Interviews de M. Marc Blondel, secrétaire général de FO, à "Libération" et RTL le 16 juillet et à France-Inter le 23 juillet 1996, sur le remplacement de FO par la CFDT à la présidence de la Caisse nationale d'assurance maladie, l'opposition au plan de réforme de la Sécurité sociale et la candidature de FO à la présidence de l'Unedic.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Election de Jean-Marie Spaeth, secrétaire national de la CFDT, à la présidence de la CNAMTS le 16 juillet 1996

Média : Emission Forum RMC Libération - Emission L'Invité de RTL - France Inter - Libération - RTL

Texte intégral

Date : 16 juillet 1996
Source : Libération

Libération : Perdre la Cnam, n’est-ce pas une défaite pour FO ?

Marc Blondel : Ce n’est pas une défaite. Si vraiment nous avions voulu cette place, nous l’aurions eue sans aucune difficulté. Il nous suffisait de présenter Jean-Claude Mallet et les patrons votaient pour nous. J’ai vu Jean Gandois plusieurs fois, tout le monde le sait. Je peux vous dire qu’il n’a pas un enthousiasme délirant à l’idée que la CFDT préside la Cnam. Sa décision a été précipitée par des effets d’annonce. Lors de la présentation des comptes de la Sécu en mai, ils ont été paniqués devant les 48 milliards de déficit prévisible pour cette année. Il fallait effacer ça. Et vite. Mme Notat a, alors, annoncé ses ambitions.

Libération : Avez-vous toujours les moyens de vous opposer au plan Juppé ?

Marc Blondel : Ceux qui s’opposeront le plus au plan Juppé sont ceux qui manifesteront dans la rue. Nous appelons à manifester le 21 septembre contre les licenciements. Quand on se bat contre les licenciements, on défend aussi l’avenir de la Sécurité sociale. Mais le rôle de notre organisation est de se battre contre des orientations, pas de faire du sabotage. Nous sommes convaincus que le plan Juppé est impossible à mettre en œuvre et qu’il va imploser. Tous les décrets d’application des ordonnances ne paraîtront pas. Le plan Juppé, c’est le type même de réflexion technocratique. Les idées qu’il contient vont se dégonfler une à une comme une baudruche. En fin d’année, le déficit sera important, ce qui signifie l’échec de cette réforme. Ou alors il faudra faire des coupes claires dans les remboursements. J’avoue que je serai très content de ne pas avoir été complice de ce genre de choses.

Libération : Mais le résultat, c’est que la CFDT est en train de prendre votre place dans le jeu paritaire.

Marc Blondel : Je n’ai jamais su ce que signifiait être un interlocuteur privilégié. Ce que je sais, en revanche, c’est que, pour le devenir, certains sont prêts à faire des concessions importantes. Moi je ne suis pas prêt à en faire. Mais je revendique tous les accords que nous avons conclus ces derniers temps avec les employeurs.

Libération : FO brigue la présidence de l’Unedic, serez-vous personnellement candidat et pour quoi faire ?

Marc Blondel : Il est encore trop tôt pour que je vous réponde. Mais, si je figure parmi les administrateurs, c’est avec la ferme intention de devenir président de l’assurance chômage. Le rôle de l’Unedic consiste à payer le plus rapidement possible les allocations. Ce n’est pas une machine à engranger des réserves. La renégociation de la convention Unedic d’ici la fin de cette année permettra d’aborder tous les sujets, comme le fonds d’activation des dépenses et surtout l’allocation unique dégressive (AUD). Sur le fonds d’activation des dépenses, j’ai de nombreuses réserves. Qu’est-ce que cela signifie qu’un fonds paye les salariés d’une entreprise à sa place ? Quant à l’AUD, elle précipite chaque mois plus de 40.000 personnes dans l’exclusion. L’Unedic n’a pas vocation à éjecter les gens.

 

Date : mardi 16 juillet 1996
Source : RTL/Édition du soir

RTL : Votre syndicat a perdu la présidence de la CNAM. Dans quel état d'esprit êtes-vous ce soir ? Est-ce que vous vous dites que la CFDT ne l'emportera pas au paradis ?

Marc Blondel : Attendez ! Vous avez invité un roi déçu ?

RTL : Je vous le demande.

Marc Blondel : Le règne de Force ouvrière !

RTL : Vingt-neuf ans.

Marc Blondel : Non, messieurs, plus que ça. Avant 1967, nous étions les présidents de la FNOS, qui était justement la Fédération des organismes de Sécurité sociale. Non, le problème est ailleurs. L'important, ce n'est pas tellement que FO ne soit pas présidente, d'autant plus que si nous voulions l'être, on pouvait l'être. L'important, c'est que surtout la contre-réforme Juppé prend place. Et moi ce qui m'intéresse, c'est le discours de J. Barrot, aujourd'hui. Et le discours de J. Barrot à l'installation de ce nouveau conseil d'administration a été le suivant Il leur a dit : vous pouvez faire tout ce que vous voulez, pourvu que ce soit ce que je décide. Alors, c'est très clair : l'autonomie de la CNAM est de plus en plus restreinte. C'est la raison pour laquelle nous avons voulu être loyaux. Nous pouvions être président, et nous aurions fait de la résistance de l'intérieur.

RTL : Et là, vous allez la faire de l'extérieur ?

Marc Blondel : Nous allons nous battre contre la réforme, de l'extérieur, en démontrant tout simplement qu'une bonne partie des décisions prises par le contre plan Juppé, c'est pour remettre en cause à la fois la solidarité – la Sécurité sociale doit être solidaire –, à la fois l'égalité devant les soins – la Sécurité sociale doit être égalitaire.

RTL : Est-ce que vous pouvez empêcher l'application de ce plan ?

Marc Blondel : Empêcher l'application, on verra bien. Le meilleur moyen d'empêcher les décisions de Monsieur Juppé, c'est de manifester dans la rue. Je crois qu'il y a un moment où ça arrivera, peut-être pas obligatoirement pour ça, mais quand on se bat, par exemple pour l'emploi, eh bien ! on traite la Sécurité sociale, car la maladie de la Sécurité sociale, c'est un manque de ressources, dû notamment au fait qu'il y a du chômage. Alors nous verrons. FO prend une initiative dès le 21 septembre. Nous allons essayer de mobiliser pour voir un peu ce que pensent les gens. Attention ! Ne me faites pas dire que je rêve de refaire novembre et décembre.

RTL : Est-ce que vous êtes entré dans un système d'opposition systématique ?

Marc Blondel : Non, pas d'opposition systématique, mais de contestation sélective. C'est clair, moi je l'ai dit quand Monsieur Juppé a présenté son plan : il allait modifier de fond en comble ce qu'on appelle la notion paritaire. La notion paritaire, c'est que les patrons et nous – qui sommes ceux qui payons, nous c'est les salariés, ceux qui payons la Sécurité sociale, à 93 % nous payons l'assurance maladie – nous avions un droit égalitaire. Il n'y avait pas de lien de subordination avec les patrons. Mais là, d'un seul coup, il y a un nouveau lien de subordination : c'est le Gouvernement qui dit : vous allez faire ceci, vous allez faire cela. Eh bien, ça, je crois que c'est insupportable pour la notion paritaire. Alors, c'est clair, nous avons décidé de nous faire entendre. On va faire de l'analyse critique et on va le faire savoir aux gens. Vous n'avez pas déjà entendu que Monsieur Marmot avait parlé déjà, éventuellement de déremboursements.

RTL : En disant que ce n'était pas encore à l'étude.

Marc Blondel : Voilà. Ça veut dire qu'on commence à tester les gens. Ça veut dire que d'une manière claire, moi je suis persuadé que le système implosera, avant peu d'ailleurs.

RTL : Sur votre gestion de la CNAM, il y a quand même une suspicion, non ? Je ne sais pas si vous l'avez ressenti. Il y a le président de la Mutualité, par exemple, qui juge indispensable d'arrêter les comptes au 16 juillet, pour déterminer, dit-il, les responsabilités ?

Marc Blondel : Je crois qu'il a raison, vous voyez ! Oui parce que je suis sûr que lorsque nous ferons le bilan de la Sécurité sociale, d'ici six mois, il y aura un déficit beaucoup plus important qu'il n'est à l'heure actuelle. On parle déjà de 48 milliards. Je pense qu'il y aura au moins 60 milliards. Donc, on verra. Seulement, de quel droit Monsieur Davant dit cela ? Monsieur Davant représente la Mutualité. La Mutualité ne finance pas la Sécurité sociale. Les mutualistes, au contraire, bénéficient de la Sécurité sociale. De quel droit il met son nez dans ces affaires-là ?

RTL : Vous avez l'air fâché, quand même ?

Marc Blondel : Oh ! Mais tout le monde sait que je n'ai pas les mêmes ambitions que Monsieur Davant. Monsieur Davant a des ambitions de ministre. Moi, je suis le responsable d'une organisation syndicale, ça me suffit bien.

RTL : À ce propos, est-ce que vous ne craignez pas aussi une chasse aux sorcières des militants de FO qui sont à la CNAM ? N. Notat a dit non.

Marc Blondel : Ça prouve que la question s'est posée, je suis navré. Enfin, ils ont le droit d'essayer, on verra bien. Il se trouve que dans la Sécurité sociale, effectivement, nous avons une influence syndicale non négligeable. Il se trouve aussi que la CGT a une influence non négligeable, ce qui prouve que nous, on n'a pas fait la chasse aux sorcières, et il se trouve qu'au moment des élections, la CGT et FO, ça fait très largement la majorité, ça fait 65 %.

RTL : Attention ! pas touche. C'est ça votre message ?

Marc Blondel : Mais attendez ! Non, d'une certaine façon, le personnel de la Sécurité sociale fait plus confiance aux organisations qui ne sont pas intégrées · dans le système de gestion actuellement Ceci étant, eh bien, ce ne sont pas des fonctionnaires, ce sont des agents privés. Ce sont des gens loyaux qui appliqueront les directives qu'on leur donne, parce qu'ils sont faits pour travailler comme cela. Dans votre entreprise, vous ne faites pas toujours ce que vous voulez. Vous faites aussi ce que la direction décide.

RTL : Est-ce que vous allez poser votre candidature à la tête de l'UNEDIC ?

Marc Blondel : Je répondrai à cette question, le message sera simple : si je suis candidat, ou si je suis désigné parmi les administrateurs FO à l'UNEDIC, c'est avec la prétention d'être président. Je n'ai aucune vocation pour être président. Cependant, je pense qu'il faut sauver la notion paritaire dans ce pays et qu'à l'UNEDIC on doit la sauver. Il le faut, et je m'évertuerais, moi, à mieux faire payer les chômeurs. Ce serait ça mon programme, si j'étais candidat.

RTL : Et vous le serez ? Dites-le ?

Marc Blondel : Je ne dirai rien parce que je ferai cela en fonction des circonstances et du mandat que je recevrai de mon organisation.

RTL : Comprenez-vous la colère de V. Giscard d'Estaing ; concernant l'excédent de 12 à 13 milliards de francs ?

Marc Blondel : Je trouve que ça a l'avantage de poser un problème. L'UNEDIC n'est pas faite pour avoir des excédents. Maintenant, il ne faut pas se tromper. Nous avons un excédent de l'ordre de 12 à 13 milliards, mais il y a 33 milliards de dettes. Ce qui veut dire que dès que nous allons nous mettre à répéter la dette, à rembourser, la situation sera moins belle. Maintenant, je suis très clair. Ça n'est pas comme une compagnie d'assurances qui peut faire des réserves. L'UNEDIC, non, il faut payer les allocations le plus vite possible. On doit faire une gestion « à ric ou rac ». J'ai noté que le patronat dit : cotisation salariée pour redonner un peu de pouvoir d'achat Bon, moi je suis keynésien, donc j'accepte l'augure. Ceci étant, on verra bien quand nous serons · en situation. Nous allons discuter maintenant au mois de septembre jusqu'au mois de décembre la négociation de la nouvelle convention de l'UNEDIC, on verra aussi les droits des chômeurs.

RTL : Un dernier mot sur le discours de J Chirac ? Vous avez été déçu ?

Marc Blondel : Je n'ai pas été déçu parce que, je vais être franc, je n'attendais pas grand-chose de ce discours. Tous les 14 juillet, le président de la République se sent obligé, maintenant, de faire une espèce de causerie au coin du feu à 30 degrés avec le soleil dessus. Ou alors, il fait des déclarations de politique très importantes et alors, pardonnez-moi, il a 3 000 invités et il fout le trouble partout. Ça ne se fait pas quand on est bien élevé. Ou alors, il répond à des questions ponctuelles et c'est ce qui a été fait, notamment sur l'amiante avec la panique sur Jussieu maintenant – ça méritait peut-être un peu plus de réflexion –, avec la création d'une banque pour les PME – elle existait déjà –, avec différentes choses, y compris avec les maladies nouvelles, et là, je reviens à la Sécurité sociale, encore faudrait-il qu'elle puisse les prendre en charge.

 

Date : mardi 23 juillet 1996
Source : France Inter/Édition du matin

France Inter : J. Barrot a reçu les médecins de la médecine libérale pour leur demander de mettre un terme au dérapage de leurs honoraires et de leurs ordonnances. Faudrait-il des mesures plus musclées ?

Marc Blondel : J'ai quelques réserves sur la méthode. On est en train d'attirer l'attention sur le fait qu'il y a une dérive de la consommation médicale et notamment des prescriptions. Ça représente quoi ? Selon la CNAM, environ 4,5 % de dérive ; or il était fixé par le Gouvernement à 2,1 %. Eh bien, la différence entre 4,5 et 2,1 %, c'est 5 milliards. Les projections faites sur le déficit de la Sécu, c'est 48 milliards dont 35 pour l'assurance maladie. On nous intéresse sur 5 milliards et on ne dit rien sur les 30 autres. Ça fait un peu leurre. Et ce n'est pas nouveau.

France Inter : Mais il faut bien commencer par les 5 milliards ?

Marc Blondel : Non, il ne faut pas commencer par les 5 milliards parce que ceux-là y seront toujours. C'est un problème de fond. Est-ce qu'on peut, sur le plan de l'assurance maladie, c'est-à-dire des dépenses d'assurance maladie, limiter la consommation des gens ? Est-ce que c'est aussi simple que ça ? Est-ce que ça n'est pas le seul moyen de montrer du doigt et d'essayer de culpabiliser les gens ? Ce n'est pas aux médecins qu'on s'adresse mais aux gens, en disant : vous consommez trop. Or, il y a déjà des gens qui ne se soignent plus, ou mal. On a déjà des maladies qui reviennent – comme la tuberculose qu'an croyait éradiquée – parce que les gens, justement, ne consultent pas. Alors, donc, il y a là une espèce de dialogue public : le fait que J. Barrot en parle maintenant, pendant les vacances, pour attirer l'attention de tout le monde. Il a eu un contact avec les médecins, vous pensez que c'est le seul ? Ils sont nombreux. Mais il y a là une symbolique, c'est volontaire. Et je pense que c'est pour cacher autre chose. L'autre chose, c'est que la contre-réforme d'A. Juppé ne donnera pas des résultats parce qu'on n'a pas fait l'opération de transparence que nous réclamions, parce qu'on n'a pas fait l'opération de clarification des comptes et parce que le Gouvernement, les fonds publics, ne prennent toujours pas en charge ce qu'ils devraient prendre.

France Inter : Vous êtes en train de nous dire : finalement, les Français ne consomment pas assez d'actes médicaux et de médicaments ?

Marc Blondel : Je n'ai pas dit ça. Ce qui compte, c'est que les Français consomment en fonction de leurs besoins. Il y a des gens qui consomment toujours un peu plus parce qu'ils sont malades mais pas de l'endroit qu'ils pensent : ils sont un peu malades de la tête. Mais ça aussi, ça fait partie des soins. Les gens qui ont des difficultés psychiques, il faut quand même les équilibrer. Sinon, les Français ne consomment pas plus, contrairement à ce que certains indiquent, que les autres. Alors, il y a effectivement une demande de soins de plus en plus importante. Mais c'est une question de choix de société. Et on vend certainement plus de CD maintenant qu'il y a dix ans. Et bien on se soigne peut-être plus : 75 et 83 ans l'espérance de vie, c'était pas vrai il y a 20 ans.

France Inter : Le nouveau président de la CNAM a d'emblée mis les choses au point en disant : notre Sécu est l'une des plus chères du monde et une de celles qui rembourse le moins. Vous êtes d'accord ?

Marc Blondel : Non, je ne suis pas d'accord et en plus, Spaeth sait très bien qu'il dit une contre-vérité. C'est très clair. Maintenant, il part avec l'enthousiasme du néophyte. Ce qui me gêne un peu plus, c'est qu'il y a déjà des expériences qui prouvent que lorsque la CFDT a été à la tête d'organismes de cette nature, elle n'a pas hésité à couper sec. Alors, j'aimerais autant qu'elle ne coupe pas trop parce que c'est vital. Ou on met en l'air la Sécu dans sa forme – ce qui, mécaniquement est en train de se faire – et alors, on va vers un régime à plusieurs vitesses. Les gens qui auront de l'argent se couvriront avec des assurances, voire avec de la mutualité qui devient de plus en plus de l'assurance. Et puis, ceux qui n'auront pas les moyens, auront une sécurité sociale, un peu comme le système à l'américaine. J'espérais en une sécurité sociale solidaire, identique pour tous et qui soit égalitaire, que tout le monde ait les mêmes droits, qu'on soit riche ou pauvre, pour se soigner.

France Inter : Il n'y a pas que les gestionnaires de la Sécu qui s'inquiètent mais aussi Bercy. Et on apprend que les fonctionnaires de Bercy ont concocté un plan d'économies drastiques dans les remboursements des actes médicaux. Pour vous, ce serait une nouvelle déclaration de guerre ?

Marc Blondel : C'est la déclaration de guerre. C'est clair. Nous ne sommes pas allés à la présidence de la CNAM par loyauté. Parce qu'en fait, sur le plan de la conception, ça faisait partie de notre patrimoine, j'oserais dire, culturel. Et si nous n'y sommes pas allés, c'est parce que nous voulons combattre cette contre-réforme d'A. Juppé. Si nous étions à l'intérieur, c'était l'utiliser aussi administrativement en quelque sorte, tandis que moi, je veux la combattre politiquement Je suis contre parce que je sais que ça devait conduire justement à la réflexion de Bercy, qui est celle de mettre en place des déremboursements. On va dire tel médicament, on ne le rembourse plus parce que c'est considéré comme médicament de confort. Or, quand on regarde un peu les choses, on ne peut pas dire cela des médicaments parce que l'ensemble des soins forme un tout. Nous savions cela. Nous tenions, nous aussi, à la notion de médecine libérale. Moi qui suis plutôt contre le libéralisme, sur le plan économique, je me bagarre plutôt contre ; ce n'est pas la même conception. Il s'agit en fait surtout de laisser les médecins prescrire ce qu'il faut en fonction de leurs connaissances, et non pas leur dire : « Monsieur, vous ne pouvez pas dépasser cent francs ». C'est en fonction de leurs connaissances pour soigner le mieux possible le malade. Il faut que le malade puisse choisir le médecin. C'est indispensable, ça fait déjà partie des soins. Si vous n'avez pas confiance dans le médecin, ce n'est pas bon. C'est donc clair. C'est cela qu'il fallait maintenir et l'on ne peut maintenir ce genre de choses que par négociation avec les médecins, pas en leur tapant sur les doigts. Il faut qu'ils collaborent. À moins que ça soit un jeu de rôles, j'ai l'impression qu'il y a eu une apparente volonté de reprendre en main les choses.

France Inter : Sur le problème de l'amiante, je crois que Force ouvrière a un plan et des propositions à faire ?

Marc Blondel : Je véhicule une idée et pour une fois – cela fera certainement sursauter certaines personnes – je fais des propositions. On reproche beaucoup aux organisations syndicales, et notamment à la mienne, de ne pas faire de propositions. Je considère que l'amiante est une catastrophe. Il y a vingt ans que nous en dénonçons les risques. C'est une catastrophe qu'il faut maintenant transformer, une calamité qu'il faut transformer pour le développement de ce pays. Je pense qu'il faudrait lancer un programme. Puisqu'on veut américaniser la France, puisqu'on veut nous gérer comme une société anglo-saxonne, on fait comme les Américains : on lance un programme. On fait un emprunt pour le financer, un emprunt d'État, on dit aux gens : on va essayer, en cinq ou dix ans, de transformer tous les établissements, notamment scolaires, où il y a de l'amiante, de les défloquer, de les transformer de manière à les rendre sans conséquences pour ceux qui les fréquentent, à la fois les élèves, les enseignants et les administratifs – cinq à dix ans, système d'emprunt, subventionnement pour la transformation avec l'aide des collectivités locales et territoriales. Et puis, il faudrait accréditer les entreprises qui font le déflocage de manière à ce qu'elles le fassent de manière sérieuse et sans danger pour leurs propres salariés. On pourrait tenter de reconvertir ceux qui faisaient de l'amiante, il y a 3 500 salariés qui sont touchés. Enfin, un ensemble avec l'industrie, la Sécurité sociale, donc J. Barrot et J. Arthuis et F. Bayrou, c'est-à-dire en fait quelque chose qui pourrait être initié par le Premier ministre. Je fais le tour des ministres pour essayer de les convaincre en ce moment.

France Inter : Pour résumer, on détruit les immeubles à l'amiante et on les reconstruit ?

Marc Blondel : On détruit les immeubles, on les reconstruit et on fait du travail, ce faisant.