Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions de vigilance sanitaire (projet n° 88, texte de la commission n° 110, rapport n° 109, avis n° 104).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, me voici devant vous pour vous présenter, au nom du Gouvernement, le onzième projet de loi sur la gestion de l'épidémie de covid-19.
Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire ici lors de l'examen des précédents textes sur le sujet, ce n'est pas avec enthousiasme que le Gouvernement présente un nouveau projet de loi permettant de prendre des mesures de freinage qui affectent la vie quotidienne de l'ensemble de nos compatriotes.
Mais l'ampleur et la durée de la crise sanitaire exigent une mobilisation permanente des pouvoirs publics pour lutter contre ce virus toujours présent au quotidien, lequel a emporté la vie de près de 5 millions de personnes dans le monde, dont 117 000 dans notre pays.
Néanmoins, nous pouvons prendre un instant pour nous retourner et mesurer le chemin parcouru depuis le début de la crise, ainsi que les progrès réalisés pour mieux gérer cette épidémie dans la durée, et limiter au mieux ses conséquences sanitaires et ses effets sur notre vie quotidienne.
Ainsi, en métropole, la vague épidémique liée à la propagation du variant delta a pu être contenue, sans restriction généralisée de la circulation des personnes ou des rassemblements et en maintenant ouverts l'ensemble des établissements, et ce grâce au passe sanitaire et aux progrès significatifs de la campagne de vaccination.
La mobilisation de tous et l'esprit de responsabilité de chacun ont permis d'atteindre des résultats tout à fait remarquables. À ce jour, plus de 51 millions de personnes ont reçu au moins une première dose. Bientôt, près de 50 millions de nos compatriotes auront un schéma vaccinal complet. C'est l'une des meilleures couvertures vaccinales d'Europe. Nous pouvons collectivement en être fiers, car c'est le fruit de la mobilisation de tous, notamment des collectivités territoriales que vous représentez et qui ont été au rendez-vous.
En matière de vaccination, il ne faut relâcher nos efforts sous aucun prétexte. La campagne de rappel, lancée le 1er septembre dernier, est à ce titre un rendez-vous crucial.
Par ailleurs, nous amplifions les opérations d'« aller vers » pour progresser sur la vaccination de nos concitoyens éloignés du système de santé, en particulier des personnes les plus fragiles et les plus âgées.
Néanmoins, à l'heure où je vous parle, nous sommes confrontés à un risque de rebond épidémique, à l'approche de la période hivernale, propice à une accélération de la circulation virale. (M. Loïc Hervé s'exclame.)
Quasiment tous les pays européens sont confrontés à une hausse du nombre des cas, la situation étant inquiétante en Europe de l'Est. (M. Loïc Hervé s'exclame de nouveau.)
M. le président. Monsieur Hervé, veuillez laisser parler Mme la ministre déléguée !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. Dans notre pays, on observe depuis quelques jours une tendance moins favorable et une reprise de la circulation épidémique. Sans évoquer à ce stade une cinquième vague, nous devons être particulièrement vigilants.
Dans les prochains mois, nous devrons donc continuer à respecter certaines mesures barrières qui, bien qu'allégées par rapport aux phases les plus critiques de l'épidémie, demeurent indispensables. À cet égard, le Gouvernement lance une grande campagne d'information rappelant l'importance du respect des gestes barrières face au relâchement observé chez certains de nos concitoyens depuis plusieurs semaines.
C'est particulièrement important alors que nous entrons dans une période de mise sous tension de notre système de santé du fait de la circulation simultanée de la covid-19, de la bronchiolite, de la grippe et de la gastro-entérite.
Personne ne souhaite un nouvel emballement de l'épidémie, dont les conséquences humaines seraient à nouveau dramatiques et perturberaient encore fortement la vie de notre pays.
Pour continuer à disposer d'outils permettant de protéger la population contre les phases les plus aiguës de propagation de l'épidémie, le projet de loi qui vous est soumis prévoit de proroger jusqu'au 31 juillet 2022 la validité du cadre juridique de l'état d'urgence sanitaire, fixée aujourd'hui au 31 décembre 2021.
Je précise qu'il s'agit non pas de pouvoir activer pour une durée illimitée le régime de l'état d'urgence sanitaire pendant cette période, mais uniquement de maintenir les dispositions du code de la santé publique qui en fixent les règles, s'il apparaissait nécessaire de le déclarer. Un décret en conseil des ministres restera nécessaire à cette fin, et sa prorogation au-delà d'une durée d'un mois ne pourra être autorisée que par le Parlement.
En Guyane, région confrontée à une circulation virale toujours inquiétante, l'état d'urgence sanitaire en vigueur sera prorogé jusqu'au 31 décembre.
Par ailleurs, après concertation entre votre rapporteur et le Gouvernement, la commission a voté un amendement tendant à proroger l'état d'urgence sanitaire sur le territoire de la Martinique jusqu'au 31 décembre. La situation dans ce territoire le justifie pleinement, alors que la circulation virale se maintient à un niveau élevé, que le taux d'occupation des lits dans les services de réanimation est supérieur à 100 % et que la couverture vaccinale demeure encore insuffisante.
Les autres territoires ultramarins sortiront de ce régime au plus tard le 15 novembre prochain, étant précisé que le Gouvernement peut, par décret pris après avis du conseil scientifique, décider d'y mettre un terme anticipé si la situation le permet.
Le projet de loi proroge également jusqu'au 31 juillet 2022 le régime de gestion de la crise sanitaire, sur lequel repose actuellement la gestion de l'épidémie pour l'essentiel du territoire national. La prorogation de ce régime est la condition du maintien des mesures barrières dans les prochains mois.
Le texte proroge également, jusqu'à la même échéance, la possibilité de mobiliser par voie réglementaire le passe sanitaire, outil qui a fait ses preuves, puisqu'il a permis de concilier le maintien de nombreuses activités avec une maîtrise de la circulation du virus.
Les modalités de recours au passe sanitaire ont été précisées par l'Assemblée nationale. Sa mise en oeuvre sera justifiée par la circulation virale ou ses conséquences sur le système de santé, selon des indicateurs que le pouvoir exécutif devra prendre en compte, et ce sous le contrôle du juge administratif, comme c'est le cas depuis le début de la crise sanitaire.
Pendant la période visée par ces prorogations, nous avons prévu un dispositif d'information du Parlement renforcé et la remise, d'ici la mi-février, d'un rapport qui présentera les mesures prises pour freiner l'épidémie et qui justifiera, le cas échéant, la nécessité de les maintenir pour la période restante.
Ce dispositif d'information du Parlement a été enrichi par l'Assemblée nationale, qui a apporté des précisions sur la production d'indicateurs sanitaires et la remise d'un second rapport d'ici la mi-mai et de rapports d'étape mensuels.
La remise d'un rapport au mois de février constituera une clause de revoyure, qui s'ajoutera à l'ensemble des initiatives prises depuis le début de la crise, afin d'assurer l'information du Parlement sur la gestion de l'épidémie. Je pense en particulier aux dossiers transmis chaque semaine aux présidents des deux assemblées et aux réunions du comité de liaison organisées régulièrement par le Premier ministre.
Par ailleurs, le texte améliore plusieurs outils importants pour garantir l'efficacité de la gestion de l'épidémie dans les prochains mois. Ainsi, nous proposons de renforcer la lutte contre la fraude au passe sanitaire en aggravant les sanctions encourues en cas d'établissement, de proposition ou d'utilisation d'un faux passe sanitaire, et en permettant à l'assurance maladie de contrôler les certificats de contre-indication à la vaccination.
En ce qui concerne l'obligation vaccinale pour les soignants, le texte prévoit d'améliorer son contrôle et son effectivité, notamment en autorisant les écoles de santé à contrôler son respect par les étudiants en santé, et en ouvrant la possibilité pour les établissements employeurs d'accéder directement au statut vaccinal des professionnels soumis à cette obligation, sous réserve, toutefois, qu'un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), l'autorise.
Par ailleurs, nous proposons de prolonger jusqu'à la fin du mois de juillet les systèmes d'information SI-DEP et Contact Covid qui sont, comme vous le savez, des outils absolument indispensables pour suivre la situation sanitaire et « casser » les chaînes de contamination.
Sur ce sujet, le texte a été complété par une disposition permettant aux directeurs d'établissement scolaire d'accéder aux informations relatives au statut virologique et vaccinal des élèves. Cette disposition vise à donner à ces directeurs d'établissement les moyens nécessaires à la mise en oeuvre de la campagne de vaccination et de dépistage dont ils ont la charge, ainsi qu'à l'application des protocoles sanitaires dans les écoles, les collèges et les lycées. La situation actuelle, reposant sur des déclarations parentales, ne permet pas, en effet, de fiabiliser ni d'affiner les mesures prises et de limiter ainsi les fermetures de classes dans l'intérêt des élèves.
Enfin, le texte proroge un nombre ciblé de mesures d'accompagnement, qui permettront de faire face en tant que de besoin aux conséquences de la crise sanitaire, notamment en matière d'activité partielle ou de fonctionnement des organes délibérants des collectivités territoriales.
Vous l'aurez compris, le projet de loi qui vous est soumis ne bouleverse pas l'économie générale de la gestion de la crise sanitaire, mais il conforte les différents outils dont nous disposons pour y faire face.
Dans un contexte toujours incertain, et face au risque de voir émerger de nouveaux variants, plus transmissibles ou plus pathogènes, une grande vigilance s'impose face à un virus avec lequel nous savons d'ores et déjà que nous devrons vivre au moins jusqu'à l'été prochain.
C'est bien ce souci d'anticipation et cette vigilance qui ont guidé le Gouvernement dans l'élaboration du texte qui vous est présenté.
Ce texte, votre commission des lois l'a très largement modifié, en ramenant tout d'abord au 28 février 2022 l'échéance des différents régimes qu'il prévoit. Ainsi que l'a indiqué le ministre des solidarités et de la santé lors de son audition, le Gouvernement est néanmoins déterminé à retenir comme horizon le mois de juillet 2022.
En effet, nous savons très bien dès à présent qu'il nous faudra vivre avec le virus au moins jusqu'à l'été. La période hivernale sera en tout état de cause propice à une aggravation de la situation.
Le rapport prévu pour la mi-février, je l'ai dit, permettra au Parlement de disposer d'une clause de revoyure. Il pourra bien entendu donner lieu à un débat en commission ou en séance, en présence du Gouvernement.
La date du 31 juillet 2022 a par ailleurs été soumise à la fois au conseil scientifique et au Conseil d'État, qui ont pleinement validé cette orientation, chacun dans son office.
De son côté, la commission des lois du Sénat a remplacé l'ensemble des instruments prévus pour gérer la sortie de crise sanitaire par un nouveau régime à plusieurs niveaux. Le Gouvernement considère que les outils actuels, qui ont été adoptés par le Parlement dans le cadre des lois du 31 mai et du 5 août dernier, ont fait pleinement leurs preuves. Les remplacer par de nouvelles dispositions créerait de la complexité et de l'insécurité, alors que le cadre existant a été éprouvé.
Le Gouvernement ne juge pas non plus opportun d'inscrire dans la loi un taux précis de vaccination pour la mise en oeuvre de tout ou partie des mesures, notamment du passe sanitaire. L'inscription d'une valeur spécifique directement dans la loi ne manquerait pas de rigidifier la gestion de la crise.
Ainsi que l'a souligné le conseil scientifique dans un récent avis, la territorialisation du passe sanitaire n'est pas nécessairement une solution plus adaptée d'un point de vue sanitaire qu'une approche par secteur d'activité qui tiendrait compte des risques associés à chaque catégorie de lieu. En outre, une telle territorialisation pourrait porter préjudice à la cohérence et la lisibilité de mesures qui concernent nos concitoyens.
D'autres modifications ont été apportées aux dispositions consacrées aux mesures d'accompagnement de la gestion de crise, afin de tirer les conséquences des évolutions apportées aux premiers articles du texte.
Vous l'aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons des désaccords sur la solution à proposer et l'horizon à retenir pour gérer la suite de l'épidémie de covid-19.
Sans épuiser l'ensemble des divergences,…
M. Loïc Hervé. C'est sûr !
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée. … le Gouvernement a déposé plusieurs amendements pour réaffirmer plusieurs points importants. Nous aurons ce débat tout à l'heure.
Soyez en tout cas assurés de la mobilisation et de la détermination du Gouvernement pour lutter contre l'épidémie dans les prochains mois. Nous avons en permanence le souci de prendre des mesures nécessaires et proportionnées à l'évolution de la situation, afin de protéger la santé de nos concitoyens dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
source http://www.senat.fr, le 4 novembre 2021