Texte intégral
Regarder la réalité en face
Chacun doit regarder la réalité en face. Les syndicats doivent prendre en compte dans leurs revendications les effets d'une concurrence économique de plus en plus implacable sur l'état d'esprit des salariés. Il faut commencer par mesurer toute la dimension de la mondialisation des marchés et des mutations technologiques. C'est pourquoi les syndicats CFTC renforceront leur écoute des salariés sur le terrain afin d'arrêter des objectifs réalistes correspondant à leurs priorités. Ils engageront toutes les actions jugées nécessaires pour faire entendre leur voix. Le gouvernement et les responsables patronaux doivent comprendre qu'en participant à la course au « moins-disant social » (bien que ce soit une course perdue d'avance), sous la pression des intérêts financiers, ils tuent l'emploi, en quantité et en qualité et préparent la révolte des sans avenir.
Débattre d'une politique qui redonnerait confiance aux salariés
La CFTC demande donc au gouvernement de rencontrer rapidement les responsables des confédérations syndicales pour débattre d'une politique susceptible de redonner confiance aux salariés. Les suites du sommet social du 21 décembre 1995 n'ont pas été suffisamment concrètes jusqu'ici.
Elle demande simultanément au patronat et aux chefs d'entreprises de multiplier le dialogue à tous les niveaux et de prendre des initiatives dans les domaines ayant le plus d'impact sur l'état d'esprit des salariés, c'est-à-dire l'emploi, le temps de travail et les salaires. Ce sera la meilleure manière de donner crédit à la relance de l'esprit d'entreprise voulue par le CNPF et à laquelle la CFTC applaudit.
Emploi et salaires : une double relance nécessaire
La cause dominante du marasme actuel est le fait que la part des richesses produites par notre économie destinée à la rémunération du travail des hommes, et donc à l'emploi, n'a cessé de diminuer depuis plusieurs années. La revitalisation de notre économie passe donc simultanément par une relance de la politique de l'emploi, de la politique salariale et de la participation des salariés aux résultats de leur entreprise.
Le Conseil confédéral a retenu plusieurs pistes de discussion et de négociation.
Temps de travail : passer la vitesse supérieure avec les salariés
La CFTC demande de mettre le temps de travail au service de l'emploi, par une lutte contre les durées de travail excessives (heures supplémentaires systématiques et travail au noir, astreintes…) et par la multiplication des accords d'entreprise portant sur la réduction du temps de travail avec créations d'emplois. La semaine de 4 jours est une expérimentation à développer.
Le budget 1997 ne doit pas prévoir moins d'aides à l'emploi, mais davantage d'aides efficaces. Tout particulièrement les aides publiques doivent être directement destinées au maintien de la rémunération des salariés qui partagent leur temps de travail.
Une négociation spécifique doit s'ouvrir pour l'aménagement et la réduction du temps de travail des cadres.
Les partenaires sociaux doivent remettre de l'ordre dans la réglementation du travail à temps partiel pour qu'il devienne vraiment un temps choisi. Le but doit être de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle.
Un droit de recours contre les plans sociaux de confort
La liberté de licencier, rétablie depuis dix ans, aboutit à des abus manifestes. Les licenciements de confort se multiplient dans des groupes ou des entreprises dont la situation financière est tout à fait saine. La CFTC demande l'élargissement de droit de recours en référé sur le bien fondé des suppressions d'emploi, notamment sur les licenciements individuels.
Un statut du travailleur
La CFTC propose l'ouverture de discussions sur un statut social du travailleur, constituant un cadre pour les conventions collectives de branches afin de répondre aux problèmes des personnes, de plus en plus nombreuses, dont la vie professionnelle est précaire et se disperse entre de multiples professions. Il s'agit d'assurer leur protection sociale et d'offrir des perspectives de carrière professionnelle.
Embauche des jeunes : assez de discours !
Les chefs d'entreprises doivent assumer leurs responsabilités pour la formation et l'insertion des jeunes. Il faut une mobilisation dans chaque entreprise. Mais cela ne suffit pas. Des milliers de jeunes sont exploités sous couvert de formation professionnelle. Le dispositif actuel doit être revu avec la création d'un vrai droit à l'orientation (par l'expérience en entreprise) et le droit à une rémunération normale pour tout travail effectif.
Fonction publique : la négociation urgente
Il faut sortir des politiques à contre sens dans la fonction publique : d'un côté des dispositions sur la précarité et les départs anticipés, et de l'autre le gel des salaires et l'annonce de suppressions d'emplois. Entre la négociation et la grève, c'est une course de vitesse qui est engagée.
Sécurité sociale : la reforme commence
La réforme institutionnelle de la Sécurité sociale est faite. Chacun a réglé ses comptes. Mais la vraie réforme reste à faire : celle qui permettra de concilier les impératifs de la santé publique et les exigences de la gestion. La réforme hospitalière, par exemple, ne peut se contenter de réduire le nombre de lits ou de tailler dans les dépenses.
Assurance chômage : revaloriser l'indemnisation
Les chômeurs ont fait les frais de la réforme de 1993. Elle a rétabli l'équilibre financier du régime et dégage des excédents importants. La négociation sur le régime d'assurance chômage doit donc se donner comme premier objectif la revalorisation des règles d'indemnisation des chômeurs.
Il convient également de prolonger et développer de façon responsable les politiques active des partenaires sociaux. En particulier il est plus que temps que l'incertitude soit levée sur l'avenir de l'ARPE (Allocation de remplacement pour l'emploi). Des questions se posent également pour l'avenir de l'AFR (Allocation formation reclassement) et les conventions de conversion. L'efficacité des conventions de coopération doit être réexaminée. Cela suppose une discussion globale doit donc être engagée dès octobre.
La CFTC refuse un arbitrage patronal des candidatures à la présidence de l'Unedic. Cette présidence revenant aux organisations syndicales, la CFTC préférerait que les confédérations s'accordent sur un candidat commun.
Logement : la relance nécessaire
Le gouvernement va prélever pendant deux ans l'intégralité de la collecte du 1% logement. Pour la CFTC il s'agit d'une véritable provocation, alors que la responsabilité des entreprises devrait au contraire être relancée, ne serait-ce que pour assumer les conséquences de la mobilité professionnelle et sortir du marasme l'industrie du bâtiment.
Fonds d'épargne retraite : pour les salariés
Les salariés veulent garantir le niveau de leurs retraites et ils peuvent être intéressés par la constitution volontaire d'une épargne garantie. Mais nous sommes inquiets des perspectives actuelles qui visent en premier lieu à répondre aux besoins de fonds propres des entreprises. Ces fonds d'épargne devraient être contrôlés par les salariés, puisque c'est de leur argent qu'il s'agit. Il est hors de question de les détourner vers la trésorerie des entreprises, sous leur gestion et leur contrôle.
L'activité
La CFTC juge positive la volonté gouvernementale de réduire la pression fiscale. Elle regrette que l'on n'ait pas commencé par ramener la TVA à son taux d'avant juillet 95, car cette majoration a pénalisé tout à la fois l'emploi et le pouvoir d'achat des ménages. Comment espérer une reprise de l'activité avec une TVA à 20,6 % et un accroissement sensible des impôts locaux et des taxes ?
Si les familles imposables vont tirer un bénéfice réel de la suppression de la décote avec modification du barème, l'ensemble des mesures annexes (y compris la moindre majoration de l'allocation de rentrée scolaire) va en diminuer sensiblement la portée.
La diminution de la progressivité de l'impôt (plus forte pour les hauts revenus) ne va pas dans le sens du respect de la capacité contributive de chaque personne. Dans la situation présente elle est inopportune.
Dans son ensemble le budget de l'Etat reste marqué par une politique de restriction qui pèsera sur une économie déjà très morose. Les coupes sont importantes dans de nombreux budgets : logement, équipement, réductions d'effectifs dans la fonction publique, fermetures de sites de la Défense nationale avec suppressions massives d'emplois.
Aménagement du territoire
La réforme de la Défense nationale et de ses industries rappelle toute l'importance de l'aménagement du territoire. Chaque région, chaque pays, doivent pouvoir trouver leur place dans un développement harmonieux. La manière dont ces réformes se mettent en place donne la fâcheuse impression d'une compétition d'intérêts locaux sur fonds de désengagement budgétaire.
Négociation d'abord
Dans un contexte économique qui manque de perspectives et dans un contexte social où la montée des conflits est crainte, la CFTC demande une politique qui redonne confiance aux salariés et à leurs familles. Il y a place pour un débat et pour des choix. Vaincre le chômage et l'exclusion, c'est possible.
Pour cela, évitons d'abord d'opposer les fonctionnaires aux salariés du privé, les jeunes aux retraités, les actifs aux chômeurs, les RMIstes à leurs parents. Dans le secteur public, plutôt que de parler de suppressions de postes, parlons des nouveaux besoins et des moyens d'y répondre, par exemple en matière d'aménagement du territoire. Dans les entreprises privées, plutôt que de faire des plans sociaux successifs, discutons de plans de développement, d'investissement et d'emploi.
Et, toujours, nous préférons la solution négociée.