Texte intégral
Je vais donc vous présenter la Semaine des initiatives citoyennes qui marque le point de départ d’un travail de fond pour réinvestir l’école de sa mission d’éducation à la morale civique. Elle fait suite également à la déclaration de politique générale du Premier ministre, que vous trouverez dans les dossiers et qui avait déclaré que : « L’école est le berceau de la République. Outre sa mission d’instruction, elle doit assurer l’apprentissage du civisme. Dès l’enfance il faut faire naître et vivre durablement un profond sentiment d’attachement aux valeurs républicaines, au premier rang desquelles le respect de la chose publique la laïcité, l’adhésion à une citoyenneté active et responsable, ensemble indissociables des droits et devoirs. » L’éducation à la morale civique dans l’école est une question délicate et je pense que nous ne réussirons à la mettre en Œuvre que si elle commence de façon expérimentale à partir de pratiques déjà existantes dans les établissements scolaires et des besoins de la communauté éducative quant à cette nécessité de réapprendre à vivre ensemble. Telle est la logique de ces initiatives citoyennes. Elles se déroulent sur une semaine parce que l’éducation civique ne doit pas être l’affaire d’un jour, mais se concrétiser pendant toutes l’année scolaire, en étant ponctuée par des temps forts. C’est pourquoi nous souhaitons que pendant cette semaine l’ensemble des initiatives des établissements soit concentré. Je ferai moi-même un certain nombre de déplacements dans les établissements scolaires, là où des opérations, des projets concrets sont actuellement en cours de préparation. Pour réussir cette semaine citoyenne, une instruction a été envoyé à tous les chefs d’établissements scolaires et à tous les recteurs, elle résume quelques grands principes sans prétendre à l’exhaustivité puisque ces initiatives s’appuient sur la plus grande liberté laissé aux équipe éducatives, mais elle indique les principaux objectifs de cet apprentissage de la citoyenneté.
Apprendre la citoyenneté, c’est organiser le savoir-vivre, en comprendre les règles et les mettre en œuvre tous les jours. Apprendre la citoyenneté, c’est également comprendre que la vie en société nécessite des efforts et du travail. Apprendre la citoyenneté, c’est aussi être capable de donner le meilleur de soi-même en étant attentif aux autres, à ceux qui sont en difficultés. Vivre la citoyenneté en personne responsable ne se réduit pas à des apprentissages, mais c’est un choix libre d’une conduite individuelle et constitue une morale collective. Autrement dit l’idée est de faire comprendre aux élèves que, par leur adhésion libre à une forme de comportement, tout le monde y gagne. C’est la raison, d’ailleurs, pour laquelle aujourd’hui la demande sociale est si forte à l’égard de la morale et de l’éducation civiques : chacun se rend compte que les logiques individuelles aboutissent à un préjudice social collectif et qu’au contraire, si chacun adhère à une façon de vivre ensemble, à ce moment-là tout le monde s’en trouve gagnant. Donc l’école veut répondre à cette demande sociale. Elle veut le faire avec tact à l’égard des enseignants et à l’égard de la communauté scolaire. Il ne s’agit pas d’imposer d’en haut des normes ou des dogmes, mais il s’agit d faire émerger dans les établissement scolaires un certain nombre de règles morales aux quelles les enfants adhéreront parce qu’ils comprendront qu’ils en sont également les premiers bénéficiaires.
Alors que va-t-il se passer pendant cette « Semaine citoyenne » ?
D’abord les établissements sont appelés à concevoir un projet d’éducation citoyenne qui peut se dérouler tout au long de l’année, puisqu’il y aura un compte rendu national dans a deuxième semaine du mois de mai, où seront mises en valeur les initiatives citoyennes réalisées dans les différents établissements. Chaque classe, de la maternelle à la terminale, choisit ses formes d’organisation pour mettre en œuvre ce projet. Dans le dossier de presse est réalisé un inventaire ou plutôt sont proposés quelques exemples d’actions concrètes dans le cadre de ces initiatives citoyennes. Ainsi, autour du thème de la politesse, comment le terme renvoie à un ensemble de règles pour vivre mieux, pourquoi il est utile d’être poli. Vous trouverez aussi quelques exemples d’expériences pédagogiques qui ont déjà eu lieu dans le cadre de l’éducation civique ou de l’éducation artistique et qui pourraient concerner toutes les matières enseignées. J’ai, d’ailleurs, libéré deux heures, pour cette « semaine citoyenne » en indiquant qu’il est préférable de les prendre le lundi matin, c’est-à-dire en début de semaine, pour organiser les débats dans la classe, pour voir comment les élèves ont envie de concevoir de projet d’initiatives citoyennes. Je souhaite évidemment la plus grande souplesse : ainsi les établissements qui ont travaillé – et ils sont nombreux, comme le confirme la remontée de l’ensemble des académies – organiserons ce temps libéré de la façon la plus appropriée.
Autres exemples : des projets éducatifs peuvent prendre concrètement appui sur un travail de solidarité avec les exclus ou autour de thèmes relatifs à la prévention de la violence. Il y a des expériences nombreuses, originales dans toute la France ; j’ai déjà visité la semaine dernière un établissement à Montreuil, où tous les trimestres est organisée une semaine citoyenne, par ma venue, j’ai voulu montrer que le travail de terrain réussit. C’est pourquoi le gouvernement souhaite que cette initiative s’étende à tous les établissements, à l’image de ce que les enseignants et les élèves ont déjà inventé dans certains d’entre ex. Le respect de l’environnement aussi peut servir de base à des expériences civiques très importantes, notamment par rapport à la dégradation du cadre de vie, (problème des tas, détérioration des locaux), aider à la prise de consciences que la protection de l’environnement sert à se protéger soi-même et que c’est un acte de solidarité également à l’égard des autres. Les thématiques et les actions relatives à la lutte contre toutes les formes de discrimination peuvent aussi prendre place dans le cadre de ces initiatives citoyennes, je pense en particulier au problème des relations entre filles et garçons, l’apprentissage du respect des filles, de leur corps, à la lutte contre le sexisme, au respect des différences, à la réflexion dans les classes, par exemple, concernant les moqueries à l’égard d’un enfant différent, d’un enfant au physique ingrat, d’un enfant doté d’un nm ridicule. Il s’agit de l’apprentissage de la lutte contre toutes les formes de discrimination, y compris le racisme évidemment.
Les projets peuvent s’appuyer naturellement sur les principes forts et toujours neufs de la République : thème de la liberté, avec des ateliers sur l’apprentissage de l’autonomie dès le plus jeune âge, un travail autour du règlement intérieur pour le transformer en charte de la vie commune, des droits et des devoirs des élèves. C’est l’apprentissage direct de la liberté et de la responsabilité. Même dans les établissements où il n’y a pas d’idée concrète a priori, le premier travail peut commencer par une réflexion, à travers un débat dans la classe, autour de la loi commune de l’établissement, en quoi il constitue déjà une petite société, avec ses droits, ses libertés, se interdictions, mais aussi ses autorisations et ses règles de respect mutule. Et je pense que cette réflexion est nécessaire, puisque l’on constate que les règlements intérieurs sont dépassés ou des listes d’interdiction très anciennes. Autour de ce thème un travail tout simple peut être réalisé dans l’ensemble des classes tout en laissant une grande liberté d’interprétation et un vaste champ d’action pour les enseignants et les élèves. Le thème de l’égalité peut évidemment conduire à une réflexion dans les classes sur les différences de faits qui ne font pas des différences de droit. Toute la réflexion sur les élections des délégués d’élèves, leur utilité, l’organisation de la solidarité entre élèves. Et enfin le thème de la fraternité, puisque l’école en est le creuset, est le lieu où s’exprime la réciprocité des droits et des devoirs ; il pourrait être, par exemple, demandé aux élèves de rédiger, à partir de la déclaration des droits de l’homme, la déclaration des devoirs de l’homme et du citoyen, qui sont contenu en creux, sans jamais être explicites. Tos les exercices aussi visant à conduire l’élève à reconnaitre la réciprocité des devoirs e de droits, en quoi ceux-ci favorisent la cohésion de la communauté scolaire. Le développement de l’entraide sous toutes ses formes peut sans doute être également le meilleur moyen de rendre l’école plus fraternelle. Les formules de tutorat entre élèves ont aussi été développées dans certains établissement scolaires, toujours sur le thème de la fraternité. Ensuite, afin de servir de guide, – puisqu’il s’agit e proposer et surtout pas d’imposer –, nous avons proposé des thèmes de réflexion selon les niveaux scolaires. Pour l’école maternelle, par exemple, découvrir son métier d’écolier, faire attention aux autres, aider, demander, accepter l’être d’un autre, découvrir préserver, oser parler, se confier, ces thèmes sont quotidiennement enseignés par les institutrices ; il s’agit, autour d’eux, d’essayer de monter des projets concrets qui pourront ensuite servir d’exemples et de démonstrations. Dans l’école élémentaire, l’idée est lancée d’une série d’actions dans le même esprit. Dans les collèges et les lycées, là où l’instruction civique existe déjà, il s’agira d’abord de respecter les horaires liés à l’instruction civique et, là aussi, sont proposées un certain nombre d’actions, comme le développement de la tolérance, le respect de la laïcité, la solidarité avec les exclus ; la lutte contre le racisme, le respect des libertés, une réflexion et un travail en commun avec les services de la justice, de la police, de la gendarmerie. Tout le thème lié au respect de son propre corps et de celui d’autrui. Le respect des biens et des personnes. Toutes les thématiques de la prévention de la violence, le développement de l’autonomie, et enfin le développement du sens critique aussi, l’apprentissage de la citoyenneté à l’égard de la télévision, en particulier : passé devant la télévision. Qu’il y ait autant de facilité à éteindre la télévision qu’à l’allumer par exemple. Pour favoriser le développement du sens critique des enfants, un travail tout à fait remarquable a été réalisé dans certains établissement scolaires sur les spots publicitaires. Il faut aussi apprendre à critiquer l’image diffusée, les symboles renvoyés, la véracité des faits montré, donner une approche critique des programmes.
Donc cette éducation aux images issues des médias peut favoriser l’émergence d’une nouvelle citoyenneté, compte tenu du temps passé par les enfants devant la télévision.
Dans le dossier de presse, vous trouvez aussi des exemples de travaux liés à l’éducation morale et civique qui sont déjà réalisés dans la plupart des établissements de chaque académie, pour vous permettre de faire de reportage, mais aussi pour éclairer ma démarche. C’est un travail de longue haleine qui s’engage, il y aura des tâtonnements, puisque l’objectif c’est aussi de consolider l’éducation orale et civique à l’école, donc de faire émerger des valeurs consensuelles autour de l’enseignement dispensé par l’école. Alors, l’objectif c’est de travailler ensemble, de s’engager avec la communauté éducative, et en particulier avec les enseignants, parce que j’ai conscience que ce n’est pas facile d’enseigner la morale, il y a une certaine méfiance, une certaine interrogation par rapport à la légitimité de cet enseignement. Et le message fort que je veux donner au cours de ces initiatives citoyennes, c'est que l'école a complètement la légitimité d'enseigner la morale civique, que cette mission correspond à une demande du corps social car je crois qu'on est à un tournant de civilisation où chacun se rend compte que les excès de comportement individuels, créent un déficit social, que cette prise de conscience que l'adhésion volontaire à des comportements individuels, que cette adhésion libre à plus de règles, librement consenties, loin d'apporter une contrainte supplémentaire, apporte aussi une liberté nouvelle. Car, à partir du montent où l'insécurité monte, où, par exemple, on passe son temps à avoir peur du voisin, à se protéger, c'est une forme de liberté qui recule. Et donc c'est cette articulation entre la recherche de sécurité mais aussi le bien en termes de liberté et de citoyenneté, dont il faut faire prendre conscience à la fois à l'école, mais aussi en relais sans doute avec les familles. Je crois que la société française a déjà compris cette nouvelle logique et qu'au fond il y a aujourd'hui une osmose entre cette attente sociale, les initiatives prises par les enseignants, qui ne sont pas toujours évidentes, et nous leur apportons aujourd'hui une légitimité sur ces questions. Donc, nous voulons à la fois encourager, conforter les démarches existantes et en même temps signifier aux autres établissements scolaires qu'il est possible de réussir, que les expériences de terrain sont concluantes par rapport au gain collectif que tout le monde retire de cette réflexion et de cet enseignement de la morale civique ; il s'agit avant tout d'un enseignement par l'exemple, par le dialogue, par la réflexion, et certainement pas par le parachutage d'en haut d'un certain nombre de dogmes. Et je crois que c'est ce qui fait à la fois la permanence et la différence par rapport à la morale laïque enseignée par Jules Ferry, il y a une permanence, c'est-à-dire que l'école doit retrouver la légitimité de cet enseignement qu'elle n'aurait jamais dû perdre, même si des circonstances historiques expliquent la disparition de cette morale laïque à l'école. Moi je m'inscris dans cette logique, je souhaite retrouver les fondements de l'enseignement de la morale laïque par Jules Ferry, et en même temps me tourner vers le siècle prochain : il ne s'agit pas d'un catéchisme imposé d'en haut, mais d'une adhésion librement consentie à des principes auxquels on conduit les enfants à réfléchir et par lesquels on leur montre qu'il s'agit de la défense de leurs propres intérêts. Et qu'adhérer à des formes de comportement moraux quotidiens, c'est d'abord les aider à progresser dans leur propre dignité. Et je crois qu'on retrouve des thèmes là aussi permanents avec la morale de Jules Ferry, c'est le thème de la dignité, montrer que l'enfant qui adhérait était lui-même un acteur de la République, et que son comportement individuel le faisait progresser. On grandit, éduqué dans les valeurs d'universalité et en même temps on conquiert sa dignité par un comportement moral individuel : je crois que l'école doit réintégrer cette dimension. La solidarité était déjà présente dans la morale laïque mais elle doit aussi être regardé à la lumière des problèmes nouveaux de la société. La société a changé, la solidarité se pose différemment, l'enfant est davantage respecté en tant que citoyen, donc on cherche à le faire adhérer, on ne lui fait plus apprendre des formules par cœur, mais on le fait devenir co-auteur de ces formules de morale collective et l'objectif de ce travail concret de projet, c'est de déboucher sur des principes, des idées dont l'enfant se trouvera co-auteur : chaque élève devient ainsi un moraliste au sens traditionnel du terme, puisque c'est lui qui conçoit et travaille à l'émergence de cette propre morale qui deviendra la règle du jeu dans la classe ou dans l'établissement scolaire.
Donc il faut à la fois assurer cette continuité et développer cette créativité par rapport aux problèmes nouveaux de la société, j'évoquais à l'instant les problèmes liés à la télévision qui n'existaient pas du temps de Jules Ferry, les difficultés liés à la montée du racisme, du sexisme, liés à la prise de conscience de la solidarité à l'égard du tiers-monde, les problèmes liés à l'environnement ; on voit bien comment des valeurs permanentes ont besoin de se rénover et de se moderniser à partir des actes concrets organisés dans les classes.
Au-delà, l'objectif de ces initiatives citoyennes, c'est de remettre progressivement à l'école, conformément à la demande du premier ministre, l'apprentissage de la citoyenneté et de la morale civique, -et, d'ailleurs, cette démarche-là fera l'objet mercredi d'une communication que je ferai en conseil des ministres sur l'apprentissage à l'école. Il ne s'agit pas d'un retour en arrière mais d'un pas en avant par rapport aux problèmes nouveaux, par l'émergence, à partir de ces expériences, de débats autour du contenu qui pourra être donné à la formation. Il faut donc que les formateurs soient associés à cette réflexion de fond pour voir quelles valeurs émergent, autour de quels principes se développe un consensus dans le pays, par rapport, à l'apprentissage dans l'école et dans la famille. Je voudrais faire passer le message que nous sommes décidés à avancer ensemble, avec les enseignants, avec les formateurs, avec ceux qui réfléchissent depuis longtemps à ces problèmes-là, qu'il y aura sans doute des tâtonnements, parce qu'il y a des questions légitimes qui s'élèvent. Ce n'est pas simple, dans une société, de choisir les valeurs communes ; au bout de ces tâtonnements-là, mon objectif est qu'on puisse faire émerger des textes et des principes de référence qui pourront être communément diffusés dans l'ensemble des écoles et qui continueront à faire l'objet d'une application variée dans les établissements scolaires, en fonction des problèmes concret rencontrés. Et pour engager ce travail de fond, j’ai demandé à Jean Bauberot, qui est responsable de la chaire d’histoire et de sociologie de la laïcité à l’École pratique des hautes études, de parrainer les « Initiatives citoyennes », de s’entourer d’un certain nombre de chercheurs, d’historien, de philosophes, mais aussi d’enseignants de terrain, pour déceler les valeurs convergentes issue de ce travail concret et, au-delà, d’engager des débats de fond et de voir quelles sont les objections qui se lèvent et, à partir de ce travail de fond, de s’acheminer du mois de mai, au moment du compte redu national vers la remise d’une sorte de document de référence qui permet d’avancer sur des notions plus précises et sur l’identification de valeurs permanentes, enrichies par un éclairage nouveau en fonction de la société dans laquelle nous vivons et aussi des méthodes d’apprentissage, fondées sur le dialogue, sur la reconnaissance de la capacité de chaque élève à réfléchir à son propre comportement ; il s’agira enfin de l’articulation avec les autres secteurs de la société qui doivent être redevables aussi de cette diffusion de la morale civique, comme les familles, bien sûr, car sans l’articulation avec les familles, l’école est moins efficace, j’en suis certaine. Les professionnels de la télévision ne peuvent pas non plus rester à l’écart de ce travail parce que la validation de contre-exemples par ce média met en péril l’action de l’école en matière de morale civique et en tout cas l’affaiblit considérablement. Donc il faut aussi que la télévision soit partie prenante de notre réflexion, étudie la façon dont elle contribue à faire émerger ou pas des comportements individuels civiques. Ensuite, on peut penser à d’autres mais ce sont les principaux partenaires de l’école e la réflexion doit aussi porter sur la façon dont nous pouvons travailler avec eux.
La presse régionale est aussi un partenaire des « Initiatives citoyennes », elle va en particulier permettre à plusieurs classes, dans les différentes académies, de réaliser des journaux ou des pages : plutôt que de faire un journal, un journal lycéen ou collégien à part, elle réservera une page entière ou des espaces dans les journaux régionaux aux établissement scolaires pour qu’ils rendent compte de leurs expériences. Autrement dit : l’école s’adresse à la société civile, elle sort ainsi de ses murs pour faire adhérer à son travail l’ensemble des adultes qui sont dans la cité ; à ce titre, la presse régionale est un bon support et s’est engagée dans cette action pour que les enseignants et les élèves voient la reconnaissance sociale de travail qu’ils font à l’égard de la morale civique dans les établissements. Voilà ce que j’avais à vous dire ; vous verrez que le dossier de presse très complet, content aussi les récentes études de la DEP selon lesquelles, de la sixième à la troisième, on note chez les élèves un affaiblissement de la morale citoyenne et civique dans les comportements. En tout cas, s’ils maîtrisent mieux la connaissance du fonctionnement des institutions, en revanche la prise de conscience des comportements individuels liés à l’incivisme diminue.
Question (début inaudible) : Est-ce qu’il y a un plan précis, on parle de la famille mais on sait aussi dans d’autres pays que le rôle des parents est essentiel pour que ça marche. Et je considère en tant que mère de famille en France, Que les parents ne sont souvent pas très bienvenus dans les écoles, surtout par les enseignants, ils sont mêmes refusés. Et quand vous comparez ça avec d’autres pays, avec l’Allemagne, la Hollande, les pays scandinaves et aussi avec les États-Unis, c’est une mentalité très différente qui semble marcher. Pourquoi en France on ne peut pas inclure les parents comme partenaires positifs. Souvent on voit, surtout dans les milieux défavorisés que les enfants ne peuvent pas suivre parce que les parents ne sont pas inclus.
Ségolène Royal : La situation en France change beaucoup mais c’est vrai qu’il faut faire évoluer le partenariat entre les parents et l’école. Nous y travaillons, déjà les écoles sont très ouvertes, au moment de la rentrée des classes notamment, aux parents d’élèves. Il y a tout un travail aussi à faire sur le rôle des parents dans l’orientation de leurs enfants, et je crois que ce partenariat autour de l’éducation citoyenne est une belle occasion de refonder le lien entre la famille et l’école parce que tous les deux sont demandeurs. C’est donc en s’appuyant sur ce socle commun que l’on peut avancer sur la définition d’un nouveau partenariat entre les enseignants et les parents, mais je crois que la situation est mûre aujourd’hui. Il y a un tel refus maintenant de la montée de l’incivisme dans les établissements scolaires, y compris de la part des jeunes qui demandaient eux-mêmes des points de repère car ils savent qu’ériger les droits et les interdits c’est déjà une façon de s’occuper d’eux. Je crois qu’aujourd’hui, nous sommes parvenus à un seuil de convergence entre la demande sociale du pays, la demande des enseignants – qui voient souvent leurs conditions de travail dégradées par l’incapacité des élèves à vivre correctement ensemble –, la demande de parents et celle des élèves. Je constate cette convergence dans la société et dans les établissements scolaires, et je ne pèche ni par excès de naïveté ni par optimisme exagéré.
Question : En Allemagne il y a déjà un grand quotidien national qui a une page qui s’appelle « la jeunesse écrit » et ça marche très fort. Quelle mission exacte allez-vous confier à M. Jean Bauberot ?
Ségolène Royal : Je vais lui confier une mission de parrainage de ces initiatives citoyennes pour œuvrer à l'émergence des valeurs communes: à travers des groupes de travail, l'animation de discussions et de réflexions ; de vraies interrogations se posent sur l'enseignement de la morale : ce n'est pas toujours un mot facile à utiliser, il y a parfois des résistances légitimes, et je pense que tout le travail qu'il a effectué sur la morale laïque contre l'ordre moral, est extrêmement riche et qu'autour des valeurs sur lesquelles il a commencé à travailler et dans lesquelles il faut faire émerger des valeurs universelles au-delà des sensibilités politiques, religieuses, philosophiques : l'école est, à ce titre, un creuset de consensualité, et, par rapport à cette nouvelle interrogation, je crois que ce travail scientifique et ce temps de la réflexion sont absolument nécessaires. Des contacts sont pris avec différents pays européens qui ont entamé un travail de ce type, puis il conviendra de rassembler l'ensemble de ces réflexions, de réunir les gens qui ont des choses à dire, de travailler avec les formateurs en IUFM et de converger autour de cet objectif commun. Donc on peut dire qu'il y a une mission de parrainage des initiatives citoyennes qui préfigure un travail en profondeur.
Maintenant, je vais vous dire quelques mots sur la journée internationale des droits de l'enfance, c'est le jour anniversaire de la signature de la convention des droits de l'enfance du 20 novembre. Je trouve que cette date anniversaire tombe bien parce que cette journée internationale des droits de l'enfant constitue aussi un thème de la citoyenneté et les écoles qui vont s'engager sur cette action pourront également la poursuivre et cette réflexion lors des « Initiatives citoyennes » puisque au cœur de la « Journée internationale des droits de l'enfant » et, compte tenu du principal fléau subi par les enfants dans notre pays, j'ai axé cette journée sur la prévention de la maltraitance autour du thème: « le corps d'un enfant n'est pas un jouet». Il s'agit de l'apprentissage du respect de son propre corps par l'enfant, des moyens de le défendre mais aussi de le respecter, l'apprentissage du respect du corps des petits copains, qui est un problème lié à l'agressivité entre enfants, à la violence verbale entre enfants, aux insultes entre enfants, aux coups qu'ils se donnent ; qu'ils comprennent que le corps n'est pas un jouet pour soi-même, que le corps des autres enfants n'est pas un jouet et, bien évidemment, que le corps d'un enfant ou d'un adolescent n'est pas un jouet pour les adultes. On en revient à la prévention de la maltraitance et des abus sexuels, un chantier de longue haleine que nous avons entamé par la circulaire sur la prévention de la maltraitance sexuelle, et qui, pour cette journée du 20 novembre, se traduit par trois actions concrètes : la diffusion du « Passeport pour le pays de la prudence», qui a déjà été testé lors de la « Journée nationale de l'enfance » le 20 septembre ; compte tenu de son succès, de la forte demande dans les établissements scolaires, il a été diffusé à 4 millions d'exemplaires dans l'ensemble des écoles primaires du pays. L'idée, c'est d'engager un débat autour de ce petit passeport, non pas pour faire peur aux enfants, mais pour les responsabiliser, les aider au dialogue. La deuxième initiative concrète, c'est la diffusion du Document hors-série sur la « Journée internationale des droits de l'enfant », c'est-à-dire la déclinaison, pour les enseignements à l'école, de la Convention internationale des droits de l'enfant C'est également un document qui va rester, qui donnera lieu à un travail le 20 novembre mais qui peut aussi donner lieu à un travail tout au long de l'année, en histoire, en littérature, en éducation civique. Vous verrez qu'il y a un travail de fond qui a été engagé, par le ministère sur la façon dont, dans les programmes actuels, on peut travailler sur la « Déclaration internationale des droits de l'enfant ». D'une façon générale, le ministère incite, de la classe maternelle jusqu'à la classe terminale, à décliner les thèmes principaux des droits de l'enfant : le droit à avoir un nom, une famille, le droit à la santé, l'alimentation, le droit à l'éducation, le droit au respect sans distinction, la protection contre les mauvais traitements, la protection contre le travail forcé, l'interdiction d'utiliser les enfants pour faire la guerre, -qui peut être l'objet d'une réflexion sur l'actualité internationale-, le droit à la liberté d'expression ce document important a été simplifié et décliné en différents thèmes selon âge des enfants, pour qu'il puisse donner lieu à un travail concret dans les écoles. Enfin a été diffusée cette cassette : « Mon corps c'est mon corps, j'ai le droit de dire non », qui était très difficile à trouver, parce que le nombre d'exemplaires était insuffisant : 1 500 cassettes ont été déposées dans les CRDP à disposition des écoles, accompagnés d'un livret pédagogique pour favoriser le débat avec les assistantes sociales, les infirmières, les médecins scolaires, pour que la parole de l'enfant soit libérée et surtout qu'un travail de prévention soit fait. J'ai la conviction qu'on peut faire reculer assez vite la maltraitance des enfants s'ils sont informés et s'ils ont la capacité de se défendre face à un adulte, ne serait-ce qu'en connaissant leurs droits, car c'est bien souvent parce que les enfants ne sont pas informés de ce qui est normal, des gestes interdits, que des actes se déroulent par manque d'un regard conscient de l'enfant sur l'adulte qui veut porter atteinte à sa dignité. Enfin un film a été réalisé par Bernard Bétrélieux qui a pour titre « Cet autre que moi » et qui porte sur la violence entre adolescents. Ce film a été tourné dans un collège, à Villiers-le-Bel dans lequel je me rendrai vendredi matin pour dialoguer avec les élèves qui ont joué dans les trois séquences qui le composent : elles mettent en évidence la violence entre adolescents, la violence verbale, l'agression verbale, la pression sexuelle entre adolescents et le comportement à l'égard des jeunes filles adolescentes, qui, comme le confirment les infirmières scolaires interrogées, subissent une montée de la pression sexuelle à leur encontre. C'est aussi de la morale civique que d'apprendre aux jeunes filles qu'elles ont le droit de dire non, qu'elles ne sont pas obligées « d'y passer », comme elles le disent de plus en plus souvent, et qu'elles doivent se soucier du respect réciproque, qu'elles ont le droit de maîtriser leur propre corps et de ne pas subir ces différentes pressions. Malheureusement, cette idéologie-là est souvent renvoyée par des référents télévisuels déboussolant les jeunes adolescentes qui ne savent plus si c'est normal ou pas de continuer à mépriser sa propre sexualité. Je crois que ce film, pour lequel les dialogues ont été conçus par les adolescents eux-mêmes, est un document de réflexion et de dialogue, parfois très fort, pour des adultes, parfois dur à accepter tant est grande cette violence entre adolescents. En regardant le film, (que j'ai visionné en compagnie des infirmières scolaires), nous avons été profondément interpellées parce qu'au fond de nous-mêmes nous savions que c'était une vision de la réalité de la violence entre adolescents. Cette prise de conscience-là nécessite aussi un travail en profondeur auquel ces trois petits films de quinze minutes contribueront par un dialogue dans les classes. Pour ceux d'entre vous qui veulent voir ce film, la cassette est à votre disposition. Il comporte une partie de fiction filmée par les adolescents, en trois séquences : dans la première, on voit la pression sexuelle qui s'exerce entre pré-adolescents, sur les filles qui n'ont pas la capacité de résister, la violence verbale et une violence d'abus sexuels entre adolescents et enfants, parce que cette violence entre enfants est aussi un des tabous dans les établissements scolaires ; il y a une montée de cette violence entre adolescents, qui n'est pas souvent ressentie comme une violence. Aujourd'hui les adolescents ont une corpulence qui n'a rien à voir avec celle qu'ils avaient il y a dix ans, un enfant de 'treize a souvent une taille qui dépasse celle de l'enseignant et donc il y a aussi une tonicité de l'enseignant qui est parfois interprétée par les adultes comme une forme de violence alors que ce n'est pas le cas. Donc il faut aussi éviter de voir en tout geste un peu brutal d'un adolescent une forme de violence alors que c'est aussi un signe de vitalité, une créativité et une liberté de comportement qui, malgré tout, doit connaître ses limites et ses règles du jeu. Ce document est accompagné d'une version pédagogique entrecoupée de commentaires, de questionnements sur la façon dont les adultes peuvent, à partir de ces petites scènes, susciter un débat et favoriser un retour à une maîtrise des pulsions et des comportements à l'école.
Vous trouverez aussi un document issu des dernières statistiques de « l'Observatoire national de l'enfance en danger », publiées la semaine dernière. On y trouve les signes d'une montée très inquiétante de la maltraitance et de la violence entre enfants ou de la maltraitance des enfants par les adultes. Vous trouverez le document réalisé par le CNDP sur la « Journée nationale des droits de l'enfant ». Voilà les éléments d'un travail à la fois pédagogique, de fond, de réflexion, des outils très concrets pour les classes. Il s'agit d'aider à lever des tabous, mais aussi d'engager des réflexions sérieuses, sans stigmatiser mais en regardant les choses en face, en les nommant et en affrontant le débat avec les élèves. C'est donc un travail de longue haleine pour battre le fléau de l'incivisme, de la maltraitance, de la violence consciente ou inconsciente, entre élèves ou entre adultes et élèves ; c'est aussi une des missions de l'école parce qu'au bout du compte, si l'institution maîtrise ce type de problèmes, elle peut d'autant mieux se concentrer à nouveau sur sa mission fondamentale éduquer au savoir, aider à réussir aux examens, préparer les élèves à réussir leur vie active. Au bout du compte, ces actions sont donc entreprises pour servir l'école et les élèves.
Question inaudible : L'utilisation du document filmé dépend du souhait des équipes pédagogiques. Ce film existe : je vais le voir dans l'établissement où il a été tourné vendredi matin et puis j'irai dans les établissements où il y a déjà un travail de réflexion à ce sujet, parce qu'il faut monter une équipe, car le film est assez dur, on ne peut pas le passer, sans débat ni dialogue ; il faut donc un travail de préparation, en équipe. Il est clair que les adolescents s'y reconnaissent, mais que les adultes ont du mal à le regarder en face ; tous les jeunes sont touchés, pas seulement dans les établissements situés en milieux sensibles ou violents. Je crois qu'il faut rétablir des normes de comportement et résister à la montée de la violence verbale entre adolescents parce qu'on arrive à un stade où elle n'est même plus consciente, dans les gestes, dans le contact physique et on ne sait pas à quel moment elle risque de dégénérer, de se dégrader jusqu'au délit. J'aurai l'occasion de faire des déplacements tous les jours. Demain je suis à Lyon au sujet du « Passeport de prudence » dans une classe qui a organisé un débat à ce propos et je vais visiter l'IUFM où les stagiaires ont été demandeurs d'une formation sur la prévention de la maltraitance. Vendredi matin, je vais à Villiers-le-Bel pour assister avec la classe à la diffusion du film que les collégiens ont réalisé sur le thème de la violence. Lundi, le jour du lancement de « La semaine citoyenne », je vais dans le Nord, à Lille, à Roubaix où il y a un travail exceptionnel a été préparé autour de citoyenneté dans les écoles, avec des contrats individuels avec les élèves, et les équipes vont me montrer la façon dont elles ont travaillé. Mardi, dans la région bordelaise. Ceux d'entre vous qui sont intéressés peuvent prendre contact avec Claude Torrecilla. Ceux qui veulent aller ailleurs, dans d'autres établissements, vous avez un certain nombre d'exemples dans le dossier de presse. Je vais suivre l'ensemble des initiatives, nous nous donnerons rendez-vous en cours d'année pour un suivi de ce travail de fond et au mois de mai pour un compte-rendu national de l'ensemble des réalisations des établissements scolaires.