tout autant que l’expérience historique qui est la nôtre, notre volonté d’union. C’est ce qui doit guider notre état d’esprit dans nos discussions avec nos interlocuteurs : refus de toute attitude hégémonique, respect de nos partenaires, mais aussi volonté de les convaincre de la justesse de nos propositions et défense résolue de ce que nous représentons.

Quant aux moyens de l’union, ils doivent bien sûr être diversifiés pour s’adapter à la situation de chacun.

Des derniers mois, on peut tirer le bilan suivant :

Des accords électoraux ont été réussis et un dialogue politique se poursuit. Même si notre démarche a été à chaque étape discutée et approuvée quasi unanimement par le Bureau national, je voudrais pour vous tous rendre les choses bien claires.

Quelle était ma vision de départ ?

Elle était de ne formuler aucune exclusive mais de tenir compte de la volonté des autres et de faire le constat de la différence des comportements. Ceux qui s’imaginent, ou qui, faute de s’imaginer, voudrait faire croire que nous aurions voulu, que j’aurais voulu en particulier, bâtir des accords de premier tour d’un pôle qui serait plus modéré par rapport à un pôle qui serait plus radical, se tromperaient, encore que je sois prêt à concéder que, il y a deux ans de cela, certains étaient plus « Radical » que moi. Je suis d’ailleurs convaincu qu’il n’y aura pas en face de nous de pôle de radicalité !

En fait, sans aucun a priori, je le répète, sans aucune exclusive, nous avons pragmatiquement tenu compte de ceux qui voulaient négocier avec nous des accords électoraux, et ceux-ci étaient le Parti radical socialiste, les Verts et, pendant un temps (du moins l’avons-nous cru), le Mouvement des Citoyens.

Nous avons donc renouvelé l’accord traditionnel avec le Parti radical socialiste, bâti (et c’est une « première » dans la vie politique française) un accord d’union original avec les Verts, la force essentielle désormais du mouvement écologiste, en acceptant l’apport de l’écologie politique à la pensée de gauche, laissé la porte ouverte à une discussion avec le Mouvement des Citoyens, accepté enfin le principe de candidature unique de la gauche et des écologistes face au Front national.

Je crois que vous en conviendrez : nous avons fait des pas en avant effectifs sur la voie de l’unité, du moins si, comme moi, vous pensez que la politique n’est pas virtuelle et que les avancées concrètes vers un objectif, quand il nous est commun (le rassemblement des forces de progrès), valent mieux que des proclamations générales qui jamais ne s’incarnent.

Le dialogue politique

Nous ne nous sommes pour autant pas tenus là, et nous avons fait avancer le dialogue politique avec nos partenaires. Car, en effet, les accords électoraux n’épuisent pas la réalité, ni la perspective de l’union. Le dialogue politique se poursuit avec l’ensemble de nos partenaires potentiels.

Il s’est naturellement marqué dans les deux textes que nous avons signés avec PRS et avec les Verts, mais il s’inscrit tout autant dans les discussions récentes que nous avons poursuivies avec le Parti communiste et d’autres mouvements de gauche.

Il est d’ailleurs intéressant que le débat se mène sur des questions jugées plus difficiles que d’autres. Je pense à l’Europe et la monnaie unique. Cela prouve que nous ne cherchons pas à esquiver les problèmes mais que nous voulons trouver des solutions, et cette démarche devrait être de nature à convaincre les Français du sérieux de nos démarches.

Ainsi, l’échange que j’ai noué avec Robert Hue, au colloque organisé samedi dernier par Charles Fiterman avec le concours de certains d’entre nous, a permis au Parti communiste d’enregistrer mes inflexions, les infléchissements que nous entendons apporter à la construction européenne.

Ainsi, après l’ensemble des jeunesse socialistes, sociaux-démocrates ou travaillistes de l’ensemble de l’Union qui elles, formellement, ont approuvé, ont fait leurs, dans leur dernier congrès international à Strasbourg, les quatre conditions proposées par les socialistes français pour le passage à la monnaie unique, Robert Hue a-t-il pu marquer son intérêt sinon son accord, pour les conditions que nous mettons pour le passage à l’euro.

Certes, nous n’en sommes pas encore à un accord politique d’ensemble, ni sur la question européenne ni sur les autres problèmes. Mais, dans ces domaines comme dans d’autres, grâce à la méthode politique que nous avons choisie, grâce aussi à l’attitude qui est la nôtre vis-à-vis de nos partenaires, chacun sait jusqu’où nous sommes prêts à aller, et là où nous ne pouvons pas et nous ne voulons pas aller.

Nous voulons rechercher des voies de rapprochement, mais nous ne voulons pas renoncer à nos convictions.

L’année 1997 devrait nous permettre d’être au cœur de la nécessaire démarche de rassemblement. Les questions stratégiques qui vont avec pourront être – elles l’ont déjà été mais elles pourront l’être à nouveau – abordées d’abord au Bureau national et si, c’est souhaitable ou nécessaire, dans les conseils nationaux ou dans des conventions.

Offrir une alternative aux Français

Pas de stratégie de rassemblement sans volonté d’alternance. C’est pourquoi – c’est mon dernier point – nous travaillons à offrir une alternative aux Français.

La droite au pouvoir s’efforce, depuis le début de cette année, de nous persuader que cela commence à aller mieux.

À partir de l’intervention systématique du président de la République dans les médias autour de l’opération sans précédent, à ma connaissance, de médiatisation télévisée du livre dit « intimiste » de notre Premier ministre, une grande opération de communication a été lancée par le pourvoir sur le thème :

« Les choses vont mieux, notre politique est en train de réussir ».

Je nous suggère de n’en être point dupes. C’est au prix, en effet, d’un incroyable amalgame entre des indices, des bouts de sondages, des faits épars, des spéculations ou des projections sur des résultats économiques futurs que rien ne garantit, autour d’éléments qui n’ont souvent rien à voir entre eux et dont plusieurs ne sont en rien liés à l’action gouvernementale, que l’on essaie de nous imposer l’idée que tout va mieux.

Qu’on en juge !

Parce que le dollar s’est apprécié, que les taux d’intérêt ont baissé, que la popularité – je devrais dire l’impopularité – de l’exécutif a quelque peu, mais très peu, bougé, que le chômage énorme a baissé sur un mois, que le moral des Français, très bas, a monté de deux points, alors les choses changeraient en faveur du pouvoir !

Rien de tout cela n’est sérieux, et je crois personnellement que cette opération fera long feu.

C’est pourquoi, d’ailleurs, le pouvoir déploie une autre contre-offensive. Le gouvernement, faute d’agir avec efficacité, ce qui devrait être le rôle et le mandat d’un gouvernement que d’agir et non point seulement de parler, reprend la litanie des promesses ou des purs effets d’annonce qui ont caractérisé la campagne présidentielle.

Le dispositif pourtant mort-né sous nos yeux des stages diplômants, le battage organisé autour du sommet, lundi, sur l’emploi des jeunes, aussi creux, on le voit déjà, que celui de juin 1996 qui n’a rien donné, la énième annonce du ministre de l’Éducation nationale après quatre ans d’immobilisme sur la réforme de l’Université, tout cela relève de la même méthode. Je crois les Français suffisamment lucides pour ne pas prendre pour argent comptant, et c’est le cas de le dire, les déclarations d’intentions sans lendemain.

Depuis la campagne présidentielle, nos candidats sont vaccinés contre les promesses de pouvoir car, en réalité, malgré cette opération, rien ne change.

Si l’on regarde les grands axes de la politique gouvernementale, les véritables résultats de son action, nous n’avons pas de raisons de croire à la « théorie de frémissement ».

Les opérations de privatisation se poursuivent, y compris contre les services publics, même si certaines ont été jusqu’ici contenues comme Thomson ou au Crédit Foncier.

La politique de compression systématique des salaires est toujours là, comme le montrent les discussions avec les fonctionnaires.

Les projets de loi d’intimidation contre les immigrés et de manipulation des craintes de l’opinion se mettent en place, avec, en outre, des pratiques scandaleuses telle que cette expulsion, hier, d’un Tunisien en situation régulière parce qu’il était atteint du sida. Je proteste contre cette décision.

Les inégalités continuent à se creuser dans notre pays, et le chômage va malheureusement atteindre des records en 1997.

L’imprudente et improductive politique d’intégration de la France dans l’OTAN, en rupture avec la spécificité de la position stratégique de la France depuis plus de trente ans, au rebours d’une politique de sécurité commune définie de façon autonome par l’Europe, afin de poser clairement les rapports nouveaux de l’Union européenne avec la puissance américaine aujourd’hui si tentée par l’hégémonisme, tout cela poursuit dans l’improvisation et en plus sans succès.

Le poids du pouvoir politique, et précisément du RPR si menacé dans ses errements parisiens, vient de se manifester avec éclat. Il y a quelques jours, plusieurs centaines de juges européens ont repris à leur compte un appel lancé il y a quelques mois par certains des leurs pour l’indépendance de la justice contre la corruption et les tentatives d’étouffement des affaires.

Cet appel, je l’avais personnellement salué dans une interview à un hebdomadaire. Il paraît que c’était ou que c’est une interpellation du politique, mais ces juges ne devraient-ils pas pour autant s’adresser à la haute hiérarchie judiciaire qui vient d’ouvrir en France la voie à la justification économique de l’abus de biens sociaux ?

Ainsi, corrompre ne serait plus corrompre si c’est dans l’intérêt de l’entreprise ? Tout le monde ne sait-il pas que cela pourrait conduire, si les juges du rang n’y veillent point, à enterrer un certain nombre d’affaires qui concernent les partis au pouvoir ? Cela ne doit pas être. Nous y veillerons par la loi, si nous revenons aux responsabilités.

Entraîner et rassurer les Français

Alors oui, l’exigence d’une autre politique subsiste. Ce n’est pas un hasard, chers camarades, si les grandes questions qui sont en débat aujourd’hui dans notre pays viennent de nos programmes, ou résultent de nos interventions dans la vie publique.

La question de la diminution de la durée du temps de travail, celle de l’indépendance de la justice, le thème de l’emploi des jeunes, la réforme de l’Université, la situation en Algérie, tous ces sujets ignorés ou traités de haut par le pouvoir de droite reviennent en force parce que nous sommes là.

À nous de passer, dans l’année en cours, de la sensibilisation de l’opinion à nos thèmes à l’adhésion des Français à nos propositions.

Bien sûr, cela exige un travail intellectuel et technique. Il est en cours sous l’impulsion de Pierre Moscovici, des secrétaires nationaux du Parti.

Nos commissions, les groupes de travail particuliers comment à affiner, à préciser, à chiffrer, à valider nos propositions, notamment économiques et sociales. Nous en ferons une synthèse à la fois forte et accessible pour notre programme de gouvernement.

Mais l’enjeu est d’abord politique. Nous devons partir des problèmes réels tels que les vivent les gens, de ces situations inacceptables qu’ils ne veulent plus subir.

Nous devons ressentir et exprimer les aspirations au changement, prendre nos distances par rapports à la façon d’agir de la droite, marquer clairement nos différences avec elle.

Nous devons désarmer par l’argumentation, ces observateurs et ces critiques qui pleuvent, qui clament que la gauche et la droite ne se distinguent plus, qui disent qu’il faut du souffle et du rêve, mais qui tirent dès que l’on bouge dans le domaine des propositions prenant tout d’un coup des airs de notaires sourcilleux jouant aux experts en économie alors qu’ils ne font que répéter ce que dit le voisin.

Il faut vaincre la peur que les Français ont d’être déçus avec nous et donc la tentation qu’ils ont de se résigner à l’insatisfaction que leur procure le pouvoir d’aujourd’hui. Il faut à la fois entraîner et rassurer, exercice difficile mais nécessaire.

Des candidats et des candidates de valeur, actifs sur le terrain, une stratégie de rassemblement renouvelée, un programme bien cadré, et, surtout, une démarche civique et politique qui aille le mieux possible à la rencontre des attentes aujourd’hui si contradictoires des Français, voilà ce que nous devons réunir dans cette année 1997 où les Françaises et les Français vont mûrir leur décision.

Si nous parvenons à bien lier ensemble ces ingrédients humains et politiques, au cours de cette année, nous pourrons aborder avec confiance et en tout cas sereinement le rendez-vous de 1998.