Texte intégral
Discours de clôture de Mme Anne-Marie IDRAC, secrétaire d'État aux transports
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir et d'intérêt que j'ai accepté l'invitation du président René MONORY et du Sénateur Charles DESCOURS de venir clôturer ces quatrièmes rencontres sur les transports.
Je me réjouis tout d'abord de toutes les initiatives qui, comme ce colloque, permettent de donner au débat sur la politique des transports une audience et une résonance qui lui font trop souvent défaut. Les transports sont en effet un élément essentiel aussi bien de la vie quotidienne des citoyens que de la compétitivité économique d'un pays. Ils impliquent en outre des enjeux budgétaires financiers et budgétaires considérables. C'est donc bien un sujet éminemment politique. À ce titre, quel lieu plus naturel que le Parlement pour débattre des grandes orientations de la politique des transports et préparer les choix publics ?
Je vous félicite du choix très judicieux du thème de vos rencontres 1996 consacrées à la priorité à l'usager et au client. Je suis en effet profondément convaincue que, dans le domaine des transports, l'approche doit privilégier le service du client et de l'usager. C'est de lui que doivent procéder nos choix, ceux des pouvoirs publics dans la conduite de la politique des transports comme ceux des entreprises de transport qui sont par essence des entreprises de service au plein sens du terme, qu'elles s'adressent à des voyageurs ou à des chargeurs.
Client ou usager ?
Le titre de votre colloque évoque le client et l'usager. Je sais que l'utilisation de l'un ou l'autre des deux termes n'est pas tout à fait neutre et renvoie aux yeux de certains à des choix de principe en matière de politique des transports, le mot « usager » renvoyant à une conception extensive du service public, le mot « client » à une conception plus libérale.
Je n'entends pas, pour ce qui me concerne, accorder plus d'importance qu'il n'en faut à la sémantique dans un secteur où il convient surtout et c'est ma philosophie personnelle – d'être pragmatique et d'agir. Mais, je crois qu'une clarification n'est pas inutile car la confusion des mots peut en l'espèce recouper une confusion des responsabilités.
Pour ma part, je considère que les choses sont claires : il y a des usagers des transports et des clients des entreprises de transports. C'est-à-dire que les attentes de l'usager – qui est aussi le contribuable – doivent être prises en compte par les pouvoirs publics au niveau où se définit la politique des transports, c'est-à-dire au niveau de l'État pour les transports nationaux mais aussi dans bien certains cas au niveau de collectivités locales.
De leur côté, les entreprises de transport, quel que soit le mode, doivent adopter vis-à-vis des utilisateurs, y compris bien entendu des utilisateurs potentiels, une attitude commerciale visant à satisfaire le mieux possible leur demande, c'est-à-dire en les traitant bien comme des clients qui paient une prestation et attendent en retour un service de qualité mais aussi comme des clients qui ont très souvent la possibilité de se tourner vers la concurrence. Le propre du client, comme le dit avec justesse le président GALLOIS, c'est bien qu'il a le choix. La confusion entre l'usager et le client reflète souvent une confusion des responsabilités entre pouvoirs publics et entreprises, qu'il convient toujours de clarifier.
Un fort consensus sur plusieurs grands enjeux
Je souhaiterais à présent revenir sur la synthèse de vos travaux que le Sénateur DESCOURS a remarquablement dressée. Elle atteste de la qualité de vos débats et de la pertinence des sujets abordés. Mon impression est aussi qu'une convergence des différentes sensibilités de l'opinion publique et des responsables de notre pays est en train de se dégager sur plusieurs grands enjeux de la politique des transports. J'en discerne trois en particulier :
– la priorité d'une approche par le service dans les choix d'infrastructure ;
– la nécessité de l'intermodalité ;
– l'exigence de transports sûrs et respectueux de l'environnement.
La priorité par le service dans les choix d'infrastructure est essentielle. On ne réalise pas des infrastructures pour faire plaisir à tel ou tel lobby ou pour respecter un volume annuel d'investissement dans un secteur. Non, on doit réaliser les infrastructures qui sont les plus à même de satisfaire les besoins des usagers et raisonner en termes de service.
Ainsi, il faut d'abord se poser la question de la qualité de service que l'on veut assurer pour chaque liaison à desservir et rechercher ensuite les réponses les plus pertinentes pour assurer sur chacune des liaisons et pour chaque type de clientèle le meilleur service au meilleur coût.
Cette réponse au meilleur coût, on la trouve d'ailleurs dans le principe du service public contenu dans l'article 1 de la LOTI, à savoir « la satisfaction des besoins des usagers dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité ». J'y suis pour ma part très attachée et soyez assurés que c'est dans cet esprit que les services de mon ministère travaillent à la préparation des schémas directeurs d'infrastructure ; dans le respect aussi du nécessaire réalisme financier, afin que ces schémas directeurs ne soient pas, comme ce fut parfois le cas dans le passé, des « machines à fabriquer des déficits ou des désillusions ».
Deuxième point sur lequel je distingue un consensus croissant, la nécessité d'une politique des transports intermodale, qui valorise pleinement les atouts propres de chaque mode et les complémentarités des différents modes entre eux. Il s'agit en particulier d'assurer la continuité des modes de manière à permettre l'utilisation de chaque mode là où il est le plus pertinent tout en assurant un service pour ainsi dire « porte à porte ».
Enfin, troisième point de consensus, me semble-t-il, l'exigence de transports plus sûrs et plus respectueux de l'environnement. L'exigence de sécurité est très forte dans nos sociétés modernes et elle touche en particulier les transports aussi bien individuels que collectifs. Des efforts continus doivent être faits dans la conception des matériels et l'organisation des transports pour réduire les accidents. Il faut parallèlement lutter avec détermination contre l'insécurité dans les transports collectifs qui n'est pas acceptable.
Par ailleurs, si les transports sont un facteur déterminant du développement économique et social, ils entraînent des nuisances à l'échelle locale comme à l'échelle de la planète, auxquelles nos concitoyens sont légitimement de plus en plus sensibles. Il importe donc de se placer dans une logique de développement durable.
Clarifier les missions des pouvoirs publics
J'en viens à présent à la façon dont je conçois la priorité à l'usager dans la conduite de la politique des transports, avant d'évoquer la priorité que les entreprises doivent accorder au client.
En premier lieu, je veux affirmer d'emblée que je rejette toute idée de rationnement de la mobilité, qui est une forme de malthusianisme. La demande de transport ne cesse de croître, partout dans le monde, à un rythme supérieur à celui de la croissance de la population ou de la richesse nationale. Ces nouveaux besoins de mobilité sont source de richesse, de bien-être mais aussi de liberté. Le premier objectif de la politique des transports, c'est donc de répondre à cette demande pour conforter le développement économique et social, en adaptant en permanence le système des transports pour le rendre plus performant. Cet objectif fondamental est la première déclinaison de la priorité qui doit être accordée à l'usager.
Dans ce cadre, que doit-on attendre de l'État ? Je serais tentée de vous répondre que la première mission de l'État, c'est de créer les conditions pour que les entreprises de transport, publiques ou privées, puissent répondre de la façon la plus satisfaisante aux attentes de leurs clients. Cela signifie que l'État ne doit pas se substituer aux acteurs du transport mais jouer un rôle de régulateur, rôle qui implique trois fonctions essentielles :
– veiller à l'équipement du pays en infrastructure ;
– définir et faire assurer les missions de service public ;
– faire respecter des règles du jeu loyales dans la compétition économique.
Les infrastructures
L'État a une responsabilité particulière dans les infrastructures, quel que soit le mode et quel que soit leur affectataire. Cette responsabilité porte sur leur localisation et leur consistance. Il lui appartient également de définir comment doit se répartir la charge de leur coût entre le contribuable et le futur client. Cette responsabilité doit s'exercer dans un cadre clair.
Une confusion des responsabilités existait dans le domaine ferroviaire, ainsi que l'a montré le grand débat national organisé au cours du premier semestre de cette année. Afin de donner toutes ses chances de renouveau au transport ferroviaire, le gouvernement a mis au point la solution originale que vous connaissez qui doit permettre, à travers la création de « Réseau Ferré National », de désendetter la SNCF et de ne plus lui faire supporter la charge financière des infrastructures, tout en préservant l'unité de l'entreprise, chargée à la fois de la gestion de l'infrastructure et du transport ferroviaire.
Afin d'apporter l'ensemble des éclairages nécessaires à une parfaite compréhension du sens et du contenu de la réforme, le gouvernement a décidé de reporter de quelques semaines l'examen du projet de loi qui aurait dû venir en discussion dans les tout prochains jours ici même au Sénat. Ainsi que Bernard PONS et moi l'avons précisé, nous espérons que le texte pourra venir en discussion au tout début de l'année 1997, afin que les bienfaits de la réforme ne soient pas davantage retardés.
J'ai évoqué tout à l'heure l'esprit dans lequel j'aborde l'élaboration des schémas directeurs d'infrastructure. Je n'y reviendrai donc pas, mais je voudrais en complément faire part d'une de mes préoccupations. Je redoute en effet que l'on ne se soit trop focalisé au cours de ces dernières années sur les seules infrastructures nouvelles, au détriment de l'entretien du réseau existant dont les performances ont pu se dégrader. Cela me semble particulièrement vrai dans le domaine ferroviaire et dans le domaine fluvial mais aussi, dans une certaine mesure, pour le réseau routier national. L'usager a du mal à comprendre et à accepter ce qui lui apparaît comme une détérioration peu compatible avec le progrès dont on se réclame par ailleurs. C'est pourquoi je pense qu'il faudra au cours des prochaines années examiner si un rééquilibrage des budgets n'est pas nécessaire en faveur de l'entretien et du fonctionnement.
Le service public
Deuxième grande mission de l'État : définir et faire assurer les missions de service public. L'État et le garant du service public de transport, c'est à dire de la satisfaction du droit au transport que la LOTI a reconnu à chacun.
Cette définition atteste bien d'une part que le service public, c'est le service du public, c'est à dire qu'il ne peut être indépendant de la demande de transport ; d'autre part que le service public n'est pas lié à un mode de transport ou, si vous préférez, qu'aucun mode de transport n'est un service public en soi.
Le service public doit donc être organisé par les pouvoirs publics – et non par les opérateurs – en combinant les différents modes disponibles dans le cadre de la recherche du meilleur rapport qualité de service/coût mais aussi dans le respect des principes fondateurs du service public : égalité d'accès et de traitement des usagers, continuité, adaptabilité.
Le choix du niveau de compétence le plus approprié est conforme à la priorité accordée à l'usager : il convient en effet que la définition de la consistance du service public puisse s'opérer au plus près de la connaissance des besoins des usagers. C'est l'une des raisons qui motivent le transfert aux régions de la responsabilité de l'organisation des services régionaux de voyageurs de la SNCF.
De même, le principe du contrat de service public, qui explicite précisément les obligations de service public assignées à une entreprise et les moyens dont les charges afférentes à ces obligations sont couvertes, me semble une pratique à encourager dans l'intérêt de l'usager· car elle clarifie les responsabilités.
Parmi les principes du service public que j'évoquais à l'instant figure celui de la continuité. Je comprends que ce principe était au centre de l'une de vos tables rondes de la matinée qui était intitulée – non sans un certain sens de la provocation à mon avis mais c'était sans doute pour stimuler l'animation du débat ! – « Transport de voyageurs : otages ou clients ? ».
Il va de soi que le droit de grève est un droit constitutionnel fondamental, que nul n'entend contester ou limiter. Certains ont pu cependant avoir le sentiment d'un déséquilibre entre ce droit essentiel et celui, de même portée, résultant du principe de continuité du service public. Cette appréciation n'est à la vérité pas tout à fait injustifiée et je crois qu'il faut qu'au sein de chaque entreprise dirigeants et organisations syndicales s'efforcent de dégager, dans la concertation, des modalités d'action alternatives à l'interruption du service. Chacun peut en effet comprendre qu'une grève qui pénalise en premier lieu le client, c'est à dire la raison d'être de l'entreprise, n'est bonne pour personne et peut conduire le client, lorsqu'il n'est pas captif, à se détourner durablement de l'entreprise.
À ce titre, je considère comme exemplaire l'accord intervenu à la RATP entre la direction et la majorité des organisations syndicales, qui vise à prévenir les conflits et à ne recourir à l'interruption du service qu'en dernière extrémité si toutes les possibilités de conciliation ont échoué. Je tiens à saluer ses signataires pour le sens des responsabilités dont ils ont fait preuve à cette occasion. Je souhaite que leur exemple inspire d'autres entreprises de transport, dont les salariés partagent avec ceux de la RATP la fierté et le dévouement de ceux qui ont choisi un métier au service du public.
La régulation des marchés
Enfin, troisième grand champ d'intervention de la puissance publique dans sa mission de régulateur, la régulation des marchés afin de veiller au respect de la réglementation et d'une concurrence loyale. Si l'on souhaite que le client puisse bénéficier pleinement des avantages que doivent lui procurer les bienfaits du marché, il convient en effet que la concurrence s'exerce dans des conditions équitables et loyales.
Le choix des règles techniques, par exemple en matière d'exigences de sécurité ou de pollution, constitue une prérogative des pouvoirs publics. Il en va de même de la réglementation sociale. Il appartient aux pouvoirs publics d'arrêter ces règles et de les faire évoluer conformément à l'intérêt des usagers ou à l'intérêt général, notamment en fonction des progrès de la technologie. Il leur appartient de même de veiller à les faire respecter par tous.
Pour ce qui concerne la concurrence à l'intérieur d'un même mode, à l'exception notable du ferroviaire du fait de ses spécificités, le gouvernement mène une action claire dans le respect de deux principes : la libéralisation maîtrisée dans l'harmonisation et la concurrence dans la transparence et la loyauté.
À l'exception du transport ferroviaire, je tiens à le rappeler, le gouvernement s'inscrit clairement dans cette logique de libéralisation, qui est favorable à. l'usager compte tenu des baisses de prix, mais aussi de l'innovation dans les services, qu'entraîne la concurrence. Mais, le gouvernement souhaite s'assurer que le processus comporte, le cas échéant, la progressivité nécessaire pour permettre aux entreprises d'adapter leur compétitivité. C'est la libéralisation maîtrisée. Par ailleurs, il convient de veiller à une harmonisation des règles effectivement appliquées dans chaque pays, de manière à s'assurer que la concurrence peut s'exercer sur une base loyale et saine à l'intérieur du grand marché européen. L'enjeu le plus important, vous le savez, concerne l'harmonisation sociale.
À terme, la concurrence à l'intérieur d'un même mode, le transport routier par exemple, devrait se poser en des termes traditionnels. C'est à dire que, outre le contrôle de la réglementation technique et sociale, il s'agira de lutter contre toute forme de concurrence déloyale, notamment le dumping, les ententes ou les abus de position dominante. C'est dans cette logique que nous avons fait adopter une législation pour lutter contre les prix anormalement bas dans le transport routier.
La concurrence entre les modes de transport est plus complexe à appréhender, mais il appartient à la puissance publique de veiller qu'elle s'exerce dans les conditions économiques et sociales les plus favorables pour la collectivité au regard de l'ensemble des coûts internes et externes qui doivent être supportés. Les principaux leviers de cette action de régulation sont connus : la réglementation, la tarification d'usage et la fiscalité. Soyez assurés que ces leviers sont aujourd'hui utilisés et ne sont pas figés même si toute évolution, pour être supportable par les acteurs économiques, doit être progressive.
Pour autant, que l'on ne se méprenne pas, les zones de concurrence effective entre les modes de transport sont en fait limitées et les parts de marché respectives des différents modes résultent aujourd'hui pour l'essentiel d'une concurrence qui s'exerce beaucoup plus sur le service que sur le prix. J'entends bien entendu ici le mot service au sens large, c'est à dire fiabilité, confort, rapidité, fréquence, correspondance.
Voilà, Mesdames et Messieurs, comment se décline à mon sens la priorité accordée à l'usager dans la conduite de la politique des transports. Naturellement, il importe que l'État reste à l'écoute des usagers et de leurs attentes et qu'en retour l'État communique sur sa politique afin qu'elle soit comprise.
Les entreprises à l'écoute de leurs clients
Je serais moins longue sur la manière dont les entreprises doivent accorder la priorité à leurs clients. Non pas que le sujet soit d'une moindre importance ; il est au contraire essentiel. Mais, parce que précisément, c'est l'affaire et ce doit être l'affaire des entreprises dans la conduite de leur politique commerciale et non celle des pouvoirs publics. En outre, les spécificités de chaque secteur, de chaque type de clientèle, se prêtent mal aux propos de caractère général.
Si une généralité peut néanmoins être mise en avant, c'est bien le fait qu'aucune entreprise du secteur des transports, à quelque mode qu'elle appartienne, qu'elle soit publique ou privée, ne peut prétendre s'affranchir de cette vérité, à savoir qu'elle est une entreprise de service dont le client est la raison d'être et que ce client doit être le point d'ancrage de sa stratégie. Et qui dit entreprise de service implique qualité de service.
Dans une activité où l'on a longtemps privilégié une logique d'offre, soit au nom d'une conception un peu « impérialiste » – si vous me permettez l'expression – du service public, soit au nom d'une prééminence des fonctions techniques, soit du fait d'un encadrement réglementaire assez confortable pour le transporteur, je conçois que le passage à une logique centrée sur la demande peut dans certaines entreprises avoir des allures de révolution copernicienne. Mais, il faut que chacun, du directeur général à l'agent d'exécution, comprenne que cette révolution est inévitable et qu'elle constitue une formidable aventure où chacun peut trouver à s'épanouir et à se valoriser.
Un rapide survol des différents modes atteste que certains secteurs ont déjà pleinement intégrés cette logique quand d'autres sont moins avancés mais s'y engagent. C'est ainsi que le transport maritime de marchandise, le transport routier de marchandises ou le transport aérien sont d'ores et déjà parfaitement immergés dans une logique de service à la clientèle.
Les entreprises de ces secteurs ont accompli une formidable mue au cours des dix dernières années qui leur ont permis d'atteindre un haut niveau dans la qualité de service qu'elles offrent à leurs clients et à innover en matière de tarifs, de service offerts ou d'organisation des correspondances. Cet effort doit être salué et je le dis sans crainte : la déréglementation de ces secteurs aura été très bénéfique pour l'usager.
Le transport ferroviaire est sans doute moins avancé dans la logique du service à la clientèle, comme semblerait le prouver la tendance continue à l'érosion de son chiffre d'affaires et de ses parts de marché. Je suis de ceux, vous le savez, qui sont convaincus que le chemin de fer reste un mode de transport d'avenir susceptible de satisfaire ses clients tout en apportant des avantages collectifs en matière de sécurité et d'environnement.
C'est pourquoi le corollaire de la réforme de structure que constitue la création de Réseau Ferré National et le désendettement de la SNCF, c'est la mobilisation interne autour d'un objectif ambitieux de reconquête commerciale. Le redressement de la SNCF passe d'abord par sa capacité à faire remonter les gens et les marchandises dans les trains, c'est-à-dire sa capacité à traiter les usagers du train comme de véritables clients qui sont exigeants à l'égard du service qu'ils paient.
Cette mobilisation, qui doit impliquer chacun du haut en bas de la hiérarchie, c'est l'enjeu essentiel du projet industriel en cours de préparation au sein de la SNCF. J'adhère à cet égard totalement à la démarche pragmatique que le président GALLOIS a souhaité privilégier, qui traite d'objectifs concrets même modestes plutôt que de grandes ambitions générales. C'est la bonne approche, celle qui impliquera chaque cheminot et à travers laquelle le client percevra le changement. J'ai pour ma part toute confiance dans la capacité de l'entreprise et des salariés à s'engager dans cette grande aventure et à la réussir.
Enfin, je souhaite évoquer les transports urbains, qui sont sans doute ceux pour lesquels la confusion entre usager et client est la plus naturelle. Il s'agit en effet par essence d'une activité qui se confond fortement avec le service public et d'une clientèle largement captive.
À la veille de la journée du transport public, qui se tiendra vendredi prochain dans toute la France, je tiens à saluer le dynamisme des opérateurs du transport urbain. Cette journée attestera, par les nombreuses manifestations qui sont prévues, que la logique du client est déjà bien intégrée et qu'elle conduit à des initiatives ou des innovations qui visent à mieux répondre à ses besoins.
Nous le savons, la fréquentation des transports urbains connaît néanmoins une stagnation, voire une baisse. Il faut donc en renforcer l'attractivité, ce qui passe par une plus grande convivialité, un confort amélioré et une lutte contre la fraude et le sentiment d'insécurité. Tous les partenaires du transport urbain, pouvoirs publics, autorités organisatrices, entreprises, sont engagés dans une démarche résolue dans ce sens et j'attache, pour ma part, beaucoup d'importance aux résultats qui pourront être obtenus.
Conclusion
Mon propos vous aura convaincus je l'espère, Mesdames et Messieurs, que le thème de votre colloque, « priorité à l'usager et au client ! », doit bien-être le leitmotiv de l'action des pouvoirs publics et des entreprises de transport. C'est ma conviction et l'une des lignes de force de l'action que je conduis au sein du gouvernement.
Lorsque j'observe les évolutions qui touchent tous les modes de transport, je suis confiante dans la capacité de chacun, selon ses responsabilités, à intégrer cette logique essentielle qui est déjà largement prise en compte, même si certains secteurs ou certaines entreprises semblent plus avancés que d'autres.
La France a un système de transport globalement performant, même s'il doit se moderniser et s'adapter en permanente comme toute activité économique. C'est donc ce soir un message de confiance et une invitation à poursuivre dans la voie du service au client et à l'usager que je voulais vous délivrer, en étant consciente que je m'adressais à un public déjà largement convaincu.
Mme Corinne Lepage, ministre de l'environnement
Monsieur le Sénateur, c'est avec grand plaisir que j'ai accepté de participer à ces 4e rencontres parlementaires sur les transports.
Je m'en réjouis à double titre : tout d'abord, je constate qu'on ne peut plus parler de transport sans y associer les préoccupations environnementales même lorsqu'il s'agit d'un débat qui a pour thème « la priorité à l'usager et au client ».
Par ailleurs, le thème des transports est devenu de nos jours un vrai problème de société, totalement transversal et c'est là à mon avis un enrichissement dont il faut se féliciter.
En centrant le débat sur la priorité qu'il convient de donner à l'usager-client des transports, à celui qui paie pour un service, vous n'avez pas voulu limiter votre propos aux exigences d'un client ordinaire face à un prestataire de service.
Les thèmes de la table ronde de cette après-midi sont éloquents : l'usager des transports est un citoyen qui ne peut se satisfaire d'une réponse à sa demande de transport qui serait par ailleurs trop préjudiciable à l'intérêt général.
Les Français sont de plus en plus nombreux à savoir que 80 % de l'augmentation de l'effet de serre européen et le tiers des émissions de gaz carbonique françaises sont liés aux transports.
Ils sont de plus en plus nombreux à croire à la notion de développement durable qui est, je le rappelle, un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs et qui repose sur trois bases essentielles : le développement économique, le progrès social et la préservation de l'environnement. Qu'une de ces composantes fasse défaut et tout l'édifice s'écroule.
Il n'échappera à personne que la politique des transports est un des domaines majeurs où cette approche nouvelle du développement a toute sa place.
Ne nous laissons toutefois pas bercer d'illusions : il est vrai que la prise de conscience n'est pas générale.
Mais cette prise de conscience que je qualifierai de « citoyenne » existe bel et bien et il nous appartient de la développer et de l'anticiper dans notre action.
Il est de la responsabilité des décideurs, à quelque niveau que ce soit, de valoriser la demande de transport qui répond au besoin personnel sans pour autant nuire à la collectivité.
C'est la démarche que j'ai souhaité favoriser dans la loi sur l'air qui sera débattue en seconde lecture à l'Assemblée nationale le 20 novembre prochain.
Que veulent nos concitoyens : ne pas être gênés dans leur besoin de déplacement, le faire en toute sécurité et fiabilité, au moindre coût et si possible dans les meilleures conditions de confort.
Ces exigences sont compréhensibles. Elles sont légitimes et je les crois compatibles avec les principes de préservation du cadre de vie que je défends.
Il n'y a pas de contradiction entre le désir ou le besoin de mobilité et la protection de l'environnement.
Mais il est de la responsabilité de l'État, des collectivités locales et de l'ensemble des citoyens d'anticiper non seulement sur les besoins mais aussi sur les conséquences à long terme des choix qui seront faits.
La lourdeur des investissements à engager et des procédures impose une prise de décision très en amont de la réalisation effective : c'est un gage d'efficacité, notamment dans les agglomérations si on veut assurer la cohérence entre l'offre de transport et l'urbanisation.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité introduire dans la loi sur l'air des dispositions plus contraignantes sur les plans de déplacements urbains qui sont des documents prospectifs sur le transport urbain : non seulement, ils seront désormais obligatoires dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants mais ils devront en outre viser à assurer un équilibre durable entre la demande de transport et la protection de l'environnement et de la santé.
Protéger l'environnement et la santé lorsqu'on aborde le problème des transports c'est bien évidemment limiter la circulation automobile, favoriser l'utilisation des carburants les moins polluants, développer les transports en commun et les rendre attractifs c'est-à-dire plus sûrs, plus confortables.
La comparaison entre le transport automobile et les transports en commun est encore trop souvent au désavantage de ces derniers.
Si nos concitoyens sont si nombreux à préférer subir des heures d'embouteillages à l'utilisation de transport en commun c'est qu'ils choisissent entre deux maux celui qui leur paraît le moindre.
C'est cette alternative qu'il faut changer : les expériences des villes de province qui ont eu une politique volontariste en matière de développement des transports en commun montrent que les Français sont prêts à renoncer à leur voiture à condition qu'on leur offre d'autres solutions satisfaisantes.
S'ils n'étaient que 49 % en 1989 à accepter de réduire leur propre usage de la voiture en ville, ils sont aujourd'hui 87 % prêts à ne pas la prendre les jours où la pollution atmosphérique atteint des seuils critiques.
Hormis ces situations, la proportion des Français prêts à renoncer à la voiture individuelle pour les déplacements de tous les jours est passée de 39 % en 1990 à 49 % en 1994.
Globalement, 82 % des personnes interrogées se déclarent prêtes à utiliser d'autres modes de transport que la voiture.
Ce sont des chiffres encourageants.
Je viens de vous dire que le client ou l'usager veut en outre se déplacer au moindre coût et que sa demande est légitime : cette exigence ne doit pas nécessairement le porter sur le choix le plus préjudiciable pour l'environnement.
Opposer la protection de l'environnement aux contraintes économiques cessent d'être pertinent dès lors que l'on intègre les coûts indirects : utiliser un carburant moins coûteux mais plus polluant c'est nuire à la santé de la population, c'est rendre la ville moins attractive et par là même générer des coûts ou des manques à gagner que la collectivité devra assumer.
L'évaluation du coût de la pollution atmosphérique à 5 milliards par an en Île-de-France est une donnée qui doit faire réfléchir l'ensemble des acteurs économiques.
Il n'y a pas que le problème des transports dans les grandes agglomérations qui nous incite à une réflexion approfondie sur notre comportement en tant qu'usager-client des transports.
Détruire un paysage remarquable pour y faire passer une autoroute, c'est parfois, répondre à un réel besoin de circulation et par là-même favoriser l'activité économique mais c'est aussi et de manière irréversible détruire un capital naturel qui est lui aussi porteur de richesses.
La population est manifestement sceptique face aux grands projets autoroutiers et ferroviaires qui vont mobiliser des investissements considérables dans les décennies à venir pour une utilité économique et sociale qui n'est plus perçue avec la même acuité qu'autrefois.
Pourquoi engager de telles sommes pour permettre des gains de temps de transport, qui ne profiteront qu'à une faible part de la population ? À l'heure où se mettent en place de nouvelles technologies de communication, est-il toujours pertinent de vouloir centrer la communication entre les individus au travail en favorisant le déplacement physique des acteurs économiques ?
Autant de questions qu'il convient de ne pas occulter : la difficulté tient au fait qu'il nous appartient de prendre, aujourd'hui, des décisions qui engagent notre cadre de vie à venir et celui des générations futures sans avoir toujours les moyens de qualifier et de quantifier les besoins de la population dans plusieurs décennies.
Ce n'est toutefois pas une raison suffisante pour ne pas appliquer, dans ce domaine, aussi, le principe de précaution.
Ce serait une grave erreur de définir le contour de l'usager-client des transports des décennies à venir avec les critères de préférence et les besoins qui sont ceux de l'homme d'aujourd'hui.
Relever le défi des nouvelles technologies appelées à révolutionner l'offre de transport dans les années à venir n'est pas seulement mettre en application ces technologies c'est aussi intégrer l'ensemble des aspirations du futur citoyen « consommateur » de transport.
C'est, à mon avis, dans cette démarche que s'inscrit la vraie modernité d'une politique des transports qui aurait pour objectif de donner la priorité à l'usager-client.
Le Parisien : 14 novembre 1996
Anne-Marie Idrac
Le Parisien : Les Français boudent les transports en commun. À quoi doit-on attribuer ce phénomène ?
Anne-Marie Idrac : Je ne parlerai pas de bouderie, mais il est vrai que l'on observe globalement une légère baisse de la fréquentation des transports urbains. Mais cela reflète des situations très contrastées puisque, par exemple, la fréquentation a augmenté de près de 30 % à Strasbourg et à Toulouse depuis la mise en service du tramway et du Val.
Quant à la baisse, elle provient essentiellement d'une offre de transport qui n'a pas toujours-suivi les évolutions des modes de vie, par exemple la dispersion de l'habitat ou la variété des horaires de travail. Par ailleurs, il est probable que le sentiment d'insécurité tient à l'écart certaines personnes, comme les femmes seules le soir ou les personnes âgées.
Le Parisien : Cette tendance est-elle irréversible ? Quelles solutions préconisez-vous ?
Anne-Marie Idrac : Ce phénomène n'a rien d'irréversible et de nombreux exemples, présentés aujourd'hui par plus de 200 villes dans-le cadre de la Journée des transports publics, suffisent à le démontrer. Pour développer l'usage des transports en commun, il faut à la fois agir sur le long terme dans la conception de l'urbanisme et tous les jours veiller à renforcer leur attractivité, il faut également redonner l'envie de prendre les transports publics parmi effort constant d'amélioration du service en termes de fréquence, de proximité des arrêts, de confort et de sécurité.
Le Parisien : À l'heure de la rigueur budgétaire, les collectivités locales demandent des aides accrues à l'État. Jusqu'où pouvez-vous aller ?
Anne-Marie Idrac : Nous avons inscrit au total 6,4 milliards de francs dans le budget 1997 pour les transports urbains, ce qui marquera une progression par rapport à 1996. La plus grande partie de ce budget ira aux transports collectifs en Île-de-France, principalement à la RATP et à la SNCF. Le reste ira aux transports de province, pour soutenir les grands projets d'investissement. Je tiens à répéter que les crédits sont suffisants pour satisfaire toutes les demandes.