Interview de M. Jacques Dondoux, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, dans "Le Progrès" du 9 janvier 1998, sur les dispositifs d'aide à l'exportation en faveur des PME.

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Média : La Tribune Le Progrès - Le Progrès

Texte intégral

Question : Le commerce extérieur de la France a établi en 1997 des records. Quelles sont les raisons de cette bonne santé ? Quelles perspectives pour les entreprises françaises ?

Réponse : Nos exportations sont très dynamiques, en forte croissance depuis le milieu de 1996. C’est cela qui a nous a permis de dégager un excédent qui pourrait atteindre 180 MdF cette année. Quelles sont les raisons de ce dynamisme ? J’en vois deux principales.
Le dynamisme de la demande mondiale, en Amérique du Nord, en Europe, dans les pays émergents, d’une part. Il ne se maintiendra pas partout, et naturellement nos exportations vers l’Asie vont marquer un temps d’arrêt. Mais les perspectives de croissance restent bonnes en Europe.
Mais nos entreprises ont aussi fait d’importants efforts d’adaptation, en termes de compétitivité et de qualité. Sur le plan sectoriel, le solde qui a le plus progressé au cours des dernières années, c’est le solde industriel, qui était fortement déficitaire au début de la décennie. Sur les dix premiers mois de l’année, l’excédent industriel civil est supérieur à 100 MdF, plus que notre excédent total, tous secteurs confondus, pour l’ensemble de 1996 (89 MdF). Ce chiffre est à rapprocher du déficit de plus de 100 MdF qui avait été enregistré, dans le secteur industriel civil, en 1990.

Question : La France est en fait un pays dynamique qui s’ignore. Quels sont les secteurs qui marchent bien, et ceux qui méritent d’être développés ? Quelles mesures spécifiques, comptez-vous prendre à ce niveau ?

Réponse : Les bonnes performances de nos entreprises dans le secteur industriel montrent que les choses ont évolué au cours des dernières années. Nous avons des points forts traditionnels. Airbus, les grands contrats dans le secteur du BTP, des technologies de l’environnement, le domaine ferroviaire, l’agriculture, sur tous ces volets nos performances sur les marchés étrangers restent excellentes. Mais le changement vient de ce que nos entreprises ont progressé aussi dans d’autres secteurs, auxquels on pense moins souvent. Les professionnels du meuble français ont souligné il y a quelques jours que l’année 97 avait été très bonne à l’exportation. Je constate aussi que dans des secteurs tels que la pharmacie, l’électronique professionnelle, le matériel électrique, les taux de progression de nos exportations sont souvent impressionnants. Nous avons de nouveaux points forts à l‘exportation, il faut les consolider.

Question : Les PME-PMI attendent une aide à l’export afin d’être à égalité avec les entreprises d’autres pays exportateurs. Que comptez-vous mettre en œuvre pour répondre à leur attente notamment en matière de financement ?

Réponse : Vous le savez, les patrons de PME sont surchargés de responsabilités, soucieux d’un conseil de proximité et fortement contraints par la nécessité de préserver leurs fonds propres. Seul un service personnalisé, à leur écoute, centré sur le gain de temps, l’économie des moyens financiers et le renforcement des moyens humains pour les convaincre.
Mon premier souci c’est tous les services publics et parapublics qui ont aujourd’hui une compétence dans le domaine de l’international travaillent réellement ensemble. Nous devons offrir aux entreprises un service complet tout au long de la chaîne qui les conduira à l’internationalisation. Nous devons être avec elles au plus près du terrain dans les régions ou elles sont implantées.
Il faut que notre dispositif d’appui puisse leur apporter un conseil en temps et en heure par rapport aux impératifs de son calendrier d’internationalisation, leur faciliter leurs démarches d’implantation sur un nouveau marché La réforme du CFCE que j’ai demandée s’inscrit dans cette perspective.
Au plan financier, l’État consent un effort particulier en faveur des PME à l’exportation. Pour ne citer que quelques-unes des procédures plus importantes :
L’assurance-prospection est l’outil principal à leur disposition. La COFACE prend en charge dans le cadre de ce mécanisme une partie des dépenses engagées par l’entreprise pour sa prospection à l’étranger. En 1996, plus de 1 700 PME ont bénéficié de cette procédure qui a donc démontré son efficacité. J’ai eu le souci qu’une dotation budgétaire importante de 400 MF soit maintenue pour cette procédure en 1998.
Je veux aussi citer le CODEX destiné à aider les PME dans leurs projets d’implantation international par l’octroi d’avances (1) remboursables à taux nul. J’ai tenu dans le cadre du budget 98 à faire un effort particulier en faveur de cette procédure. Une augmentation de ses crédits de 50 MF à 70 MF est ainsi prévue.
Enfin, j’accorde une priorité à ce que nos PME puissent avoir le maximum de contacts avec leurs futurs clients internationaux. C’est notamment, le rôle des grandes expositions. Il y en aura eu trois cette année. L’an prochain, nous passerons à quatre expositions et peut-être plus à plus en 1999. J’ai ainsi décidé d’augmenter de 30 % le budget d’intervention du CFME-ACTIM pour cette durée. Il s’agit là d’une importante inversion de tendance puisque ces dernières années avaient été marquées par une réduction continue des crédits d’intervention de cet organisme.

(1) Hors Union européenne

Question : Les grandes entreprises peuvent avoir un rôle de « locomotive » pour l’exportation des PME-PMI. Pensez-vous prendre des mesures incitatives pour aider à cette coopération entre grands groupes et petites et moyennes entreprises ?

Réponse : Ce que je compte faire, c’est de donner un coup de projecteur sur une excellente initiative, émanant en partie du secteur privé d’ailleurs, et qui s’appelle « Partenariat-France ».
Il s’agit d’une association qui regroupe tous les grands groupes français dans tous les secteurs et qui organise du portage de PME-PMI à l’international. La grande entreprise présente déjà sur le terrain, donne des conseils pour s’implanter, ouvre son carnet d’adresses, ce qui fait gagner du temps pour se repérer dans un pays étranger, parfois hébergé dans ses bureaux le représentant de la PME, etc., etc.
Cette association est tout à fait remarquable. Elle établit une synergie entre l’esprit du privé et le service public. Elle est dirigée avec beaucoup d’efficacité par M. Alain CHEVALIER, et en même temps s’appuie sur Bercy au niveau central et sur les directions régionales du commerce extérieur dans les régions pour instruire les dossiers de candidature.
En un peu plus d’un an, il y a déjà eu 100 partenariats réalisés, autant sont « dans les tuyaux et je souhaite que cela s’accélère.

Question : Les experts comptables de la région Rhône-Alpes se sont engagés dans une véritable croisade en faveur de l’exportation des PME-PMI. Il s’agit dans un premier temps de détecter les entreprises capables d’affronter l’export et de les aider par une assistance appropriée en liaison avec la DRCE de Lyon. Cette expérience peut en inciter d’autres. Quels sont les acteurs économiques qui peuvent et doivent avoir une action dans ce domaine ?

Réponse : C’est une excellente initiative dont je ne peux que me féliciter. Les experts-comptables ont un véritable rôle à jouer en la matière. Ils connaissent en effet parfaitement les entreprises et sont donc parfois les plus à même de détecter les entreprises qui peuvent exporter et qui ne le font pas ou encore trop insuffisamment.
Or, vous le savez, nous avons encore un formidable potentiel de PME qui n’exploitent pas les possibilités offertes par l’exportation, faute souvent d’informations, d’un conseil ou d’un relais efficace.
Évidemment, les experts-comptables ne sont pas les seuls à pouvoir jouer un tel rôle. Le réseau consulaire, bien sûr mais aussi les chambres de métiers, les chambres d’agriculture, les collectivités locales sont d’excellents relais.

Question : L’agro-alimentaire reste le fer de lance de nos exportations avec un excédent à hauteur de 60 milliards de francs, ce qui nous classe au 2e rang mondial du secteur. C’est certes une raison de satisfaction, mais dans le même temps, cela ne fait-il pas apparaître la faiblesse de nos exportations dans le domaine en particulier des services et de la haute technologie ? D’autre part, comment entendez-vous préserver la position de l’agro-alimentaire dans le cadre de la nouvelle organisation mondiale du commerce ?

Réponse : Notre solde agroalimentaire est élevé, et il s’est maintenu à ce niveau élevé depuis plusieurs années. Nos exportations industrielles n’ont aujourd’hui plus rien à envier à ce secteur. Je relève que là aussi, il y a eu des évolutions importantes au cours des dernières années, et qu’au sein d’un solde à peu près constant (autour de 50 MdF par an, un peu plus en 1997), les produits transformés prennent une part croissante.

Question : Pourrons-nous préserver la position de l’agro-alimentaire dans le cadre de la nouvelle OMC ?

Réponse : Je crois que ces chiffres le montrent. Ils illustrent la capacité de nos entreprises du secteur agricole à être compétitives sur les marchés étrangers.
Cela étant :
– nous avons convenu avec nos partenaires que nous devions faire une pause jusqu’à l’an 2000. Il n’y aura pas de nouvelles négociations avant cette date ;
– il faut que les pouvoirs publics aident nos entreprises lorsqu’elles rencontrent des obstacles sur les marchés étrangers. Une décision récente de l‘Organisation mondiale du commerce contraindra le Japon à abandonner le traitement fiscal discriminatoire dans le secteur des alcools. Nos entreprises et nos agriculteurs en profiteront. C’est un effort qu’il faut poursuivre.

Question : Quel impact devrait avoir le passage à la monnaie unique sur nos exportations ?

Réponse : Du point de vue des entreprises qui exportent, l’Euro c’est d’abord un facteur d’incertitude en moins. Et en Europe, c’est le complément logique du marché unique. Nos entreprises ont déjà su mettre à profit l’unification des marchés européens. Elles sont bien placées pour tirer aussi tous les avantages de l’Euro.
Mais l’Euro sera aussi une garantie de taux d’intérêts faibles. C’est essentiel pour l’investissement et la croissance. Et naturellement, plus d’investissement, c’est nécessaire pour que la productivité de nos entreprises progressent. À moyen terme, c’est aussi de cela que dépendra la compétitivité de nos entreprises sur les marchés étrangers.