Texte intégral
Championnat de France de labour, dans le département de l'Orne, le dimanche 8 septembre 1996
Madame la présidente,
Monsieur le président du CDJA,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Conseillers régionaux et conseillers généraux,
Messieurs les représentants d'Elf-Aquitaine,
Mesdames et Messieurs,
Tout d'abord, je veux féliciter les organisateurs de cette belle manifestation qui récompense ce soir les meilleurs laboureurs de France.
Comme chaque année, ce 43e championnat de France de labour est un grand succès : une réussite technique d'abord, un public toujours nombreux et, surtout aussi cette année, une volonté de réussir cette fête de l'agriculture malgré les difficultés de l'heure, notamment dans ce département très touché par la crise du secteur bovin et la sécheresse.
Bravo à tous les concurrents qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes.
Bravo aussi au CDJA de l'Orne, au CNJA et à Elf-Aquitaine pour cette parfaite organisation et ce grand succès.
Il est bon et réconfortant dans le contexte actuel de constater la capacité des agriculteurs et de nos concitoyens à se retrouver dans de telles occasions de fête.
Pourtant, la situation de notre agriculture est difficile actuellement, notamment pour les éleveurs bovins et les producteurs de fruits.
Dans ce département de l'Orne, particulièrement concerné par l'élevage, s'ajoute cette année une sécheresse exceptionnelle qui a transformé les herbages en véritables paillassons.
J'ai vu tout cela en arrivant et j'ai pu m'en entretenir avec les responsables du CDJA, de la FDSEA et de la chambre d'agriculture.
J'ai bien conscience des difficultés qui peuvent en résulter dès aujourd'hui mais aussi au cours des prochains mois avec l'épuisement des réserves de fourrages et des ensilages de maïs peu importants et de mauvaise qualité.
En réponse aux demandes des organisations professionnelles, j'ai donc pris ces derniers jours les dispositions nécessaires, dans l'immédiat, pour utiliser au maximum toutes les possibilités de pâturage quand elles existent.
Ensuite, et au vu des dommages qui seront effectivement constatés au moment des récoltes, les indemnisations seront engagées dans le cadre de la procédure des calamités agricoles adaptée à ce type de situation.
Les barèmes départementaux seront pour cela corrigés pour tenir compte des effets de la crise du secteur bovin sur le niveau des chiffres d'affaires pris en compte.
Cette sécheresse est d'autant plus grave dans ses effets qu'elle s'ajoute à la crise du secteur bovin.
Sur cette crise très grave, qui dure depuis plusieurs mois, beaucoup de choses ont déjà été dites. Je veux être très clair ce soir :
- tout ce que nous pouvions faire, nous l'avons fait et nous l'avons fait vite ;
- tout ce qu'il sera encore nécessaire de faire nous le ferons et nous le ferons au plus vite.
Cette crise sans précédent est le résultat d'un marché structurellement excédentaire avant même la crise de la vache folle. La situation s'est trouvée brutalement aggravée par les révélations anglaises sur l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine le 21 mars dernier.
Nous avons conduit notre action depuis cette date avec deux objectifs majeurs :
- protéger la santé du consommateur ;
- protéger le revenu des éleveurs.
Je considère que nous avons atteint notre premier objectif : nous pouvons garantir aujourd'hui la traçabilité des viandes mises en vente.
Il n'y a donc pas de raison que le consommateur continue de se détourner de la viande de boeuf. Je l'invite à retrouver le chemin des boucheries et à retrouver le plaisir de manger des viandes de qualité, telles que celles qui sont produites en France aujourd'hui et dans votre région où les efforts en faveur de la qualité des viandes doivent être salués.
L'objectif de protection du revenu des éleveurs, nous y travaillons chaque jour. Nous avons, dans un premier temps, obtenu des mesures importantes d'intervention et nous avons décidé, il y a plus d'un mois, des compléments d'aides communautaires et d'aides nationales qui permettent de compenser une partie des pertes.
Je sais que ces aides sont considérées comme insuffisantes parce qu'elles ne peuvent pas compenser la totalité des pertes subies cette année.
Mais reconnaissez que ces aides ont été mises en oeuvre dans des délais très rapides : toutes les aides directes sont versées maintenant dans ce département, je m'en suis assuré, et toutes les demandes de report des cotisations sociales et des échéances de prêts ont commencé à être instruites.
Cette application rapide du dispositif en faveur des éleveurs spécialisés nécessite d'ailleurs quelques adaptations au fil de sa mise en oeuvre avec des critères d'activité appliqués souplement ainsi que les instructions en ont été données. Il faut faire vite mais il faut aussi bien faire et regarder comment mieux prendre en compte les élevages mixtes par exemple.
Tout ce qu'il sera encore nécessaire de faire, nous le ferons et nous le ferons vite. Je l'ai dit et je le répète.
Nous savons que cette crise peut être encore longue. Nous continuerons de prendre les mesures conjoncturelles nécessaires et préparer les mesures structurelles indispensables.
La conjoncture du marché bovin, c'est dès à présent la question de la mise en marché des broutards.
Pour faire face aux difficultés des éleveurs concernés, la solidarité nationale jouera encore et elle jouera pleinement. Le président de la République l'a affirmé : cette crise justifie pleinement un appel à la solidarité européenne et nationale. Les jeunes qui ont investi, qui se sont endettés, nous les aidons et nous les aiderons encore à franchir cette étape décisive.
Cet engagement va se concrétiser dès les jours prochains à la suite de la décision prise par la Commission d'ouvrir immédiatement l'intervention communautaire sur les broutards.
C'est une décision importante qui permet de mettre en place un véritable filet de sécurité. Elle décourage les acheteurs de poursuivre leur spéculation à la baisse et permet ainsi de stabiliser le marché…
Je suis intervenu personnellement auprès de M. Fischler, le commissaire européen, chargé de l'agriculture et du développement rural, pour obtenir rapidement cette décision. Je me réjouis que tous nos partenaires aient compris l'urgence à mettre en oeuvre cette mesure.
Dans les prochains jours aussi, au Conseil des 16 et 17 septembre, va être examinée notre demande de mise en oeuvre d'un dispositif de soutien complémentaire au revenu des éleveurs spécialisés de broutards en fonction de la situation réelle du marché. Je prépare ces débats avec détermination pour que nous décidions des aides à mettre en place.
Mais à plus long terme nous devons travailler aussi à une restructuration de l'ensemble de la filière.
J'ai saisi le commissaire européen, M. Fischler, de cette demande dès le mois de juin afin d'engager le plus rapidement possible une profonde réforme de l'organisation commune du marché du secteur bovin.
Car si nous devons travailler sur le court terme pour passer ce cap difficile, nous devons, chacun le conçoit bien, travailler aussi sur le plus long terme. Sans quoi, tout ce que nous faisons aujourd'hui risquerait de n'être qu'un coup d'épée dans l'eau.
Il s'agit de retrouver un marché équilibré au niveau communautaire en donnant durablement au consommateur des garanties d'origine et de qualité des viandes vendues. Cela repose à mon avis sur une réorientation progressive vers des systèmes de production plus extensifs. D'où la nécessité de restructurer en profondeur le secteur avec une gestion des cessations d'activité et des droits à prime adaptée à cette évolution. Nous devons aussi aller vers une diminution du poids des animaux mâles abattus.
Dans cette région laitière, agitée par ailleurs par des accords interprofessionnels sur le prix du lait difficile à négocier, je veux insister tout particulièrement sur une de mes préoccupations majeures : il ne s'agit pas en réformant l'OCM bovine de déstabiliser la filière des veaux de boucherie.
Dans ce sens, toute mesure tendant à l'allégement des carcasses de ces veaux m'apparaît utile pour rééquilibrer le marché de la viande sans remettre en cause la filière des veaux de boucherie. Cette réforme est très importante. Elle n'aboutira en définitive que si elle est équilibrée, entre les pays, entre les régions et entre les productions
La crise que nous vivons a des conséquences importantes pour toute la filière, et le problème de l'équarrissage est devenu essentiel.
Nous devons trouver des solutions financières équilibrées dans les prochains jours pour que chacun assure en ce domaine ses responsabilités.
L'État assure sa part : les moyens financiers qu'il engage pour cela sont connus et correspondent à 50 % des coûts. Aux partenaires locaux maintenant d'organiser avec les sociétés d'équarrissage et les organisations agricoles les « tours de table » nécessaires au bouclage des financements.
C'est chose faite dans une trentaine de départements. Je ne comprendrais pas que cela ne soit pas possible dans les autres.
Je veux dire à ce propos que si une gratuité du service public peut être invoquée aujourd'hui par les producteurs de bovins ce n'est pas parce que c'est un service public, mais c'est parce qu'il n'est pas concevable actuellement d'augmenter les charges de ces éleveurs.
Au-delà de l'échéance de ces prochains mois, là encore il faut voir à plus long terme. C'est pourquoi j'ai d'ores et déjà engagé, avec l'ensemble des partenaires, les débats nécessaires pour réformer la loi sur l'équarrissage de 1975. Je souhaite que ce projet de loi puisse être discuté au Parlement avant la fin de cette année. Ainsi nous pourrons stabiliser durablement le fonctionnement du service public de l'équarrissage dans un contexte profondément modifié.
Madame la présidente, mesdames, messieurs, j'entends comme tout le monde les déclarations et les commentaires sur une rentrée agitée.
Pour ma part, je sais que nous avons surtout un gros travail à accomplir pour résoudre les difficultés qui se présentent. C'est sur ce travail que je me concentre.
Je viens d'évoquer la loi sur l'équarrissage dont nous avons ouvert le chantier en conséquence directe de la crise du secteur bovin. Mais, parmi ces conséquences, il y a aussi le débat ouvert maladroitement par la Commission européenne sur le financement des aides au secteur bovin.
Je m'oppose à l'idée avancée par la Commission de financer ces aides à partir d'une réduction pérenne des aides aux grandes cultures.
Le conseil des ministres de l'Agriculture a demandé un maintien à niveau du budget du FEOGA pour 1997. Dans ce contexte, l'effort budgétaire demandé au secteur céréalier ne peut être justifié par des économies budgétaires à réaliser. Il ne peut se justifier que pour compenser le surcoût lié aux mesures particulières prises dans le secteur bovin.
C'est pourquoi si je suis prêt à accepter une baisse ponctuelle des aides céréalières que la conjoncture peut justifier par ailleurs, il n'est pas admissible de les pérenniser. Les règles de la PAC ne doivent pas être fondamentalement bouleversées au gré de la conjoncture. Vous pouvez compter sur ma détermination pour manifester fermement l'opposition du gouvernement français à une dérive de ce type.
Si le débat budgétaire est difficile à Bruxelles, vous savez qu'il est difficile aussi à Paris. Le Premier ministre vient d'annoncer les principales mesures du budget 1997.
Un effort important y est engagé pour réduire les prélèvements obligatoires au cours des prochaines années. Ces mesures concerneront bien entendu les agriculteurs. Elles s'ajouteront aux mesures fiscales décidées en février dernier à l'occasion de la conférence annuelle agricole.
Aller dans ce sens souhaité par le plus grand nombre oblige à réduire les dépenses de l'État.
Cette rigueur est nécessaire si nous voulons remettre de l'ordre dans les finances publiques.
Ce n'est d'ailleurs pas une situation particulière à la France. Nous vivons une période difficile dans le monde entier. Nous la vivons en France comme dans d'autres pays très proches de nous.
Des réformes sont nécessaires. La réduction des déficits publics est indispensable. Non pas pour satisfaire aux critères de Maastricht, mais d'abord parce qu'on ne peut pas vivre trop longtemps au-dessus de ses moyens.
De nombreuses réformes sont entreprises et il n'y aura de véritables solutions à nos difficultés que si nous sommes animés d'une volonté collective d'efforts et que cette volonté collective d'efforts est répartie sur l'ensemble des Français.
Cet effort doit nous mobiliser tous et c'est dans ce mouvement de mobilisation que se rétablira la confiance en l'avenir.
Nous ne pouvons pas faire l'économie de décisions courageuses et donc peu populaires.
Il serait bien entendu plus facile de distribuer de l'argent que nous n'avons pas. C'est ce qui a été fait ces dernières années par facilité.
C'est donc dans ce contexte que je présenterai prochainement au Parlement le budget de mon ministère.
Dans ce budget, il est un sujet qui fait l'objet de critiques fournies de la part des organisations professionnelles : c'est le projet de supprimer la dotation budgétaire du Fonds de gestion de l'espace rural.
Je conçois que cela puisse être difficile à admettre pour ses promoteurs, dont vous êtes, madame la présidente. Certaines actions conduites dans ce cadre méritent intérêt.
Je ne suis donc pas fermé à la discussion et peut-être trouverons nous, en, définitive, une solution moins défavorable. Mais je ne peux compter aujourd'hui sur des moyens supplémentaires pour cela et je m'en remettrai sur ce point aux débats parlementaires.
Tous les éleveurs sont attentifs aussi à l'évolution du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole dans lequel ils se sont engagés nombreux et qui se trouve lui aussi freiné pour des raisons budgétaires.
Malgré ces contraintes très fortes, je peux vous annoncer ce soir que j'ai obtenu les 150 millions de francs supplémentaires que je souhaitais pour poursuivre ce programme dans de bonnes conditions.
Mais aujourd'hui, madame la présidente, le plus grand chantier que nous devons conduire et faire aboutir, c'est celui de la loi d'orientation pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt qui serait débattue au Parlement en 1997.
C'est vrai que la conjoncture n'est pas favorable et ne permet pas toujours de prendre le recul nécessaire pour préparer l'avenir. Mais notre force doit être de savoir préparer dans le même temps l'agriculture française du siècle prochain, en même temps nous apportons des solutions aux problèmes immédiats.
Une large concertation a été engagée dès le mois de mars dans une dizaine de groupes de travail. Les conclusions de ces groupes, comme les nombreuses contributions dont nous avons aussi bénéficiées, vont nous amener dans les prochains jours à débattre précisément des choix que nous allons devoir faire sur des sujets aussi importants que la promotion de la qualité, l'organisation économique, l'orientation des structures, le droit de l'entreprise et le statut des personnes, le statut du fermage ou bien encore l'enseignement supérieur, par exemple.
Nous allons devoir proposer de véritables orientations claires, cohérentes et de long terme. Nous allons devoir faire des choix importants. Nous allons devoir définir pour les prochaines décennies le rôle de l'agriculture et des agriculteurs dans notre société en mariant des impératifs économiques, de gestion de l'espace et de respect des consommateurs.
En tout cas, je souhaite qu'il en soit ainsi. Je souhaite proposer une loi d'orientation et non pas une énième loi d'adaptation. Les enjeux sont trop importants aujourd'hui pour reculer ou contourner l'obstacle.
Sans cela, madame la présidente, en signant la charte nationale de l'installation, nous aurions pris des engagements sans suite.
Or, je suis très attaché à concrétiser réellement ces engagements car ils détermineront le visage de notre agriculture pour les prochaines années.
Toutes les mesures annoncées dans la charte nationale pour l'installation des jeunes en agriculture sont aujourd'hui mises en oeuvre et produisent leurs effets. J'en suis très satisfait et il faut continuer. C'est pourquoi tous les crédits nécessaires en faveur de la politique d'installation figureront dans le prochain budget. Pour moi il n'y a pas d'économies possibles là-dessus.
Vous souhaitez qu'à l'occasion de la rentrée scolaire une action de sensibilisation particulière soit engagée auprès des élèves pour valoriser le métier d'agriculteur et susciter des vocations.
C'est bien le sens des actions que nous avions décidé de mettre en oeuvre dans les établissements scolaires qui vont accueillir cette année encore davantage de jeunes que les années précédentes.
Je veillerai donc que se développent l'organisation de journées de l'installation ou toutes autres actions en partenariat avec la profession dans les établissements scolaires afin de mobiliser nos jeunes.
Nous devons leur montrer que s'installer, ce n'est certes pas un choix facile. Mais en alliant une bonne préparation et une dose de détermination, qu'on soit fils d'agriculteur ou non, on peut s'engager dans l'aventure de l'installation qui est, je l'ai déjà dit, l'une des aventures professionnelles les plus valorisantes sur un plan personnel.
Et il faut arrêter de dire que tout va mal si nous voulons motiver ces jeunes. Tout ne va pas mal. En agriculture comme ailleurs.
Il y a certes des difficultés. Vous les mesurez et moi avec vous. Mais sachons retrouver les forces pour réagir et manifester notre confiance en l'avenir.
La mobilisation de tous autour de la politique d'installation des jeunes en agriculture est encourageante. Elle doit nous permettre de dépasser les difficultés du moment pour trouver les solutions d'avenir.
J'ai confiance. Nous surmonterons les difficultés actuelles. Nous y mettons et nous y mettrons les moyens.
Et, ensemble, nous allons dans les prochaines semaines fixer les orientations pour l'agriculture française du XXIe siècle.
Discours prononcé à l'issue du 43e championnat de France de labour à Lonrai-Colombiers, dans le département de l'Orne, le dimanche 8 septembre 1996
Nous avons conduit notre action depuis les révélations anglaises sur l'encéphalopathie spongiforme bovine le 21 mars 1996 avec deux objectifs majeurs :
- protéger la santé du consommateur ;
- protéger le revenu des éleveurs.
Je considère que nous avons atteint notre premier objectif : nous pouvons garantir aujourd'hui la traçabilité des viandes mises en vente.
L'objectif de protection du revenu des éleveurs, nous y travaillons chaque jour. Nous avons, dans un premier temps, obtenu des mesures importantes d'intervention et nous avons décidé, il y a plus d'un mois, des compléments d'aides communautaires et d'aides nationales qui permettent de compenser une partie des pertes. Je sais que ces aides sont considérées comme insuffisantes parce qu'elles ne peuvent compenser l'ensemble des pertes subies cette année.
Mais ces aides ont été mises en oeuvre dans des délais très rapides : toutes les aides directes sont versées maintenant et toutes les demandes de report de cotisations sociales et des échéances de prêt ont commencé à être instruites. Cette application rapide du dispositif en faveur des éleveurs spécialisés nécessite d'ailleurs quelques adaptations au fil de sa mise en oeuvre avec des critères d'activité appliqués souplement ainsi que les instructions en ont été données. Il faut faire vite mais il faut aussi bien faire et regarder comment mieux prendre en compte les élevages mixtes par exemple.
Tout ce qu'il sera nécessaire de faire, nous le ferons et nous le ferons vite, je le répète.
Nous savons que cette crise peut être encore longue. Nous continuerons de prendre les mesures conjoncturelles nécessaires et préparer les mesures structurelles indispensables.
La conjoncture du marché bovin, c'est dès à présent la mise sur le marché des broutards.
Pour faire face aux difficultés des éleveurs concernés, la solidarité nationale jouera encore et elle jouera pleinement. Le président de la République l'a affirmé : cette crise justifie un appel à la solidarité européenne et nationale. Les jeunes qui ont investi, qui se sont endettés, nous les aidons et nous les aiderons encore à franchir cette étape décisive.
Cet engagement va se concrétiser dès les jours prochains à la suite de la décision prise par la Commission d'ouvrir immédiatement l'intervention communautaire sur les broutards. C'est une décision importante qui permet de mettre en place un véritable filet de sécurité. Elle décourage les acheteurs de poursuivre leur spéculation à la baisse et permet ainsi de stabiliser le marché. Dans les prochains jours aussi, au Conseil des 16 et 17 septembre, va être examinée notre demande de mise en oeuvre d'un dispositif de soutien complémentaire au revenu des éleveurs spécialisés de broutards en fonction de la situation réelle du marché. (...)
Mais, à plus long terme, nous devons aussi travailler à une restructuration de l'ensemble de la filière. Il s'agit de retrouver un marché équilibré au niveau communautaire en donnant durablement au consommateur des garanties d'origine et de qualité des viandes vendues. Cela repose à mon avis sur une réorientation progressive vers des systèmes de production plus extensifs. D'où la nécessité de restructurer en profondeur le secteur avec une gestion des cessations d'activité et des droits à prime adaptée à cette évolution. Nous devons aller aussi vers une diminution du poids des animaux mâles abattus (...)
La crise que nous vivons a des conséquences importantes pour toute la filière et le problème de l'équarrissage est devenu essentiel. Nous devons trouver des solutions financières équilibrées dans les prochains jours pour que chacun assure en ce domaine ses responsabilités.
L'État assure sa part : les moyens financiers qu'il engage pour cela sont connus et correspondent à 50 % des coûts. Aux partenaires locaux maintenant d'organiser avec les sociétés d'équarrissage et les organisations agricoles les « tours de table » nécessaires au bouclage des financements. C'est chose faite dans une trentaine de départements. Je veux dire à ce propos que si la gratuité du service public peut être invoquée aujourd'hui par les producteurs de bovins, ce n'est pas parce que c'est un service public, mais c'est parce qu'il n'est pas concevable actuellement d'augmenter les charges de ces éleveurs.
Mais, parmi ces conséquences, il y a aussi le débat ouvert maladroitement par la Commission européenne sur le financement des aides au secteur bovin. Je m'oppose à l'idée avancée par la Commission de financer ces aides à partir d'une réduction pérenne des aides aux grandes cultures.
Le conseil des ministres de l'Agriculture a demandé un maintien à niveau du budget du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA) pour 1997. Dans ce contexte, l'effort budgétaire demandé au secteur céréalier ne peut être justifié par des économies budgétaires à réaliser. Il ne peut se justifier que pour compenser le surcoût lié aux mesures particulières prises dans le secteur bovin. C'est pourquoi, si je suis prêt à accepter une baisse ponctuelle des aides céréalières que la conjoncture peut justifier par ailleurs, il n'est pas admissible de les pérenniser. Les règles de la PAC ne doivent pas être fondamentalement bouleversées au gré de la conjoncture.
Si le débat budgétaire est difficile à Bruxelles, vous savez qu'il est difficile aussi à Paris. Un effort important est engagé dans le budget 1997 pour réduire les prélèvements obligatoires au cours des prochaines années. Ces mesures concerneront bien entendu les agriculteurs. Elles s'ajouteront aux mesures fiscales décidées en février à l'occasion de la conférence annuelle agricole. Mais, aujourd'hui, le plus grand chantier que nous devons conduire et faire aboutir, c'est celui de la loi d'orientation pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt qui sera débattue au Parlement en 1997. Notre force doit être de savoir préparer dans le même temps l'agriculture française du siècle prochain en même temps que nous apportons des solutions aux problèmes immédiats.
Une large concertation a été engagée dès le mois de mars dans une dizaine de groupes de travail. Les conclusions de ces groupes, comme de nombreuses contributions dont nous avons pu bénéficier, vont nous amener dans les prochains jours à débattre précisément des choix que nous allons devoir faire sur des sujets aussi importants que la promotion de la qualité, l'organisation économique, l'orientation des structures, le droit de l'entreprise et le statut des personnes, le statut du fermage ou bien encore l'enseignement supérieur.
Nous allons devoir définir pour les prochaines décennies, le rôle de l'agriculture et des agriculteurs dans notre société en mariant des impératifs économiques, de gestion de l'espace et de respect des consommateurs. Je souhaite proposer une loi d'orientation et non une énième loi d'adaptation. Les enjeux sont trop importants aujourd'hui pour reculer ou contourner l'obstacle. Sans cela, en signant la charte d'installation, nous aurions pris des engagements sans suite. Or je suis très attaché à concrétiser réellement ces engagements car ils détermineront le visage de notre agriculture pour les prochaines années. Toutes les mesures annoncées dans cette charte pour l'installation des jeunes en agriculture sont aujourd'hui mises en oeuvre et produisent leurs effets. J'en suis très satisfait et il faut continuer. C'est pourquoi tous les crédits nécessaires en faveur de la politique d'installation figureront dans le prochain budget...
Discours SPACE Jeudi 12 septembre 1996, Rennes
Monsieur le président,
Monsieur le président du conseil général d'Ille-et-Vilaine,
Monsieur le vice-président du conseil régional,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Messieurs les maires,
Monsieur le président de l'APCA,
Mesdames et Messieurs,
C'est effectivement, monsieur le président, la seconde fois que je viens parmi vous présider la visite officielle du SPACE et parcourir pendant de trop rares instants les innombrables stands qui composent votre salon.
Vous avez rappelé le défi du premier SPACE, il y a 10 ans déjà, et la capacité d'initiative d'une équipe restreinte qui, avec une foi digne des anciens bâtisseurs de cathédrales, a su surmonter tous les obstacles et fédérer toutes les énergies, dont je sais comme vous l'avez rappelé qu'elles ont été nombreuses.
Dans un temps record, le premier salon a vu le jour avec plus de 250 exposants et accueilli 32 000 visiteurs. Année après année, vous avez su progressivement augmenter les capacités d'accueil, et plus de 80 000 personnes vont au cours de ces quelques jours passer d'agréables et instructifs moments à visiter plus de 1 200 stands.
Plus que le nombre, c'est d'une part le pourcentage régulier d'augmentation enregistré année après année que je voudrais souligner, et d'autre part le caractère international de votre manifestation avec près de 10 % des exposants venus d'autres contrées. Parfois même de très loin puisque vous enregistrez cette année la présence d'une dizaine d'exposants venus d'Amérique du Nord (États-Unis et Canada) mais aussi d'un néo-zélandais.
Votre salon constitue donc la magnifique vitrine que mérite le dynamisme de l'élevage et de ses activités connexes dans tout le grand Ouest de la France.
Le programme mis sur pied pour vos différentes journées permet dans le domaine bovin de présenter nos principales races à viande française puis quelques races laitières dont une présentation particulière à la Prim'Holstein dont tout le monde connaît le rôle déterminant dans l'évolution des performances laitières de notre pays.
Vous avez également su ménager la place qu'ils méritent aux porcins, aux ovins et bien entendu aux productions avicoles.
Vous comprendrez donc monsieur le président que loin de constituer un marathon fastidieux, la visite du SPACE est pour moi l'occasion de rencontrer divers acteurs économiques compétents, dynamiques et dans l'ensemble optimistes quant à leurs perspectives d'avenir.
Dans cette période où, si l'on en croit les divers médias, la morosité serait à l'ordre du jour de nos concitoyens, c'est un vrai bonheur pour moi de rencontrer des hommes et des femmes, qui mesurent tout à fait les difficultés présentes, mais qui se proposent d'y répondre avec courage et opiniâtreté.
Ma visite annuelle au SPACE est également, mon cher Jean-Michel, l'occasion de faire le point sur la situation de l'élevage à l'entrée de l'automne.
Sur ce point, je mesure tout à fait la gravité de la situation pour le secteur bovin viande, confronté à une crise sans précédent.
Je me suis déjà largement exprimé sur ce sujet, mais je veux profiter de ce rendez-vous pour faire un point précis sur ce qui a été fait et sur ce que nous nous proposons de faire.
Avant même la crise de l'ESB, le marché était déjà structurellement et durablement excédentaire. La situation s'est trouvée brutalement aggravée par les révélations anglaises sur l'épidémie d'encéphalopathie spongiforme bovine le 21 mars dernier.
Depuis cette date nous avons sans relâche conduit notre action avec deux objectifs majeurs :
- protéger la santé du consommateur ;
- assurer le revenu des éleveurs.
Sur le premier point, je considère que nous avons pris l'ensemble des mesures qu'il fallait arrêter et que nous pouvons garantir aujourd'hui la traçabilité des viandes mises en vente et leur parfaite qualité vis-à-vis de la santé publique.
Concernant le revenu des éleveurs, nous y travaillons chaque jour. Nous avons, dans un premier temps, obtenu auprès de Bruxelles des mesures importantes d'intervention et de soutien communautaires. Nous avons mis en place des compléments nationaux d'aides qui permettent de compenser une partie des pertes de recettes.
En effet, ces aides ne compensent pas la totalité des pertes subies cette année, notamment par les naisseurs ; il faut que nous obtenions plus. Mais je dois cependant vous signalez ma satisfaction de voir que grâce aux efforts de tous les services, ces aides ont été mises en oeuvre dans des délais très rapides, tout à fait inhabituels.
Malheureusement, cette crise risque d'être encore longue. Nous continuerons donc de prendre les mesures de gestion de marché nécessaires et de préparer les mesures structurelles indispensables.
Nous devons aujourd'hui faire face aux difficultés de commercialisation des broutards. Pour les éleveurs concernés, la solidarité nationale devra jouer et elle jouera pleinement. Le président de la République vient de le rappeler : cette crise justifie pleinement un appel à la solidarité européenne et nationale.
Cette solidarité européenne va se concrétiser sur les marchés dès le 16 septembre à la suite de la décision prise par la Commission d'ouvrir l'intervention communautaire pour les broutards.
Je suis intervenu personnellement auprès de M. Fischler, le commissaire européen, chargé de l'agriculture et du développement rural, pour obtenir rapidement cette décision. Je me réjouis que tous nos partenaires aient compris l'urgence à mettre en oeuvre cette mesure. C'est une décision importante qui doit décourager les acheteurs de poursuivre leur spéculation à la baisse et va permettre ainsi de stabiliser le marché.
Les 16 et 17 septembre, va être examinée par le conseil des ministres européens de l'Agriculture notre demande de mise en oeuvre d'un dispositif de soutien complémentaire au revenu des éleveurs spécialisés de broutards. Je m'attends à une discussion difficile compte tenu du poids important de la France sur le marché des broutards. Mais je renouvelle aujourd'hui mon engagement de soutenir ce dossier avec toute la détermination nécessaire.
Mais à plus long terme nous devons travailler aussi à une restructuration de l'ensemble de la filière.
J'ai saisi le commissaire européen, M. Fischler, de cette demande dès le mois de juin afin d'engager le plus rapidement possible une profonde réforme de l'organisation commune du marché du secteur bovin sur laquelle nous avons ensemble travaillé ce printemps, au sein du groupe de réflexion stratégique que j'avais mis en place, fin février, avant la crise.
Il s'agit de retrouver un marché durablement équilibré au niveau communautaire en donnant au consommateur des garanties d'origine et de qualité des viandes vendues. Cela repose entre autres sur une réorientation progressive vers des systèmes de production plus extensifs. D'où la nécessité de restructurer en profondeur le secteur dans son ensemble y compris l'aval de la filière. Nous devons aussi aller vers une diminution du poids des animaux mâles abattus et envisager en cas de nécessité conjoncturelle, la « transformation » de certains jeunes veaux.
Je veux à ce propos insister tout particulièrement sur une de mes préoccupations majeures : il ne s'agit pas en réformant l'OCM « viande bovine » de déstabiliser le secteur laitier à travers une mesure relative aux veaux de boucherie.
Je fais actuellement étudier une solution alternative tendant à l'allégement des poids de carcasse de ces veaux pour rééquilibrer le marché par mise en production d'un plus grand nombre d'animaux. Une telle mesure permettrait un écoulement optimum de la poudre de lait et soustrairait sans douleur un nombre important d'animaux, qui n'iraient ainsi pas à l'engraissement.
Sur l'équarrissage, je confirme mes propos de dimanche dernier : nous devons trouver des solutions financières équilibrées dans les prochains jours pour que chacun assure en ce domaine ses responsabilités.
L'État assurera comme convenu sa part : les moyens financiers qu'il engage pour cela sont connus et correspondent à 50 % des coûts. Aux partenaires locaux maintenant d'organiser avec les sociétés d'équarrissage et les organisations agricoles les « tours de table » nécessaires au bouclage des financements.
Ceci ne peut être que temporaire. C'est pourquoi j'ai d'ores et déjà engagé, avec l'ensemble des partenaires, les débats nécessaires pour réformer la loi sur l'équarrissage de 1975. Je souhaite que ce projet de loi puisse être discuté au Parlement, en procédure d'urgence, avant la fin de cette année.
La crise profonde et encore une fois exceptionnelle que traverse l'élevage bovin viande ne me fait pas oublier les autres productions animales.
Je partage, monsieur le président de la FNPL, tout à fait votre analyse sur la nécessité de conforter sans cesse les positions de nos exportateurs laitiers sur les marchés extérieurs, et particulièrement sur les pays tiers.
Les baisses répétées des restitutions décidées à Bruxelles constituent un frein sensible à nos exportations qui touche également les secteur avicole et porcin.
J'interviens sans relâche auprès du commissaire Fischler afin d'améliorer la situation et de maximaliser les rares marges de manoeuvre que l'accord de Marrakech nous a laissé.
Mes services, en collaboration étroite avec les diverses familles professionnelles, réfléchissent à des propositions concrètes à faire à la Commission, pour assurer un meilleur arbitrage des restitutions vers certaines destinations.
Le secteur porcin connaît actuellement une certaine embellie avec des cours qui se maintiennent à un niveau élevé et une demande assez soutenue. Il ne m'échappe pas, là encore, que le maintien durable de cette situation favorable passe par une recherche active de débouchés à l'exportation et sur une politique d'installation de nouveaux éleveurs.
À ce propos, je constate qu'aucune avancée significative n'a pu être enregistrée dans le domaine du second programme de « maintien du potentiel de production porcine » et j'espère que les travaux actuels conduits au niveau régional permettront de trouver une solution rapide.
La situation est sensiblement analogue pour le secteur avicole traditionnellement plus présent sur les marchés extérieurs et donc particulièrement sensible aux problèmes de restitutions.
Pour ces deux secteurs, comme du reste pour le secteur laitier qui connaît depuis quelques semaines des tensions importantes entre acheteurs et producteurs, je suis convaincu que tous les acteurs des différentes filières sauront profiter de l'opportunité présentée par les travaux actuels relatifs à la loi d'orientation pour clarifier leurs débats à caractère interprofessionnel.
À mes yeux, monsieur le président, cette loi d'orientation pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt constitue le plus grand chantier que nous devons conduire et faire aboutir.
Nous allons devoir proposer de véritables orientations claires, cohérentes et de long terme. Nous allons devoir faire des choix importants. Nous allons devoir définir pour les prochaines décennies le rôle de l'agriculture et des agriculteurs dans notre société en mariant des impératifs économiques, de gestion de l'espace et de respect des consommateurs.
L'organisation économique des producteurs date de plus de 30 ans. Elle a été progressivement élargie à l'organisation des filières et a permis les remarquables résultats enregistrés depuis. Mais face aux mutations rapides et profondes connues et à venir dans l'espace commercial européen et mondial nous devons clarifier les champs de compétence respectifs des uns et des autres.
Nous devons effectivement proposer à l'ensemble des acteurs des filières les moyens de renforcer la capacité commerciale et de négociation des organisations de producteurs.
Face aux nouvelles exigences des consommateurs, la transformation et la distribution pèseront d'un poids toujours plus fort. Nous devons rechercher, sous une forme à déterminer, à institutionnaliser un type de négociations contractuelles entre les fournisseurs directs et leurs partenaires transformateurs.
Mon souhait comme le vôtre est bien de permettre le maintien d'une agriculture à taille humaine et à responsabilité personnelle.
Un mot pour conclure sur le thème de la maîtrise des pollutions d'origine agricole dans lequel se sont engagés de nombreux éleveurs et qui se trouve au centre des débats organisés à l'occasion de votre salon.
Malgré des contraintes budgétaires très fortes, je me suis fortement battu pour obtenir in fine 150 millions de francs supplémentaires qui permettront, comme je le souhaitais, de poursuivre ce programme dans les meilleures conditions actuellement possibles.
Néanmoins, il est évident que les éleveurs qui n'auraient pas pu réaliser leurs travaux de mise aux normes dans les délais du fait de l'insuffisance des financements publics ne devront pas être pénalisés.
Voilà, monsieur le président, ce que je tenais à vous dire aujourd'hui.
Mes derniers mots seront pour remercier l'ensemble des organisations, participants et visiteurs qui ont su faire de ce salon une réussite que nous admirons tous et qui encore une fois marque leur volonté commune de défendre leur métier dans des conditions que je sais difficiles.
Je vous remercie.