Texte intégral
NICOLAS DEMORAND
Avec Léa SALAMÉ nous recevons ce matin dans "Le Grand entretien" du 7/9.30 le ministre délégué chargé du Renouveau démocratique et porte-parole du Gouvernement. Questions-réactions au 01 45 24 7000 et sur l'application de France-Inter. Olivier VÉRAN bonjour.
LÉA SALAMÉ
Bonjour.
OLIVIER VÉRAN
Bonjour.
NICOLAS DEMORAND
Et bienvenue à ce micro, on va parler avec vous d'écologie, de la loi de programmation militaire, d'immigration, mais question d'abord sur ce qui s'est passé hier à l'hôpital de Reims, une infirmière et une secrétaire médicale agressées au couteau par un homme aux lourds antécédents psychiatriques, l'infirmière, Karen, 38 ans, est décédée ce matin, quelle est votre première réaction à ce drame Olivier VÉRAN ?
OLIVIER VÉRAN
Ça fait partie des drames les plus intenses qui puissent toucher notre nation, on parle de quelqu'un qui dévoue sa vie à protéger, à sauver celle des autres, et qui trouve la mort de manière violente, de manière complètement incompréhensible, peut-être, l'enquête devra le dire, sans raison, sans motif, il n'y a jamais de raison pour tuer quelqu'un, il s'avère qu'il s'agirait d'un patient, comme vous l'avez dit, déséquilibré, elle aurait perdu la vie dans un endroit de l'hôpital qui n'est pas exposé au public, qui n'est pas dans un service exposé traditionnellement ou habituellement aux violences qui peuvent parfois émailler l'activité hospitalière…
LÉA SALAMÉ
C'est-à-dire ?
OLIVIER VÉRAN
Je crois que c'était plutôt dans un vestiaire de service de médecine du travail, donc pas dans un service d'urgences exposé avec un fort passage…
LÉA SALAMÉ
C'est-à-dire que l'homme est rentré dans cet endroit qui est interdit au public ?
OLIVIER VÉRAN
L'enquête devra donner toutes les conditions dans lesquelles les choses se sont passées, ça fait partie, je disais, des drames les plus éprouvants. Quand j'ai été nommé ministre de la Santé en février 2020 j'ai été nommé trois jours après déjà l'assassinat d'une infirmière qui avait été tuée par un déséquilibré et je me souviens à la fois du coup de tonnerre dans l'ensemble de la profession de santé, qui est une grande famille, avec plus de 2 millions de soignants, qui dévouent leur vie à celle des autres encore une fois, et qui forcément soulève beaucoup de questions.
LÉA SALAMÉ
Et qui s'inquiètent, c'est une info France Inter qu'on dévoilait ce matin, l'Observatoire de la sécurité des médecins révèle des chiffres préoccupants, 25 % d'incidents et de violences en plus contre les médecins, la profession est particulièrement inquiète pour les généralistes qui sont les plus touchés par cette montée des tensions, qu'est-ce qu'elle dit cette montée des violences contre les soignants, contre ceux qui sauvent nos vies, qui nous soignent ?
OLIVIER VÉRAN
D'abord, en préambule, je ne sais pas si on peut associer l'acte a priori d'un déséquilibré avec la montée de violences générale auxquels font face tous les dépositaires d'une forme d'autorité de l'État en fait, attaquer un médecin ou attaquer une infirmière, s'attaquer à quelqu'un qui porte la blouse, c'est presque quelqu'un qui porte une forme d'uniforme, il n'y a plus de limite, il n'y a plus de frontière à cette exposition à la violence, et tout le monde aujourd'hui dans la société peut être exposé à des actes de violence, y compris d'ailleurs, y compris les soignants, donc c'est quelque chose qu'on travaille, les ministres successifs, je l'ai fait, François BRAUN, qui était d'ailleurs hier à Reims auprès des équipes, le fait aussi avec détermination, ce qui doit aussi nous interroger, est-ce qu'il y a une forme de continuum entre la violence par exemple des réseaux sociaux, par exemple la violence verbale, à laquelle même parfois la classe politique s'adonne, et ces actes de violence du quotidien qui peuvent toucher tout le monde, les pompiers, les infirmières, les médecins, les policiers…
NICOLAS DEMORAND
Les élus.
LÉA SALAMÉ
Et les élus.
OLIVIER VÉRAN
Et les élus évidemment, on n'en parlera jamais suffisamment tellement c'est impactant pour la vie en société.
NICOLAS DEMORAND
Eh bien parlons-en. Yannick MOREZ, le maire de Saint-Brévin-les-Pins a été auditionné pendant 2 heures mercredi dernier par le Sénat, il a décrit le désintérêt de l'État pour ce qu'il endurait, est-ce que vous reconnaissez, Olivier VÉRAN, que l'État a failli et que dites-vous ce matin aux élus qui seraient tentés, comme lui, de démissionner, de lui emboîter le pas ?
OLIVIER VÉRAN
D'abord il faut savoir, et je pense que toutes les personnes qui veulent faire de la politique aujourd'hui, qui veulent s'engager à l'échelle de leur cité, ou à l'échelle du pays, à l'échelle d'une région, savent, hélas, que ça va de pair avec un quotidien fait de menaces, d'invectives, et parfois de violences, et c'est absolument anormal, et ce n'est pas du tout un constat auquel on doit s'habituer, votre serviteur pourrait vous montrer mon compte Twitter que je regardais ce matin, j'en étais déjà à quelques dizaines de menaces encore, de la part parfois d'antivax, parfois de gens qui sont contre la réforme des retraites, ils ont le droit de ne pas être d'accord avec la politique qui va être conduite, mais ils n'ont pas le droit de menacer, ils n'ont pas le droit de faire intrusion aussi dans la vie privée des gens…
LÉA SALAMÉ
Et alors qu'est-ce qu'on fait face à ça, Monsieur le ministre ?
OLIVIER VÉRAN
D'abord on la dénonce, d'abord on ne s'y habitue jamais…
LÉA SALAMÉ
Oui, mais…
OLIVIER VÉRAN
Non mais, d'abord on ne s'y habitue jamais.
LÉA SALAMÉ
Soit.
OLIVIER VÉRAN
D'abord on ne s'y habitue jamais. Il n'est pas normal… vous savez, il y a des pays européens dans lesquels vous pouvez être ministre sans avoir de protection rapprochée, par exemple, ça ne veut pas dire qu'on se sent menacé en continu, mais ça veut dire qu'il y a toujours cette ombre portée de la possibilité, à un moment donné, d'un passage à l'acte par quelqu'un parce qu'il n'est pas d'accord avec ce que vous faites, et donc les maires ils sont encore sans doute plus exposés, d'abord parce qu'ils n'ont pas de protection systématique, et on peut le comprendre, et ensuite parce que tous les jours ils évoluent au contact direct de leurs administrés et donc ce qu'on appelle le "à portée de baffes", qui parfois fait sourire, quand le "à portée de baffes" passe du symbolique à la réalité ça fait beaucoup moins sourire, donc d'abord dénoncer cette violence. Ensuite, dans le cas du maire de Saint-Brévin, moi je l'ai appelé quasiment tout de suite lorsque j'ai lu qu'il avait été victime d'un incendie, pour discuter avec lui, parler avec lui, savoir de quoi il avait besoin, il m'a ensuite écrit, j'ai écrit au ministre de l'Intérieur, qui a contacté immédiatement le préfet, etc.
LÉA SALAMÉ
Lui dit, il a dit clairement au Sénat qu'il s'était senti abandonné par les services de l'État !
OLIVIER VÉRAN
Je comprends parfaitement que quand vous êtes maire à Saint-Brévin, que vous avez votre garage qui brûle, que vous avez reçu des menaces par des mouvements d'extrême droite, pour des actions que vous menez au nom de l'État, vous vous sentiez insuffisamment protégé, etc. Il a été reçu par la Première ministre, il a reçu le soutien de toute la classe politique, et c'est tant mieux. Est-ce que cet acte va faire réagir collectivement aussi l'ensemble de la classe politique pour faire baisser le niveau de tension, pour faire baisser le niveau de violence, pour faire attention à ce que les mots qui sont tenus par les uns et les autres ne deviennent pas, dans l'esprit de certains Français, la possibilité de passer à l'acte ? ça c'est un enjeu, encore une fois, pour lequel…
LÉA SALAMÉ
Alors ça c'est…
OLIVIER VÉRAN
C'est bien beau de dénoncer la violence lorsqu'elle est commise, mais il faut aussi dénoncer la violence, voire la prévenir, quand elle peut être prononcée, il y a cet espèce de continuum.
LÉA SALAMÉ
Sur ce que vous dites, Olivier VÉRAN, peut-être vous pouvez réagir aux mots de la France insoumise, une manifestation aura lieu demain, on le rappelle, à Saint-Brévin à l'appel du PS et de l'organisation des maires de France, la LFI accuse, vous accuse, le Gouvernement, d'avoir banalisé l'extrême-droite et ils manifestent aussi pour dénoncer, je cite leur communiqué, l'inaction du pouvoir macroniste contre l'extrême-droite et ses violences. Vous répondez quoi ?
OLIVIER VÉRAN
Je combats toute forme de violence, dans la société, dans le cadre familial, dans le cadre privé, dans la rue, dans la politique, la violence n'a pas sa place dans la République, n'a pas sa place en démocratie, toutes les violences, et moi je n'ai pas de problème à le dire, il existe de la violence à l'extrême-droite, il existe de la violence à l'extrême-gauche, s'il peut exister de la violence aussi au sein de la classe politique républicaine il faut la dénoncer systématiquement, et il ne faut pas avoir, je dirais en la matière, de pudeur, et il faut faire très attention à la parole que nous portons…
LÉA SALAMÉ
La Première ministre a eu du mal à pointer l'extrême-droite dans ce qui s'est passé, elle a parlé des extrêmes.
OLIVIER VÉRAN
Pardonnez-moi, il y a une enquête qui est en cours, dans le cadre qui nous occupe et que vous citez, et donc moi j'aime bien quand même que la justice puisse attester des choses avant qu'il y ait une réaction politique, surtout de la part du Gouvernement, peut-être qu'un ancien élu peut se permettre là-dessus plus de liberté s'il le souhaite, voire plus d'instrumentalisation, c'est son sujet. Mais de la même manière, quand vous avez Monsieur MÉLENCHON hier qui est dans le Nord pour VERTBAUDET, qui est à quelques kilomètres de l'endroit où trois policiers, jeunes, ont trouvé la mort dans un accident de voiture terrible, tragique, et qui, quasiment sur place, n'a pas un mot de compassion pour eux, mais va "dénoncer" les policiers qui seraient violents vis-à-vis des… attention à tout ça, tout ce discours politique-là fait monter dans l'esprit d'un certain nombre de nos concitoyens l'idée qu'il y aurait une injustice telle qu'elle justifierait un passage à la violence.
LÉA SALAMÉ
Puisque vous citez vous-même VERTBAUDET, on a beaucoup de questions à vous poser aussi sur l'écologie, à l'origine on vous invitait sur l'écologie, mais c'est vrai que là les violences percutent l'actualité. Sur VERTBAUDET, ça fait 60 jours que les ouvrières de VERTBAUDET font grève pour demander une augmentation des salaires, on rappelle qu'elles sont au SMIC ou à peine plus et que leur ancienneté n'est pas prise en compte, "c'est non" répond la direction, les CRS sont intervenus pour évacuer un piquet de grève, la patronne de la CGT dit que le préfet au lieu de faire organiser une médiation envoie les CRS, c'est comme ça que se passe le dialogue social en France. Qu'est-ce que vous répondez, qu'est-ce que vous dites sur VERTBAUDET, sur ces sur ces femmes qui en sont à leur 60e jour de grève ?
OLIVIER VÉRAN
Alors, pardonnez-moi, si je peux compléter peut-être l'information et la question que vous posez, il me semble qu'à VERTBAUDET il y a eu un dialogue social, il me semble que ce dialogue social il a abouti à un accord syndical, dont la CGT…
LÉA SALAMÉ
Il n'a pas été signé par la CGT.
OLIVIER VÉRAN
Mais, pardonnez-moi, excusez-moi, mais s'il faut que la CGT signe un accord dans une entreprise pour que l'accord soit entériné, il y aura beaucoup moins d'accords dans ce pays.
LÉA SALAMÉ
Donc pour vous il n'y a pas de souci à VERTBAUDET, il faut qu'elles acceptent l'accord et… ?
OLIVIER VÉRAN
Non, ce n'est pas ce que je vous dis, je vous dis juste que quand vous dites il n'y a pas eu de dialogue social, etc., et qu'on envoie les CRS…
LÉA SALAMÉ
Je vous cite la CGT !
OLIVIER VÉRAN
Oui, mais vous n'êtes pas la CGT, moi non plus…
LÉA SALAMÉ
Ah non !
OLIVIER VÉRAN
Et donc il y a un accord social qui a été signé par les syndicats majoritaires, notamment Force Ouvrière me semble-t-il, avec une prime de 950 euros, enfin je ne veux pas me tromper dans les chiffres, mais je crois que c'est quelque chose comme ça, et que la CGT conteste cet accord et déclenche une grève. Quand j'ai fait signer, quand j'étais ministre de la Santé, qu'on a obtenu un accord à 10 milliards d'euros de hausse de salaire pour les soignants dans ce pays, historique, la CGT ne l'a pas signé, mais la CFDT, Force ouvrière, l'ont signé, eh bien j'avais des manifestations à l'entrée de certains hôpitaux quand je me déplaçais, de la CGT, qui contestait l'accord, c'est leur droit de le contester, mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il n'y a pas eu de dialogue social…
LÉA SALAMÉ
On entend ce que vous dites ce matin, pour vous le dialogue social a existé, la direction a proposé des primes…
OLIVIER VÉRAN
On n'est pas dans une situation où tous les syndicats, de manière unanime, diraient "personne ne dialogue avec nous".
NICOLAS DEMORAND
Allez, on en vient maintenant à l'écologie et au plan annoncé hier par Elisabeth BORNE pour accélérer la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Jusqu'à présent la France visait - 40 % d'émissions d'ici 2030 par rapport à 1990, ce sera désormais - 50 % conformément au nouvel objectif fixé par l'Union européenne depuis deux ans, aujourd'hui la France en est à - 25. Vous montrez donc un objectif ambitieux, mais les ONG vous reprochent l'absence de mesures concrètes pour atteindre cet objectif, dans le passé on a eu beaucoup d'ambition en paroles pour l'écologie, mais les actes n'ont pas toujours suivi, comment être sûr cette fois, Olivier VÉRAN, que vous allez atteindre les 50 % d'émissions en moins en 2030, 2030 c'est-à-dire demain matin ?
OLIVIER VÉRAN
D'abord des actes. Entre 2019 et 2023 on avait un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, non seulement on a atteint l'objectif, mais on est "en avance", ça paraît bizarre de dire qu'on est en avance tant il y a urgence pour la planète, mais c'est un fait, ça veut dire que la détermination politique à agir elle porte ses fruits, mais il faut le reconnaître, ce n'est pas toujours le cas, ce qui nous permet de nous dire qu'il faut aller plus vite et qu'on est en capacité de le faire. Nicolas DEMORAND, la question que vous posez c'est comment est-ce qu'on va faire, est-ce que ce sera suffisamment ambitieux ? moi je peux vous faire une prédiction…
LÉA SALAMÉ
Non, c'est les ONG qui regrettent de ne pas avoir de propositions concrètes pour arriver.
OLIVIER VÉRAN
Bien sûr, mais en l'occurrence je n'ai aucun problème avec la question, non seulement ça va être ambitieux, mais ça va impacter notre quotidien, et chaque décision, au moment où elle va s'appliquer, elle va impacter notre quotidien, et c'est un défi collectif, il faut qu'on soit capable de se le dire, et moi ma seule inquiétude serait qu'on n'en parle pas suffisamment et qu'on se retrouve "au pied du mur" à chaque fois qu'une disposition, qu'une loi, qu'une norme, va se mettre en place. Je vous donne un exemple. Les zones à faibles émissions, lorsque ça a été adopté, par le Parlement, tout le monde a dit très bien, mais dans le passage à l'acte il y a trois métropoles qui sont censées pouvoir le mettre en place, et on voit même que dans les métropoles, pourtant à tonalité écologiste, c'est compliqué. Quand on dit qu'on va interdire les véhicules thermiques, c'est très ambitieux à la vente, et on va le faire, mais ça va avoir un impact sur un grand nombre de nos concitoyens. Lorsqu'on dit que les passoires thermiques ne seront plus mises en location d'ici quelques années, elles ne pourront plus être relouées, il faudra qu'elles soient rénovées, tout le monde est d'accord, mais quand on va se retrouver au pied du mur… donc en fait l'urgence c'est d'être capable de faire comprendre aux Français ce qui va véritablement changer et pourquoi ce défi collectif il nous oblige tous. Donc, on a la trajectoire, on a des objectifs, et on a une première étape intermédiaire qui montre qu'on est sur la bonne voie. On était à près de 600 millions de tonnes de CO2 rejetés, on est aux environs de 400 et quelques, on doit descendre en dessous des 300, nous allons y arriver, mais encore une fois c'est quelque chose qui va devoir embarquer tout le monde, la moitié de l'effort porte sur les entreprises, le quart de l'effort va porter sur les collectivités et l'État et vous avez…
LÉA SALAMÉ
Sur les parties…
OLIVIER VÉRAN
Et ça a commencé, je vous donne juste, une démonstration que ça a commencé, la sobriété, quand on réduit de 10 % notre consommation énergétique on fait déjà une partie de ce chemin-là, voilà, donc voyez sachez que dans le domaine du transport, du logement, de l'agriculture, des entreprises, des industries, tout ça va changer.
LÉA SALAMÉ
Ça coûte cher la transition écologique, je vais vous parler de ce rapport qui a été remis hier par Jean PISANI-FERRY et Selma MAHFOUZ qui préconise notamment un accroissement des prélèvements obligatoires qui pourraient être assis sur le patrimoine financier des ménages les plus aisés, en clair ce qu'ils proposent, c'est un impôt exceptionnel et temporaire sur les 10 % de ménages les plus aisés, une fois un ISF vert pour financer la transition écologique, ils disent que ça pourrait rapporter 5 milliards d'euros si on faisait ça, qu'est-ce que vous en pensez ?
OLIVIER VÉRAN
Nous pensons que la transition écologique elle peut être autofinancée par les transformations qui sont nécessaires pour la rendre possible. Je m'explique, le président de la République a présenté un plan fondamental pour l'industrie verte, à la fois pour verdir notre capacité de production sur le territoire mais à la fois pour développer de l'innovation, pour produire écologique. On croit que c'est, on est même convaincu que c'est la bonne méthode et d'ailleurs ce qui est très intéressant dans le rapport de Jean PISANI-FERRY, c'est qu'il réconcilie croissance et transition énergétique. Il dit que c'est compatible et c'est, vous savez c'est l'une des premières fois que dans un rapport je lis écrit qu'en réalité la décroissance n'est pas une fatalité.
NICOLAS DEMORAND
Et il met de l'équité avec cette mesure.
OLIVIER VÉRAN
Et il met de l'équité…
NICOLAS DEMORAND
Ce n'est quand même pas un petit sujet.
OLIVIER VÉRAN
Et nous le disons aussi il y a un gros de l'effort qui va porter sur les industries, sur les entreprises dans notre pays et nous accompagnons cet effort, c'est-à-dire on n'est pas dans quelque chose de punitif, on est dans quelque chose qui transforme. Un exemple demain les Français pourront rénover leur habitat en mettant une pompe à chaleur produite en France. Ça vous paraît peut-être pas grand-chose, c'est une vraie transformation, pourquoi, parce que ça fera le lien entre les 4 piliers de notre feuille des 100 jours du président de la République, on est capable de réformer le lycée professionnel pour préparer les jeunes de demain à être capable de faire ces rénovations thermiques. On est capable de transformer notre industrie pour produire en France les matériaux nécessaires et on y met les moyens pour accompagner les Français pour qu'ils puissent financer ces rénovations.
LÉA SALAMÉ
Mais vous dites cet ISF vert exceptionnel proposé par celui qui a écrit le programme d'Emmanuel MACRON en 2017, ce n'est pas Greenpeace, là qui le propose, vous dites que ce n'a pas de sens, eux disent ce n'est pas seulement une question de ressources, ce n'est pas seulement d'avoir 5 milliards. Ils écrivent dans le rapport il s'agit de convaincre les Français de ce que la charge est équitablement répartie.
OLIVIER VÉRAN
Je ne vous dis pas que ça n'a pas de sens et d'ailleurs l'hier à Matignon la Première ministre réunissait le Conseil national stratégique et disait elle-même qu'il allait falloir faire contribuer davantage ceux qui peut contribuer de plus. Est-ce que ça passe par la fiscalité ? je ne crois pas. En tout cas je considère qu'on peut y arriver sans, si une taxe suffisait à transformer notre pays et l'avenir de la planète, ce serait à la rigueur formidable, mais je ne crois pas que ce soit vraiment l'enjeu. L'enjeu c'est de nous embarquer tous entre guillemets dans des changements de comportement, dans des changements de mode de consommation et de modes de production.
NICOLAS DEMORAND
Venons-en la nouvelle loi de programmation militaire examinée par l'Assemblée nationale depuis hier, 413 milliards d'euros sur la période 2024-2030, enveloppe en nette hausse par rapport à celle adoptée sous le précédent quinquennat, êtes-vous sûr d'avoir une majorité pour la voter cette loi de programmation ? Plusieurs députés LR ont prévenu qu'ils allaient s'abstenir car ils regrettent que le gros de l'effort financier pour nos armées soit fait après le quinquennat et pas tout de suite. Donc majorité sur ce texte vous pensez ?
OLIVIER VÉRAN
Dans le premier quinquennat on a réparé entre guillemets nos armées, c'est-à-dire qu'on a redonné des moyens qui manquaient et dans le 2e quinquennat on transforme notre armée pour l'adapter aux dangers d'aujourd'hui et de demain, notamment dans le domaine du Cyber. Ça nécessite d'avoir beaucoup d'innovations, ça nécessite d'avoir beaucoup de préparations pour avoir une armée moderne avec des dispositifs modernes, donc tout ne peut pas être dépensé comme ça du jour au lendemain et chacun peut le comprendre. Vu l'ampleur je vais vous dire Nicolas DEMORAND pour vous répondre, vu l'ampleur du budget et vu l'ampleur de l'effort que ça constitue pour la nation, vu l'importance dans le contexte international que chacun comprend de rénover et de moderniser je ne pourrais pas comprendre que des députés….
LÉA SALAMÉ
Que vous n'ayez pas la majorité.
OLIVIER VÉRAN
Sans doute encore plus de droite mais ça me fait mal de le dire parce que la gauche elle n'a pas vocation à rester en dehors du coup quand on parle de défense et de et de souveraineté de la nation et l'Europe, je ne comprendrais pas qu'il n'y ait pas une majorité très claire sur ce texte extrêmement ambitieux que beaucoup d'ailleurs d'entre eux qu'ils soient de droite ou de gauche auraient rêver voter s'ils avaient été dans la majorité.
LÉA SALAMÉ
Puisque vous parlez de la droite sur l'immigration un mot sur ces 2 propositions de loi qui vont être déposées par le groupe LR qui estime que le "en même temps", je les cite, le "en même temps" macronien ne marche plus, parmi ce qu'ils proposent, rétablir le délit de clandestinité, durcir les critères du regroupement familial, augmenter les frais de scolarité pour les étudiants extracommunautaires ou encore restreindre les soins accessibles aux étrangers sans-papiers, j'en cite quelques-unes il y en a d'autres des propositions, ils veulent aussi organiser un référendum sur l'immigration. La majorité pourrait-elle voter ces propositions de lois LR ou non ?
OLIVIER VÉRAN
D'abord moi je vais vous dire un truc, ça va peut-être vous surprendre mais je préfère une opposition qui propose qu'une opposition qui garde le silence et qui se contente de tout contester, donc à la rigueur voilà la droite a mis des propositions sur la table. Moi je ne suis pas d'accord avec beaucoup de ces propositions mais elles ont le mérite d'exister et donc ça permet d'engager le dialogue.
LÉA SALAMÉ
Est-ce qu'il y a des mesures que vous retenez, que vous voyez voter ?
OLIVIER VÉRAN
En matière d'immigration et d'intégration, c'est un défi pour la France, un défi pour l'Europe. Moi j'aimerais d'abord qu'on puisse être capable de mettre en partage avec la population les grands enjeux de ce défi, de quoi on parle ? Par exemple les LR s'attachent beaucoup au regroupement familial comme si c'était quelque chose d'incontrôlé ou qui serait responsable du gros de l'immigration, c'est 5 % aujourd'hui les titres de séjour, 5 %.
LÉA SALAMÉ
Ils vous accusent aussi d'avoir fait augmenter comme jamais le nombre de titres de séjour donnés en 2022 et c'est le cas. C'est le cas, Olivier VÉRAN, c'est 300 000, 320 000 je crois titres de séjour accordés, c'est plus que ce que ces 15 dernières années on a accordé par an.
OLIVIER VÉRAN
De quoi parle-t-on quand on parle de titre de séjour…
LÉA SALAMÉ
D'immigration économique.
OLIVIER VÉRAN
Et de quand en parle-t-on ? On parle de la sortie des années Covid qui ont eu des bouleversements mondiaux en matière de flux migratoires, bon est-ce que l'immigration a augmenté dans notre pays ? Oui elle était de 5 % en 1946, elle est de 10 % aujourd'hui. Est-ce qu'elle est équitablement répartie sur le territoire ? Elle est de 3 % en Bretagne, elle est de 30 % en Seine-Saint-Denis. Est-ce que le taux de chômage est identique chez les étrangers, chez les Français ? Non il est plus élevé chez les personnes qui viennent de l'étranger. Est-ce que pour autant on n'a pas besoin d'avoir des étrangers pour occuper des emplois qui ne trouvent pas preneur aujourd'hui notamment dans la restauration et le BPTP.
LÉA SALAMÉ
Les LR vous disent non.
OLIVIER VÉRAN
C'est une erreur, ils font une erreur.
LÉA SALAMÉ
Pourquoi, expliquez pourquoi ?
OLIVIER VÉRAN
Il n'y a pas une entreprise qui leur dit autre chose.
LÉA SALAMÉ
Ils disent aux entreprises vous n'avez qu'à augmenter les salaires…
OLIVIER VÉRAN
La question…
LÉA SALAMÉ
Vous répondez quoi à ça ?
OLIVIER VÉRAN
La question, moi ce qui m'intéresse c'est la question du comment, du pourquoi et du jusqu'où, ni angélisme, ni diabolisation, alors si c'est ça qu'ils appellent le "En même temps" je le revendique, mais il faut qu'on puisse poser les termes du débat avec les Français pour qu'on comprenne de quoi nous parlons.
LÉA SALAMÉ
Et alors pourquoi…
OLIVIER VÉRAN
Pour sortir d'un côté des préjugés et des attaques systématiques et de l'autre côté d'une forme de bien-pensance angélique qui peut inquiéter les Français.
LÉA SALAMÉ
Mais alors pourquoi vous rejetez leur idée de référendum sur l'immigration, ce serait trop dangereux ?
OLIVIER VÉRAN
Non alors la Constitution ne prévoit pas la possibilité de faire de référendum.
LÉA SALAMÉ
Ils veulent changer la Constitution.
OLIVIER VÉRAN
Eh bien écoutez ils peuvent proposer de changer la Constitution, je ne suis convaincu que ce n'est pas le sujet, de la même manière que je suis convaincu que le sujet n'est pas de sortir des traités européens ou internationaux comme ils le proposent. Ce n'est certainement pas ça, par contre je vous dis qu'on puisse en débattre pour dégonfler un certain nombre de problèmes mais aussi être capable de reconnaître qu'il y a des choses qu'il faut qu'on améliore et qu'on renforce. Ensuite j'appelle moi la gauche à faire ses propositions, j'appelle la social-démocratie dans notre pays comme elle est capable de le faire dans d'autres pays européens à se saisir de ce défi et à dire voilà ce que nous on propose pour répondre parfois à l'inquiétude des Français ou parfois aux besoins des entreprises etc.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 mai 2023