Texte intégral
Monsieur le président,
Monsieur le préfet,
Mesdames, Messieurs
Puisque vous avez choisi d’organiser cette année votre congrès à Bordeaux, je me permettrais, en préambule à mon allocution, de rendre hommage à deux grands Aquitains, à deux grands penseurs, à deux sympathisants de votre mouvement qui nous ont récemment quitté : Jacques ELLUL et Bernard CHARBONNEAU, tous deux intellectuels, prophétiques de l’environnement étrangement méconnus en France alors que leurs écrits font autorité à l’étranger.
Je pense que l’auteur de « La Technique ou l’enjeu du siècle », livre majeur et précurseur (1954) du « Système technicien », du « bluff technologique » aurait approuvé le choix du thème de votre congrès. Je suppose que l’auteur de Dimanche et Lundi, de L’Hommauto (critique acérée mais juste de l’automobile dès 1967), de « Le système et le chaos » l’aurait apprécié.
Permettez que je salue leur œuvre, leur mémoire, leur combat et, si vous le voulez bien, je leur dédie mon propos d’aujourd’hui.
Je suis particulièrement heureuse du choix du thème de votre congrès pour 1996 « transports, mobilité et développement durable » que je trouve extrêmement pertinent.
En effet, les transports, les modes de transports et leur évolution posent sans doute l’un des problèmes d’environnement majeurs des années à venir pour plusieurs raisons, par exemples :
– les pollutions dues aux transports augmentent (alors que les pollutions industrielles diminuent) ;
– impact sur les milieux naturels ;
– effets sonores…
Schéma national d’aménagement et de développement du territoire (SNADT)
L’année 1996 a été marquée par les travaux préparatoires au futur SNADT. Votre fédération est représentée au Conseil national d’aménagement et de développement du territoire et elle a eu l’occasion de jouer un rôle actif dans plusieurs commissions mises en place par la DATAR, en vue d’alimenter les réflexions du gouvernement pour le SNADT. Je m’en félicite. Je crois que le travail de ces commissions a été véritablement pluraliste, ouvert et fécond et je m’en réjouis.
Les infrastructures de transport ont été au cœur d’un débat qui, me semble-t-il, a soulevé de vraies questions :
– la nécessité de véritables démarches multimodales, prévues pourtant par la LOTI depuis 1982, mais jamais réellement mise en œuvre ;
– les risques à moyen terme d’un réel déséquilibre financier de notre système autoroutier, pour peu que les perspectives d’évolution des trafics continuent à se ralentir – à l’instar de ce que l’on a observé ces dernières années – en raison de la très faible rentabilité des nouvelles opérations récemment lancées ;
– la nécessité d’être d’autant plus attentif au bon choix des investissements que les contraintes financières sont désormais, et pour longtemps, très fortes ; ce qui doit conduire à privilégier la notion de service et à dimensionner les projets en fonction des besoins.
Dans cette perspective, il est clair qu’en matière ferroviaire par exemple il faudra le plus souvent possible privilégier le pendulaire par rapport aux TVG en site propre.
D’une manière générale, je crois qu’il faut dénoncer une logique dans laquelle les investissements ne se financent pas en fonction de leur utilité sociale mais en fonction de ressources affectées ou de pompes à finances existantes.
Il revient maintenant au gouvernement d’arrêter ses choix, au niveau du SNADT d’abord, puis au niveau des schémas directeurs d’infrastructures.
Les discussions interministérielles n’ont pas encore commencé sur ce point, mais je peux vous dire que le ministère de l’Environnement plaidera pour les choix retenus s’inscrivent clairement dans une perspective de développement durable, c’est-à-dire qu’ils illustrent la volonté de la France d’appliquer de manière exemplaire ses engagements internationaux au titre de la biodiversité et de l’effet de serre et qu’ils intègrent les impératifs patrimoniaux, comme la préservation des espaces naturels les plus sensibles et le respect de zones de calme. Le SNADT devra d’ailleurs s’articuler avec le plan national du développement durable.
Cela suppose que l’on s’interroge, comme vous l’avez fait lors de ce Congrès, sur la croissance de la mobilité, qui n’est pas toujours et nécessairement synonyme de progrès.
Il y a longtemps déjà, Ivan ILLICH avait démontré que si l’on additionnait le temps que passait l’américain moyen dans son véhicules mais aussi le temps que lui prenait son véhicule (formalités d’assurance, le permis de conduire, de papiers divers, le trajet pour aller faire le plein d’essence, pour apporter son véhicule à réviser ou à réparer, le temps passé à le laver, le temps passé à travailler pour gagner de quoi l’acheter…) et qu’on rapportait ces heures aux distances effectuées, le passager en question ne se déplacerait pas plus vite que son ancêtre à cheval du début du XIX siècle.
La mobilité n’est donc pas toujours synonyme de progrès.
C’est notamment et à l’évidence, le cas pour la mobilité contrainte. Il faut en effet, je crois, distinguer au moins deux types de mobilité. La mobilité choisie, voulue qui, d’une certaine manière, s’apparente à la liberté d’aller et venir et doit être satisfaite à son coût mais en prenant garde à ses effets sur l’environnement.
La mobilité contrainte, elle, c’est l’inverse. Que l’on ne nous fasse pas croire qu’elle est synonyme de liberté. Au contraire, elle est antinomique de la liberté. Elle consomme du temps, elle contraint à des trajets, elle entraîne des nuisances, elle génère des externalités. Cette mobilité-là, loin d’être un progrès, est un recul. Elle doit être atténuée et combattue. Certains moyens technologiques peuvent y aider : téléphone, télécopie, vidéo, satellite… autant d’instruments qui permettent de réduire la mobilité contrainte et qui sont d’autant plus favorables à l’environnement qu’ils sont moins coûteux en énergie que les déplacements qu’ils évitent.
L’augmentation de la mobilité reflète dans une certaine mesure la sous-tarification des transports de marchandises et les conséquences négatives de choix urbains privilégiant l’étalement de l’urbanisation et l’usage de la voiture.
Cela nécessite aussi que l’on explore largement les marges de manœuvre existantes, en terme de priorités modales, de modes de financement, de politique des transports, sans que l’on s’interdise d’envisager un décloisonnement des modes de financement plus larges que ce que permet aujourd’hui le Fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables (FITTVN), afin que les orientations qui seront arrêtées pour les 20 ans à venir marquent une inflexion sensible par rapport aux tendances passées et privilégient les modes les moins polluants.
L’importance du sujet justifie un débat le plus large possible, éclairé par la mise en évidence des conséquences des diverses alternatives envisageable sur l’environnement et la consommation d’énergie mais aussi sur l’aménagement du territoire et la vie quotidienne de nos concitoyens.
Quant à moi, je ne varie pas. Il y a exactement un an, lors de votre congrès de Strasbourg, j’avais livré mon sentiment sur certains projets d’infrastructures contestés et effectivement contestables. Je peux aujourd’hui vous redire ma pensée dans les mêmes termes.
La protection de l’espace c’est aussi – et je ne fuirai pas ce débat – l’examen critique de certains projets d’aménagements et d’infrastructures dont le coût écologique est à l’évidence trop élevé et l’opportunité douteuse. J’observe d’ailleurs que ce sont souvent les mêmes dont la rentabilité économique et incertaine et qui font l’objet de vives critiques de ce point de vue, de la Cour des comptes par exemple.
Les infrastructures et les opérations d’aménagement critiquables sont légions. Je ne vais pas toutes les citer. Je vous dirai simplement que – comme je l’ai fait depuis un an et demi – je continuerai et à les étudier toutes dans une grande vigilance, une totale rigueur et un esprit critique développé.
Déplacements urbains
La maîtrise des déplacements urbains constitue l’un des grands défis auxquels nos villes vont être confrontées à l’avenir.
Les choix, implicites ou explicites, opérés dans le passé, d’adapter la ville à l’automobile, n’en finissent pas de faire sentir leurs effets : croissance de la pollution avec ses conséquences néfastes sur la santé des populations : perte d’aménité des zones les plus denses, où la plus grande part des espaces publics sont appropriés par l’automobile ; déstructuration des entrées de ville ; développement d’une urbanisation diffuse dans de vastes territoires, où la distinction entre espaces urbains et espaces agricoles ou naturels tend à s’estomper ; isolement de quartiers périphériques, faute d’une desserte suffisante en transports en commun.
C’est dire l’importance de l’enjeu. Le projet de loi sur l’air, dont j’ai pris l’initiative, doit apporter un certain nombre de remèdes, en rendant notamment obligatoire l’élaboration de plans de déplacements urbains, comportant des mesures de partage de la voirie au profit des modes les moins polluants.
Ce projet de loi a également contribué à lancer un débat beaucoup plus large et les initiatives récentes en faveur du co-voiturage ou du vélo montrent une évolution des esprits dans ce sens, sous la pression de l’opinion. Vous savez que j’ai fait du vélo l’un des thèmes de mon action.
Pour autant, il ne faut pas tout attendre de la loi. Il convient de mettre en œuvre des politiques d’ensemble, assurant la cohérence entre les choix d’urbanisme et les politiques de déplacements, à l’échelle territoriale pertinente de l’agglomération ; il convient de rapprocher les services des habitants, afin de réduire les déplacements contraints ; il convient aussi sans doute que l’État réexamine, du point de vue de leurs conséquences, en terme de développement durable, certaines de ses politiques – financement des infrastructures urbaines, politiques d’accession à la propriété… – ou encore fasse la chasse à certaines dispositions qui poussent à l’utilisation de l’automobile : ainsi, l’obligation faite aux aménageurs de créer des parkings pour les constructions nouvelles. Je souhaite que toutes ces questions soient débattues et aboutissent à des propositions dans le cadre du « plan national pour le développement durable ».
Commission nationale du débat public (CNDP)
Cette Commission, instituée par le décret du 10 mai 1996, sera très prochainement installée. Elle sera chargée d’organiser un débat sur les grandes opérations d’intérêt national, au rang desquelles les infrastructures de transports. Le mouvement associatif y comptera, au titre de l’environnement, deux représentants.
Mais il aura également la faculté de demander à la CNDP de se saisir d’un projet, dont il estimerait qu’il soulève des problèmes importants en raison de ses impacts ou de sa justification socio-économique. S’agissant de débats « amont », la CNDP ne pourra évidemment intervenir que pour des projets dont le parti d’aménagement n’aura pas encore été arrêté.
Cela concerne encore quelques liaisons des actuels schémas directeurs, qui n’ont pas encore atteint ce stade d’instruction, mais surtout les projets, beaucoup plus nombreux, aujourd’hui à l’étude et qui seraient susceptibles de figurer dans les futurs schémas. Compte tenu des délais qui nous séparent encore de l’approbation du SNADT et des schémas d’infrastructures qui doivent en résulter, il me paraît essentiel que la CNDP puisse organiser des débats sur les projets les plus exemplaires, ceux dont la justification renvoie à des grands choix gouvernementaux en matière d’aménagement du territoire et de politique des transports, voire à des choix de société.
Projets d’infrastructures et transparence des choix.
Les associations sont un des creusets où se forge l’éco-citoyenneté. Cette notion à laquelle il est de plus en plus fait référence me paraît un signe encourageant et une prise de conscience forte des modifications de fonctionnement de nos différentes institutions, indispensable à la pérennisation des acquis incontestables du XXe siècle, acquis sociaux, culturels, scientifiques, technologiques.
Mais la notion d’éco-citoyenneté serait un leurre sans la transparence et la circulation de l’information, sans la formation du citoyen pour qu’il puisse passer de l’information à la connaissance.
Comment, en effet, juger de l’importance d’un problème de ses conséquences possibles à moyen et long terme, si les données élémentaires font défaut et si les schémas de référence sont ignorés ? Comment alors en discuter avec ses partenaires, choisir et prendre une décision raisonnée ?
Sans une information claire, aux citoyens comme aux élus, sans connaissances suffisantes, pour analyser cette information, sans concertation, entre les différents acteurs, les décisions apparaissent trop souvent arbitraires et suscitent l’hostilité et le rejet.
C’est pourquoi je suis tant attachée à la transparence et la concertation. Je l’ai prouvé en donnant réalité à la Commission nationale du débat public dont le décret est désormais paru.
L’instruction du 15 décembre 1992 du ministère de l’Equipement, prise à la suite du débat CARRERE, a permis de réels progrès dans l’information et la consultation du public, tout au long de la conduite des projets.
Comme vous le savez, le projet de loi sur l’air – dont la 2e lecture doit s’achever fin novembre à l’Assemblée nationale – prévoit à ma demande, que l’étude d’impact des projets d’infrastructures sera désormais complétée par un volet comportant une monétarisation des coûts externes environnementaux, liés à l’exploitation de l’infrastructure ou à la prise en compte d’impacts résiduels, qui n’auraient pu être supprimés ou réduits lors de la mise au point du projet. Cela aussi participe de l’information et de la transparence.
J’ai également rendu public un rapport « Débat public et infrastructure de transports » rédigé par la cellule de prospective du ministère de l’Environnement.
Mais je suis convaincue qu’il faut aller plus loin encore. Je compte bien que la « charte de la concertation » – à laquelle votre président a apporté une contribution éminente, en tant que vice-président du groupe de travail présidé par Mme Henriette MARTINEZ, député-maire de Laragne-Montéglin – devienne la référence dans la conduite des projets.
Son application systématique me paraît de nature à apporter une plus grande transparence dans le choix des tracés, à permettre un recours plus large aux expertises indépendantes, chaque fois que c’est justifié, à conduire le maître d’ouvrage à mieux expliciter ses objectifs et les enjeux du projet. Bien entendu, l’efficacité de cette charte sera d’autant plus réelle que l’opportunité du projet aura été valablement justifiée en amont, au niveau du schéma directeur.
J’espère que de nombreuses associations de France-Nature-Environnement seront signataires de cette charte avec leurs interlocuteurs locaux, comme elles ont su s’investir dans la formation des citoyens.
Car je suis persuadée que les associations de préservations de l’environnement défendent bien mieux l’intérêt général dans la voie de la concertation que dans celle du contentieux. Il est vrai que la concertation demande plus de temps, plus d’énergie, plus de diplomatie, mais c’est elle qui est gagnante sur le long terme, beaucoup plus que la contrainte et la répression.
Précisément, la loi du 3 janvier 1991, relative à la circulation des véhicules à moteur dans les espaces naturels est de mon point de vue – et Gilles BENEST s’en souvient certainement – l’exemple d’une collaboration réussie de plusieurs années entre le milieu associatif et le ministère de l’Environnement, sur un problème qui était en passe de prendre une dimension préoccupante, notamment dans les espaces les plus fragiles de la montagne et du littoral.
Cinq ans après, je constate que l’interdiction de circuler dans les espaces naturels est bien passée dans les mœurs et qu’elle ne suscite plus de débat.
D’autres aspects de la loi appellent une vigilance particulière de ma part, ainsi la définition stricte des terrains ouverts à la pratique des motos-neige, ou encore les conseils à apporter aux maires pour la rédaction de leurs arrêtés restreignant la circulation des véhicules sur certaines voies de leur commune ouvertes à la circulation publique. Après la publication du guide destiné aux élus locaux, à laquelle votre fédération a été étroitement associée, une information très large du public reste nécessaire, c’est la raison pour laquelle je me suis attachée, comme vous me l’aviez vous-même suggéré, à éditer un dépliant pour le grand public, qui sortira à la fin de cette année.
Par ailleurs, les transports peuvent être source de financements pour la gestion des espaces naturels. Vous savez que les deux décrets relatifs à la taxe sur les passagers maritimes et à la taxe sur les ouvrages d’art sont parus au Journal officiel.
Les taxes vont donc être instituées dès cet hiver pour la taxe sur les passagers maritimes dans les DOM, dès l’été prochain pour la métropole. Elles fourniront des ressources financières non négligeables pour la gestion des espaces naturels insulaires. C’est là, en quelque sorte, une application du principe « pollueur-payeur » que je trouve intelligente.
Insertion environnementale des infrastructures.
Lorsqu’une infrastructure est décidée, il faut veiller à son insertion la plus harmonieuse possible dans l’environnement. Je m’en soucie constamment.
Les préoccupations environnementales doivent faire l’objet d’une attention extrême le plus en amont possible des projets. L’importance des impacts susceptibles de résulter du passage d’infrastructures routières dans des milieux sensibles justifie que soient examinés à chaque étape sans les sous-estimer, mais au contraire en les prenant en considération avec des marges de prudence, les enjeux, les données et les évaluations des effets.
De la sous-estimation initiale des atteintes portées par un projet à l’environnement peut résulter la remise en cause a posteriori de l’intérêt économique même du projet, ou du choix de l’une de ses variantes. Toutefois, le processus décisionnel est entaché d’une telle irréversibilité qu’il paraît difficile, vis-à-vis des élus comme de la population, de revenir sur un choix même s’il apparaît que c’est le mauvais. Pourtant, s’il est manifeste qu’une erreur d’appréciation a été commise, où que, compte tenu de l’avancement des études et de la concertation, il est préférable de revenir sur la décision prise. Il n’est pas choquant d’effectuer l’économie d’un gâchis en ayant le courage de revenir en arrière. Mais, dans la plupart des cas, si les études préliminaires sont menées sans souci de complaisance vis-à-vis du projet, et dans un objectif d’exhaustivité et de rigueur, ce type de « désagrément » doit pouvoir être évité.
L’environnement ne peut être considéré comme l’objet d’adaptation mineurs du projet en fin de parcours, ni d’aménagements secondaires par rapport à la structure même de la route (plantations, traitement paysager, parfois excellents d’ailleurs du point de vue de l’usager), mais doit être une donnée composante intégrante en tout premier lieu de la décision de faire (ou de ne pas faire, question, semble-t-il peu abordée à ce stade), puis du tracé. C’est pourquoi l’évaluation « large » des coûts d’adaptation, de correction et de compensation sur la base de critères pouvant être identifiés dès le stade amont des projets devrait être de rigueur. Il convient de se placer dans une optique où la route ne va pas de soi, sans préjugé favorable. En revanche, la nécessité de son existence, et donc des sacrifices qu’elle demandera sur le plan environnemental, doit faire l’objet d’une démonstration (et non d’incantations dénuées de la rigueur la plus élémentaire).
Je prendrais simplement deux exemples : l’eau et le paysage.
1) L’eau
L’appréciation des enjeux liés à l’eau doit se faire dans le cadre fixé par le législateur, qui a défini les objectifs de la gestion équilibrée de la ressource en eau à l’article 2 de la loi de 1992 sur l’eau :
– la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ;
– la protection contre toute pollution et la restauration de la qualité des eaux superficielles et souterraines ;
– le développement et la protection de la ressource en eau ;
– la valorisation de l’eau comme ressource économique et sa répartition.
En ce qui concerne les infrastructures routières, on peut décliner de ces quelques rappels deux principes parmi d’autres :
– prendre en compte l’effet de cumul : l’impact d’une infrastructure routière sur l’eau ne peut se considérer isolément, mais doit l’être à une échelle plus globale. Bien que le maître d’ouvrage de l’infrastructure puisse considérer certaines des exigences qui lui sont assignées comme sévères, le ministère de l’Environnement, garant du respect des objectifs assignés par la loi sur l’eau, doit faire en sorte que tous les aménagements opérés sur le bassin versant satisfassent à des règles communes : l’eau étant un milieu continu dans l’espace, tout impact à un point donné du bassin versant est susceptible de s’additionner à d’autres (notamment pour les inondations, pollutions, ressources halieutique…). De même, dans la dimension temporelle, la pollution diffuse, ou l’artificialisation de tronçons de cours d’eau est susceptible d’avoir des conséquences importantes et irréversibles après des années de cumul ;
– propagation des impacts : c’est une évidence de dire que l’eau coulant de l’amont vers l’aval, les zones d’étude doivent bien prendre en considération l’extension possible des impacts de l’infrastructure : si une route traverse une zone inondable, l’accélération de l’arrivée d’une crue susceptible de résulter des dispositions constructives retenues peut avoir des effets très aval. Il en est de même pour les pollutions accidentelles.
2) Le paysage
a) Vous savez que le 1 % paysage-développement expérimenté sur l’A20 et l’A75 est désormais généralisé aux autoroutes concédées et à certaines grandes infrastructures.
b) Vous savez que depuis la loi du 2 février 1995 sur le territoire des Parcs naturels, des réserves naturelles ou des sites classés, il est fait obligation d’enfouissement des réseaux électriques ou téléphoniques. De plus la pose de nouvelles lignes électriques aérienne d’une tension inférieure à 63 000 volts sera interdite à partir du 1er janvier 2000 dans les zones d’habitation denses.
Je souhaite que des dispositions analogues puissent s’appliquer peu à peu dans les Parcs naturels régionaux.
L’année 1997 verra un certain nombre de changements qui, c’est en tout cas ma volonté, se traduiront par un renforcement en ce domaine, de la prise en compte de l’environnement. C’est ainsi que le décret redéfinissant les procédures d’instruction des ouvrages de très haute tension et prévoyant la cosignature des décisions par le ministre de l’Environnement, va être prochainement examiné par le conseil d’État.
Par ailleurs, le protocole signé par le Gouvernement et EDF, le 25 août 1992, sur l’insertion des réseaux électriques s’achève à la fin de l’année et doit être renouvelé pour la période 1997-2000 du contrat de plan. Le premier protocole a permis de réels progrès, en assignant à l’entreprise des objectifs d’environnement et en lui demandant de prendre un certain nombre d’engagements concrets, d’autant plus bienvenus et urgents que la France était en retard par rapport à nombre de ses voisins pour l’enfouissement des réseaux en basse et moyenne tension.
Ces objectifs ont été globalement atteints. Il me paraît maintenant nécessaire que le nouveau protocole consolide et renforce les résultats déjà acquis en matière d’enfouissement des réseaux de distribution et de haute tension et arrête de ce point de vue un programme de résorption des « points noirs » que les préfets ont recensés. Il me semble également que les processus de concertation qui se sont mis en place pour l’instruction des grands projets ou à travers des comités régionaux de concertation doivent encore évoluer et donner toute sa place au mouvement associatif, parfois encore tenu à l’écart de ses comités. Cette concertation fonctionnera d’autant mieux que les objectifs et les moyens de la politique énergétique et leurs implications en termes de réseaux auront été préalablement débattus.
Dans tous les cas, lorsqu’une infrastructure est jugée indispensable, elle doit faire l’objet de mesures compensatoires. C’est une nécessité. Et je souhaite qu’un large débat s’engage sur cette notion de compensation encore trop floue et insuffisamment partagée. Le niveau des mesures doit notamment faire l’objet d’évolutions appropriées.
Mais dans certains cas, il faut aussi savoir décider de ne pas réaliser une infrastructure si l’atteinte au paysage, au milieu naturel, aux sociétés locales est trop forte ; cela a été le cas dans le Val Lourons. À ma demande, le Premier ministre a décidé de ne pas autoriser les travaux pour la ligne THT Cazarilh-Aragon.
Plus récemment, une instance de classement a été décidée. Je puis vous annoncer que le dossier est passé récemment en CDS. Il passera à la prochaine commission supérieure des sites et le classement du Val Lourons devrait pouvoir être effectif début 1997.
Avant l’insertion paysagère et environnementale, il y a l’insertion dans la société et dans l’environnement humain. Les déplacements ne sauraient s’effectuer au prix de nuisances trop fortes pour les habitants. C’est pour cette raison que j’ai été conduite à attirer l’attention sur les difficultés du bouclage de l’A 104 dans le Val-d’Oise et les Yvelines.
Dans un cas, un passage en milieu quasi-urbain et des nuisances presque insupportables pour 200 000 habitants. Dans l’autre, un passage dans le PNR du Vexin français, à peine créé, et qui est également le plus grand site inscrit de France. Il faut donc trouver une troisième solution.
Un cas de figure analogue se profile pour l’A16 entre l’Isle-Adam et Paris.
Une perspective de développement durable des transports.
Au-delà de tous ces cas particuliers mais qui renvoient presque tous à une logique générale qu’il ne faut pas masquer, je voudrais proposer quelques pistes de réflexions pour un développement durable.
Il conviendrait dorénavant d’agir dans le sens du décloisonnement au sein d’un même mode et selon les modes.
4) Je souhaite que la révision du schéma directeur routier prescrite par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire soit l’occasion de reconsidérer le bien-fondé de certaines liaisons routières et autoroutières qui y figurent en procédant à leur évaluation environnementale et socio-économique.
Le rythme de réalisation des liaisons qui seront retenues au schéma directeur routier national devrait être adapté en fonction des orientations fondamentales du schéma national d’aménagement et de développement du territoire, des besoins réels de déplacement à long terme, des taux de rentabilité socio-économique intégrant les coûts externes, des engagements internationaux de la France en matière d’environnement.
5) Il conviendrait de veiller à une meilleure adéquation des caractéristiques des aménagements à l’intensité du trafic (en évitant d’installer prématurément des réserves importantes de capacité par un surdimensionnement) et aux problèmes d’insertion dans l’environnement naturel et humain. Il est souhaitable de privilégier l’aménagement du réseau de voie existante avant d’envisager la réalisation d’une autoroute nouvelle.
Voici quelques une des « pistes » que je souhaitais évoquer et des propositions que je désirais vous faire, dont j’aimerais que vous vous saisissiez pour en débattre afin que nous en reparlions très prochainement.
Ce sujet sera naturellement débattu de façon approfondie aux Assises nationale du développement durable du 16 et 17 décembre et auxquelles je souhaite que le maximum d’entre vous puisse assister.
D’une certaine manière, vous avez aujourd’hui ouvert l’atelier des Assises nationales du développement durable consacré à ce thème et je vous en remercie.
Je vais dans un instant avoir le plaisir de remettre des décorations à plusieurs d’entre vous et je m’en félicite tout particulièrement : la Légion d’honneur à Mme RICOU, le Mérite à Mme ELSIN, MM. METAIS et RAFFIN.
Je saisis cette occasion pour me permettre de vous faire remarquer que depuis 18 mois je suis en fonctions, j’ai tenu à décorer nombre de militants associatifs ou de naturalistes : pour la Légion d’honneur outre Mme Germaine RICOU, Patrick BLANDIN et Solange FERNEX ; pour l’Ordre national du Mérite : Serge ANTOINE et Léon de ROSEN au titre du Comité 21, Michel TERASSE au titre du FIR outre Jean-Pierre RAFFIN et Michel METAIS.
Et pas plus tard qu’hier est parue la dernière parution dans cet ordre via laquelle ont été proposés ou nommés par le président de la République sur ma proposition : Jacques LECOMTE, Gérard GROLLEAU, Paule ALBRECHT, Pierre BEAUDOUIN, Pierre CAZALIS, Jean GRASSOUS, Michel GEOFFRE, Claire METAYER, Gérard SOURNIA et Henri ULRICH.
Permettez-moi, avec vous, de m’en réjouir, de m’en féliciter et de les féliciter.