Texte intégral
ADRIEN GINDRE
Bonjour Olivier VERAN, merci d'avoir accepté notre invitation.
OLIVIER VERAN
Bonjour.
ADRIEN GINDRE
On viendra à des sujets très politiques dans un instant, mais d'abord cette information de la nuit communiquée par le gouvernement, la France a rapatrié de Syrie 40 enfants et 15 femmes, les enfants vont être confiés à l'Aide sociale à l'enfance, mais que va-t-il advenir des mères, de ces 15 femmes ?
OLIVIER VERAN
Elles sont remises au système judiciaire français, avec une surveillance, parfois des possibles incarcérations, tout un réseau qui se met en place, bien avant d'ailleurs l'arrivée des femmes et des enfants sur le territoire national. On est là dans la logique, d'ailleurs à laquelle nous a invités fortement la Cour européenne des droits de l'Homme il y a encore quelques jours de cela, et que nous avions déjà commencé cet été en rapatriant dans de très bonnes conditions, je le dis, quelques dizaines d'enfants, français, qui sont encore localisés en Syrie, donc il reste encore quelques dizaines d'autres enfants qu'il nous faudra rapatrier progressivement…
ADRIEN GINDRE
Quelques dizaines d'autres ça veut dire combien ?
OLIVIER VERAN
Ça veut dire, c'est un chiffre que je ne communique pas parce que je ne l'ai pas de manière très précise pour vous le communiquer, mais encore quelques dizaines d'autres, donc il y aura encore quelques mouvements de rapatriements collectifs, que nous faisons d'ailleurs à mesure que notre système, à la fois de protection de l'enfance, et notre système de surveillance, est capable d'absorber et de suivre dans de bonnes conditions.
ADRIEN GINDRE
Et ces rapatriements supplémentaires d'enfants ce sera à quelle échéance ?
OLIVIER VERAN
Ça se fait progressivement, la dernière fois c'était au cours du mois d'août, donc voyez deux mois plus tard on a été en capacité de rapatrier à nouveau des enfants. La Défenseure des droits nous demande aussi ardemment de le faire et la plupart des pays européens qui nous encourent ont presque achevé, à l'instar de la France, ce mouvement de rapatriement des enfants.
ADRIEN GINDRE
Sur les mères il n'y aura pas, il ne peut pas y avoir, de remise en liberté, il n'y aura pas de femmes revenues de Syrie en liberté dans les rues de France ?
OLIVIER VERAN
Mais il n'y a pas de remise en liberté systématique, immédiate, c'est certain, il y a du contrôle, je vous dis le contrôle commence évidemment avant le rapatriement, et en fonction de ce qui est reproché à ces femmes, des enquêtes qui peuvent être conduites, des systèmes de surveillance qui doivent être mis en place, eh bien c'est le système judiciaire qui détermine quelles sont les conditions d'incarcération ou de surveillance de ces femmes.
ADRIEN GINDRE
Venons-en, si vous le voulez bien, au meurtre de la petite Lola vendredi dernier à Paris. Hier au Sénat à la Première ministre a été interrogée à ce sujet, elle s'est exprimée, elle a eu ces mots, « en politique, quelles que soient les circonstances, nous devons toujours faire le choix de la dignité », à qui elle s'adressait en disant cela ?
OLIVIER VERAN
A tous ceux qui remettent en cause les principes de notre République.
ADRIEN GINDRE
Et qui sont-ils ?
OLIVIER VERAN
Tous ceux qui considèrent que la République n'est pas suffisamment forte pour assurer la protection des siens et pour punir ceux qui ont fauté. Dans ce drame terrible, et bouleversant, qui touche toute la France, pas que les parents d'ailleurs, qui touche l'ensemble de la population, comment pourrait-il en être autrement, au milieu de cette émotion légitime, au milieu de la dignité dont chacun fait preuve, notamment à l'égard des familles, et notamment des parents de la petite Lola, qui nous invitent d'ailleurs à les accompagner par un comportement digne dans la gestion de leur peine et de leur douleur, on voit, on a vu naître, dès les premières minutes, un certain nombre, pardon pour l'expression, mais d'exploitation de charognards qui tentent de faire de la politique assez basses, avec des récupérations via des hashtags, pour inciter à des manifestations à but politique, de ce drame. Ce que nous disons, très clairement, c'est que d'abord en République c'est à la justice de faire son travail, et la justice passera, nous voulons évidemment que les auteurs soient punis avec la plus grande sévérité, évidemment, évidemment, et croyez-moi, on le souhaite tous ardemment, en notre intime, à l'instar de des Français je le redis. La justice elle ne fonctionne pas dans le même mouvement que le temps politique. Cette femme, qui est suspecte, est incarcérée à l'heure à laquelle je vous parle, elle est interrogée, elle n'est pas prête de sortir, elle sera jugée, et si elle est reconnue coupable elle sera punie avec la plus grande sévérité. Je crois que rappeler ces fondamentaux, dans la France 2022, c'est devenu utile.
ADRIEN GINDRE
Mais vous les faites à l'adresse de qui, d'Eric ZEMMOUR qui appelle à un rassemblement ce soir, de Marine LE PEN et de ses élus qui seront devant l'Assemblée, de Bruno RETAILLEAU, qui a interrogé la Première ministre hier après-midi, est-ce que tout le monde est concerné par ce que vous venez de dire ?
OLIVIER VERAN
Je ne mets pas sur un pied d'égalité le fait de questionner et le fait de juger et de surexploiter, et je n'ai pas envie de citer tel ou tel politique, ou de tel ou tel parti, ou tel ou tel mouvement, je ne veux pas m'inscrire en fait dans ce débat, je vous dis juste que nous devons nous situer en surplomb de cela, dans le respect, encore une fois, la douleur des familles.
ADRIEN GINDRE
Alors hier soir sur ce plateau, à votre place, Gabriel ATTAL reconnaissait tout de même, chez Ruth ELKRIEF, que même dans ces circonstances très difficiles il y a des questions qui sont légitimes, vous-même hier, à l'issue du conseil des ministres…
OLIVIER VERAN
Je viens de vous le dire aussi.
ADRIEN GINDRE
Voilà, vous disiez il y a aussi le niveau d'exécution des obligations de quitter le territoire français qui peut être questionné, est-ce qu'il est suffisant ? Non, c'était votre réponse. Est-ce que ça vous pose un souci que ces questions soient posées sur le fond, est-ce qu'on ne peut pas, aussi dramatiques soient les circonstances, interroger l'efficacité de notre politique et savoir si, oui ou non, des drames comme celui-ci peuvent être évités par des politiques, des comportements et des petits réglages ?
OLIVIER VERAN
Ce que je dis c'est qu'à l'heure où cette femme suspecte est interrogée, que nous manquons profondément encore d'éléments pour saisir les tenants et aboutissants de ce geste ignoble qu'elle a eu, atroce, il me semble extrêmement prématuré pour essayer de trouver des responsabilités autres que celle d'une femme qui a commis cet assassinat et ce viol sur une petite fille, ce qui n'empêche pas d'interroger notre système de manière générale, mais c'est le lien que certains voudraient faire immédiatement entre le système des OQTF et l'exécution de cette petite fille que je trouve… même pas que précoce, que je trouve non adapté. J'ai été interrogé hier à l'issue du Conseil des ministres, et d'ailleurs ma réponse, qui est toujours un peu plus complexe qu'un bandeau de chaîne info, si je peux me permettre, elle a été de dire moi je ne ferai jamais le lien entre la question des OQTF. Cette femme a eu une OQTF il y a un mois et 10 jours, je veux dire on sait très bien que le système européen les expulsions ne se font que très rarement dans les dix premiers jours. Ce que j'ai expliqué ensuite c'est que, lorsqu'une personne est reconnue pour avoir commis des exactions, ou des délits, et qu'elle est en situation irrégulière, elle est enfermée dans un centre de rétention, ce qu'on appelle un « CRA », en attente d'être expulsée, et dans les « CRA » vous trouvez beaucoup de personnes qui ont déjà été condamnées et qu'on ne laisse pas en liberté, dans le cas de cette femme elle a été contrôlée aléatoirement à l'aéroport d'Orly à la fin du mois d'août, il y a un mois et demi, et à cette occasion les forces de sécurité se sont rendu compte qu'elle était en situation irrégulière, lui ont donc remis une obligation de quitter le territoire, elle était rentrée dans des conditions régulières sur le territoire national, n'était pas connue par la police ni par la justice pour avoir commis des délits, elle était connue pour avoir été victime de violences sexuelles dans le passé, mais donc elle n'avait pas de casier, et donc elle ne présentait pas d'éléments de dangerosité justifiant qu'elle soit enfermée dans un centre de rétention en attente d'expulsion. Et ensuite, et j'ai répondu dans la deuxième partie, en faisant bien le distinguo avec ce drame, sur la question plus générale des obligations de quitter le territoire, en expliquant que nous avons atteint actuellement le niveau maximal atteint dans notre pays en matière d'exécution des OQTF, c'est-à-dire que la capacité de la France à expulser quelqu'un qui n'a plus sa place…
ADRIEN GINDRE
On est très loin des 100 % promis par Emmanuel MACRON…
OLIVIER VERAN
Exactement, j'ai dit que notre système nous travaillons à le rendre perfectible, qu'on a fait du X20 par exemple en matière d'expulsions à destination de l'Algérie depuis l'année dernière, que des dispositifs de rétention de visas ont été mis en place par la France, souvenez-vous, j'ai été interrogé là-dessus il y a quelques mois, on me disait « mais est-ce que c'est bien ? », j'ai dit « mais écoutez, si on ne met pas, à un moment donné, une certaine pression sur les pays qui refusent d'accueillir les personnes qu'ils doivent recevoir, on n'y arrivera pas », donc on fait le maximum, sans doute devrons-nous faire davantage, je regarde aussi, et j'objecte, qu'autour de nous en Europe aucun pays, quels que soient les systèmes d'expulsion qui ont été mis en place, ne peut faire mieux, donc ceux qui vous disent aujourd'hui que c'est de la responsabilité, je considère que ce n'est pas à la hauteur du moment d'émotion que nous devons avoir, ce qui ne contredit pas l'idée qu'il puisse falloir se poser des questions, mais avec la dignité que nécessite le moment que nous vivons tous.
ADRIEN GINDRE
Alors, venons-en au reste du débat politique qui concerne le budget. Hier le gouvernement a eu recours à l'article 49.3 pour faire passer son budget sans vote, tout en précisant que des amendements avaient été repris – (…) – dont combien pour l'opposition sur ces 117 ?
OLIVIER VERAN
Si vous ajoutez les amendements qui ont été déposés à l'identique par des groupes d'opposition, plusieurs dizaines.
ADRIEN GINDRE
Plusieurs dizaines sur les 117 ?
OLIVIER VERAN
Oui, probablement oui, dans ces eaux-là, je n'ai pas le chiffre précis. Ce n'est pas ça qu'il faut – pardonnez-moi – ce n'est pas le nombre d'amendements, parce que parfois vous avez des amendements qui vont modifier un segment de phrase sans changer la vie des Français.
ADRIEN GINDRE
…Quelle est votre capacité à…
OLIVIER VERAN
Ce qui est important, d'abord c'est qu'on a eu beaucoup plus de temps de débat dans l'hémicycle sur cette partie 1 du budget, que l'année dernière par exemple, donc il y a deux ans, ce qui veut dire que le débat il a vraiment eu lieu, ensuite, comme nous nous y sommes engagés, nous n'avons pas fermé la porte, loin s'en faut, aux amendements qui venaient de la majorité et des oppositions, il y a des règles ont été fixées, on n'augmente pas les impôts, on n'augmente pas la dette, on ne détricote pas ce qui a été fait pendant cinq ans et qui nous permet aujourd'hui d'espérer le plein emploi demain, ce qui a restauré l'attractivité du pays, et dans ce cadre-là, regardez on a autorisé la transformation des huiles usagées, à la demande des écolos, pour s'en servir de carburant…
ADRIEN GINDRE
Vous avez veillé à ce qu'il y ait des amendements qui puissent servir chacune des formations…
OLIVIER VERAN
Des amendements à visée écolo, des amendements qui changent le quotidien des Français, quand on monte le plafond de garde d'enfant de 2500 à 3500 euros, eh bien on permet à des classes moyennes de bénéficier davantage de soutien de l'Etat pour faire garder leurs enfants, pour des gens qui travaillent, et ça c'est un amendement de la majorité, mais qui a été aussi porté par des groupes d'opposition, donc c'est vraiment cette démarche de main tendue, et je crois que par la démonstration nous sommes fidèles aux engagements que nous avions pris.
ADRIEN GINDRE
Alors, vous avez rappelé, pas de dette en plus, pas d'impôts en plus, il y avait un amendement proposé par le MoDem, voté par certains députés Renaissance, sur la taxation des superdividendes, au nom de ces principes-là vous l'avez refusé, mais vous avez été aussi interpellé directement par votre partenaire François BAYROU, président du MoDem, qui hier sur France Inter disait « c'est un pays qui a besoin de signes de justice », à votre place hier Laurent BERGER, de la CFDT, disait « il ne faut pas traiter avec mépris la question des symboles », Jean-Paul MATTEI, qui est l'auteur de cet amendement, président du groupe MoDem à l'Assemblée, dit « la fiscalité c'est aussi un acte politique qui doit s'adapter aux circonstances, il ne faut pas rester sur des a priori et des blocages », tous les trois se trompent ?
OLIVIER VERAN
Personne dit que qui que ce soit se trompe et je ne me permettrais pas, d'abord on peut avoir des idées, qui peuvent être différentes les uns des autres, sans que quelqu'un fasse nécessairement erreur. Ensuite quel est le parti que nous prenons ? Il est celui de baisser les impôts…
ADRIEN GINDRE
Mais vous ne croyez pas à la force des symboles que l'on doit… ?
OLIVIER VERAN
Attendez, je vous dis que le symbole très fort c'est quand on baisse de 6,5 milliards les impôts pour les classes moyennes dans ce pays, sans avoir besoin pour autant de les augmenter, je dis que nous avons un niveau de fiscalité dans notre pays qui est largement supérieur à la moyenne européenne et que le mouvement de baisse d'impôts que nous avons initiée depuis cinq ans il va plutôt dans le bon sens. Ensuite personne ne nie la nécessité d'avoir des symboles, quand nous mettons en place une contribution européenne pour récupérer des profits très importants qu'ont fait des groupes, notamment dans l'énergie, depuis le début de cette période de crise, ce n'est pas qu'un symbole, ça rapporte de l'argent à l'Etat, près de 19 milliards d'euros, excusez du peu, c'est un mécanisme beaucoup plus puissant que des amendements individuels qui pourraient permettre de rapporter quelques millions d'euros. Ensuite personne ne nie le fait qu'il y ait des inégalités dans notre pays, que ces inégalités elles puissent paraître insupportable à la majorité d'entre nous, je m'inclus dedans, et que nous devions continuer à travailler à des mécanismes qui permettent une meilleure répartition des richesses, sans pour autant casser la machine à investir en France, parce que cette machine à investir, Adrien GINDRE, elle crée de l'emploi, et que l'emploi c'est le premier marqueur pour réduire les inégalités.
ADRIEN GINDRE
Le gouvernement a répondu également au chantage de Bruno LE MAIRE qui en réunion lundi à Matignon dit « si on veut une fiscalité plus lourde ce sera sans moi », le chantage à la démission ça a fonctionné en l'occurrence ?
OLIVIER VERAN
Vous connaissez suffisamment Bruno LE MAIRE, il ne fait pas du chantage, il affirme des principes, qui sont les principes d'ailleurs de notre majorité, qui est de dire on a aujourd'hui un dispositif, on a mis en place des réformes. On s'était engagé devant les Français il y a cinq ans à faire baisser le chômage, et on leur avait dit « faites-nous confiance », peut-être qu'il y a des mesures qui piquent, peut-être qu'il y a des mesures que vous n'auriez pas prises, mais si on les fait c'est parce qu'on s'inscrit dans l'économie de marché, qu'on cherche à réguler évidemment dans ses excès, mais tout ce qu'on cherche à faire, c'est à faire de la France un pays dans lequel les gens puissent venir installer des usines en confiance. Non seulement il y a l'enjeu de l'emploi, mais il y a l'enjeu de la souveraineté pour notre pays, on a bien vu pendant la crise Covid que le fait de ne plus avoir d'usines, le fait de ne plus produire des matériaux indispensables, nous fragilisait…
ADRIEN GINDRE
Et vous dites notre budget permettra ça.
OLIVIER VERAN
On prépare aussi la France de dans 10 ans, hier nous avons présenté les 1 an de France 2030, 8 milliards d'euros pour investir dans l'avenir.
ADRIEN GINDRE
Restons sur le budget, Olivier VERAN, parce qu'il y a encore beaucoup de choses à dire.
OLIVIER VERAN
Oui, mais c'est fondamental parce que si on perd de vu la focale qui consiste à préparer notre pays pour l'avenir et faire que dans 10, 15 ans, la France soit redevenue le grand pays productif et de recherche…
ADRIEN GINDRE
Mais personne ne dit l'inverse, pas même le MoDem. Je disais tout à l'heure le 49.3 permet d'adopter le texte sans vote, à condition que les motions de censure ne soient pas adoptées, il y en a deux en l'occurrence, une qui a été déposée hier soir par la Nupes, une qui doit l'être aujourd'hui par le Rassemblement national, quand seront-elles examinées ?
OLIVIER VERAN
C'est à l'Assemblée nationale de le décider, ce qu'elle va faire dans les prochaines heures, ou d'ici demain je pense…
ADRIEN GINDRE
Avec le gouvernement.
OLIVIER VERAN
Vraisemblablement ce sera… vous savez, on n'a pas la majorité en Conférence des présidents, la Conférence des présidents ce n'est pas le gouvernement qui décide, et par essence, par respect des institutions, et en plus d'un point de vue pratique, on n'a pas la majo, donc ça peut être samedi après-midi ou ça peut être lundi.
ADRIEN GINDRE
La décision n'est pas prise ?
OLIVIER VERAN
Pas encore.
ADRIEN GINDRE
Il y a également aujourd'hui un autre texte qui arrive à l'Assemblée nationale, c'est le projet de loi de financement de la Sécurité sociale cette fois-ci, vous avez déjà indiqué que le recours au 49.3 était une possibilité, on va même dire qu'il est plus que vraisemblable, est-ce que vous allez refaire la même chose, huit jours de débats pour finir par le 49.3, ou est-ce que dès aujourd'hui on va, pour plus d'efficacité, aller au 49.3 ?
OLIVIER VERAN
Ce sera peut-être quelque chose entre aujourd'hui et dans huit jours, c'est à la Première ministre de le décider en fonction de la manière dont les débats commenceront et seront conduits. En Commission ça s'est bien passé, en Commission il y a eu des débats riches et denses, les parlementaires ont fait un vrai travail de fonds, ce qui est déjà…
ADRIEN GINDRE
Pour le projet de loi de finances ça s'est bien passé aussi, il n'y a pas eu de blocage, il y a juste eu des amendements qui ont été votés, avec lesquels vous n'étiez pas d'accord.
OLIVIER VERAN
Non, pardonnez-moi, je vais y revenir deux secondes, mais en Commission on voit des amendements qui ont été adoptés, dont on sait déjà qu'ils enrichissent et améliorent notre texte, même quand ce n'est pas nous qui avons eu l'idée, et on sait déjà qu'on peut les retenir, donc il n'est pas forcément utile de faire durer le débat 65 heures ou 70 heures, comme ça a été le cas hier pour le budget, jusqu'à minuit tous les jours, peut-être on peut intervenir un peu avant, c'est à la Première ministre de décider.
ADRIEN GINDRE
En réalité vous avez déjà les éléments pour faire… amendements ?
OLIVIER VERAN
Ensuite, pardon, le 49.3 ce n'est pas un dispositif que nous prenons pour éviter que notre texte soit trop modifié par les oppositions, ce n'est pas le cas, le 49.3 il est là pour assurer que la France sera dotée d'un budget pour collecter l'impôt et pour payer les salaires à partir du 1er janvier, c'est constitutionnel.
ADRIEN GINDRE
Mais la réalité c'est que vous avez choisi de ne pas – juste je précise pour les téléspectateurs – il y a quand même des amendements qui ont été votés dans le temps débat imparti, que vous avez choisi d'une part, vous avez quand même fait le tri entre les amendements qui ont été votés.
OLIVIER VERAN
C'est indépendant du 49.3, en fait il faut comprendre qu'un député de l'opposition qui vote un budget ça s'appelle un député de la majorité, bon, voilà, le moment du budget c'est le moment où un parlementaire, ou d'ailleurs dans les conseils municipaux, ou les conseils régionaux, les élus d'opposition se comptent au moment du budget, donc si on compte on sait que le budget n'a aucune chance d'être adopté dès lors que les groupes d'opposition n'ont pas rejoint la majorité.
ADRIEN GINDRE
Même chose pour le budget de la Sécurité sociale.
OLIVIER VERAN
Donc là ça veut dire déclenchement du 49.3, je veux dire c'est, c'est comme ça que la Constitution l'a prévu, et c'est ainsi que tous les prédécesseurs d'Emmanuel MACRON, ou presque, ont eu recours au 49.3, le record c'était quand même Michel ROCARD…
ADRIEN GINDRE
A une époque où le nombre de 49.3 n'était pas limité.
OLIVIER VERAN
N'était pas limité, donc aujourd'hui nous il est limité, donc on sait que quoi qu'il arrive on aura beaucoup moins recours au 49.3 que Michel ROCARD en son temps.
ADRIEN GINDRE
Une petite question, la réforme des retraites, elle est en ce moment en concertation, ça devrait être un texte pour le début de l'année prochaine, j'ai toujours pas bien saisi, est-ce que ce sera un budget de la Sécu rectificatif, sur lequel le 49.3 est de droit pour le gouvernement, ou est-ce que ce sera un texte de loi normal et dans ce cas-là c'est la règle de un 49.3 par session ?
OLIVIER VERAN
Ce n'est pas que vous n'avez pas compris Adrien GINDRE, c'est que nous ne l'avons pas encore dit, et pour cause, parce qu'on est en pleine concertation, c'est-à-dire qu'on reçoit les partenaires sociaux, on reçoit les groupes politiques, là en ce moment ça discute des carrières longues, des carrières fractionnées, du travail des femmes, de la pénibilité, tous ces enjeux majeurs, de la retraite minimale pour les gens qui ont fait une carrière pleine, ensuite viendra le temps de la question de l'âge, et à la fin des concertations, et à la fin des concertations, parce que concerter ce n'est pas juste se faire plaisir à écouter les uns, les autres, c'est aussi écouter en profondeur ce que les uns et les autres on a nous dire…
ADRIEN GINDRE
Et ça peut-être dans le texte que vous avez annoncé par exemple, je reprends Laurent BERGER parce que c'est un syndicat qui est prêt à signer des accords, on l'a vu chez TOTAL, on va y venir à l'instant, hier encore sur ce plateau il disait « nous on ne veut toujours pas du report de l'âge légal à la retraite », donc est-ce que c'est un point sur lequel vous pourriez reculer pour dire oui, on écoute, et on fait le jeu de la concertation nous ici en faisant des concessions ?
OLIVIER VERAN
Mais personne ne dit qu'il n'y aurait pas de concessions, mais pour autant on ne va pas totalement renoncer ou dénaturer le projet qui est le projet sur lequel le président de la République s'est présenté devant les Français avec clarté et transparence, en expliquant la date d'application.
ADRIEN GINDRE
Donc c'est comme le pas d'impôts, pas de dettes, ça fait partie des…
OLIVIER VERAN
Ça fait partie, oui, eh bien écoutez, en fait notre modèle social et tout le train de réformes que nous voulons pour transformer notre pays, il repose quand même beaucoup sur le travail, donc on réforme le RSA, parce qu'il faut permettre à des gens qui sont encore aujourd'hui au RSA de remettre le pied à l'étrier, c'est une mesure sociale, moi je le dis, je l'assume, et j'invite qui que ce soit à débattre avec moi et me montrer que ce n'est pas social de le faire, à moins qu'on considère que de laisser des gens dans la misère à 400 balles par mois ce soit plus vertueux que leur donner un emploi, une formation, nous réformons l'assurance chômage, le Parlement vient de voter, nous allons réformer le système des retraites, les lycées professionnels, ce sont des réformes qui sont courageuses, parce qu'à chaque fois elles vont déranger, mais elles sont nécessaires pour atteindre le plein emploi et stabiliser notre système.
ADRIEN GINDRE
Qui n'auront pas forcément toujours une majorité, même si parfois on voit que ça se trouve, c'est le cas pour le dernier texte d'assurance chômage. Juste, je faisais allusion à TOTAL à l'instant, ça va mieux, au moins une bonne nouvelle pour vous, puisque la grève a été suspendue par la CGT dans le Nord, dans les Bouches-du-Rhône, elle est maintenue en revanche en Normandie et dans le Rhône pour le moment. Est-ce que ça vous permet de nous dire quand est-ce qu'on aura 100 % des carburants dans 100 % des stations ? Ça va déjà mieux, mais on n'est pas encore à 100 % parfaits.
OLIVIER VERAN
Ça va encore mieux, je pense que ça bouge dans le Sud-est, d'ailleurs j'attends confirmation, je n'ai pas encore les chiffres à ce matin puisque je vous ai rejoints…
ADRIEN GINDRE
Donc vous nous dites que dans le Sud-est la grève pourrait également…
OLIVIER VERAN
Les choses sont en train de s'améliorer. On a vraiment tout mis en place, en fait on a traité le problème à la racine, puisqu'on a rouvert les centres de dépôt, on a réquisitionné avec tact et mesure…
ADRIEN GINDRE
Oui, sur ce que vous avez déjà fait c'est très clair, la question c'est juste sur les jours à venir, puisqu'il y a des départs en vacances là.
OLIVIER VERAN
On assiste-là à une amélioration qui était vraiment sensible encore sur la journée d'hier, j'attends les chiffres d'aujourd'hui, on met tout en œuvre pour que les Français n'aient plus besoin de faire la queue devant les stations, il faut aussi que du coup…
ADRIEN GINDRE
Mais vous-même vous n'y voyez pas clair sur quand ce sera 100 % normal.
OLIVIER VERAN
…La conviction que les choses sont dans un retour à la normal assez rapide en matière d'approvisionnement des stations, et donc, voilà, il faut qu'on arrive à mettre en corrélation l'offre et la demande. On multiplie les camions, on fait des norias de camions…
ADRIEN GINDRE
Et de nouvelles réquisitions pour finir la normalisation c'est une possibilité ?
OLIVIER VERAN
Autant que nécessaire, à chaque fois qu'on considère que le fait de bloquer un dépôt nuit à la capacité des Français à se déplacer, à travailler, à se soigner, à faire leurs courses, on réquisitionne, et c'est normal de le faire, d'autant que, la justice nous a donné raison, c'est d'autant plus normal qu'il y a des accords majoritaires, je le redis, vous avez un accord majoritaire par des syndicats, signé, et un syndicat qui dit « moi je ne suis pas d'accord avec cet accord, du coup j'empêche de bosser », ça ne marche pas comme ça.
ADRIEN GINDRE
Un petit mot justement sur les patrons, parce que pour qu'il y ait un accord il faut aussi que les patrons soient d'accord, la Première ministre a demandé à chaque fois à toutes les entreprises qui le peuvent, sauf qu'il y a quand même beaucoup d'entreprises qui disent « on ne peut pas », par exemple la CPME, pour les petites entreprises, dit « nous on a déjà un problème avec les prix de l'énergie, on n'a pas de marge », pour ces salariés-là il ne se passera rien pour le coup, eux ils subiront l'inflation, sans augmentation de salaire, on est d'accord ?
OLIVIER VERAN
D'abord il y a des mécanismes pour les salariés, la hausse de la prime d'activité par exemple, ensuite il y a le bouclier tarifaire, qui fait que l'inflation est la plus faible en France de tous les pays européens, et de loin, donc l'Etat a pris sa responsabilité pour venir en aide de ceux qui travaillent, qui n'ont pas forcément…
ADRIEN GINDRE
Ça c'est pour tout le monde.
OLIVIER VERAN
Oui, mais enfin, c'est pour tout le monde, donc c'est aussi pour chacun.
ADRIEN GINDRE
Oui, mais ça veut dire que quand on a une augmentation de salaire en plus c'est plus facile…
OLIVIER VERAN
Non, mais on pourrait avoir une inflation à 15 % comme des voisins européens, elle est à 6 %, parce qu'on met en place…
ADRIEN GINDRE
Marine LE PEN dit « on pourrait faire une grande conférence sur les salaires », ça il n'y aura pas ?
OLIVIER VERAN
Ensuite, on a fait un choix cet été, le Parlement l'a voté, c'est qu'on incite très fortement les entreprises à donner des primes, de l'intéressement et de la participation à leurs salariés. Ça veut dire quoi ? On veut que tous les salariés, à termes, soient copropriétaires de leur entreprise et de leur outil de travail, et s'il y a des dividendes qui sont versés au patron, ils sont forcément versés aux salariés, ça, ça marche très bien. Et ensuite le dispositif de prime Macron, sans impôts, sans charges, j'ai vu une entreprise hier qui me disait « moi je donne 1500 euros à tous mes salariés. »
ADRIEN GINDRE
Vous avez entendu aussi que certains demandaient des salaires et pas seulement des primes.
OLIVIER VERAN
Sans impôts, sans charges… oui, mais c'est à un niveau, si vous regardez bien, quand on vous donne 1500 euros en oneshot, sans impôts, sans charges, ça correspond souvent à un 13e mois, ce qui est une hausse de salaire conséquente.
ADRIEN GINDRE
Deux petites questions…
OLIVIER VERAN
Et on incite, oui, tous ceux qui peuvent le faire, à le faire.
ADRIEN GINDRE
Mais qui peuvent le faire.
OLIVIER VERAN
On incite fortement.
ADRIEN GINDRE
Olivier VERAN, deux petites questions encore pour conclure. Il y a un sommet européen aujourd'hui, en grande partie consacré au prix de l'énergie, il se trouve que la France fait des propositions, l'Allemagne n'en veut pas, ça ne va pas fort du tout l'amitié franco-allemande en ce moment, il a même fallu déplacer le Conseil des ministres franco-allemand pour la semaine prochaine, qu'est-ce que peut faire le président de la République face au refus allemand, si on ne veut pas plafonner le prix du gaz en Europe, la France sortira du marché de l'énergie européen ?
OLIVIER VERAN
Le président de la République va agir encore, comme il l'a fait ces dernières semaines avec succès, au niveau du Conseil européen pour obtenir un mécanisme, c'est compliqué à expliquer là, mais c'est vrai qu'on veut plafonner le prix du gaz au niveau européen pour qu'on puisse avoir un impact sur le prix de l'électricité, ce qui est un mécanisme qui est vertueux pour la France et pour l'Europe, ce que nous considérons comme tel, et donc on discute entre amis, entre voisins, comme nous l'avons fait pendant de Covid, et ça a permis d'obtenir le plan de relance européen, comme nous l'avons fait au début de la crise de l'énergie…
ADRIEN GINDRE
Mais sans accord pour le moment.
OLIVIER VERAN
Mais attendez, les accords, par définition il faut se rencontrer et travailler ensemble, c'est le cas aujourd'hui, enfin jeudi, oui on est jeudi…
ADRIEN GINDRE
On est jeudi.
OLIVIER VERAN
Aujourd'hui et demain, et c'est absolument fondamental. Le Conseil franco-allemand n'y voyait pas… il est en cours de préparation, il fallait pouvoir, dans le contexte qu'on connaît, revoir l'ordre du jour à la lumière des événements, notamment énergétiques.
ADRIEN GINDRE
Merci beaucoup Olivier VERAN d'avoir été notre invité ce matin.
OLIVIER VERAN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 octobre 2022