Texte intégral
Europe 1 – mardi 12 mai 1998
Voynet par ci, Voynet par là, vous êtes sollicitée ! Cela commence par une équation : chaleur + industrie + voitures = pic d'ozone. Dans les villes affectées, quelles mesures antipollution ?
– « Cette façon presque mécanique que chaleur + usage excessif de l'automobile provoque des pics d'ozone, le Gouvernement en a pris la juste mesure l'été dernier, en mettant en place un plan de reconquête des usagers non motorisés de la ville. En attendant qu'il fasse son effet, ce qui prendra plusieurs années, on en est réduit à gérer les pics de pollution. Dès le niveau deux, des consignes vont être données aux préfets pour que les usagers restreignent l'usage de la voiture. Si le niveau trois était atteint ou menaçait d'être atteint, nous mettrions en place la circulation alternée. Dès que la pastille verte sera sur vos pare-brise, ceux qui auront la pastille verte pourront circuler en plus des voitures qui auront le bon numéro. »
Concrètement, où et quand demanderez-vous que soit déclenchée la circulation alternée ?
– « Dès que ce que l'on appelle le niveau trois, le niveau d'alerte, est en passe d'être atteint. Ce qui arrivera sans doute plusieurs jours au cours de l'été. Les grandes villes françaises commencent à être touchées dès à présent. C'est tôt dans la saison et cela se reproduira sans doute au cours de l'été. »
Quelle ville ? Comment cela se fera ? Circulation alternée, cela veut dire que l'on n'utilisera pas sa voiture. Mais d'une manière générale, vous suggérez qu'on ne l'utilise pas dès qu'il faut chaud ?
– « Depuis plusieurs années, les gouvernements qui se sont succédé ont encouragé la mise en place d'un réseau de mesures de la qualité de l'air. Cela n'agit pas bien sûr sur les sources de la pollution, mais cela permet, au moins, d'informer les citoyens. C'est ce qui sera le cas dans la quasi-totalité des grandes villes françaises qui sont presque toute équipées. Je continue à trouver anormal que l'on soit obligé aujourd'hui de conseiller aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes malades de prendre des précautions alors que les voitures continueraient à circuler. La loi sur l'air nous permet de restreindre la circulation au niveau trois, nous le ferons. Ce qui est évidemment beaucoup plus efficace, c'est de redonner aux transports collectifs et aux usagers non motorisés de la place en ville. Cela prend du temps. Cela coûte très cher de financer des équipements collectifs. Cela coûte très cher aussi de mettre sur le marché des voitures moins polluantes, avec des carburants plus propres. Nous y travaillons aussi. Des décisions très importantes ont été prises à Bruxelles, il y a quelques mois, en ce sens. »
En attendant le tramway ou la voiture électrique, est-ce qu'avec J.-C. Gayssot, il y a un moment où vous direz que l'on va baisser les tarifs des métros, des bus, des transports publics ?
– « Depuis plusieurs années, la fréquentation des transports publics baisse, bien qu'objectivement, leur usage soit moins coûteux que l'usage de la voiture. Mais nous souhaitons offrir aux usagers une offre attractive. Il ne s'agit pas de punir la personne qui serait obligée d'utiliser les transports collectifs, mais bien de redonner envie aux gens de prendre le bus et d'utiliser des tramways. Le tramway des Maréchaux, par exemple, était une excellente idée pour redonner l'envie aux personnes de circuler de façon très confortable en surface. »
Vous réunissez les préfets après-demain pour leur expliquer votre nouvelle politique de gestion des déchets. Priorité au tri et au recyclage, fini l'incinération.
– « Pas fini, mais… »
Il faut réduire de moitié, dites-vous, d'ici à 2002.
– « On souhaite éviter le recours exclusif à l'incinération. C'était la solution commode. On brûle tout, on ne voit plus rien. Personne n'est obligé de faire des efforts de rationalisation de ses achats et de sa façon de jeter, ce n'est pas très responsable. »
Comment fait-on en quatre ans pour réduire de moitié ?
– « De toute façon, ce n'est pas en quatre ans. La loi sur les déchets date de 1992 et donnait dix ans aux collectivités pour se préparer. Dans beaucoup de communes, on a su trouver l'argent pour financer le palais des congrès, la halle des sports et tout un tas de services et la rénovation de la mairie, les grands travaux d'utilité écologique ont souffert un petit peu de ces choix. Aujourd'hui, le moment est venu d'investir dans des secteurs très créateurs d'emplois que sont l'assainissement, le traitement de l'eau et le traitement des déchets. »
Les premiers dépollueurs, ce ne seront pas les citoyens mais les préfets parce que vous leur demandez beaucoup, aux préfets. Je ne sais pas si c'est leur job d'ailleurs ?
– « C'est leur job bien sûr, de piloter la politique de l'État dans les régions et dans les départements. Je demande aussi beaucoup d'efforts aux citoyens parce que je crois qu'on peut réduire de façon très importante le contenu de nos poubelles en achetant intelligent, en jetant intelligent, en privilégiant des objets qui durent longtemps, qui sont réutilisables, qui sont recyclables. »
Des convois de transport de déchets nucléaires entre les centrales et La Hague sont hautement contaminés, d'après ce que l'on entend. Il paraît que cela dure depuis dix ans. Un rapport vous est remis à vous et à L. Jospin aujourd'hui. Qu'est-ce qui va se passer ? Est-ce que l'on peut attendre des sanctions ? Des mesures particulières ? Est-ce que vous allez supprimer ou suspendre les convois de déchets nucléaires ? Ce n'est pas possible, cela. Alors qu'est-ce que vous faites ?
– « Une bonne partie de ces transports est liée au choix de « retraiter » ces déchets à La Hague. J'y mets des guillemets parce que finalement, ce que l'on appelle retraitement, c'est la séparation des déchets de haute activité et de vie longue, des autres déchets qui sont moins radioactifs et qui dureront moins longtemps. Est-ce que c'est une bonne politique de faire circuler ces déchets à travers la France, la question mérite d'être posée si on constate… »
Votre réponse ?
– « Je préférerais que l'on évite autant que possible des transports de déchets. De façon évidente, les transports sont un des maillons faibles de la sûreté aujourd'hui. Donc, on améliore la sûreté d'une part.
Il y a des vrais risques sanitaires ?
– « Je ne veux pas rassurer avant d'avoir eu le rapport, ce serait complètement irresponsable de ma part mais je pense que le problème n'est pas tant le danger sanitaire ou environnemental, que ce que cela révèle de légèreté et de « je-m'en-foutisme » dans ce secteur. Le fait que cela dure depuis dix ans, au vu et au su de tout le monde, est particulièrement scandaleux. »
Qu'est-ce que vous sentez que vous ferez avec L. Jospin ?
– « Il s'agit de mettre en place des procédures qui vont permettre de remédier aux contaminations et de surveiller de façon très exigeante. C'est le rôle de l'État, d'ailleurs, d'assurer ce contrôle. »
Mais les convois continueront ?
– « Du jour au lendemain, on ne peut pas les arrêter. On peut stocker pendant une durée sans doute de quelques semaines ou quelques mois, les déchets dans des piscines, mais à long terme, le devenir des déchets en France n'est pas tranché. »
Il faut vivre avec le risque !
– « Je préférerais que l'on minimise le risque et qu'on ne rajoute pas des risques évitables à ceux qui ne le sont pas. »
Vous avez bien fait de venir. L'Inde, super puissance en Asie, vient pour la première fois depuis vingt-quatre ans d'effectuer avec succès trois essais nucléaires souterrains. Vous protestez ? Vous réclamez des sanctions avec B. Clinton ?
– « Je proteste comme j'avais protesté contre la reprise des essais nucléaires français, il y a deux ans à peine. »
On n'a pas de leçon à donner aux Indiens ?
– « On n'a pas de leçon à donner aux Indiens. Cela dit, le traité d'interdiction définitive des essais nucléaires va être signé par la plupart des grands pays développés et bien sûr, je trouverais tout à fait bien que l'Inde le signe à son tour. »
Donc pas de demande de sanctions, etc. De toute façon, cela ne servirait à rien car, ils continueraient à faire ce qu'ils veulent ! Le problème est qu'il n'y ait pas de prolifération et que le Pakistan ne les imite pas et que la Chine ne se venge pas.
– « Aujourd'hui, les traités qui limitent le nucléaire militaire sont en même temps des traités qui encouragent la prolifération du nucléaire civil. Il y a une sorte d'ambiguïté dans les choix du système nucléaire. Je préférerais qu'on prolifère le moins possible également sur le plan civil. »
En 1999, est-ce que vous allez conduire la liste européenne des Verts ?
– « Péché mignon de la politique française, on discute toujours des personnes, un peu des modes de scrutin, jamais du contenu. Ce qui m'intéresserait, c'est de savoir comment on redémarre l'Europe. »
C'est Cohn-Bendit ou c'est vous ?
– « Ce sera sans doute l'un ou l'autre. »
Pas les deux ?! Vous et lui à côté ou lui et vous derrière ?
– « Ce n'est pas facile d'être ministre et donc solidaire avec la politique gouvernementale et, en même temps, tête de liste et donc porteur d'un projet originel. Dans une campagne électorale, c'est dur à vivre. On verra si les Verts me le demandent et si je considère que c'est compatible avec mes responsabilités. »
Et si le mode de scrutin est régionalisé, est-ce qu'il n'y a pas intérêt à faire des listes communes avec le PS ?
– « Je prendrais cela comme un mauvais coup fait par le parti socialiste à ses partenaires de la majorité plurielle et j'espère que la sagesse va l'emporter et qu'on ne changera pas le mode de scrutin. »
Il y aurait beaucoup de choses à dire mais c'est tout pour le moment ?
– « C'est à peu près tout. »
France Inter : mercredi 13 mai 1998
Finira-t-on par redouter le beau temps ? Météo France qui est désormais capable de prévisions à sept jours grâce aux progrès des technologies, annonce du beau temps chaud, peu de vent, donc un risque de fort taux d'ozone entraînant son lot de crises d'asthme et autres maladies respiratoires. Ainsi va le paradoxe des temps modernes. Les satellites, produits du monde de la recherche, nous informent à l'avance des nuisances que nous entretenons en toute connaissance de cause, au nom d'intérêts industriels et économiques. Pendant combien de temps encore ce jeu de dupe ? Avec aujourd'hui un point d'orgue en région parisienne : en cas de pic d'ozone, les transports en commun sont recommandés. La belle affaire, puisque la SNCF est en grève, seule solution pour les banlieusards, la voiture, et ozone garantie pour tous.
Ubu est en ville aujourd'hui ?
– « Ubu est en ville tous les jours et depuis des dizaines d'années finalement puisqu'on construit des villes qui sont peu vivables avec une écrasante proportion de l'espace urbain qui est réservé à la voiture qui détruit la ville. »
Alors, on va tous mourir avec les yeux qui piquent en se disant : tiens, on le savait !?
– « D'une part, il y a des mesures d'urgence. Ensuite des mesures de moyen terme. Et puis, la reconstruction de la ville, en sachant qu'on part des villes d'aujourd'hui et que les moyens budgétaires sont limités. Cela prendra pas mal de temps et demandera beaucoup de volonté politique et de continuité dans l'effort.
Mais à quel moment va-t-on voir vraiment des signes qui nous permettront de croire qu'en effet une politique s'engage dans une direction ? Comment peut-on avoir des satellites qui pour Météo France nous donnent les moyens de connaître sept jours à l'avance le temps qu'il va faire et continuer de vivre dans un environnement qui est mécaniquement et technologiquement pollué ? Pourquoi on est bon d'un côté et pas de l'autre ?
– « Vous savez que votre colère me fait plaisir parce que pendant très longtemps nous avons attendu, espéré la colère des usagers disant : il y en a ras-le-bol qu'on donne toujours la priorité à la voiture. Mais d'une certaine façon, le fait que l'information circule aujourd'hui, parce que le ministère de l'Environnement a mis en place des réseaux de mesures depuis quelques années dans les grandes villes françaises pour permettre d'informer la population, nous a aidé à susciter cette prise de conscience. Aujourd'hui il faut aller plus loin. C'est vrai que dire aux usagers-victimes : ne prenez pas votre voiture et allez à pied ou par les transports en commun, cela parait difficile, parce qu'il y a une grève de la SNCF. Cela dit, la moitié des déplacements urbains sont inférieurs à trois kilomètres. Cela laisse me semble-t-il des possibilités alternatives au transport collectif. Si toutes les personnes qui aujourd'hui sont à moins de 20 minutes de leur point de destination, choisissent d'aller à pied, on évitera le passage à des niveaux de pollution plus grave aujourd'hui. »
Encore une fois, pourquoi n'y a-t-il pas de tramways dans Paris ? Parce que M. Tiberi ne veut pas ?
– « Parce que pendant des années personne n'en a voulu, parce que les sommes consacrées au transport en commun paraissaient toujours excessives par rapport à celles qu'on consacre à la voiture. Parce qu'on privilégie aussi toujours les équipements les plus lourds, les passages de voies à gros débit dans le sous-sol plutôt que les équipements qui étaient installés, au détriment de la voiture, en surface. Soyons clairs. Aujourd'hui, il y a quelques 95 % de l'espace urbain qui est consacré à la voiture. C'est sur les voies consacrées à la voiture qu'on doit installer des tramways ou des équipements de transport et pas sur les 5 % réservés aux usagers. »
Mais on va continuer longtemps à se casser les dents sur les enjeux économiques, industriels et politiques ?
– « Le problème c'est qu'il n'y a quasiment rien qui soit efficace sur le très court terme. Pour construire des transports collectifs en général, il faut organiser les agglomérations. Les gens se déplacent au-delà des communes, donc il faut contraindre les élus à coopérer, à s'entendre entre eux, à monter des syndicats intercommunaux, des syndicats de transports collectifs pour arriver à avoir une offre de transports qui soit attractive pour les usagers. Moi je ne veux pas punir les usagers. En général, ceux qui choisissent d'utiliser leur voiture le font parce qu'ils n'ont guère d'alternative séduisante. »
Mais est-ce que ce n'est pas la première définition du mot politique : vivre ensemble dans la cité ? N'y a-t-il pas de la part des citoyens une vraie demande dans ce sens ? Il y aurait peut-être au passage moins de gosses qui se feraient assassiner dans les banlieues.
– « Bien sûr, parce qu'on a besoin de reconstruire des continuités entre les quartiers, parce qu'on a besoin d'avoir de la fluidité entre les centres où se trouvent les commerces et les personnes peut-être un peu plus privilégiés et les quartiers de périphérie dans lesquels les services publics ne sont souvent pas assez présents, les commerces inexistants et les lieux de vie sociale réduits. Il est évident que reconstruire la ville, retrouver le sens de la vie dans la ville, cela fait parie évidemment de la solution des problèmes qui serait permise par les transports collectifs de bonne qualité. »
Mais là il y a une vraie réflexion politique engagée là-dessus ou pas ?
– « J'y travaille avec C. Bartolone qui est ministre délégué à la Ville et qui n'est pas en place depuis suffisamment longtemps pour être en mesure de présenter d'action. Le vrai rendez-vous pour nous ce sont les contrats de plan de l'an 2000. Ce sera l'occasion de présenter des engagements financiers très consistants pour permettre de développer les transports collectifs. »
Vous êtes en compétition avec quelque chose, qui va vous vouloir du mal. Vous êtes en compétition avec l'ozone et il va de plus en plus vite.
– « Bien sûr et c'est tous les jours de l'année et pas seulement quand on détecte des pics de pollution. Les pics de pollution, cela n'a guère de sens. C'est le dépassement d'une norme conventionnelle. En fait on a prouvé depuis longtemps que la pollution tue tous les jours dès des niveaux de pollution relativement bas. C'est vrai que nous avons aujourd'hui beaucoup progressé avec l'information du public. Je ne veux pas dramatiser pour autant : les niveaux de pollution de base ces jours derniers restent relativement modestes. Mais c'est vrai que c'est dans la prévention qu'on est le plus efficace et donc quand les niveaux de pollution sont encore relativement bas, qu'il faut encourager les usagers à laisser leurs voitures au garage. »
Et les pastilles vertes c'est pour quand ? Et comment ? D'ailleurs au fond est-ce qu'on sait comment cela va fonctionner ?
– « Bien sûr qu'on le sait. Dès aujourd'hui, et en l'absence de la pastille verte apposée sur votre voiture… Si un pic de pollution de niveau 3 suscitait la circulation alternée – à laquelle les franciliens ont montré qu'ils étaient prêts et qu'ils l'avaient très bien comprise l'année dernière… »
Ils sont même prêts à faire plein de choses que vous n'imaginez pas, je suis sûr.
– « Les personnes qui auront la pastille verte sont celles qui ont des voitures propres. Il n'y a pas de vieux diesels poussifs des années 1970 qui aient la pastille verte. »
Est-ce qu'il ne faut pas être encore plus radical. Pourquoi un jour vous ne dites pas : allez tiens aujourd'hui on interdit toutes les voitures, on va voir ce qu'il se passe ?
– « C'est ce que nous ferons. »
Sans blague, il y en a marre : cela pue, cela pique les yeux. Vraiment, il y a en marre.
– « On a l'intuition que les Français sont prêts à changer de comportement. Mais en même temps, il faut les accompagner pour que ce ne soit pas une punition mais que ce soit vraiment quelque chose de ludique, de convivial et de sympathique en ville. Moi, je constate que ce sont les mêmes personnes qui disent : restreignons la circulation pour que ma voiture puisse circuler de façon fluide. »
Je suis venue à pied moi, ce matin.
– « Cela a l'air exceptionnel. »
Encore une fois je suis sûr que vous seriez surprise par la façon dont les citadins réagiraient.
– « Au mois de septembre nous organisons une journée « ville sans voiture.» Il y a des dizaines de maires qui s'associent à cette journée dans de très grandes villes. Et nous avons choisi un solution qui n'est pas celle de la facilité : ce sera un jour ouvrable avec des obligations de déplacements pour l'écrasante majorité d'entre nous. Si cette journée « ville sans voiture » est un succès rien ‘n'interdira qu'on reproduise l'expérience et qu'on généralise des lieux dans lesquels la voiture n'a pas toute sa place. »
Il y a encore plus dangereux dont on ne parle pas beaucoup, ce sont les déchets nucléaires. Cela est-il pire que l'ozone ?
– « La semaine dernière, on a mis en évidence effectivement un nombre important de convois de transports de déchets radioactifs contaminés par des poussières radioactives. Un rapport a été demandé au directeur de la sûreté pour faire toute la lumière sur les conditions dans lesquelles cela s'était passé : problème de conception des containers, problème de manipulation, de décontamination. C'est aujourd'hui que le directeur de la sûreté rend son rapport. Ma volonté, à moi, qui ne suis pas une militante forcenée du nucléaire, comme chacun le sait, c'est de faire en sorte que les Français qui ont droit à la transparence voient reconnaître leurs droits à la sûreté, la modification des procédures et la mise des exploitants en face de leurs responsabilités. C'est la conséquence logique de la publication du rapport du directeur de la sûreté. »
Vous avez une voiture électrique ou pas ?
– « J'ai une voiture électrique dans le garage du ministère mais il faut bien reconnaître aujourd'hui que la voiture électrique n'est pas parfaite d'un point de vue technique. »
France 2 : mercredi 27 mai 1998
Le 22 septembre, journée sans voiture. Comment ça va se passer ? Qu'est-ce que c'est que cette journée ?
– « Le 22 septembre, couplé avec la semaine du transport public qui est organisée chaque année, nous avons souhaité organiser une journée Ville sans ma voiture. L'idée, c'est de montrer que les usagers, même s'ils utilisent leur voiture de façon habituelle sans même y réfléchir presque tous les jours sont aussi des gens qui aspirent à une autre qualité de vie en ville et qui sont prêts à modifier leurs habitudes. Ils le font de façon ludique et volontaire si on le leur propose dans cet esprit ; ils le font de façon subie à l'occasion d'événements plus désagréables. Ils ont montré aussi qu'ils étaient capables de développer des trésors d'inventivité lors de grèves. Ce que nous souhaitons, c'est montrer que les citoyens sont d'accord avec notre volonté de reconquérir un air de qualité, qu'ils sont prêts à développer d'autres façons de se comporter en ville pour contribuer à cet objectif. »
Combien de villes adhérent pour l'instant à ce projet ? Combien en espérez-vous au total ?
– « Le ministère de l'Environnement a lancé cette initiative avec une quinzaine de villes, des grandes, des petites, des villes de droite, des villes de gauche, des villes du Nord, des villes du Sud, des villes concentrées, des villes étalées. L'idée, c'est de vraiment lancer cet appel aujourd'hui et faire en sorte qu'un maximum de villes s'associent à l'initiative. C'est assez simple : il suffit de se manifester, de valider un cahier des charges qui constitue l'engagement de la ville, de jouer le jeu, et ensuite les modalités d'application sont à la discrétion, à la charge des maires et des conseillers municipaux. »
L'idée, ce serait de faire du 22 septembre une journée sans voiture comme il y a la fête de la musique et d'en faire en même temps quelque chose d'un peu gai ?
– « Oui, que ce soit une fête, que ce soit l'occasion non seulement de renoncer un jour à sa voiture, mais aussi de réoccuper la ville, de redécouvrir la ville, parce qu'on marche, parce qu'on utilise d'autres moyens de déplacement, parce que ce jour-là on retrouvera peut-être aussi le plaisir d'organiser son déplacement avec un collègue de travail pour faire du co-voiturage jusqu'à l'endroit où les parking de transports publics permettront de garer sa voiture. Il va falloir inventer, lancer un appel non seulement à la mobilisation des maires, mais aussi à la créativité des habitants. »
Comment cela peut se passer pour ceux qui auront vraiment besoin de leur voiture ? Il y aura quand même peut-être des dérogations ou certains véhicules qui pourront circuler, ou des taxis ?
– « Les véhicules vraiment propres, électriques ou GPL, pourront éventuellement bénéficier de l'autorisation de circuler, mais surtout bien sûr, les véhicules d'urgence, les véhicules des personnes handicapées pourront circuler. Mais dans l'écrasante majorité des cas, il faudra renoncer à sa voiture. La moitié des déplacements en ville font moins de 3 kilomètres ; pour une autre moitié, il y aura les transports publics et d'autres moyens de déplacement. »
Est-ce que les transports publics seront gratuits ce jour-là ?
– « Je ne suis pas sûre que ce soit pédagogique. En effet, tous les jours de l'année ceux qui n'ont pas de voiture sont obligés de payer les déplacements et les transports collectifs ; si le jour sans voiture, les usagers habituels d'une voiture sont amenés à payer une partie de leurs déplacements, cela ne me paraît pas scandaleux. »
Pourrez-vous mesurer l'effet que cela aura en terme de pollution atmosphérique ou sonore ?
– « On pourra mesurer trois choses : la pollution atmosphérique ; le bruit qui est un élément très important de la qualité de vie en ville - les citoyens se plaignent beaucoup du bruit, ils seront contents aussi d'avoir cette journée de calme relatif ; le niveau de satisfaction des gens. Quand des expériences de ville sans voitures ont été menées - je pense à La Rochelle l'année dernière - ce qui frappait, c'était le calme, la sérénité et le plaisir des habitants d'être associés à cette initiative. »
Les pouvoirs publics et l'État ne sont pas toujours exemplaires en la matière, lorsqu'on voit les camions de la Poste, les autobus de la RATP. C'est plutôt polluant tout cela, non ?
– « Je n'ai jamais rencontré de présidents de grande entreprise publique qui me dise « J'ai envie de continuer à polluer.» La plupart d'entre eux sont très conscients du problème, mais ils manquent de moyens nécessaires pour renouveler des flottes très lourdes, très coûteuses. Il y a des bus à la RATP qui ont plusieurs dizaines d'années de fonctionnement, tout simplement parce que les moyens financiers manquent pour ce renouvellement. Cela dit, de gros efforts ont été consentis : une première vague de commandes a été passée cette année pour des véhicules au gaz naturel. »
Le gasoil propre, c'est toujours moins bien pour vous que le GPL ? Certains constructeurs disent que c'est aussi bien.
– « Il n'y a pas de carburant-miracle. Il n'y a pas de carburant vert, ça n'existe pas. Chaque mode de carburation a ses avantages et ses inconvénients. Ce qui est certain aujourd'hui, c'est que les progrès faits sur le carburant gasoil ne sont pas encore suffisants pour qu'on puisse le qualifier de carburant propre. »
La Dioxine : on a vu qu'il y avait des pollutions graves qui se retrouvaient dans les aliments avec le rejet des incinérateurs. Que faut-il faire là-dessus ?
– « Tout d'abord, il faut être conscient de la complexité du problème : il n'y a pas une dioxine, mais des dizaines de dioxines. Certaines sont cancérigènes, d'autres pas, d'autres posent des problèmes de santé qui ne sont pas forcément liés au cancer. Ce qui frappe aussi, dans le cas particulier qui a été mis en évidence ces derniers jours, c'est qu'on constate des concentrations de dioxine dans la viande qui sont supérieures aux normes indicatives données par le Conseil supérieur de l'hygiène publique de France, et inférieures aux normes OMS. On est dans une zone intermédiaire où il est difficile d'être affirmatif. Ce que nous souhaitons mettre en œuvre aujourd'hui, c'est tout simplement le principe de précaution : là où on n'est pas certain, là où on ne peut pas rassurer complètement les usagers, au moins, on fait attention. On prend les précautions pour ne pas mettre en péril la santé. Faire attention, c'est quoi ? Limiter autant que faire se peut le recours à des activités qui génèrent des dioxines. Dans l'industrie - c'était le cas il y a quelques années - le secteur a fait de gros progrès ; aujourd'hui, le secteur qui pose le plus de problèmes, ce sont les usines d'incinération des déchets, notamment des ordures ménagères. De nombreux plans départementaux de traitement des ordures ménagères ont fait la part bien trop belle à l'incinération ; il faut les revoir. Les préfets ont été informés de la nécessité de voir ces plans. Il y a aussi de vieux incinérateurs qui ne sont pas aux normes et qu'il faut mettre aux normes le plus rapidement possible. Là encore, avant que le rapport ait été rendu public, je m'en étais saisie et j'avais convoqué les préfets concernés pour leur demander en quelque sorte de mettre la pression sur les exploitants de ces usines et de consigner les sommes nécessaires à la mise aux normes. »
Cela fait un an que vous êtes au Gouvernement ; hier, R. Hue a tiré le bilan de cette année et s'est montré plutôt critique en disant qu'il ne fallait pas que la gauche s'endorme, en parlant d'hégémonie du Parti socialiste. Que dites-vous ?
– « La ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement est plutôt fière de son bilan et insiste d'ailleurs sur le fait que ce ne sont pas les événements les plus médiatisés qui constituent les satisfactions les plus grandes. On a beaucoup parlé de l'arrêt de Superphénix ; le travail quotidien, patient, modeste et tenace que nous faisons sur l'eau ou les déchets me paraît beaucoup plus important sans doute que ces événements médiatisés. Quant à la représentante des Verts au Gouvernement, elle a plus de doutes sur la dynamique de la majorité plurielle, ou plutôt ses doutes sont apparus récemment avec notamment l'ambition du Parti socialiste de réformer un mode de scrutin qui permettait une juste représentation de ses partenaires. Je dirais que je partage la volonté de R. Hue d'aller plus loin, d'aller dans la direction que souhaitent les Français, c'est-à-dire vers plus de justice sociale, vers plus de redistribution. Ce sont les projets du Gouvernement : procéder à une grande réforme de la fiscalité locale, par exemple, pour permettre cette justice. C'est le rôle des partis d'insister sur ce point. »