Déclaration de M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation, sur le rôle des pouvoirs publics dans le domaine de l'agriculture et la protection de l'environnement et la notion de plan de développement durable en agriculture (PDD), Paris le 26 février 1997.

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  • Philippe Vasseur - Ministre de l'agriculture de la pêche et de l'alimentation

Circonstance : Forum international de l'agriculture et de l'environnement, Paris le 26 février 1997

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Lorsque Monsieur Reber, président du SIMA et Madame Baur, commissaire générale du SIMA m'ont demandé de bien vouloir clôturer ce forum sur l'agriculture et l'environnement, j'ai immédiatement accepté, non seulement parce qu'il s'agit d'une manifestation très importante, mais surtout parce que le thème choisi fait partie des priorités de mon ministère.

Je suis en effet convaincu qu'il est plus que jamais indispensable, de concilier agriculture et environnement.

Que les choses soient claires : notre agriculture a vocation à répondre aux besoins de notre marché, mais aussi à ceux du marché européen et mondial. Notre agriculture doit être conquérante.

Mais je suis également convaincu que cette agriculture conquérante, ne pourra se développer, que si, justement, elle se montre respectueuse de l'environnement.

Je crois que les conditions sont aujourd'hui réunies pour que nous y parvenions. Pour trois grandes raisons.

1. D'abord, le contexte a changé. La réforme de la politique agricole commune a montré l'importance du marché : on produit pour répondre à des besoins. Et de ce point de vue (de ce point de vue seulement), c'est le consommateur qui commande ; ses demandes évoluent, elles se diversifient, elles deviennent de plus en plus complexes. L'environnement est désormais un sujet de préoccupation majeur, que l'on retrouve aussi dans l'achat des produits, notamment des produits alimentaires. C'est une donnée nouvelle qu'il faut prendre en considération.

Cette prise de conscience concerne donc directement notre filière agricole et agro-alimentaire. Les exploitants agricoles, mais aussi les chefs d'entreprise de l'industrie agro-alimentaire savent qu'il est nécessaire d'intégrer les contraintes d'environnement dans leur activité, à tous les stades de la filière.

2. La deuxième raison pour laquelle nous pouvons concilier aujourd'hui agriculture et environnement, c'est le rôle que les pouvoirs publics entendent jouer dans ce domaine, comme le prouvent les décisions concrètes qui ont été prises et que nous commençons à mettre en œuvre.

L'environnement a un coût, qui doit évidemment être pris en compte, et qui constitue bien souvent un frein aux initiatives des professionnels. C'est pourquoi le ministère de l'agriculture mobilise aujourd'hui des moyens très importants en faveur de l'environnement, qu'il s'agisse de la prime à l'herbe, des programmes agro-environnementaux, ou de la mise aux normes des bâtiments d'élevage pour les aides les plus directes.

Mais l'action de mon ministère ne se limite pas à ces incitations financières : les programmes FARRE sur l'agriculture raisonnée, ou encore « Fertimieux » et bientôt « IRRIMIEUX » contribuent à la prise en compte de l'environnement dans l'agriculture.

Dans le même esprit, mon ministère participe activement aux démarches menées en matière d'écobilan et de gestion de l'environnement dans l'industrie agro-alimentaire ainsi qu'en matière de traitement des déchets, avec la mise en place d'Eco-emballages. Toutes ces actions font de notre pays un exemple en Europe.

Et les moyens que nous mettons en œuvre doivent permettre à tous les professionnels de procéder aux investissements nécessaires, car il ne faudrait pas que l'environnement devienne une source supplémentaire de distorsion de concurrence entre nos exploitants.

3. Enfin, je voudrais souligner les atouts du monde agricole dans le domaine de l'environnement Nos agriculteurs n'ont pas seulement vocation à respecter l'environnement dans leurs activités quotidiennes. Ils contribuent aussi directement à la protection de l'environnement.

Nous redécouvrons aujourd'hui, le rôle d'aménageur de territoire de nos agriculteurs qui contribuent, par leur travail, à entretenir l'espace rural. Et c'est une vocation naturelle que nous avons décidé d'encourager.

Mais cette contribution à l'environnement ne s'arrête pas là. L'agriculture développe également des produits non alimentaires, qui peuvent se substituer à des produits plus polluants, et cela mérite d'être souligné.

Pour toutes ces raisons, je suis convaincu que notre filière agricole peut être très performante en matière d'environnement.

Nous avons déjà fait beaucoup de travail, et il est vrai que beaucoup reste à faire.

Pour ma part, je retiendrai cinq priorités

Tout d'abord, nous devons faire en sorte que la réglementation, qu'elle soit nationale ou européenne, soit adaptée aux réalités de notre agriculture, et de nos industries agro-alimentaires ainsi qu'à leurs moyens. C'est avec ce réalisme que nous devons légiférer, lorsque c'est nécessaire, en veillant au coût des mesures et à leur efficacité.

Il nous faut surtout éviter les distorsions de concurrence, avec d'autres pays d'Europe ou du monde, parce que certains, qui bénéficient déjà d'avantages très importants en matière de coût de main d'œuvre par exemple, profiteraient en plus, de cet avantage supplémentaire, dans un contexte d'ouverture de plus en plus large des frontières.

C'est un point qui doit être examiné dans le cadre de la nouvelle organisation mondiale du commerce, et qui dépasse le cadre de l'agriculture, puisqu'il concerne toutes les activités de production.

Mais j'estime qu'il faut être très vigilant, quand on décide de nouvelles mesures réglementaires. Il est temps de se fixer des priorités dans l'évolution de la réglementation, car nous ne pourrons pas tout faire et tout mener à bien dans le même temps. C'est dans cette logique que le gouvernement a souhaité revoir les modalités d'application de la directive « Habitat » plus connue sous le nom de Natura 2000.

C'est dans le même étant d'esprit que nous avons mis au point mis au point, avec ma collègue chargée de l'environnement, le plan « Produire plus propre », relatif à l'utilisation des pesticides.

Nous connaissons mieux les effets des produits utilisés en agriculture. D'autre part, de nouvelles molécules apparaissent ou vont apparaître sur le marché. Il faut donc adapter les « pratiques » pour privilégier celles qui ont l'impact le plus faible sur le milieu.

Nous avons pris des mesures de restriction sur le DAMINOZIDE et nous avons interdit le DINOTERBE en 1996. D'autres produits, vont à leur tour être soumis à des restrictions ou à des interdictions : il s'agit de l'ATRAZINE, de la SIMAZINE, du LINDANE dans un premier temps, puis, en fonction des résultats d'études qui sont encore en cours, du DIURON, du DNOC, de l'ALDICARDE, de l'ALACHLORE, du DIQUAT et du PARAQUAT.

Par ailleurs, les actions régionales de diagnostic de la situation des milieux seront renforcées et des groupes fonctionnels vont être installés pour mettre en œuvre des politiques adaptées aux conditions locales.

En outre, les plans de surveillance de résidus seront eux aussi renforcés et rendus publics chaque année et les procédures de mise sur le marché vont être améliorées afin de promouvoir une politique de substitution des matières actives les plus agressives vis-à-vis du milieu.

Ces différentes dispositions compléteront les mesures encadrant la distribution des produits phytosanitaires ainsi que et les plans d'actions des services de la protection des végétaux. Tout cela permet d'assurer une bonne utilisation des différents produits au service d'une agriculture performante, garantissant la qualité des milieux et des produits proposés aux consommateurs.

Mais, bien entendu, notre agriculture ne s'arrête pas à l'exploitation agricole, elle concerne l'ensemble de la filière, et notamment les industries de transformation.

Là encore, nous devons avoir une position pragmatique. Je sais que beaucoup d'efforts ont été consentis. Je voudrais citer, à titre d'exemple les discussions que nous avons avec les industriels, les collectivités et le ministère de l'environnement, sur la réglementation concernant le recyclage des effluents organiques.

Il s'agit de boues de stations d'épuration mais également des « déchets » des IAA. L'agriculture joue un rôle extrêmement important dans ce recyclage, et il est impératif de disposer de toutes les garanties quant à l'innocuité de ces produits. C'est pourquoi, un décret est en cours d'élaboration pour renforcer considérablement les exigences qualitatives concernant ces produits. Une réflexion est également conduite pour clarifier les responsabilités respectives des différents opérateurs.

Il s'agit là d’enjeux collectifs pour la société. Les agriculteurs sont prêts à poursuivre cette activité de service mais ils ne peuvent le faire qu'à condition d'avoir les garanties quant à l'innocuité des effluents proposés et aux débouchés de leurs productions. Là encore, il convient de bâtir une réglementation répondant à la situation.

Ma deuxième priorité, c'est de donner à la filière les moyens de respecter l'environnement. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons mis en place des mesures qui permettent d'accompagner les efforts de nos agriculteurs en faveur de l'environnement.

Tout d'abord, la prime à l'herbe. C'est une mesure en faveur de l'environnement. Elle permet à 120 000 éleveurs de maintenir et d'entretenir près de 6 millions d'hectares en herbe, soit 40 % de la surface totale des prairies françaises. Les moyens consacrés à cette action très importante ont constamment augmenté entre 1993 et 1995, et ils atteignent environ 1,5 milliard de francs par an.

Nous avons également mis en place des programmes agro-environnementaux dans l'ensemble des régions. À ce jour 720 000 hectares et plus de 40 000 agriculteurs peuvent entrer dans cette politique. 22 500 agriculteurs ont déjà souscrit ces contrats, ce qui mobilise un budget global, (part communautaire) comprise d'environ 600 MF.

Il y a aussi, bien sûr, le Plan de maîtrise des pollutions agricoles (PMPOA). C'est un programme ambitieux et très important pour notre agriculture.

Son premier volet, concerne la maîtrise des pollutions liées à l'élevage et il a été inclus dans les contrats de plan État-Région du XI plan.

Nous avons pris du retard, parce que nous avions mal évalué au départ le coût unitaire des travaux et surtout parce que nous avions sous-estimé le mouvement massif d'adhésion des éleveurs, ce qui est tout à leur honneur et ce qui montre leur volonté.

En 1997, le gouvernement a décidé de doubler le budget consacré à ce programme. 165 MF sont prévus sur le budget du ministère de l'agriculture et 150 MF sont mobilisés par le FNDAE.

Dans le contexte budgétaire actuel, je vous assure qu'il a fallu que Madame Lepage et moi-même nous mobilisions tout notre pouvoir de persuasion. Nous avons donc décidé de mener ce programme à son terme. Mais cette majoration ne me permettra pas de respecter les délais initialement prévus.

Nous allons devoir prolonger un peu la durée de réalisation. Mais il est clair qu'aucun éleveur qui n'aura pas pu réaliser les travaux dans les délais prévus par manque de financement de l'Etat ne sera pénalisé.

Une conférence de suivi, réunissant les ministres, les OPA et les agences de l'eau sera organisée le 12 mars prochain pour valider cette nouvelle démarche.

Dans le cadre du PMPOA, des zones d'excédents structurels (ZES) ont été définies et il a été décidé en octobre 1995 de suspendre la création et l'extension d'élevage dans ces zones et de lancer des programmes de résorption.

Si la situation dans les ZES justifie l'adoption de mesures drastique, le blocage de la situation aboutit à une radicalisation de la position des différentes parties concernées : les éleveurs, les associations de protection de l'environnement, les pouvoirs publics et les collectivités locales.

Ce n'est pas comme cela que nous résoudrons les problèmes et que les perspectives d'avenir seront clarifiées.

Nous avons donc décidé avec Madame Corinne Lepage, ministre de l'environnement, de relancer le dialogue en organisant avant l'été une grande table ronde, en Bretagne, région où les ZES sont nombreuses. Nous réunirons tous les partenaires concernés dans le but de définir les actions à mener et les orientations à suivre pour l'avenir de l'élevage dans ces zones caractérisées par des filières de productions animales importantes et performantes.

Le deuxième volet du PMPOA est consacré à l'ensemble des risques de pollutions liés aux cultures et aux pratiques de fertilisation.

Des zones vulnérables ont été délimitées dans presque tous les départements par les préfets coordonnateurs de bassin. Dans ces zones, sous le contrôle des chambres d'agriculture, le respect de codes de bonnes pratiques et la mise en œuvre de plans d'action adaptés à chaque situation permettront d'éviter toute « surfertilisation ». Cette démarche est exemplaire et elle témoigne de la volonté d'agir des agriculteurs.

Mon troisième objectif, ma troisième priorité, c'est de valoriser des produits agricoles respectueux de l'environnement, et plus généralement, de promouvoir nos terroirs et les savoir-faire de nos régions. Ces aspects sont naturellement liés et cette orientation correspond à l'évolution des goûts des consommateurs qui sont de plus en plus sensibles à la qualité des produits et à leur origine géographique, d'où le succès des signes de qualités, tels que les appellations d'origine ou les labels...

Nous avons en France 500 microrégions agricoles. Elles sont le reflet de la complexité géologique, des différences climatiques et d'une longue histoire, aussi longues que l'existence des produits de ces microrégions.

La valorisation et le développement de ces produits de qualité est une des priorités de la politique que je mène et sur laquelle je fonde beaucoup d'espoir pour l'avenir.

Je compte m'appuyer d'abord sur les produits bénéficiant d'une garantie officielle, qu'il s'agisse des appellations d'origine, des labels, ou des certifications de conformité ou encore du signe « AB » (différent des IGP et AOP, il faut lever la confusion).

Ces produits font bien souvent appel à des modes de production respectueux de l'environnement et même du bien-être des animaux. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, nous devons nous fixer pour objectif qu'un agriculteur sur deux ait l'une de ses productions au moins sous un signe de qualité.

Parmi les produits respectueux de l'environnement figurent naturellement ceux issus de l'agriculture biologique. Il s'agit d'un créneau porteur, mais pas encore assez développé dans notre pays, par rapport à l'Allemagne par exemple. Je suis persuadé que nous pouvons aller plus loin.

Nous devons sortir d'une vision un peu passéiste de l'agriculture biologique au profit d'une vision plus économique, en respectant, bien entendu, les spécificités de ce mode de production, encadré par des réglementations précises, nationales et européennes.

Au-delà de ces produits alimentaires, ma quatrième priorité est de valoriser les produits agricoles non alimentaires, qui viennent souvent en substitution de produits chimiques ou pétroliers polluants, et qui permettent de montrer, concrètement, comment notre agriculture peut contribuer à la protection de l'environnement.

Aujourd'hui, plus de 100 000 hectares de blé, de maïs et de pomme de terre vont à la production d'amidon industriel, qui trouve ses débouchés dans la papeterie, les matériaux, les détergents et les cosmétiques. Par ailleurs, 50 000 hectares de colza sont consacrés à des utilisations dans la chimie, avec des possibilités de développement très importantes. Enfin, près de 300 000 hectares de colza, de blé et de betterave permettent de produire des biocarburants.

Toutes ces productions non alimentaires participent concrètement à la protection de l'environnement. Elles sont cultivées sur les terres mises en jachère. Elles limitent la déprise agricole, elles contribuent à l'entretien de l'espace rural, et surtout elles font appel à des techniques de production moins polluantes. C'est ainsi qu'une charte de l'environnement a pu être signée par les producteurs de colza destiné aux biocarburants. L'impact global des biocarburants sur l'environnement est nettement positif. Je le dis avec force parce que j'entends çà et là des interrogations sur cette question, qui fait pourtant l'objet d'un constat unanime de la part des scientifiques.

Oui, les biocarburants sont bons pour l'environnement. Ceux qui disent le contraire feraient mieux de se pencher plus attentivement sur les études qui démontrent que les biocarburants ne contribuent pas à l'effet de serre et qu'ils permettent de réduire certaines émissions polluantes comme les oxydes de soufre.

Nous devons veiller à ce que cet impact positif soit reconnu. Vous pouvez compter sur la mobilisation du ministère de l'agriculture sur ce dossier. L'adoption de la loi sur l'air en France marque dans ce domaine une avancée significative.

Enfin, et je terminerai par cette cinquième priorité, nous devons envisager la question de l'environnement dans une perspective à moyen terme, comme vous l'avez fait dans ce colloque. Nous ne pourrons améliorer encore la prise en compte des contraintes d'environnement par la filière agricole.

Nous ne pourrons faire en sorte que l'agriculture contribue encore plus, par ses produits, à la protection de l'environnement.

Nous ne pourrons le faire que si nous menons des efforts de recherche suffisants, et si nous formons nos jeunes à ces problèmes.

La recherche doit être une priorité, car c'est elle qui nous permettra de développer :

1. Les produits non alimentaires « propres » dont a besoin l'industrie chimique.

2. Les variétés de semences nécessitant le minimum de fertilisation.

3. Les produits phytosanitaires de demain.

4. Et les nouveaux procédés de traitement des pollutions d'origine agricole ou industrielle.

Cet effort doit s'inscrire dans un cadre réglementaire où même législatif prenant en compte les aspects de la recherche.

La question se pose en particulier pour les biotechnologies et surtout pour l'utilisation du génie génétique, qui constitue un enjeu essentiel pour le futur. Les biotechnologies peuvent en effet ouvrir la voie à des produits plus performants, plus respectueux de l'environnement, permettant aussi de développer de nouvelles applications non alimentaires.

Je sais parfaitement que les États-Unis évoluent dans un contexte réglementaire nettement plus libéral que l'Europe. Mais, nous devons être vigilants car l'évolution des techniques ne doit pas nous conduire à ouvrir une boite de Pandore que nous ne pourrions plus maîtriser.

Si la position de la France sur le dossier du maïs transgénique a pu surprendre, elle n'a été dictée que par le souci de transparence vis-à-vis du consommateur et par la nécessité de s'entourer du maximum de garanties. Non vis-à-vis de la santé des consommateurs, sur ce sujet les scientifiques sont unanimes, mais plutôt vis-à-vis des règles à respecter préalablement à la mise en culture.

Pour autant nous ne devons pas fermer la porte aux innovations lorsqu'elles sont parfaitement maîtrisées.

Encore faut-il que nous soyons capables de faire comprendre et accepter ces évolutions par l'ensemble des consommateurs.

Nous devons donc non seulement nous entourer du maximum de garanties, mais également organiser un débat aussi large que possible pour définir les règles permettant de faire accepter par tout le monde les évolutions technologiques.

C'est pourquoi, Monsieur d'Aubert et moi-même avons demandé au Premier ministre d'interroger la communauté scientifique, en particulier l'Académie des sciences sur ce sujet. Le débat doit être public afin d'établir des règles à suivre avant d'autoriser une dissémination à grande échelle d'OGM. Je souhaite donc que cette consultation soit largement ouverte à la société civile et que l'on puisse avoir les premiers éléments de réponse, avant la fin de l'année.

Par ailleurs, nous devons veiller à la formation de nos jeunes qui, demain, s'installeront (agriculteurs), et qui auront à gérer leur exploitation, en prenant en compte, certainement plus encore que leurs aînés, les questions d'environnement.

C'est une préoccupation que notre enseignement agricole a déjà largement intégrée.

Que l'on me comprenne bien : il ne s'agit pas de développer à l'infini des « filières environnement » car je ne suis pas convaincu des débouchés de jeunes formés exclusivement à l'environnement : l'environnement appartient à tous, et notamment aux agriculteurs, et c'est dans le cadre de nos formations agricoles, de nos baccalauréats professionnels ou technologiques qui préparent aux métiers de l'agriculture ou de l'agro-alimentaire, que cette formation à l'environnement doit être intégrée.

Je ne serais pas complet, si je n'abordais pas le thème de la gestion durable. Le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, en liaison avec le ministère de l’environnement et la DATAR, a pris l'initiative en 1992 de réunir tous les partenaires concernés pour mettre en place des Plans de Développement Durables (PDD) en agriculture, avec le soutien de l'Union européenne et des collectivités-territoriales.
Pendant deux ans, 1 200 agriculteurs volontaires répartis dans 59 petites régions se sont engagés dans une réflexion sur l'avenir de leur système d'exploitation.

Ils se sont posés les questions suivantes : comment améliorer nos revenus, nos conditions de travail, nos conditions de vie et comment répondre en même temps aux enjeux de notre époque, aux demandes de la société en assurant conjointement les trois fonctions :
      - de producteurs ;
      - de gestionnaires de l'environnement ;
      - d'acteurs du monde rural ?
      
À travers les premiers contrats signés entres les agriculteurs et l'État, c'est une nouvelle conception de la performance qui s'affirme. Elle consiste tout à la fois :
      - à utiliser, sans l'épuiser, la diversité des atouts naturels de chaque exploitation ;
      - aussi à valoriser la qualité et pas seulement à augmenter la quantité ;
      - enfin à répondre aux demandes propres à chaque territoire dans une logique de diversification des activités (transformation, agritourisme...).
      
Les résultats dont nous disposons sont à la hauteur de nos espérances, même s'il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives.

Je constate que ce programme est unique au monde, et que l'opération « Plan de Développement Durable » a reçu le label du Conseil de l'Europe pour l'Année européenne de la conservation de la nature en décembre 1995. Je crois que les plans de développement durable sont une des solutions pour l'avenir.

Mon souhait serait d'être à même de pouvoir élargir l'expérimentation à une centaine de nouveaux groupes par an soit environ 2 000 agriculteurs. Des négociations sont en cours avec la Commission des communautés européennes, qui a déjà marqué son intérêt pour ce programme.

D'une façon générale, les contraintes en matière d'environnement doivent être intégrées dans les processus de production comme les autres règles techniques.

Elles doivent être adaptées localement aux contextes hydrogéologiques et climatiques.

Bref, les agriculteurs doivent mettre en place des guides de bonnes pratiques ou assurer, comme l'on dit, une bonne gestion patrimoniale. L'organisation générale de l'Agriculture et de ses appuis techniques est parfaitement capable de relever ce défi.

Il est vrai que la profusion des réglementations, des zonages, ne permet pas actuellement d'avoir une lisibilité suffisante pour l'avenir.

Il faut donc changer notre approche, remettre l'exploitant agricole au cœur du dispositif et définir les contraintes en fonction des conditions locales.

Tel est l'objectif (l'un des objectifs) de la loi d'orientation : les modalités d'exercice des activités agricoles et forêt sylvicoles devront intégrer un objectif qualitatif aussi bien que quantitatif.

Nous devons en effet répondre aux besoins du présent sans compromettre le futur, en particulier pour la préservation des potentialités agronomiques des sols, des ressources en eau et de l'identité des territoires.

Il nous faut clairement afficher la triple fonction des espaces productifs ; économique, sociale et environnementale et poser les bases d'un nouveau contrat entre la société et les gestionnaires de l'espace.

Par une telle démarche, l'environnement peut être intégré dans le développement des exploitations agricoles qui seront alors à même d'en assumer les conséquences et surtout d'en valoriser les effets positifs dans leurs relations commerciales.

Voilà, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, quelques-unes des priorités que je voulais développer devant vous. Je me réjouis que vous ayez choisi ce difficile sujet de l'environnement pour vos journées de réflexion.

Vous avez ainsi contribué à démontrer que nos agriculteurs, et nos industriels savent être des acteurs de l'environnement, et peuvent non seulement le respecter, mais aussi participer à sa protection.

Je vous remercie.