Texte intégral
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord d’exprimer à mon tour, comme l’ont fait de nombreux orateurs, ma gratitude au Sénat tout entier, à sa commission des lois et à la mission d’information « Jolibois-Fauchon » pour le travail accompli en peu de mois ; tout cela a en effet commencé en février dernier, au moment où nous discutions, à Versailles, de la révision constitutionnelle.
Je suis heureux que vous me donniez l’occasion de parler du fonctionnement des juridictions autrement que par le tableau rapide et partiel que l’on en fait généralement à l’occasion du débat budgétaire. Celui que nous aurons dans quelques semaines ne dérogera pas à cette règle, que je qualifierai de frustrante.
Je voudrais souligner, comme vient de le faire M. Jacques Larché président de la commission des lois, que la séance de cet après-midi, pour brève qu’elle soit, marque une étape importante et constitue un exemple de l’excellence du travail au Sénat, en particulier dans le domaine de la justice qu’il a beaucoup exploré depuis plusieurs années.
Avant de répondre aux différentes questions et suggestions, je porterai une appréciation générale sur le rapport de la mission, en indiquant l’action que, pour ma part, je mène dans mon ministère à cet égard.
Tout d’abord, je souligne que je suis en accord complet avec le constat fait par le rapport, qui est, pour l’essentiel, le constat de l’encombrement des juridictions. Je citerai un seul nombre significatif à cet égard ; il existe, en moyenne, plus d’un an de stock d’affaires, les cours d’appel connaissant – il faut le dire – la situation la plus critique. A tous les niveaux, l’augmentation des flux d’affaires nouvelles se poursuit. Je vous renvoie naturellement au rapport pour des chiffres détaillés, puisque nos sources sont identiques.
Il est vrai que j’ai eu l’occasion d’employer, voilà quelques mois, un mot que vous aviez souvent cité ici : j’avais en effet dit que, si nous ne prenions pas aujourd’hui des mesures, nous serions confrontés, dans quelques années, à une « embolie » ; le rapport évoque, quant à lui, une « asphyxie », une « paralysie » ou une « hémiplégie ». Ce sont de toute façon, comme chacun le sait, des accidents graves ! Par conséquent, quel que soit le vocabulaire, nous devons faire aujourd’hui un effort pour prévenir leur survenue.
Par ailleurs, le constat qui est fait, et que je partage, n’est pas nouveau. En effet, c’est à partir de ce constat, fait notamment par le Sénat en 1992 et en 1994, que des initiatives ont été prises par le Gouvernement. La plus connue d’entre elles est naturellement le programme pluriannuel pour la justice que vous avez adopté au début de l’année 1995 sur la proposition de M. Méhaignerie, mon prédécesseur à la Chancellerie. C’était une réponse essentiellement quantitative – certains s’en sont plaints, d’ailleurs – mais elle demeure tout à fait indispensable, la France n’ayant pas, jusqu’à présent, accompli en faveur de sa justice – c’est le moins que l’on puisse dire – des efforts démesurés. Je partage tout à fait sur ce point les critiques exprimées en termes excellents et véhéments par M. Bonnet.
J’ai poursuivi pour ma part l’effort entrepris par M. Méhaignerie en vue de redresser les moyens de la justice, et je voudrais, à cet égard, citer simplement quelques caractéristiques du budget de 1996 et du projet de budget pour 1997.
En 1996, les 60 créations d’emploi de magistrat ont été localisées par priorité dans les cours d’appel, mais aussi dans les tribunaux pour enfants et dans les services de l’application des peines, où des grands besoins se font sentir.
Parallèlement, 190 emplois de fonctionnaires des greffes ont été créés au titre du programme pluriannuel pour la justice ; mais, au-delà de ce programme pour venir spécialement en aide aux juridictions les plus en difficulté, 300 emplois d’agent de catégorie C ont été créés. Le recrutement de ces agents est quasiment terminé par voie de concours régionalisés et permettra aux juridictions de disposer, par exemple, des dactylos nécessaires à la frappe des jugements, dont le déficit a été relevé par la mission sénatoriale, comme elle l’avait antérieurement, notamment par la mission Haenel-Arthuis.
Dans le projet de loi de finances pour 1997, cet effort de création d’emplois est maintenu, bien qu’à un rythme moins soutenu en raison d’un contexte budgétaire rigide que M. le rapporteur général a très bien rappelé, voilà quelques instants.
Ainsi est prévu la création de 30 emplois de magistrat, qui permettront de poursuivre la politique de renforcement des cours d’appel et des tribunaux pour enfants. En outre, 147 emplois de fonctionnaires de catégorie C renforceront la capacité d’exécution des greffes.
Par ailleurs, le budget de 1996 et le projet de loi de finances pour 1997 ont permis de maintenir à hauteur d’environ un milliard de francs chaque année le montant des investissements immobiliers et de doter ainsi l’institution judiciaire d’un patrimoine moderne facilitant la mise en œuvre des réformes judiciaires, tout en améliorant les conditions de travail des personnels de justice et d’accueil des auxiliaires de justice et des justiciables.
Mais l’augmentation des flux contentieux est si massive, si on continue depuis des années, et semble relever de causes si profondes qu’on ne peut que s’interroger comme vous l’avez fait tout au long de l’après-midi, mesdames, messieurs les sénateurs, sur la capacité financière de l’État à répondre, sur le long terme, par une augmentation parallèle des moyens.
Le mérite du rapport de la mission d’information de la commission des lois est précisément de s’interroger sur les évolutions structurelles qui pourraient permette de faire face plus efficacement, c’est-à-dire, comme l’a indiqué M. Jacques Larcher, avec des moyens raisonnables, aux besoins qui se font jour en matière de justice.
Cette approche est évidemment excellente, et je l’ai adoptée, pour ma part, dès mon arrivée place Vendôme, en faisant préparer un plan de modernisation des juridictions, qui a été rendu public au mois de juin dernier. J’en ai d’ailleurs entretenu la mission d’information lorsqu’elle a bien voulu m’auditionner.
Ce plan, je le rappelle, comporte trois objectifs :
Le premier concerne l’amélioration de la gestion des juridictions.
Par les deux circulaires des 9 octobre 1995 et 8 juillet 1996 ont été créés auprès des chefs de cour les services d’administration régionale et les coordinateurs de ces services. L’un des objectifs poursuivis est de doter les juridictions de services de gestion composés de gestionnaires compétents, pour assister les chefs de cour dans le domaine de l’administration des juridictions et pour permettre aux magistrats de se recentrer sur leurs fonctions juridictionnelles. Cela correspond à la proposition n°19 du rapport.
Le deuxième objectif du plan de modernisation est une meilleure utilisation des moyens.
Ainsi en cours en projet de déploiement des effectifs des magistrats et de fonctionnaires pour tenter de répartir la charge de travail des juridictions de manière plus équitable. Il s’agit de la proposition n°5 de la mission d’information.
De même, un effort accru de gestion doit permettre de rationaliser l’outil informatique : ce sont les propositions nos 20, 21 et 22 figurant dans le rapport.
Au pénal, il conviendra tout particulièrement de valider le logiciel permettant de prendre en compte la phase de l’exécution des peines. Ce logiciel a été validé par les juridictions. Restent à régler les modalités de son acquisition et de la diffusion. Il s’agit d’une forte demande des juridictions, au demeurant justifiée, que la mission sénatoriale a reprise à son compte. Cette diffusion pourrait être effective dès 1997.