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Créer des emplois, c’est possible !
Alors qu’on prévoit pour 1997 une croissance mondiale forte, la France semble rester en retrait et s’abandonner au défaitisme. Elle se laisse aller, comme si les 3,3 millions de demandeurs d’emplois étaient une fatalité venant s’ajouter au poids, de plus en plus lourd, des 2,5 millions d’emplois déjà aidés. Nos prévisions de croissance pour cette année dépassent à peine les 2 %. L’investissement tarde à redémarrer ; la consommation est incertaine. La dépense publique pour l’emploi avoisine ainsi 300 milliards de francs, soit près de 4 % de la richesse nationale, mais le nombre de chômeurs continue d’augmenter.
Cette lente dépression n’est pas inéluctable.
Je dis et je répète depuis des années que la crise que nous traversons est en réalité une très profonde mutation, aussi considérable que la révolution industrielle du XIXe siècle. La réussir signifie libérer un peu plus l’homme des tâches pénibles, accroitre le niveau de vie de nos habitants et contribuer à l’enrichissement de notre pays.
Selon une étude récente, la France produirait 40 % de moins de biens et services par habitant que les États-Unis, la productivité y serait inférieure de 20 % et le niveau d’emploi par personne en âge de travailler de 25 %. Cette moindre performance, d’ailleurs partagée avec l’Allemagne, résulte d’un manque d’innovation et de modernisation de notre tissu économique. Nous devons réagir vigoureusement. C’est l’indécision qui nous condamne.
La vraie révolution est technologique, elle est numérique. Les nouvelles technologies de l’information gomment les frontières, modifient nos manières de produire et changent nos modes de vie et de consommation. Il ne faut pas en concevoir de l’angoisse, il faut tenter de les comprendre, de les maîtriser, afin de retrouver les chemins de la croissance et de l’emploi.
Les pesanteurs
S’il faut adapter les emplois d’hier et d’aujourd’hui, ce qui m’intéresse aussi ce sont les emplois de demain.
La mondialisation est une réalité. Elle détruit souvent de vieux emplois, mais elle génère des richesses pour le présent et pour le futur. L’ouverture des frontières, essentiellement par l’Europe et son marché unique, a rapporté à la France plus qu’elle n’a coûté. Il nous faut donc systématiquement privilégier la conquête de nouveaux marchés. J’approuve totalement les efforts personnels du Président de la République en ce sens, mais je regrette qu’on ne libère pas davantage nos entreprises des pesanteurs financières et réglementaires qui pèsent sur elles et les handicapent à l’étranger.
Je souhaite qu’on permette à nos compatriotes, et spécialement aux plus jeunes, de respirer ce vent du large, de partir, quand ils le souhaitent, servir nos intérêts à l’étranger. Voilà un « service économique » qui donnerait aux plus jeunes une véritable expérience de la compétition mondiale.
Dans ce monde formidable qui change si vite, la France a de réels atouts : son savoir-faire, sa technologie, la qualité de ses femmes et de ses hommes et, notamment, leur niveau de formation.
Or, ce monde n’est plus celui de la protection et du repli sur soi. Sait-on que notre système de protection sociale représente 36 % du revenu des Français et que les déficits sociaux, près de 55 milliards de francs, pèsent donc directement sur nos impôts ? Les champions de la croissance que sont les pays émergents ou les pays anglo-saxons ne disposent que d’une faible fiscalité où la baissent résolument.
La révision d’un système de protection trop coûteux, qui met en cause l’avenir de nos enfants, ainsi que la baisse de la fiscalité sont des conditions de la reprise de la croissance et donc de l’emploi.
L’abandon d’une réglementation tatillonne jusqu’à l’excès, la fin des vieux réflexes centralisateurs et étatiques en sont deux autres qui méritent attention.
Il faut, de toute urgence, libérer les initiatives bridées par nos habitudes et nos craintes.
Partout, sur le terrain, les énergies sont prêtes à jaillir, pour peu qu’on les libère de ce lourd couvercle hérité de l’Histoire. Les collectivités locales sont d’abord faites pour créer de la richesse. Leurs politiques doivent tendre à ce but exclusif. Je suis un décentralisateur passionné, parce que j’ai systématiquement appliqué ce principe à mon département de la Vienne, dont les habitants se sont mobilisés de tout côté. Je souhaite que le mouvement de décentralisation soit repris, avec ces principes, sans crainte des erreurs qui resteront marginales.
Qu’on laisse enfin les collectivités décentralisées et les services de l’État, sur le terrain, gérer les fonds importants affectés à la promotion de l’emploi, sans que les administrations parisiennes se croient toujours investies d’une tâche qu’elles ne peuvent plus assumer.
Retrouver la croissance
Ces aides publiques ne devraient plus être attribuées qu’à ceux qui créent de l’activité supplémentaire. Il y a des milliers de nouveaux emplois, auxquels aujourd’hui on ne pense pas, qui pourraient ainsi apparaitre et contribuer à l’enrichissement du pays.
Pour soutenir des nouvelles activités, il faut développer les mécanismes de capital-risque, qui permettent à l’épargne courageuse et active d’aller vers les projets porteurs des emplois de demain. En Chine, comme en Californie, ce sont ces formules qui dopent la croissance.
Nous devons tous comprendre par ailleurs que les dépenses de fonctionnement sont aujourd’hui destructrices d’emplois. Réduire la dépense publique, c’est réduire le train de vie de l’État.
C’est aussi rendre ses dépenses d’investissements productifs plus efficaces et mieux ciblées.
Enfin, les nouvelles technologies de l’information doivent être déclarées prioritaires par l’État. Des mesures qui permettront la diffusion des technologies informatiques et de communication sont urgentes. L’informatique à l’école ou le développement d’internet aussi. Ce sont des gisements d’emplois considérables.
On n’imagine pas aujourd’hui comment ces technologies génératrices de productivité – dans lesquelles il faut investir résolument – vont créer l’emploi de demain.
Les pays anglo-saxons, Pays-Bas, Angleterre, États-Unis, ont déjà fait une partie du chemin. Ils ont retrouvé avant nous le chemin de la croissance et ils ont recommencé à créer des emplois en grand nombre.
Créer de la richesse dans les nouveaux secteurs, c’est créer de l’emploi durable. Aller chercher la croissance là où elle est, c’est conquérir des clients nouveaux qui se développent et attendent beaucoup de nos technologies et de notre savoir-faire.
Accepter de s’adapter à ce monde nouveau en remettant en cause nos protections et nos lourdeurs collectives, c’est prendre un ticket pour le train de la croissance de demain, c’est-à-dire pour de vrais emplois. La France en est capable. Elle ne doit plus attendre.