Déclaration de M. Arthuis, ministre de l'économie et des finances, Alain Lamassoure, ministre délégué au budget et porte-parole du gouvernement, et Yves Galland, ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, sur le programme d'action économique de l'année, Paris le 14 janvier 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Jean Arthuis - Ministre de l'économie et des finances ;
  • Alain Lamassoure - Ministre délégué au budget et porte-parole du gouvernement ;
  • Yves Galland - Ministre délégué aux finances et au commerce extérieur

Circonstance : Présentation des voeux à la presse économique et financière (AJEF), le 14 janvier 1997

Texte intégral

M. Vernholes, Messieurs les ministres, mesdames, messieurs. Nous voici encore une fois réunis pour nous souhaiter des tas de bonnes choses, et nous les souhaiter réciproquement. Les vœux de réussite que nous vous adressons sont sincères. Il s'agit de la santé de notre économie, du présent et aussi du futur qui en sera influencé, et votre réussite c'est pour tous plus d'emploi, un meilleur niveau de vie, la possibilité de plus de solidarité, plus de moyens consacrés à l'éducation et à la santé. Bonne année donc, et puissiez-vous réussir ce que vous avez entrepris, car les enjeux sont importants et l'année sera rude.

Au-delà du rite respecté des souhaits de bonne année, notre présence à tous ici montre à quel point nous sommes attachés à certaines habitudes. Je vous avais demandé de redonner vie aux réunions de presse, vous l'avez fait, et je vous en remercie. Le fait que nous soyons nombreux aujourd'hui montre aussi que notre association est bien vivante, se trouve même en pleine force de l'âge car, vous ne le savez peut-être pas, mais créée en 1957, elle fêtera cette année ces quarante ans d'existence. L'AJEF organisera donc, en guise d'anniversaire, un colloque à la Sorbonne au cours de la première quinzaine de juin. Si je tenais à vous fournir dès aujourd'hui ce scoop important, c'est parce que nous profiterons de cette occasion pour nous interroger à haute voix, nous journalistes, sur l'exercice de notre professions mais aussi pour interroger les différents pouvoirs qui, de l'autre côté de la barrière, nous font face comme pourvoyeurs d'informations, notamment les pouvoirs politiques et professionnels.

Comment faisons-nous notre métier ? Répondons-nous à notre mission ? Répondons-nous aux attentes de nos lecteurs ? Participons-nous correctement à l'exercice de la démocratie et des pouvoirs qui nous informent ? Comment tiennent-ils leur rôle vis-à-vis de la presse et des journalistes ?

Vous aviez bien compris à mes propos de l'an dernier que je n'étais pas complètement optimiste quant aux réponses à apporter à toutes ces questions essentielles. La presse souffre, elle manque de moyens financiers, matériels et humains. La presse, particulièrement la presse quotidienne, est fragile parce qu'elle est pauvre, et donc les journalistes ont de plus en plus de difficultés à bien faire leur travail. Il y a là, si on met à part quelques réussites financières exemplaires, un véritable problème, qu'expriment indirectement les journalistes dans une enquête comme celle réalisée récemment par Deloy-Destouches avec le Centre de formation et de perfectionnement des journalistes de la rue du Louvre, ainsi qu'avec Entreprises et Médias qui rassemble une centaine de directeurs de communication. C'est une enquête qui a touché 500 journalistes et à laquelle ont répondu presque la moitié d'entre eux, ce qui est quand même très important.

Publiés en octobre 96 les résultats de cette enquête, qui ne concernait que les entreprises, je le souligne, ont beaucoup fait parler d'eux dans la profession. Au sein du bureau de l'AJEF nous sommes partagés sur l'interprétation et l'importance qu'il faut donner à cette enquête. Je dois tout de même en parler parce que nous sommes tous réunis ici et que de telles occasions ne sont pas si fréquentes, mais également messieurs les ministres, parce que si l'enquête ne concerne pas les rapports de la presse et des pouvoirs publics, les problèmes qu'elle pose sont trop généraux pour ne pas vous intéresser vous aussi.

Que montre cette enquête ? Que les journalistes économiques et sociaux sont de plus en plus nombreux au sein des journaux, mais aussi des radios et des chaînes de télévision. C'est donc une force montante et c'est une bonne chose. Mais cela veut dire aussi que nos problèmes et les vôtres vont croître en volume, si j'ose dire, avec le nombre des journalistes économiques et financiers. L'enquête montre aussi que les relations des journalistes avec leurs informateurs ne sont pas bonnes. Ce constat peut sembler plutôt sain, puisque le journaliste est par définition d'un côté de la barrière, alors que les sources d'informations sont presque toujours de l'autre côté. Nos intérêts sont différents, souvent même opposés. Mais il est préoccupant d'avoir l'impression que l'information est davantage acceptée comme un mal inévitable que comme un rapport normal dans une société ouverte et moderne, au sein de laquelle chacun assume une fonction.

Conséquence du rôle accru joué par les directeurs de communication, les DIRCOM, comme on les appelle, les journalistes sont dans une très grande majorité à souhaiter beaucoup plus de contacts directs en tête-à-tête avec les dirigeants. Les services de communication ont plutôt mauvaise presse, puisqu'on trouve pour les qualifier les mots de « censure », « faible pédagogie », « passage obligé », « faible compétence ».

Le tableau s'assombrit quand on découvre comment les journalistes décrivent l'exercice de leur profession. 83 %, pour être exact, d'entre eux ont déclaré qu'ils n'avaient pas le temps nécessaire pour travailler correctement. Or en 1992, il Y a donc seulement un peu de quatre ans, cette proportion n'était que de 55 %. La dégradation des conditions de travail est là très rapide, et cela donne à réfléchir.

Vous comprendrez que cette enquête, dont je ne rapporte ici que quelques grandes lignes, pose aussi par exemple des problèmes de formation professionnelle, a beaucoup fait parler d'elle. Je m'en suis entretenu avec celui qui au CPJ s'est occupé de la réaliser. Elle a été bien faite et traduit sûrement quelques réalités, même si celles-ci nous arrivent plus ou moins déformées et doivent être interprétées. Ce sera en partie le sens de notre colloque du mois de juin mais, dès maintenant, profitant de l'hospitalité de cette réunion annuelle qui nous rassemble nombreux, je voulais dire les quelques leçons que pour ma part j'en tire.

La première est qu'un maximum de choses doivent être faites pour améliorer l'information, la faire circuler, la rendre accessible, faciliter la tâche de ceux qui en font le métier. Nous sommes tous responsables, nous journalistes, nous AJEF, vous pouvoirs publics pourvoyeurs d'informations. C'est pour cela que notre association multiplie ses réunions de petits-déjeuners, au cours desquelles nous recevons des responsables qu'ils soient chefs d'entreprise, hauts fonctionnaires, ministres, banquiers, responsables d'organisations internationales. Quand je dis que nous en sommes tous responsables, je veux dire que l'information, pour naître et se diffuser, a absolument besoin du concours de tous. Ce n'est pas un choix, c'est véritablement un devoir, trop de choses essentielles en dépendent.

Tout le monde doit jouer le jeu. Or, il faut bien voir que ce n'est pas toujours le cas. Les pouvoirs publics - en d'autres lieux je dirais les chefs d'entreprise - ne doivent pas, à chaque fois que cela les arrange ou les dérange, changer les règles qui, grosso modo, ont fait leurs preuves, répondent à de véritables besoins. Je ne fais pas seulement allusion à la régularité des points de presse, qui doivent être aussi nourris et nombreux que possible, et bien entendu ouverts à tous. Ce problème est parfaitement réglé ici. Je fais aussi allusion à ces poussées de méfiance, d'autoritarisme, qui incitent de temps en temps les gouvernements, surtout en période de difficulté, à centraliser l'information à l'extrême, à vouloir tout passer à la moulinette des chargés de communication ou des directeurs de cabinet. Nous avons connu depuis vingt-cinq ans plusieurs vagues autoritaires de cette sorte, le plus souvent provoquées par la sortie de scoops plus ou moins gênants. Ces pulsions autoritaires n'ont jamais eu de bons résultats, ni bien sûr pour la presse, ni pour les pouvoirs publics qui n'ont jamais obtenu ce qu'ils cherchaient, à savoir un meilleur contrôle des sources d'informations. En revanche, elles ont compliqué la tâche des journalistes qui, à chaque fois, ont eu tendance à se montrer plus sévères dans leurs analyses qu'ils ne l'auraient été en période disons de décentralisation de l'information.

Mais en parlant de devoir concernant l'information, je pense aussi aux journalistes qui le plus souvent répondent très nombreux aux réunions de l'AJEF lorsqu'elles annoncent des têtes couronnées du genre Premier ministre, ministre, grand patron d'une grande entreprise, directeur d'une institution internationale, mais nous retrouvent, hélas, un peu trop peu nombreux lorsque nous annonçons un haut fonctionnaire allemand ou un sous-gouverneur de la Banque d'Angleterre. Il faut bien voir qu'un nombre insuffisant de journalistes venant écouter et questionner de tels invités nous pose problème. Le risque est une mauvaise interprétation du genre : « S'ils ne viennent pas, c'est que cela ne les intéresse pas ». Je dirais la même chose pour ces séances de recyclage que nous vous avons proposées à plusieurs reprises et qui n'ont pas suscité beaucoup d'enthousiasme, c'est le moins qu'on puisse dire.

La seconde leçon que je tire du sondage est que chacun a son poste doit bien assumer son rôle, bien assumer sa fonction. Je pense d'abord à ceux qui, en place auprès du pouvoir, ont pour mission de faciliter l'information. Je parle des attachés de presse, des directeurs de communication et autres fonctions proches, et l'état des lieux n'est pas là tout à fait satisfaisant. Je le sais d'expérience personnelle, je le sais à partir d'informations rapportées par les confrères. Nous le savons maintenant à partir de l'enquête dont nous avons parlé tout à l'heure. Bien entendu ce que je vais dire est de portée générale et concerne aussi bien le gouvernement que les entreprises publiques et privées, ou les syndicats. Si les documents de base destinés à l'information sont généralement de bonne qualité et fiables, s'il y a eu dans ce domaine de gros progrès accomplis, votre ministère est sur ce point digne d'éloges, il y a fort à faire par ailleurs et le degré d'insatisfaction des journalistes devrait faire réfléchir les professionnels qui font métier de communication.

Pour être bref, car le temps passe, la communication en fait trop, voire beaucoup trop, pour protéger, abriter, filtrer, promouvoir le patron, le ministère, la société et pas assez pour le journaliste pour répondre à ses besoins d'information. Le fossé communication/information ne peut pas être supprimé, il est dans la nature des choses, ou plutôt dans la nature des fonctions. Tout au moins, peut-il être réduit. Je ne prendrai qu'un exemple. Assumer des fonctions de communication, c'est d'abord répondre aux questions qu'on vous pose, répondre aux lettres ou aux fax qu'on vous adresse. C'est aussi bête que ça, et pourtant le fossé commence à se creuser là à partir d'un certain manque de professionnalisme. De ce point de vue, la bourde de la SNCF dans un autre domaine, laissant les voyageurs en panne sans information, n'est pas surprenante car elle est exactement dans la logique des carences dont je vous parle. Nous sommes très bien servis quand la demande du journaliste va dans le sens du poil, moins bien servis, voire oubliés, quand la demande dérange le ministre en place ou qu'on s'imagine qu'elle doit déranger, et cela n'est pas satisfaisant.

Nous reparlerons de tout cela au colloque du quarantième anniversaire. Si j'ai été long, si j'ai voulu aborder dès aujourd'hui cet important et difficile problème des relations de l'information économique avec les pouvoirs, c'est bien parce que nous souhaitons que tous y réfléchissent afin de pouvoir avancer des idées lors de notre rencontre de juin, peut-être même pour que nous prenions d'ici là quelques bonnes résolutions.

Je ne voudrais pas terminer sans vous parler des 30 % des journalistes. Je ne vous ai pas parlé de cet abattement dont bénéficie la profession, car l'affaire ne concerne pas l'AJEF, mais les syndicats de journalistes. Bien sûr, si vous aviez eu l'étrange idée de nous demander notre avis sur la question, nous vous aurions dit ce que nous en pensions. Je puis tout de même vous dire, non pas en tant qu'association professionnelle, mais en tant que représentant de journalistes économiques et financiers, donc en principe en tant qu'expert, que le système d'aide aux journaux auquel vous songez, paraît-il, à titre de compensation, nous semble bien compliqué pour être efficace. Nous suivrons donc avec attention le détail de ces mesures et les effets qu'elles auront sur le niveau de vie de la profession. Je vous remercie messieurs les ministres de m'avoir écouté aussi longtemps et vous renouvelle les vœux de l'Association des journalistes économiques et financiers. (Applaudissements).

M. ARTHUIS : Monsieur le Président, mesdames, messieurs, je voudrais, au nom d'Alain Lamassoure, d'Yves Galland, et bien sûr à titre personnel, remercier votre président, M. Vernol, pour les vœux qu'il vient de nous adresser et remercier chacun d'entre vous pour votre présence et ce message qui nous a été transmis par votre président. A mon tour, je voudrais former pour chacun d'entre vous des vœux très sincère de joie, de bonheur, de santé, que cette année 1997 soit riche de satisfactions et en particulier de satisfactions professionnelles.

On n'a pas des métiers faciles, Monsieur le Président. C'est vrai pour vous, journalistes, c'est vrai aussi pour les membres du gouvernement, si tant est que ce soit un métier. Merci pour le scoop que vous venez de nous révéler. Merci aussi pour les appréciations encourageantes que vous avez formulées à l'endroit de notre communication. Nous essayons de faire au mieux et chaque point de presse est un moment privilégié, un moment stimulant pour le gouvernement. Je me réjouis que vous soyez venus aussi nombreux ce matin. J'y vois le signe de bonnes relations qui se sont établies entre vous et notre ministère. Nous avons tenu régulièrement des points de presse, nous avons essayé de préparer des dossiers de presse, et croyez bien que nous poursuivrons dans cette voie avec détermination. Nous traitons une manière qui est complexe et nous avons besoins pour progresser, pour réformer, pour entraîner de susciter la compréhension, l'adhésion, alors nous devons nous mettre à l'abri de tous risques de malentendus qui risquent de faire chavirer l'issue d'un débat. Nous serons au rendez-vous de l'information, au rendez-vous de la transparence, au rendez-vous de la sincérité.

Vous avez fait allusion, Monsieur le Président, à la réforme très importante de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, réforme qui vise à alléger le poids de l'impôt, qui vise à en simplifier les mécanismes et qui a créé quelque émoi au sein de votre profession. Vous le savez, une médiation est engagée, un fonds de compensation a été voté par le parlement. Si les orientations du jour vous paraissent encore complexes et perfectibles, eh bien croyez bien que nous allons persévérer dans la recherche de solutions équilibrées, de solutions d'équité, la médiation se poursuit.

L'action du ministère de l'Economie et des Finances imprègne l'existence quotidienne de nos concitoyens, et c'est pourquoi notre politique doit être sans cesse expliquée. Vous avez donc une fonction de relais tout à fait essentielle. 1997 sera une année capitale pour l'économie de la France. Nous allons, je l'espère, récolter les premiers fruits des actions engagées depuis maintenant dix-huit mois. Nous allons aller aussi plus avant dans les réformes pour adapter la France, pour lui permettre d'occuper sa place au sein de l'Europe bien sûr, mais également au plan mondial.

Mon ministère va avoir beaucoup de travail et vous aussi, par voie de conséquence. Le programme d'actions que nous avons défini comporte quatre piliers. D'abord, la modernisation de l'Etat dans le sens de la transparence, de la proximité et de l'efficacité. Deuxième chantier : la poursuite du redressement de nos finances publiques et la consolidation de la décrue fiscale. Troisième pilier et troisième chantier : la préparation du pays au passage à l'euro. Enfin, je voudrais revenir sur l'accélération de la modernisation de notre place financière.

D'abord, la modernisation de l'Etat. Les maîtres mots en la matière sont transparence, proximité, efficacité. S'agissant de la transparence, je voudrais une fois encore rappeler l'ouverture depuis la fin du mois d'octobre d'un site Bercy sur le réseau Internet. C'est une façon de rendre nos ministères accessibles au plus grand nombre sans barrière, sans restriction, et les premiers résultats sont encourageants. 600 000 connexions en deux mois, c'est dire si ce service répond à une attente. N'y voyez pas de provocation, mais vous pourrez calculer l'impôt dont vous êtes redevables grâce à un tableau qui à votre disposition. Vous pourrez l'interroger pour savoir dans quel département français vous pouvez immatriculer au meilleur prix votre véhicule automobile. Vous pourrez consulter un poste d'expansion économique en Chine, en Amérique du Sud, en tout autre point du monde où la France est présente. C'est une volonté de dialogue et d'accès direct. Nous faisons tout également pour répondre plus rapidement à tous ceux qui nous interrogent.

Nous voulons aussi encourager la simplicité des procédures afin de desserrer toutes ces contraintes qui handicapent les acteurs économiques. Beaucoup de simplifications ont d'ores et déjà été engagées : renforcement de la sécurité fiscale pour les PME, extension des possibilités de paiement par carte bancaire - c'est un système qui va se généraliser -, accélération des paiements opérés par l'Etat avec des dispositions extrêmement strictes pour ceux des services publics qui paieraient avec retard. Nous préparons également un projet de loi portant simplification des droits indirects. C'est très technique, mais on verra à quel point ceci libère un formalisme devenu tout à fait suranné.

Notre maison se doit enfin d'être exemplaire en terme d'efficacité de gestion. Nous avons d'importants et de lourds chantiers qui sont ouverts. Je pense à la gestion patrimoniale. Je pense également à la réforme budgétaire, de la procédure de discussion budgétaire. Peut-être vous souvenez-vous de cette grande première qu'a constituée au printemps 1996 l'ouverture au Parlement d'un débat d'orientation budgétaire. C'est une façon de procéder à une pédagogie active, et si nous voulons que l'ensemble de nos compatriotes entrent dans la problématique budgétaire nous avons le devoir d'informer dans la transparence, de distinguer ce qui relève du fonctionnement et de l'investissement pour qu'on ne se méprenne pas sur la nécessité ni sur l'urgence de l'assainissement des finances publiques.

Deuxième pilier, je viens de le dire, la poursuite de l'assainissement de nos finances publiques, avec l'engagement simultané du redressement des comptes et de la décrue fiscale. On l'a dit, trop de dépenses transitent par des administrations. L'année 1997 est un engagement irréversible de ce point de vue, engagement de décrue fiscale, modération des dépenses publiques. C'est véritablement une rupture sans précédents qui s'opère puisque, pour la première fois sous la Ve République, la dépense de l'Etat va baisser en francs constants. Parallèlement, le plan global de maîtrise de la dépense de santé est mis en œuvre sans faiblesse. Cette politique permet de réduire nos déficits et permet corrélativement d'alléger. En soi l'assainissement des finances publiques n'est pas un projet politique, mais il n'y a pas de projet politique crédible sans finances publiques saines.

Troisième pilier, le passage à l'euro, enjeu historique pour notre économie. La monnaie unique est une chance historique pour l'économie française. Cette monnaie unique doit être un facteur de stabilité et donc de confiance, d'investissements, et d'emplois. Pendant l'année 96 nous nous sommes dotés des instruments nécessaires au passage à la monnaie unique. Le Conseil européen de Dublin a été couronné de succès, et qu'il s'agisse du statut juridique de l'euro, qu'il s'agisse du SME bis, qu'il s'agisse enfin de ce pacte de stabilité et de confiance. Nous avons des instruments pour passer à la monnaie unique. Nous serons au rendez-vous du 1er janvier 1999. Avec l'euro la France disposera des meilleurs atouts pour jouer durablement dans la compétition internationale.

Nous aurons, pendant les mois qui viennent, à faire partager plus largement encore l'idée de doter nos institutions européennes d'un Conseil de stabilité et de croissance, c'est une idée qui progresse. Ce sera une nécessité dès le 1er janvier 1999 pour tous ceux qui entendront faire vivre avec bonheur ce règlement de copropriété de l'euro qui est le pacte de stabilité et de croissance. Nous aurons également à mieux coordonner nos politiques économiques, ce Conseil de stabilité et de croissance sera une nécessité absolue. Mais 97 sera aussi l'année qui doit permettre aux Français de s'approprier, de se préparer à s'approprier la monnaie unique. Nous allons multiplier les actions sur le terrain. Dans quelques jours je présiderai le Comité national de l'euro. Nous multiplierons des initiatives dans les départements, nous irons sur le terrain. Peut-être aurai-je l'occasion de vous accueillir en Mayenne au mois de mars prochain pour une opération euro. Bref, nous devons permettre aux Français de s'approprier leur nouvelle monnaie. Hier le jury de concours des pièces euro a été mis en place. Il a choisi les premiers dessins, de telle sorte que le Conseil d'Amsterdam en juin prochain puisse faire un choix de ce que seront les premières pièces en euro. Ensuite Peyssac sera chargé de produire 6 à 7 millions de pièces par jour pendant quatre ans pour qu'au 1er janvier 2002 les français puissent échanger leurs pièces en franc français contre des pièces en euro.

Enfin, dernier pilier, la modernisation de la place financière. Ce chantier a été largement ouvert en 1996 avec la discussion et le vote de la loi portant modernisation des activités financières. Nous avons également mis en place le Conseil des marchés financiers, modifié la composition du collège de la Commission des Opérations de Bourse. Nous avons des textes relatifs à la réglementation comptable. Nous préparons également des textes sur le démarchage et sur les placements à gestion collective. D'autres pistes seront explorées pendant cette année, et je crois que la France ainsi se donne les moyens de faire de Paris l'une des grandes places mondiales financières.

L'année 97 doit également être l'année de la réforme bancaire. Les diagnostics, je le crois, sont aujourd'hui bien établis. Il faut maintenant passer aux actes. Peut-être que certains parmi vous avaient prévu cet après-midi de se rendre à l'Assemblée nationale pour suivre une audition publique à laquelle j'étais conviée sur le thème de la situation du système bancaire et des réformes à entreprendre pour le rendre plus sûr et plus compétitif. Il se trouve que le calendrier parlementaire crée des chevauchements et j'ai dû donner priorité à la discussion du texte instituant les fonds d'épargne retraite. Cette audition à l'Assemblée nationale sur la réforme bancaire est donc reportée de quelques jours, sans doute la semaine prochaine, mardi après la séance des questions d'actualité.

Pendant cette année nous aurons également à poursuivre nos actions de privatisation, dont il est reconnu au fil des mois qu'elles deviennent plus difficiles parce que ce sont des entreprises dont la situation spécifique complique quelque peu le passage sous contrôle privé.

Quand on parle de communication on s'interroge sur la réception du message que l'on diffuse. On veut être constamment rassuré pour qu'il n'y ait pas de malentendu sur les intentions. Eh bien c'est souvent délicat. Et lorsque j'entends les propos qui s'échangent sur le débat relatif à l'institution de fonds d'épargne retraite, j'en viens à me demander s'il n'y a pas, en effet, quelques malentendus. Certains tentent à opposer la retraite par répartition et la retraite issue de l'épargne retraite. Je voudrais, une fois encore, souligner à quel point ces formes de retraites sont complémentaires, combien il est injuste de les opposer et d'imaginer qu'il puisse y avoir une sorte de cannibalisation de la retraite par répartition par l'épargne retraite. Nous avons besoin, je n'ai cessé de le dire, d'offrir à ceux des salariés qui le souhaitent un supplément de retraite, et celui-ci sera fonction de l'effort qu'ils auront consenti. Nous avons aussi besoin de régénérer notre tissu économique, d'encourager l'esprit d'entreprise et surtout de mettre à la disposition de ceux qui entreprennent des fonds propres en quantité suffisante pour qu'ils financent convenablement leurs investissements, qu'ils puissent aller de l'avant, qu'ils puissent créer des richesses et créer des emplois. Or, la contrepartie de ces fonds d'épargne retraite c'est qu'on va pouvoir enfin disposer d'une épargne qui ira à d'autres fins que de couvrir les déficits publics, surtout lorsque ceux-ci correspondent à des déficits de fonctionnement, que le recours à l'emprunt est mangé par le financement de salaires ou de charges courantes. Nous avons besoin d'une épargne qui soit orientée vers l'économie productive, et cette épargne proviendra de l'épargne retraite. Ce qui dans dix ans, dans vingt ans donnera de la sécurité, de la pérennité de la retraite par répartition, qu'il s'agisse du régime de base, du régime général ou du régime complémentaire, ce sera le nombre des emplois que la France aura pu créer sur son territoire. Eh bien ceci dépendra du financement des entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises.

Je voudrais donc lever et faire disparaître ce malentendu. Il ne peut être dit qu'il y aurait conflit entre la retraite par répartition et les fonds issus de l'épargne retraite. J'ajoute que c'est sans doute un malentendu qui fait dire à certains représentants d'importantes centrales syndicales que le gouvernement n'aurait pas respecté les engagements. Dans une lettre du 10 décembre dernier, M. Blondel, M. Viannet, M. Deleu, M. Villebedois ont fait connaître leurs souhaits à Monsieur le Premier ministre. Le 10 décembre le Sénat ne s'était pas encore prononcé. Le seul texte pris en considération résultait des délibérations de l'Assemblée nationale et, en effet, les mesures d'exonération de cotisations d'assurance-vieillesse portant sur l'abondement versé par les employeurs avaient un caractère dérogatoire. L'amendement qui a été déposé au Sénat par M. Fourcade, au nom de la Commission des Affaires sociales, avait précisément pour objet de faire entrer ce dispositif dans le droit commun, c'est-à-dire 85 % du plafond de Sécurité sociale, et c'est d'ailleurs le souhait qu'exprimaient quatre signataires, dont j'ai rappelé les noms, dans une lettre adressée à Monsieur le Premier ministre, le 10 décembre. Donc je voudrais vraiment que nous puissions lever bien vite ces malentendus et aller résolument vers la constitution de fonds d'épargne retraire.

Vous le voyez, pour 97, nous aurons du pain sur la planche. Le contexte économique est porteur et la volonté politique existe pour faire avancer les réformes. L'année qui vient doit être une bonne année pour la France grâce bien sûr à chacun d'entre vous, une année de lucidité, une année de clairvoyance, une année de cohérence et de courage ; bref, une année volontaire et une année responsable, une année de croissance et, je l'espère, une année d'emplois. Je vous souhaite à tous une très bonne année 1997.