Texte intégral
Ce colloque organisé par la COFACE me donne l’occasion de vous adresser mes vœux les plus chaleureux et les meilleurs pour l’année qui vient. Je suis particulièrement heureux de le faire parce que vous êtes, vous les professionnels de l’international, l’épine dorsale de notre économie, celle qui fait gagner la France à l’étranger.
En me conviant à ce déjeuner, vous me permettez d’exposer ma conception de la politique économique, et je vous en remercie.
Mais avant toute chose, je voudrais adresser mes remerciements et mes félicitations à François David, le président de la COFACE, pour la manière clairvoyante et efficace avec laquelle il pilote cet organisme si utile à nos entreprises.
Ma reconnaissance toute particulière va aussi à Jacques de Lajugie, qui dirige avec talent depuis quelques mois la DREE, une administration stratégique dont le dynamisme est reconnu.
Notre époque s’inscrit en plein paradoxe. Alors que le rôle économique de l’État est battu en brèche lorsque ce n’est pas la notion même de politique économique qui est contestée, jamais autant qu’aujourd’hui les questions économiques n’auront été au cœur du débat public.
La raison à mon sens en est simple. L’économie aujourd’hui nous apporte les richesses et les emplois qui sont le creuset de la cohésion sociale. L’économie est donc notre patrimoine commun, nous devons tous contribuer à son développement.
Mais il est temps de bien clarifier les rôles de chacun. Ce sont les entreprises qui créent les richesses et qui sont donc à même de créer des emplois nouveaux ; c’est à l’État d’établir les conditions d’une expansion rapide en organisant le cadre d’un développement équilibré.
C’est de cette contribution de l’État dont je voudrais vous parler aujourd’hui. La politique que je mène depuis mon arrivée au ministère de l’Economie et des Finances s’organise autour de deux grands axes.
Le premier est celui de la libération des énergies productives par la redéfinition du rôle et de la place de l’État dans l’économie. Le second est la promotion de nos intérêts sur la scène européenne et au plan international.
Libérer les énergies productives, c’est en premier lieu réduire les prélèvements publics. Le constat est malheureusement bien connu. Avec des prélèvements obligatoires qui approchent 45 % du PIB, la France est l’un des pays industrialisés qui assèche le plus son économie productive.
L’action du Gouvernement est aujourd’hui sans équivoque avec à la fois la grande réforme de l’impôt sur le revenu qui sera réduit d’un quart en cinq ans, et le plan de régulation du système de santé destiné à stabiliser les cotisations sociales. Mais le plus important est que cet engagement de réduction des prélèvements est crédibilisé par notre politique de baisse de la dépense publique.
Le budget pour 1997, qui a été voté il y a quelques semaines, est le premier sous la Ve République à faire reculer la dépense publique en francs constants. C’est une l’évolution dont je souhaiterais que l’on ait bien conscience aujourd’hui.
Libérer les énergies productives c’est aussi canaliser les ressources financières vers les entreprises. La baisse historique des taux d’intérêt que nous avons connue depuis maintenant plus d’un an est évidemment le meilleur moyen d’y parvenir. Dois-je vous rappeler que les taux à court terme sont à leur plus bas niveau depuis 1971 et que nos taux à long terme sont de l’ordre de 5,8 %, soient parmi les plus bas au monde ? Le temps de l’argent cher est révolu ; c’est une bonne nouvelle pour les Français et les entreprises.
La création de Fonds d’épargne retraite procède de la même logique. Avec ces fonds, nous permettrons à l’épargne de s’orienter vers les fonds propres des entreprises, afin de faciliter le financement de leurs projets d’investissement et de croissance.
Libérer les énergies productives, c’est enfin simplifier sans cesse les règles et rationaliser les procédures. Depuis mon arrivée au ministère de l’Economie et des Finances, j’ai fait de la simplification des relations entre l’administration et les PME l’une de mes toutes premières priorités. Simplicité et proximité sont deux mots-clés à Bercy.
L’État s’est organisé pour payer plus vite ses créanciers ; la sécurité fiscale des entreprises a été renforcée ; la transparence et l’humanisation de la relation entre les entreprises et l’administration ont fait l’objet de mesures concrètes dont les chefs d’entreprise que je rencontre me disent qu’elles sont bien utiles.
Cette exigence de proximité et de transparence nous a en particulier amenés à créer au sein de la Direction des relations économiques extérieures (DREE), une véritable sous-direction des PME afin de pouvoir répondre aux attentes et aux besoins spécifiques de celles de nos petites entreprises qui partent à la conquête de marchés étrangers.
Ainsi façonnons-nous peu à peu le cadre d’un développement harmonieux de nos entreprises au service de la prospérité et de l’emploi. Mais nous devons aller plus loin et conduire une réflexion d’ordre stratégique.
Quels sont, par rapport à nos partenaires, les atouts que notre pays peut valoriser ?
La projection de notre économie vers l’extérieur me paraît être le principal. Nos résultats sur le plan commercial prouvent qu’il existe un savoir-faire français que l’on peut exploiter.
Vous connaissez aussi bien que moi l’ampleur de nos performances sur les marchés étrangers. Notre excédent commercial devrait être de l’ordre de 120 milliards de francs en 1996 et de l’ordre de 80 à 90 milliards de francs lorsqu’on tient compte des échanges avec les DOM.
Dès 1997 d’ailleurs, dans un souci de transparence, notre balance commerciale sera établie sans prendre en compte les échanges avec les DOM. Les deux modes de comptabilisation seront toutefois retenus dans un premier temps afin de permettre les comparaisons.
Ces résultats constituent un record historique. Ils reflètent nos performances à l’exportation, notamment pour les produits agricoles et les services où nous sommes au second rang mondial, et pour les produits manufacturés ou nous sommes au 4e rang mondial.
Ai-je besoin de vous rappeler que près du quart de notre population active travaille aujourd’hui pour l’exportation ? La contribution des échanges extérieurs à la croissance de notre économie est de 1,4 point par an en moyenne depuis 1990.
Nous avons donc acquis sur les marchés extérieurs une compétence particulière qu’il nous faut maintenant conforter et valoriser. Deux voies peuvent à mon sens être identifiées pour creuser notre avantage. La première consiste à réussir la monnaie unique et à lui donner un cadre qui corresponde à nos intérêts ; la seconde est de renforcer encore notre présence à l’étranger notamment en multipliant le nombre de jeunes travaillant hors du territoire national et en adaptant notre politique en fonction de l’évolution de l’activité mondiale.
La monnaie unique tout d’abord. C’est une bouffée d’oxygène considérable pour les entreprises, en particulier celles qui commercent avec l’étranger. C’est la garantie de la stabilité monétaire et de l’emploi.
Avec l’euro, les entreprises n’auront plus à supporter de risques de change puisque leurs ventes seront libellées dans la monnaie avec laquelle elles paient leurs salariés et leurs fournisseurs. C’est un avantage compétitif important par rapport aux entreprises implantées hors d’Europe.
À partir du 1er janvier 1999, avec l’euro, 92 % de notre PIB marchand sera à l’abri des fluctuations de change. C’est un avantage considérable.
Quant à nos échanges avec les autres pays, l’euro, qui a vocation à devenir rapidement une grande monnaie de réserve internationale, permettra qu’ils soient fondés sur des niveaux de parités reflétant mieux les données économiques véritables de chacun. L’euro, c’est la fin des fluctuations monétaires qui pénalisaient nos entreprises par rapport à leurs concurrentes étrangères.
Vous l’aurez compris, la préparation à l’euro est l’une de mes toutes premières priorités. Le récent Conseil de Dublin est à ce sujet une grande réussite pour l’Europe, à laquelle la France a su apporter une contribution décisive.
Qu’on en juge : le SME bis disciplinera les relations de l’euro avec les autres monnaies européennes n’ayant pas encore rejoint le premier cercle ; le pacte de stabilité et de croissance, véritable règlement de copropriété de l’euro, permettra d’éviter qu’un pays conduise une politique laxiste au détriment des autres ; enfin, je développerai l’idée d’un Conseil de stabilité et de croissance, instance informelle chargée de permettre aux pays disposant de l’euro de mieux coordonner leurs politiques économiques. Je me réjouis de l’adhésion que suscite au fils des mois cette proposition.
J’en viens maintenant à l’esprit de conquête qui doit nous animer sur les marchés étrangers. Nous devons tout d’abord renforcer notre présence humaine à l’extérieur de nos frontières. Aujourd’hui, nos expatriés sont deux fois moins nombreux que les Anglais et trois fois moins nombreux que les Italiens.
Je suis convaincu qu’il existe des gisements d’emplois très importants pour les jeunes Français dans les filiales de nos entreprises françaises à l’étranger, mais sans doute aussi dans les entreprises étrangères qui commercent avec la France.
Le développement de l’emploi français à l’étranger est une chance unique pour notre économie. Outre l’élargissement des débouchés qu’il peut procurer aux jeunes, c’est un outil puissant de promotion de nos intérêts et de renforcement de nos positions. L’expérience a montré que dans toutes les régions du monde, le lien entre le nombre d’expatriés et les performances commerciales étaient très étroites.
C’est pour cette raison que j’ai décidé de tout mettre en œuvre pour accroître significativement le nombre d’expatriations en particulier pour les jeunes. À cet effet nous allons accroître le nombre de coopérants du service national en entreprises (CSNE) qui devrait déjà passer de 3 400 en 1996 à 4 000 en 1997. Mais je souhaite surtout que l’on mette en place un régime beaucoup plus large de stages à l’étranger dans le cadre du volontariat du futur service national.
Ainsi donnerons nous les moyens à toutes les entreprises françaises implantées à l’étranger de profiter de l’ouverture, de la qualification et de l’esprit d’entreprise de nos jeunes diplômés sans avoir à supporter les coûts d’une expatriation classique.
Mais je souhaite aussi que se développe l’emploi des Français dans des entreprises étrangères, au premier rang desquelles je place bien entendu celles qui commercent avec notre pays. Je compte mobiliser dans les prochaines semaines nos postes d’expansion économique (PEE) pour qu’ils recensent les possibilités de débouchés de ce type en faveur de nos compatriotes.
Nos agents seront appelés à assumer un rôle de tuteur auprès des jeunes qui auront ainsi choisi de compléter leur formation hors du territoire national.
Ce renforcement de la présence française à l’étranger doit s’accompagner d’un redéploiement de nos moyens en direction des pays qui vont soutenir la croissance mondiale dans les prochaines années, en particulier les pays émergents.
Dans ces pays, dont la part dans le commerce mondial devrait doubler dans les dix prochaines années, notre présence est moins importante que celle de nos voisins, en particulier l’Allemagne.
Toute notre politique doit être animée par cet objectif. Le redéploiement en cours des effectifs des PEE vers les pays émergents va dans ce sens. Nous devons par ailleurs adapter nos procédures de soutien financier aux exportations.
C’est pour cette raison qu’en dépit des fortes contraintes budgétaires que nous subissons, nous avons maintenu et même amélioré les procédures destinées aux PME : assurance-prospection, assurance-foire et Codex.
En matière d’assurance crédit, nous avons profité de l’amélioration de la situation financière de nombreux pays pour mener une politique très volontariste et améliorer le soutien financier que nous pouvons vous apporter à travers le monde.
Dans le même temps, nous avons affiné la gestion de notre système de primes en élargissant le nombre de catégories ce qui lui confère une bien plus grande souplesse.
Sachez enfin que j’ai souhaité aller de l’avant en matière de financements de projets, même si les risques dans ce domaine sont souvent élevés. Ici comme ailleurs, ma conviction est claire : les pouvoirs publics, tout en mesurant les risques encourus afin de prévenir les opérations hasardeuses, doivent continuer à vous apporter un soutien efficace dans une compétition internationale qui s’intensifie.
Je voudrais enfin vous dire un mot d’un sujet qui me tient à cœur : l’intelligence économique. C’est la bataille de demain. Ceux qui détiendront l’information auront sur les autres une avance sans mesure.
C’est une de mes premières priorités. Depuis un an, nous avons considérablement progressé pour améliorer les circuits d’information entre les acteurs du commerce extérieur. Déjà le serveur Internet du ministère de l’Économie et des Finances permet d’obtenir des informations en provenance des PEE. C’est un bon début ; il faut aller encore plus loin.
Voilà, Mesdames et Messieurs, quelle est notre ambition pour la France. Le président de la République l’a dit, l’année 1997 sera celle de l’emploi des jeunes. Je suis convaincu que nous gagnerons ce pari parce que le climat économique est maintenant exceptionnellement porteur.
L’économie française est en ordre de marche avec une inflation maîtrisée, des finances publiques en voie de redressement et des taux d’intérêt historiquement bas. La croissance pour cette année devrait s’élever à 2,3 % et je considère ce niveau comme un plancher. Nous sommes en phase avec les prévisions des organismes de conjoncture privés et des institutions internationales.
Mais je suis persuadé que nous pourrions faire encore mieux que cela. 1997 sera une année de très forte croissance mondiale. Pour la première fois depuis 1985, tous les pays de I’OCDE sans exception devraient connaître une progression de leur activité, tandis que la croissance des pays hors OCDE demeurera sur des rythmes très forts. Nous sommes bien armés pour faire face à la demande extérieure soutenue qui en résultera. Ne laissons pas passer cette chance.
Dans une économie mondialisée, ce ne sont plus seulement les entreprises qui sont en concurrence les unes par rapport aux autres, mais aussi les États et les systèmes socio-économiques. Notre devoir collectif est de mettre sous tension notre économie pour lui donner les moyens d’affronter la concurrence internationale dans de bonnes conditions.
Nous devons être animés par un véritable « patriotisme économique ». Mettons toutes nos forces dans la bataille pour gagner ce combat. Ce combat, c’est celui de l’avenir de notre pays, de l’avenir de nos enfants.
Je vous remercie de votre attention.