Texte intégral
Q. Vous venez de présenter au Conseil des ministres les grandes lignes de la réforme de l’audiovisuel. Certains parlent de réforme limitée et faite sous la pression des lobbies.
R. Une bonne loi est nécessairement une loi raisonnable, limitée à quelques objectifs précis et assortie de moyens efficaces pour les atteindre. Quant aux lobbies, il en existe évidemment de toutes sortes et de toutes orientations. Alors, le Gouvernement n’a pas voulu faire une loi pour les uns ou contre les autres. Il a voulu faire une loi claire et équitable.
Q. À quels secteurs vous êtes-vous attaquée et pourquoi ?
R. On peut résumer le projet en trois maîtres mots : transparence, concurrence et pluralisme. Nous allons obliger les sociétés à regrouper ou à « cantonner » leur participation dans la communication au sein d’une seule et même holding ou entreprise, et nous apporterons ainsi de la clarté à un secteur qui jusqu’à présent en avait peu. Nous allons interdire le cumul des fonctions dirigeantes entre l’entreprise actionnaire et l’entreprise de communication, et nous imposerons à ces entreprises d’adopter le système du conseil de surveillance et du directoire. Nous allons ainsi renforcer l’autonomie des entreprises de communication avec un effet positif : la création d’une dynamique de développement propre, à distance des intérêts directs des groupes actionnaires. Dès lors qu’une entreprise dépassera un seuil significatif de parts de marché (25 %), le CSA pourra s’opposer à de nouvelles prises de contrôle de sa part. C’est une mesure nouvelle et très positive pour maintenir concurrence et pluralisme.
Enfin, nous nous donnerons les moyens de renforcer les entreprises de service public en consolidant leur organisation, en prévoyant des moyens de financement moins dépendants de la publicité et en établissant des plans de développement stratégiques pour chacune d’entre elles.
Q. Mais pourquoi avez-vous renoncé à limiter le seuil de détention du capital pour un même actionnaire et, surtout, à interdire aux sociétés vivant des marchés publics d’être opérateur d’une société de télévision ?
R. Le Gouvernement a conservé l’objectif, mais il a choisi pour l’atteindre des moyens qui lui ont semblé plus efficaces. Abaisser le seuil de participation capitalistique de 49 % à 50 % n’empêchera en rien qu’il y ait un actionnaire principal « opérateur industriel » de l’entreprise. Bouygues l’a été pour TF1 avec 25 % seulement et, aujourd’hui, la Générale des Eaux contrôle le fait Havas avec 30 %.
Interdire aux entreprises vivant de marchés publics de détenir plus de 10 % du capital aurait entraîné des mouvements spéculatifs qui auraient affaibli les entreprises de communication. D’autant plus que la loi n’aurait été applicable que dans huit ans, au moment du renouvellement des conventionnements.
Le Gouvernement a donc estimé que l’ensemble des mesures alternatives (cantonnement, organisation interne des sociétés, interdiction des cumuls, contrôle anti-concentration) auraient une plus grande efficacité par rapport à l’effet recherché.
Nous respectons donc nos engagements de campagne. Et si certains doutaient de la pertinence de nos positions, il n’est que de voir les réactions de quelques dirigeants des télévisions privées.
Q. Le CSA continuera-t-il à nommer les présidents des chaînes publiques ?
R. C’est la gauche qui, en 1982, a donné ce pouvoir à la Haute Autorité pour couper un lien trop direct entre le pouvoir politique et la télévision, à un moment où la télévision était un monopole public. Le paysage audiovisuel a beaucoup changé depuis avec l’apparition et la multiplication des chaînes privées. Indépendamment des modalités de nominations des présidents des chaînes publiques, existent des garanties de respect du pluralisme et de l’indépendance de l’information sous le contrôle du CSA. Il n’en reste pas moins qu’au retour au système antérieur de nomination par le pouvoir politique risquerait d’être mal compris par l’opinion publique et pourrait poser des problèmes d’ordre constitutionnel.
Q. Quelles sont les mesures qui intéressent directement les téléspectateurs ? Par exemple, pouvez-vous garantir que les grands événements sportifs ou culturels resteront accessibles à tous ?
R. Une loi est d’abord faite pour le citoyen et dans le cas présent pour le citoyen téléspectateur. Le respect du pluralisme, la lisibilité de l’actionnariat, la garantie d’une offre de programmes, diverse et variée, sont dans son intérêt direct.
Pour le cas précis que vous citez, nous mettrons fin à deux types d’exclusivité. Les chaînes hertziennes du service public pourront être reprises par tous les opérateurs de bouquets satellites qui le désirent. Les grands événements sportifs et culturels devront nécessairement être diffusés en clair. Parce que l’offre payante de programme continuera à se développer, il importe en effet de permettre aux moins fortunés de ne pas être coupés ou exclus des grandes fêtes qui marquent le calendrier sportif ou culturel.