Texte intégral
La Nouvelle République - 26 février 1997
La Nouvelle République : Ce n’est pas forcément dans l’habitude du gouvernement. Pourquoi avoir choisi la presse quotidienne régionale à commencer par « La Nouvelle République (1), pour expliquer aux Français ce qui va changer dans leur vie de tous les jours, notamment dans leurs rapports parfois tendus avec l’administration ?
Dominique Perben : Rapprocher les administrations des usagers, réorganiser les services administratifs de l’Etat, aujourd’hui, les usagers n’ont pas encore bien perçu les effets de la réforme dans leur vie quotidienne.
Le projet de loi relatif à l’amélioration des relations entre l’administration et le public est actuellement en discussion devant le Parlement avec la simplification de nombreuses formalités à la clé. Nous voulons le faire savoir au plus grand nombre. Nous avons donc décidé cette importante opération des communications en direction des Français, en ayant recours à la presse quotidienne régionale, huit groupes dont votre journal, afin de toucher une majorité de citoyens.
Une soixantaine de départements sont concernés par ce premier supplément de 16 pages encarté dans le journal. C’était la solution la plus efficace et la plus économique pour couvrir au mieux le territoire. Cette opération représente environ 3,3 millions d’exemplaires de journaux, pour un nombre de lecteurs d’environ 11 millions. Le prix à l’exemplaire du supplément est compris entre 1F et 1,30 F. Il nous reste cependant à couvrir l’Ile-de-France.
La Nouvelle République : Pourquoi la presse régionale, média important proche des gens, n’est-elle pas plus souvent utilisée à ce niveau ?
Dominique Perben : Nous sommes parmi les premiers à faire ça et j’estime que c’est une bonne forme de collaboration. Les Français souhaitent être informés de façon claire et concrète sur ce que fait le Gouvernement. Or, la réforme de l’Etat est trop souvent perçue de manière théorique et distante. Nous avons voulu passer un message de proximité. D’où l’intérêt de l’écrit pour marquer la valeur d’engagement et convaincre qu’il ne s’agit pas de paroles de l’air ! Et puis la PQR reste un média dans lequel les gens ont encore confiance. En allant acheter son journal, le lecteur accompli un acte volontaire prouvant son intérêt et sa motivation.
La Nouvelle République : Il y a très longtemps que l’Etat parle de simplifier les rapports entre le citoyen et l’administration. Est-il donc si compliqué de faire plus simple ?
Dominique Perben : Oui, on pourrait le croire parfois. Il s’agit du fonctionnement interne des administrations. Et le danger est quelquefois grand d’ennuyer l’usager par des considérations techniques dans lesquelles il n’a pas forcément envie d’aller. Ce qui l’intéresse, et il a raison, c’est ce qui se passe, ce qu’il vit au guichet. Le citoyen veut connaître avant tout les conséquences pour et dans sa vie quotidienne. Il nous faut en parler aussi avec des mots de tous les jours.
(1) Nous avons publié dans notre édition de mardi, l’encart expliquant les réformes visant à simplifier les relations des usagers avec les administrations.
Le Progrès - jeudi 27 février 1997
Le Progrès : -Le paradoxe de la réforme de l'Etat est qu'on en parle beaucoup, sans qu'elle soit vraiment visible sur le terrain ...
Dominique Perben : C'est dû au calendrier de la réforme : l'année 1996 a été celle de la préparation du texte et d'une très large concertation, car je suis convaincu que la réforme ne peut réussir que si elle portée par les acteurs de l'Etat - les fonctionnaires, et par les partenaires de l'Etat - le public, les entreprises ... C'est ensuite qu'ont été prises les décisions, qui entrent maintenant en application. Cette année sera donc l'année du concret pour la réforme dans ses trois volets : simplification de la vie des usagers, déconcentration et réorganisation de l'administration sur le terrain, amélioration de l'efficacité par la réforme des administrations centrales.
Le Progrès : Tout de même, le côté un peu abstrait de cette réforme n'appelle-t-il pas, en compensation, un geste plus « visible » du type du transfert de l'ENA à Strasbourg ?
Dominique Perben : Non, je veux sortir de la politique-spectacle. L'essentiel est que, dans deux ou trois ans, les gens ne disent plus que l'administration est éloignée, trop lente et ne les comprend pas, mais que l'administration est proche de nous, rapide et efficace. L'administration, comme l'a souhaité le président de la République, ne doit pas être un frein mais un accompagnement aux forces de changement du pays. Cela implique une réforme en profondeur, et pas en effets d'affichage.
Le Progrès : Un soupçon pèse sur la réforme : qu'elle entraîne un retour en force de l'Etat au détriment des collectivités locales, quinze ans exactement après les lois de décentralisation du 2 mars 1982 ...
Dominique Perben : Le soupçon n'est pas fondé. Tout au contraire, la réforme est le nécessaire accompagnement de la décentralisation, et le regret que l'on peut avoir est qu'elle n'ait pas été décidée dès 1982. Cette erreur est d'ailleurs probablement une des raisons de fond de certaines difficultés de la décentralisation. Dans ce domaine, la question à traiter est celle de la clarification des compétences entre collectivités et entre celles-ci et l'Etat, clarification qui ne pourra être obtenue que thème par thème.
Le Progrès : Des parlementaires proposent de limiter le pouvoir de contrôle des chambres régionales des comptes sur les collectivités locales. Qu'en pensez-vous?
Dominique Perben : Il s'agit plutôt, à ma connaissance, de réaffirmer la mission première des chambres régionales des comptes, qui est de contrôler la légalité des décisions financières des collectivités territoriales. Cette proposition de loi a été rédigée à la suite d'une certaine émotion provoquée chez les élus locaux par des jugements dont ils estiment qu'ils porteraient non pas sur la légalité, mais sur l'opportunité des décisions. Elle veut donc rappeler que les chambres régionales des comptes ne sont pas là pour critiquer tel ou tel choix politique d'une assemblée élue.
Le Progrès : Et s'il s'agissait de restreindre le pouvoir de contrôle de légalité ?
Dominique Perben : Ce contrôle de légalité est indispensable, il ne peut donc être question de le restreindre. En revanche, ce n'est pas le rôle d'une chambre régionale des comptes de juger, par exemple, si la concession d'un service est en soi une bonne ou une mauvaise décision. Admettre ce type de dérive signifierait admettre une tutelle a posteriori sur les collectivités territoriales.