Déclaration de M. Jean Arthuis, ministre de l'économie et des finances, sur l'administration fiscale et les PME, le crédit interentreprises, la baisse de l'impôt sur le revenu et sur les bénéfices réinvestis, le contrôle fiscal des PME et les carences de l'État, Paris le 6 novembre 1996.

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Si j'ai souhaité vous présenter aujourd'hui nos actions en faveur des petites et moyennes entreprises, c'est que j'ai la conviction que nous sommes là en présence d'une question centrale pour l'avenir de notre économie. Il est tentant de parler des entreprises en général comme si ces dernières constituaient un tout monolithique et homogène.

Je crois au contraire qu'il y a peu de points communs entre la gestion d'une grande société et celle d'une petite structure. À vouloir traiter tout le monde de la même manière, on néglige les difficultés propres aux plus petites entreprises qui sont aussi, bien sûr, les plus vulnérables.

C'est la raison pour laquelle j'ai œuvré, depuis mon arrivée au ministère de l'économie et des finances, à une rupture dans notre conception de la politique de l'entreprise afin que les petites et moyennes entreprises fassent l'objet d'une approche spécifique.

Les PME sont le tissu vivant de notre économie, ce sont elles qui permettent l'éclosion des métiers nouveaux et des innovations, et il est clair aujourd'hui que sans PME il n'est ni créations d'emplois durables, ni développement équilibré de notre territoire.

Il n'y aura pas de reprise solide de notre économie sans un tissu de PME plus dense et plus musclé. Qu'est-ce que nous pouvons faire pour faciliter un tel mouvement ?

Je souhaite bien sûr qu'en relation étroite avec Jean-Pierre Raffarin, nous poursuivions les réflexions déjà engagées sur le crédit inter-entreprises.

La France se singularise sur ce point par rapport à ses partenaires par la longueur des délais de paiement. C'est une situation qui est préoccupante parce qu'elle opacifie l'appréhension de la solvabilité des débiteurs.

Nous devons par ailleurs en cette matière privilégier les règles de bonne conduite, et veiller à ce que le rapport des forces en présence ne porte pas atteinte au potentiel des plus modestes.

Cette question mise à part, le premier service que l'État peut rendre aux PME est de réduire les prélèvements qu'il leur fait subir. Je ne pense pas avoir à vous convaincre que la fiscalité a atteint en France des niveaux qui découragent l'initiative, pénalisent ceux qui réussissent, et fragilisent les créateurs de richesses et d'emplois.

C'est la raison pour laquelle j'ai concentré une part importante des efforts de réductions d'impôts que nous conduisons depuis un an sur les entrepreneurs individuels et les PME.

L'imposition des bénéfices réinvestis va être ramenée de 33,3 % à 19 % pour les sociétés ayant un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions de francs, la fiscalité des transmissions d'entreprises a été allégée, et les droits perçus lors de la cession d'un fonds de commerce ont été significativement abaissés.

En outre, par souci de simplification, nous avons renoncé à exiger l'incorporation de ces bénéfices au capital social. Le coût de telles formalités réduisait l'intérêt de la mesure. Il suffira donc de les porter en réserve légale et de prendre l'engagement de les y laisser.

N'oublions pas enfin que les entrepreneurs individuels seront parmi les premiers bénéficiaires de la profonde réforme de l'impôt sur le revenu engagé en septembre, qui permettra de réduire l'ensemble des taux d'imposition et de faire baisser de 75 milliards de francs le poids de cet impôt sur cinq ans. C'est seulement en laissant à ceux qui créent des emplois et des richesses la plus grande part de leurs revenus que l'on pourra susciter l'initiative et les créations d'entreprises dont nous avons tant besoin.

Mais les PME attendent aussi de l'État qu'il ne crée pas de freins supplémentaires à leur développement par ses dysfonctionnements ou en multipliant les formalités inutiles.

Aux cotés du ministère des PME, du commerce et de l'artisanat, le ministère de l'économie et des finances a un rôle éminent à jouer sur ce terrain. Mon ambition est claire : nous devons nouer un pacte de confiance nouveau entre l'administration fiscale et les PME.

Le premier volet de cette politique est un engagement d'efficacité de l'administration. Le contrôle fiscal éventuel d’une PME sera suspendu si l'État a à l'égard de cette entreprise une dette qu'il n'a pas acquittée à temps. Lorsqu'on y pense, cette règle paraît de bon sens : puisque l'État exige des entreprises qu'elles paient leurs impôts dans les délais fixés, il est normal qu'il s'astreigne à la même contrainte lorsqu'il a une dette vis à vis de ces entreprises.

En imposant cette règle, mon objectif est de ne pas faire peser sur les entreprises le poids des carences de l'État. Il s'agit donc d'obliger les administrations à accélérer leurs paiements parce que chacun sait combien les difficultés de trésorerie d'une PME peuvent être dramatiques. Là aussi les petites entreprises sont infiniment plus vulnérables que les grandes.

Ce dispositif sera officialisé dans les tous prochains jours par la diffusion d'une instruction que je viens de signer. Il bénéficiera à toutes les petites entreprises ayant sur l'État une créance non réglée à temps (en principe 60 jours) et ne donnant pas lieu à contestation.

Dans ce cas, et sous réserve de quelques exceptions, par exemple s'il y a risque de prescription, le contrôle est suspendu pour une durée de 45 jours prolongeable en tant que de besoin.

Pendant ce délai, l'administration prendra toutes les mesures pour honorer sa dette, de manière à ce que les choses puissent reprendre leur cours normal. Ainsi créons nous un nouvel équilibre entre les nécessités du contrôle fiscal et la prise en compte des contraintes financières pesant sur les entreprises. Mais je le redis, ce dispositif atteindra son but s'il incite les administrations à accélérer le paiement de leurs dettes et à les régler dans les temps.

Le deuxième volet de notre politique est de faciliter les relations des PME avec l'administration fiscale. Les maîtres-mots sont ici simplification, humanisation, et respect des droits, autrement dit, sécurité fiscale

1) Notre fiscalité repose sur le système déclaratif, c'est-à-dire que ce sont les entreprises elles-mêmes qui déclarent les éléments utiles au calcul du montant de leur imposition. Même si une enquête récente a montré que les formulaires fiscaux étaient plus faciles à utiliser que ceux des autres administrations, nous devons tout faire pour simplifier la tâche des entreprises.

Je ne rentrerai pas dans le détail des mesures que nous avons déjà prises dans ce domaine et qui vous sont rappelées dans le dossier de presse. Permettez-moi simplement de souligner que le régime simplifié d'imposition a été fortement étendu, que pour la TVA nous avons généralisé le système du paiement trimestriel, et que nous faisons tout pour permettre aux entreprises d'utiliser leurs propres systèmes informatiques pour remplir leurs déclarations et pour les transmettre à l'administration.

2) Je suis en second lieu extrêmement attaché à humaniser les relations avec les PME parce que je crois qu'il n'est pas de traitement véritable des difficultés sans dialogue direct et continu. La réforme des centres des impôts permet aujourd'hui à un responsable d'entreprise d'avoir un interlocuteur unique et ce dernier a un rôle beaucoup plus fort qu'avant en termes d'information et de prévention.

Les modalités des contrôles fiscaux dépendent par ailleurs aujourd'hui étroitement de la taille de de l'entreprise. Pour les PME, plus de 90 % des contrôles ne se font que sur pièce, c'est-à-dire sans déplacement dans les locaux de l'entreprise, et lorsqu'un contrôle sur place est nécessaire, nous nous attachons à ce qu'il reste ponctuel ou de durée très limitée.

Ainsi, le contrôle fiscal ne doit-il pas être un obstacle à la bonne marche de l'entreprise ni accaparer exagérément le temps de ses dirigeants.

3) Je suis enfin particulièrement soucieux de garantir aux PME le respect de leurs droits dans leurs relations avec l'administration fiscale. Nous devons assurer la sécurité fiscale des petites et moyennes entreprises.

Nous avons fait un pas important dans cette direction en mettant en place au profit des entreprises nouvelles un mécanisme d'approbation expresse dans un délai strict de trois mois lorsqu'elles demandent à bénéficier du régime d'imposition allégé qui est prévu en leur faveur. A défaut de réponse de l'administration dans ce délai, l'approbation est alors tacite.

Je me permets d'insister sur le caractère particulièrement novateur de cette réforme. Son application dissipera l'incertitude des entreprises nouvelles sur le choix de leur régime fiscal. Elle évitera ainsi les situations financièrement dramatiques que l'on a pu connaître jusqu'à aujourd'hui lorsqu'une entreprise subissait un redressement pour avoir utilisé à tort un régime auquel elle n'avait pas accès.

Nous développons par ailleurs toutes les procédures de dialogue de conciliation et de règlement amiable des différends afin d'éviter que se développe le contentieux qui n'est ni dans l'intérêt des entreprises, ni dans celui de l'administration.

Vous l'aurez compris, vis à vis des PME, mon ambition est double :

Que la décrue fiscale que nous avons engagée soit consolidée et approfondie. C'est notre priorité.

Dans le même temps, nous devons tout faire pour rapprocher l'administration fiscale des petites entreprises, parce qu'il n'est pas de consentement véritable à l'impôt sans la conviction que tout est fait pour faciliter la tâche des contribuables.

L'action du ministère de l'économie et des finances doit se placer sous le triple signe de la proximité, du dialogue, et de la transparence. C'est au prix de ces efforts que nous pourrons créer le cadre d'un développement sans entrave de nos petites et moyennes entreprises. Je considère qu'il s'agit là d'une œuvre de nécessité publique.

Je voudrais enfin vous faire part d'une réflexion que je mène sur les entreprises en difficulté : nous ne pouvons nous cantonner dans le formalisme.

S'il est vrai que nous devons encourager à la création d'entreprises, nous avons le devoir de tout mettre en œuvre pour éviter la liquidation, la déchirure du tissu existant, la casse des entreprises, c'est-à-dire du capital humain.